And the nights are drawn out long And you're kissing to cut through the gloom With a cough drop colored tongue –

Ce soir – c’est la haine, sans timbre – elle a lâché ses cheveux et déboutonné les premiers jalons de son horrible affection – elle voulait se faire belle pour toi, caprice, pour pouvoir mieux te cracher à la gueule tout son amour abominable –

ô bien sûr, tu te moques – tu te moques toujours d’elle, avec ta foutue sincérité, ton venin sans avenir de proscrit qu'on a déjà exécuté ! C’est ce qu’elle aime beaucoup, chez toi – ce qu’elle déteste ; sous les écailles – un feu qui brûle en vain, qui brûle, néanmoins – ses propres soupirs sont roides ; tous lui disent qu’elle est gelée, même lorsqu’ils l'ensevelissent sous les dédales épidermiques de leur tendresse ; même lorsqu'ils l'inhument à fleur de leur peau (ses gémissements algides en bouquets). Caprice – il ne lui dit jamais cela. Il hurle, il l’insulte – avec une égale fureur, profondément vivace, intarissable.
Comme elle envie l’énergie de ton désespoir !

dégage. frappée par la foudre ; félicité – il n’y a que les caprices qui lui font tant mal. Ça lui prend aux tripes, elle a envie de le frapper, ou de l’embrasser peut-être, elle ne sait pas, elle ne sait jamais vraiment avec lui – la tempête sans détour.

« je suis toute seule ce soir » elle lutte, poupée futile face à la bourrasque – son sourire est bardé des étincelles qui frôlent encore son cœur « je vais me sentir seule dans ma chambre... » il stagne toujours au-dessus de ses draps – une brume d’eau de Cologne. « je voulais que tu me tiennes compagnie » passer ensemble le long de cette nouvelle nuit de misère « je te promets que je serai gentille... » elle fait un pas au-devant du tonnerre – regarde-la bien « pour de vrai Caprice » elle penche la tête sur le côté, tend la joue à l’orage « on dirait que tu es tout seul toi aussi pour cette nuit, alors qu’est-ce que ça te fait ? on pourrait »  se bagarrer ou s'aimer à mort, il y a tant de choses qu’ils pourraient faire rien que tous les deux – « passer un peu de temps ensemble. Et puis j’aime mieux ta chambre que la mienne » parce qu’elle ne sent pas l’eau de Cologne ; plutôt les éclairs et  le désespoir « je veux rester avec toi ! »
Les misérables.

And the nights are drawn out long And you're kissing to cut through the gloom With a cough drop colored tongue –

Mais oui, ça ne vaut rien ; elle passe sa vie à jeter sa parole au hasard des désirs d’autrui – elle sacrifie sans regret son verbe au fond des gorges, engage sa langue aux phrasés cave des fidèles – ce n’est rien, rien rien ; ce qui fait sa valeur, c’est cela, sa vanité facile, qui rend les autres courageux.

Et toi Caprice – évidemment, chacun de tes mots, la moindre particule qui peut choir de ta jolie bouche toujours fièrement et désespérément ouverte à toutes les passions de cette foutue académie, chacun de tes mots donc, existe réellement – quand on t’entend parler, c’est comme si on se prenait des coups, ça heurte, l’air de rien, c’est-à-dire, avec force affliction – tellement vivant, intense, même dans sa haine – la sienne de haine est creuse et desséchée, elle crisse dans les coins, décharnée qu’elle est, juste vaguement inconfortable, et donc sage, et rassurante – peau de serpent.  C’en est rageant tout de même. Comment se fait-il qu’il lui soit si présent, comment se fait-il qu’il ne lui épargne aucun de ses vices, avec une égale fureur dégoutée, il tonne, il prend tout le ciel rien qu’avec ses non-dits – elle se sent tellement petite, écrasée sous le poids implacable de sa répugnance merveilleusement tangible – elle pourrait presque la toucher si – elle tendait la main ; elle en a tellement envie !

« ne le sois pas » gentil. La gentillesse appartient aux silhouettes diurnes qui abandonnent grossièrement dans leur sillage leurs souvenirs à l’eau de Cologne et les spectres malsains de leurs amours néfastes. Elle ne veut pas que tu sois gentil, Caprice, surtout pas – ça serait comme la trahir « vas-y, si tu veux, maintenant que je suis là, tu n’as qu’à te venger ! Profites-en » oh, oui ! insulte-moi, couvre-moi de toutes ces horreurs miraculeuses dont tu gardes farouchement le secret, ravage-moi, allez caprice ! montre-moi encore à quel point tu survis dans ce monde – apprend-moi à former ces terribles mots qui heurtent comme des vrais « vas-y ! » elle rit – ce n’est pas un jeu, c’est la vie « qui sait ce que je vais pouvoir dire sur toi demain... »

il faudra bien que tu comprennes – c’est sa façon de se rendre intéressante – de te supplier de l’aimer.

And the nights are drawn out long And you're kissing to cut through the gloom With a cough drop colored tongue –

Mais n’est-ce pas ça, l’amour ?
N’est-ce pas ce dégout réciproque – certes bien arrangé, enrubanné dans des couches et des couches d’étreintes et de cajoleries vaines – cette répulsion intense qui colle à la peau plus que tous les fantômes de caresse – c'est bien cela dont tu parles caprice, pas vrai ? toi et moi on s'aime bien, pas vrai ?
de jour comme de nuit – la misère est aimable

j’en ai assez d’être dégénéré

et après caprice – et après – c’est pas toi qui décide, ces choses-là, c’est une affaire pour les autres – sa révolte, elle pense – sa révolte est encore si naïve, si innocente –  elle envie cette pureté au monde qui transcende sa poussière – elle sourit, il faut tout lui expliquer à caprice, comment marche l’amour, comment démarcher la haine – heureusement – ils ont toute les nuits pour ça

j’en ai assez d’être dégénéré

mais il y a quelque chose, à l’apogée de ses rejets – quelque chose de pas net – aucune faille, juste un énorme, un gigantesque vide, bien caché sous des montagnes de véhémence – quelque chose qui lui fait peur – pour la première fois depuis vos crépuscules – le doute

« mais qu’est-ce que tu racontes… »

et la voilà qui fait un pas, elle se penche encore  un peu plus au-dessus de l’orage – elle n’a pas peur de tes éclairs – au contraire, c’est l’éclaircie qu’elle craint « qu’est-ce que tu racontes Caprice… tu sais bien que tu n’es pas capable d’aimer » comme ils veulent tous, c’est-à-dire, avec précision et retenue, et tous ces rubans qui l’étouffent, ces soirs où vous n’êtes pas ensemble « c’est pour ça qu’on s’entend bien » et ça tu le sais aussi . Elle veut que tu la rassures – avec tes insultes qui crèvent directement le cœur et laissent des marques si tangibles – bien réelles et plus sensibles que tous les colliers de baisers bleutés qu’elle porte au cou malicieusement – « qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? qu’est-ce qui te fait croire que tu peux aimer normalement comme tout le monde – » elle ne sourit plus, oui, elle commence à avoir peur
peur de ton indifférence
peur de la fin de l’orage
peur de l’aube qui arrive trop vite


elle a soudainement l’étrange pressentiment – que tu disparais là, comme ça, un miracle qui passe – alors la voilà qui se raccroche à un pan de ta chemise, presque timidement – se saisir de l’éclipse, l’arrêter net –  sa joue contre ton torse, elle ferme les yeux – le calme – le calme de la tempête

« ce n’est pas un drame d’être dégoutant caprice » ah caprice – il faut tout t’apprendre. Elle espère que tu n’apprendras jamais « c’est bien pour ça que je t’aime, moi » elle parle tout doucement, comme on berce – des fois que tu finisses par avoir peur, toi aussi.

Elle relève la tête – regarde dans les yeux le tonnerre – s’agrippe un peu plus à la catastrophe – au fond elle comprend pourquoi tu n’en peux plus et c’est vrai – c’est vrai que les belles intempéries comme toi méritent mieux que la poussière de pacotille et la perversion des poupées de son – c’est pour ça qu’elle a peur que tu la laisses, un jour, bientôt…

« embrasse-moi »

l’aube n’est pas si loin.

And the nights are drawn out long And you're kissing to cut through the gloom With a cough drop colored tongue –

Et bien ?

Qu'est-ce donc que ce caprice-là – elle ne reconnaît ni ces tourments, ni ce profil – tout bouffé d'ombres tempétueuses qui collent à la peau comme de l'encre. A ce moment-là – elle voudrait que tu l'étrangles pour de vrai– mais les jolis doigts se contentent de glisser avec une infinité tendresse (toujours la tendresse !) entre les fantômes des amours persistants. Et c'est gentiment qu'il se penche – toujours gentil, Caprice – toujours ardent, et adorable, même lorsqu'il s'agit de laisser au coin des lèvres aimantes un peu de son poison.

« tu recommences à dire n'importe quoi » c'est forcément pour rire – ce n'est pas possible – Caprice ne refuse jamais la désolation ; il ne dit jamais non lorsqu'elle noue autour de son cou la corde langoureuse de leur désordre. Ce soir-là n'est en rien différent des autres – alors pourquoi ? Caprice se serait-il entiché du beau temps ?
Caprice l'aurait-il trahi ?

« arrête ça » et quoi donc ? L'aube est déjà là

« Caprice » elle rit – doucement, presque timidement – ah, la putain de tendresse, il l'a bien eu, avec ses baisers piégés qui tombent mal ! « ça sert à rien, c'est trop tard – caprice » elle s'interrompt lorsqu'elle réalise qu'elle commence à crier – dégoûtant « tu peux toujours t'en aller, tu sais que c'est trop tard – » on est déjà tout pourri

mais Caprice, et c'est bien cela qu'elle trouve si charmant ! – Caprice se raccroche aux trouées entre les nuages. Caprice est toujours sur le fil, à la frontière de l'orage – les intempéries illusoires de ying yue n'y peuvent rien.

« ne pars pas » elle chuchote – elle supplie, immonde. « tu sais que personne ne t'aimera jamais comme moi »

trop tard – les ombres se repaissent – elle ne voit déjà plus.