Ce n'est qu'une fourmilière. D'enfants en mal-êtres. D'enfants aux yeux voilés. Ce n'est qu'une fourmilière. D'un millier d'être extraordinaire. Tous si différents. Ce n'est qu'une fourmilière. Où tu aimerais trouver la paix. Ce silence d'or qui n'arrive jamais. Amaryllis. Il n'existe pas ce havre qui n'appartiens qu'à tes yeux orbes clairs. Il n'existe pas ce sommet de montagne enneigé où tu rêves de regarder le monde. Seule. Il n'existe pas ce paradis de silence. Où elle ne viendrait pas à poser un pied. Insistante. Intrusive. Où ses yeux ne pourraient pas croiser la blancheur de ta crinière. Où ses mains seraient incapables de t’atteindre. Il n'existe pas.


Cette utopie irréelle. Qui s’effrite au bruit vagabond dans ton dos. Qu'une seule minute de répit. L'insecte est déjà là. Rampant sur tes jambes dans l'espoir de toucher ton cœur. Tu sens le vent glacial venir mordre tes os. Ou est-ce seulement le son de sa voix. Irritante. Agaçante. Qui vrille les tympans. Brouillant le cerveau. Sa détermination serait-elle proche de la tienne. À tort, elle essaye. Ne lâche jamais rien. Pensant avoir attrapé un bout de toi. Un bout de quelque chose, mais elle n'a rien. Rien de plus que des particules qui s'évaporent déjà. Elle croit avoir un droit, sûrement. Sans savoir qu'on ne saisit jamais la liberté des gens. Tu ne sais pas ce qu'elle croit, Ama. Tu ne voudrais jamais savoir, mais elle ne te laisse plus le choix. Que celui, outre l'ignorance, ressemble à la haine. « C'quoi ton problème ? » un vague murmure. Mordant cependant. Elle tonne, violemment. D'une froideur à l'égale de tes billes bleues.


Accoudée sur la rambarde du toit. Le regard fuyant. Le dos comme seule compagnie. Le bout d'un pied joue une symphonie agressive sur le sol. Soupirant lourdement. Presque silencieusement. Elle n'est pas un soleil, Cassandre. Tout juste un poison mortel. Laissant des sentiments sombres déferler. Provoquant des raz-de-marée. Disparaît. Des mots déjà prononcés. Qu'elle n'arrive pas à intégrer. Sans comprendre pourquoi. Et tu sens cette colère croître face aux jours qui passent. Tournant finalement ce regard de dégoût à sa rencontre. « On parle pas la même langue peut-être ? Ou t'es seulement demeurée ? » mauvaise langue. Acérée. « Tu veux quoi hein ?! Être amie avec tout le monde ?! Tu veux qu'on t'aime ?! » un léger rire, sarcastique. Mauvais. « J'sais pas si tu vis dans un monde de bisounours, mais je vais t'apprendre un truc : y a des gens qui veulent pas te connaître. Qui n'en ont rien à foutre de ta gueule. Et j'en fais partie. C'pas assez clair pour toi peut-être ? » fatiguée. D'être confrontée à l'égoïsme des autres. Au sien qui ne cesse de grandir. Qui ne cesse de passer outre tes désirs. Elle veut être proche de toi sans écouter tes envies et ça t’écœure profondément. « Tu comprends pas quoi quand j'te dis de dégager ? J'en ai rien à foutre de ce que tu veux, qu'on soit bien claire. Ne m'imposent pas tes envies, t'en as pas le droit. » ferme. Le son de ta voix n'attend aucune réponse. Tu es dans ton droit, Ama. Tu ne le sais que trop bien.

Symphonie de cailloux. Ils roulent sous une chaussure agacée. Qui rêve probablement de s'envoler. Pour venir frapper ses traits. Symphonie de cliquetis. D'un ongle qui massacre un morceau de fer. En vain. Elle cherche la paix. Tu cherches la solitude. Elle cherche un terrain d'entente. Tu cherches son silence. Le silence comme seul ami. Comme seul rempart. Contre l'être humain en décomposition qui se voile derrière les traits froids. Comme seul Eden. Contre les secrets, les obligations. Elle est bienheureux. Cette imbécile. « T'es pathétique. » souffle vide. Amer et tranchant. Pathétique. C'est le seul mot qui veuille bien la définir. À cet instant, tu plonges tes iris assombris dans les siens. Elle n'aura jamais ce qu'elle désire. Ce qu'elle sous-entend. Ses envies te rebutent profondément, Ama. Brièvement pourtant, il se perd. Dans l'immensité de cet endroit. Dans l'infini de ce monde. Soupirant bruyamment. Une main s'évade, crispée, dans la chevelure nivéale. Balayant les mèches rebelles. Entreprenant soudainement un mouvement. Franchissant la distance qui vous sépare. Celle que tu crèves qu'elle respecte un jour, cette pimbêche. « Bien admettons j'ai un problème, ça te regarde peut-être . Ça te donne le droit de venir me péter les couilles à chaque fois que tu le peux . Ça te donne quoi que ce soit ? Rien. »


« Je te déteste. » un murmure. Si proche d'elle. Plongé au plus profond de ses iris. Ils viennent du cœur. Ces mots infâmes. Une simple phrase teintée de tant de ressentiments. « Tu peux espérer qu'on t'aime. Tu peux croire que les gens veulent t'aimer si tu veux, mais ça n'arrivera pas avec moi. » un petit sourire se dessine. Emportée par le sentiment d'apaisement que cette voix vibrante t'offre. « Peu importe combien de fois tu viendras me parler. Peu importe tes efforts, je te verrais toujours comme une pimbêche sans intérêt. Je te détesterais toujours. Tu crois quoi, hein ? Que tu peux me "sauver" ? » d'un pas léger. Presque dansant, tu t'écartes finalement d'elle. Offrant à nouveau ton dos comme seule compagne. Comme seule amie. « Tu n'es rien, Cassandre. Absolument rien. Je sais, c'est moche, mais faut savoir accepter la réalité de temps en temps. » ils résonnent presque comme un conseil. Un conseil de la part d'une poupée vide. À qui il ne reste rien si ce n'est son plus fidèle ami. Le seul qui puisse tout comprendre. « J'crois qu'on en a fini. » et l'ignorance. Parce que c'est tout ce qui reste.
Pour contrer la stupidité.

Les enfants se débattent. Contre les tempêtes. Contre les marées. Contre le temps. Et les adultes qui ne cessent de les rabaisser. Ceux qui ne voient en vous que des choses inutiles et bruyantes. Qui braillent à s'en écorcher les veines. Cherchant cette liberté qui n'existe que dans vos rêves. Et les enfants, Ama, se battent entre eux. Comme à cet instant. Comme maintenant. Cassandre hurle. Entendant ses pleurs dans le fond de sa gorge. Ceux qu'elle tente de réprimer. Ceux que tu as provoqués. Étrangement, ça ne te touche guère. Qu'elle pleure. Elle ne peut atteindre le mur de glace. Elle ne peut pas le briser. Forgé dans l'acier trempé. Des années de combat et de souffrances. Tu as enduré, Amaryllis. Tu as enduré ce qu'un enfant ne devrait jamais avoir à expérimenter. Le dégoût de ses parents. Celui-là même qui guide tes pas. Ils peuvent dire ce qu'ils souhaitent. Que cela ne les touche pas. On voit dans les conséquences de notre passé dans chaque acte. Chaque mot. Chaque partie de nous. Vous ne pouvez le nier. L'être humain se construit à partir de ses blessures. Qu'il finisse par chercher vengeance, par devenir meilleur ou amer, toute fin aura été guidé par son début. C'est immuable.
Oui, c'est immuable, Ama.
L'ignorance comme seule réponse. Elle se tient un moment. Jusqu'à la mention de tes parents. Revoyant vos derniers instants. L'insoutenable sentiment d'être passée d'être irremplaçable à erreur humaine. L'insoutenable souvenir d'un père qui balaye une main fébrile qui ne comprend pas ce qui est arrivé. Ils n'ont pas cherché à comprendre, mais tu n'es pas la seule dans ce cas. Vous avez vos propres moyens d'y faire face. Qu'ils soient bons ou mauvais, ce n'est pas à elle d'en juger. Ressentant subitement l'insatiable envie de lui coller ton poing. Au simple fait que cette chieuse se permette d'être plus stupide qu'elle ne l'est déjà. Posant ce regard animé uniquement de haine sur elle. Franchissant à nouveau la distance qui vous sépare pour attraper violemment son col. Crachant le venin, d'une voix atrocement calme. « J'ai tué mes parents. »


« J'ai tué ma mère d'abord. » elle ne sera plus jamais. « Puis mon père, ensuite. » il ne rira plus jamais. Tu as détruit ta famille, Ama. Et ces quelques mots qui s'échappent de ta trachée transpirent la mort. Déliant ces sentiments brûlants au bout de tes doigts. Ceux-là même qui tendent à finir par l'étrangler. « Alors j'vais te donner un bon conseil, Cassandre. » son prénom que tu haches avec insistance. Profilant le dégoût que tu lui portes à présent. « Fais gaffe à ce que tu dis. Les enfants de cœurs n'existent que dans ton monde de merde que tu t'imagines comme une gamine. Ne cherche pas la merde à plus fort que toi. » détruire des vies. Sans l'accepter, tu as été obligée, Ama. Par cet endroit. Par ces gens. Par ces missions. Dévorer les âmes sans jamais les rendre. Regarder les êtres humains être inanimés au bout de tes lèvres. Ces images t’écœurent. Écrase tout ton être, mais quelque part, tu as appris à survivre avec. À l'endurer assez pour te lever. « J'te boufferais pas toi parce que je veux pas de ton âme dégueulasse, mais ton frère... tes amis... ceux que tu aimes... Est-ce que tu penses qu'ils auront le temps de me stopper avant que j'en ai tué au moins deux ou trois ? » ce n'est pas toi, Ama. Cette femme violente qui se dessine sous ses yeux maintenant. Cruelle et sans états d'âme. Cette femme, ce n'est pas toi, mais c'est ce que cet endroit a créé. « Tu crois que j'ai peur d'être punie ? De mourir ? D'être bannie ? » ce son nasal bref et amusé. Qui s'échappe, sarcastique. « Tu vois... la différence entre toi et moi, c'est que moi je n'ai personne que je pourrais perdre. Et tu vois... c'est ce qui fait ma force. » les doigts se crispent. À défaut de pouvoir la faire taire sur place, son haut se souviendra de la trace de tes doigts. « Retourne dans ton monde. Va faire copain-copine avec les autres. N'oublie jamais que c'est toi qui t'es entêté, que c'est ton égoïsme et ta grande gueule qui mettent tes proches en danger. » sa chaleur quitte la froideur de tes extrémités. Retournant calmement contre la rambarde. Observant tes mains trembler de nombreux sentiments contraires.
Du monstre qui habite derrière tes paupières.