Peut-on dire que tu avais une belle vie avant, Norene ? Tu as envie de dire oui mais tu as conscience que la réponse est plutôt un "oui et non". Pourquoi donc ? Qu'est-ce qui a autant pu te plaire que te déplaire dans ton ancienne situation ? Ce qui était bien, Norene, c'est que tu étais entourée d'amour. Tes parents étaient des personnes aimantes, toujours à veiller sur toi et à vérifier que tu ne manquais de rien. On peut même dire que tu étais gâtée. Enfant, tu avais toujours ce sentiment au fond de toi...Ce sentiment que tout cet amour et toute cette générosité n'avaient rien d'anodin. Mais tu préférais laisser ce sentiment de côté pour mieux profiter de tes parents et de tout ce que tu possédais. De toute façon, tu ne pouvais t'attacher qu'à eux,pas vrai ? Vous déménagiez souvent, trop souvent. Tu voyais les lieux et les gens défiler... Rarement, tu avais l'occasion de créer de vrais liens avec autrui. Rien d'étonnant ? D'aussi loin que tu puisses t'en souvenir, ce sont tes parents qui étaient toujours avec toi en dehors de la maison, comme en dedans. Pas d'amis...Pas d'enfants avec qui aller jouer. Pas d'adultes dignes de confiance avec qui parler. Tes cours, tu les avais à domicile. Toute ton éducation, que ce soit en tant que femme à domicile ou en tant qu'élève, tu l'as reçue de tes parents. Tu étais à la fois si entourée et seule, ma petite Norene. Rares étaient les occasions où tu pouvais communiquer avec d'autres enfants bien longtemps. Alors autant tu désirais te faire des amis, autant tu as appris à fuir l'amitié, l'attachement...Car tu savais que tu ne resterais pas.

Puis un jour, tout à basculé et c'est là que tu as compris ce profond sentiment que tu avais enfuis en toi. Ce jour là, tu as vu ses gens arriver chez toi. Tu as entendus tes parents hurler. Tu as entendu ta mère pleurer. "Ne nous prenez pas notre fille. C'est tout ce que nous avons !". Tu as vite compris...Tu as vite compris qu'ils étaient là pour toi, petite fille fragile, en pleurs, incapable de faire quoi que ce soit. On t'a séparé de tes parents...Non...On t'a arraché à leurs bras...C'est ainsi que tu l'as ressenti. Et pourquoi ? Pourquoi donc te faire subir une telle chose ? Pour te mettre dans une académie dont tu n'avais jamais entendu parler. Jamais. Elle était là pour les enfants spéciaux comme toi, ceux avec un alice. Alors c'était ça, cette capacité spéciale que tu avais déjà commencé à développer sous la tutelle de tes parents ?

Tu te retrouvais du jour au lendemain dans un environnement que tu ne connaissais pas, entourée d'autres enfants...Certains ayant vécus la même chose que toi, de ce que tu avais compris...Certains ayant fait le choix de venir...Certains n'ayant pas eut le choix et ce depuis leur naissance. Cet endroit, tu allais y rester, pour une fois...Ou du moins, tu n'allais pas partir de suite. Alors tu as dû t'y faire, toi qui n'avais jamais été entourée d'autant de monde...Toi qui n'avais encore jamais été séparée de tes parents. Tu avais peur. Tu étais triste. Tu ne parlais à personne,même à ceux qui venaient vers toi, te contentant de rester silencieuse ou au mieux de leurs dire que tout allait bien. T'as toujours été isolée...Alors comment faire pour changer dix années de ta vie, comme ça, pouf ? Impossible. Pas aussi facilement.

T'es devenue cette camarade qui reste souvent dans son coin...Mais vers qui on peut aller...Tu as bien dû t'y faire, accepter ces présences qui te font finalement du bien. Tu continues de faire ce que t'as mère t'a appris,de t'occuper de la même façon dont tu t'occupais chez toi...Tout en t'ouvrant aux autre...En essayant, parfois. Le passé et les peurs peuvent nous amener à bien des contradictions...