le visage de sa mère lui revient comme une surface ondulée, floue, lointaine. elle a connu ses bras, les bisous sur le front et le "je t'aime" d'une petite voix.
ils avaient fui l'académie dès les premiers signes — gwen était rentrée après que ses camarades se mirent à tousser, les uns après les autres
les profs étaient formels ils avaient vu le nuage se dégageant de la petite, sinistre, l'un d'entre eux est encore allité. en quelques jours ils étaient dans une nouvelle région, en plein hiver, un petit chalet avec un joli feu de cheminée. plusieurs années s'écoulent sans accident gwen se retient gwen tasse le feu de la cheminée de son tisonnier mais sent son cœur s'embraser
((pourquoi moi))
((pourquoi doit-on fuir))

puis un jour elle s'énerve un peu trop fort elle dit à sa mère que ce n'est pas à elle de se cacher, que ce n'est pas normal, qu'elle ne devrait pas avoir honte

quelques minutes trop tard.
elle se souvient que son père rentre quelques minutes trop tard, qu'il pousse un hurlement en voyant gwen en pleurs et sa mère à ses pieds crachant de tous ses poumons la fumée qu'elle a inspirée
((je ne voulais pas je le promets))
mais la gifle retentit sèchement sur sa joue, le père prend la mère dans ses bras et ils vont à l'hôpital en la laissant seule, le feu de la cheminée plus ardent que jamais
son père revient trois jours après pour lui dire que sa mère va survivre —qu'une pneumonie est sans danger si traitée
elle ouvre la bouche pour s'expliquer, s'excuser, promettre de ne jamais recommencer

quelques minutes à peine
des étrangers passent la porte et emmènent gwen, en quelques minutes à peine

elle entend son père, au loin, murmurer que c'est pour ton bien
sans qu'elle ait jamais pu dire
((pardon
je suis désolée))