Hanté par les fantômes, Zephyr, voilà ce qu’on est. Les fantômes de ce qu’on l’on voudrait être, de ce que l’on pourrait devenir s’il n’y avait pas toi dans l’équation. La figure essentielle, celle qui a toujours régit tout. On a longtemps sauté à pieds joint dans les plus grandes flaques pour avoir ton approbation, escaladé les plus hauts arbres pour se sentir vivre sous la fierté de ton regard. Un dernier n’existe que par le consentement du premier. Ce serait terrible s’il n’y avait pas de l’amour là-dessous, l’esclavage qu’on s’est affligé serait terrible s’il n’y avait pas toi dans l’équation. On tombe sous le charme du bourreau, on l’aime d’un amour sans limite, un amour qui ne vaut pas celui de ceux et celles que tu fais gémir dans ton lit. Oh si, c’est peut-être terrible au final : tiraillé entre le besoin d’être et celui d’exister, on avait décidé que tu devais passer en premier.

Ce soir encore, il marche avec ses fantômes Judas. Ses sept péchés capitaux qui le colle et le dégrade.

Colère d’être ce second rôle qui n’a jamais rien
Avarice de conserver le privilège d’être ta constante
Envie de détruire ton royaume pour en être le roi
Orgueil de croire qu’on vaut peut-être mieux que toi
Gourmandise d’être solo autant que duo
Paresse de mettre les sombres desseins a exécution
Luxure interdite qu’on fantasme la nuit sans le dire

Ce soir encore, il marche avec ses fantômes. Ce soir encore, il jette sa serviette sur son épaule, repousse au plus profond du cœur les pulsions maladives de l’adolescence et pense, pense avec sa tête Judas. Logique implacable, on était deuxième et ça signifiait bien quelque chose. Logique froide qui fait accepter sa condition, reconsidérer ses positions sous un angle moins douloureux. Ce soir encore il pousse la porte de sa chambre, grande, mais pas assez pour ses ambitions. Parce qu’on aimerait être ton égale, te rejoindre sous le drapeau trois-étoiles. Mais coincé au chiffre deux, on l’est encore. À croire que le deux était indissociable de sa personne.

Gravis les escaliers comme chaque soir, abuse de son privilège d’être ton second pour toucher du doigt le luxe auquel il n’a pas encore le droit. Un jour, Zephyr, tu verras. Un jour, il ira faire du deux un trois. Pour le moment ça ne lui est pas permis, mais il te rattrapera. Pour lui, comme pour toi. Parce que c’est terrible, tu vois, il veut autant de prendre de haut qu’il veut tes félicitations. Se démène depuis ses premiers pas pour marcher dans les tiens, jusqu’à s’être fait graver la peau à l’encre pour ne pas trop marquer vos différences.

« C’moi. »

Un coup sur la porte, celui habituel. Entre sans cérémonie, son nécessaire de toilette calé contre la hanche, il aurait traversé le dortoir en caleçon si ça avait été permis. Balaye du regard le reste de la chambre, toujours avec cette même habitude de se projeter, de dire qu’un jour, on aura une telle surface rien que pour soi. En attendant, il remarque que tes draps sont propres en plus d’être plats.

« Tien déjà mardi et personne dans ton pieux ? Tu te sens pas bien Fi ? »