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partie de campagne - anton
Jones Cole
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Jones Cole

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MessageSujet: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyDim 29 Sep - 12:00

il y a une petite chèvre dans ses bras.
en face de lui un bouc l'observe. il surveille de près sa progéniture et ne bouge pas, ne les quitte pas du coin de sa pupille renversée. toussaint a toujours trouvé leur regard torve et inquiétant, plus encore que leurs cornes tordues dans des angles étranges.
derrière le bouc se trouve une poule.
ils sont immobiles tous les trois.
la situation est absurde.

- ne t'en fais pas, je vais te le rendre.

à partir d'ici il ne sait pas bien comment ça va se passer. à vrai dire il était venu pour s'isoler au départ. c'est-à-dire qu'aujourd'hui il n'avait pas eu envie du monde. ni de le voir, ni d'en faire partie. c'est comme ça - parfois le monde est trop grand, trop méchant ou trop triste, alors on trouve des subterfuges pour ne pas y participer. n'importe quoi et où, pourvu que ce soit loin de ce qui évoque le nombre, le mouvement social, une grange par exemple ; une grange dans une ferme. et puis un chevreau.

- je voulais juste - le chevreau lui adressa un regard dubitatif. je voulais juste lui dire bonjour.

dans la paille sous les combles, là où le jour filtre à peine, et où les animaux et leurs exhalaisons l'observaient tous curieux. dire bonjour à une chèvre, esquiver le soleil. peut-être qu'il aurait mieux valu la forêt avec ses arbres bleus. mais c'était sans doute son éducation judéo-chrétienne, l'imagerie du divin enfant à l'étable et son auge emplie de foin, qui avait dans son esprit conjecturé quelque chose de beau. ou au moins de paisible. toussaint était naïf. deux ou trois poules inconnues surgirent, puis il en vint cinq, puis dix. confus et gêné par l'agitation du cheptel, il les observa avec détresse. elles se mirent à pépier en cœur autour de lui. le chevreau le frappa au menton d'un petit coup de tête opiniâtre.

cette singulière séquence lui rappelait comme il songeait parfois à partir s'exiler à la campagne, dans une retraite agreste que fantasme de manière inévitable tout citadin en burn-out. il songea au caractère vain de ce rêve, à son idiotie ; à son cruel manque de connaissances en permaculture ou en nourrissage d'animaux. non vraiment, mieux valait pour toussaint, ressortissant suburbain, se concentrer sur ce qu'il maîtrisait le mieux. c'est-à-dire son sabordage, l’élaboration de son beau malheur. à ça il savait réfléchir en des termes techniques - comme un menuisier à son meuble.
il déposa la petite chèvre par terre.

on ne pouvait se soustraire au monde qu'un certain temps. il revenait toujours sur le pas de la porte. celle de la grange s'ouvrit.


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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyDim 29 Sep - 16:13


provoquer quelques entailles à l'idée qu'on se fait des hommes
c'est une force singulière qui l'a mené jusqu'à devant la grange, et l'a maintenant immobilisé devant, honteux de s'introduire dans la bulle de quelqu'un. ça ne lui arrive jamais ce remord parce qu'il possède la certitude enfantine qu'il ne faut jamais être seul quand bien même l'on s'isole volontairement, et que même dans le simulacre de silence il y a un réconfort de tourner les yeux et voir une autre silhouette.
pourtant il n'arrive pas à pousser la porte. il fixe les planches vieillies et écoute (c'est bien la seule chose qu'il sait faire) sans un bruit cette vie grouillante à l'intérieur : c'est la petite flamme de toussaint qui l'a attiré jusqu'ici. attendri par la maladresse qu'il semble reconnaître, ses lèvres se muent dans un sourire ravi d'amour bénin - qu'est-ce qu'il aimerait voir le trois étoiles s'agiter entre divers animaux !

anton a toujours aimé la ferme. plus tard, il rêve de tranquillité et de champs à perte de vue, il rêve du bruissement du vent sifflant sur les épis de blé. après avoir vécu au moins vingt-ans condensé dans une école trop petite pour la grandeur de ses élèves, il s'imagine à l'écart du monde, là où il n'y a pas de regards à croiser. il tripote timidement le pli de sa manche et se décide enfin à pousser la porte grinçante. faisceau de lumière rectangulaire, son ombre se dessine immense, dévorant l'intérieur.

le voilà meurtrier du silence puisqu'il vient de casser la quiétude.

l'amour qu'anton porte à toussaint est indescriptible et il possède la seule certitude que s'il le pouvait, il aimerait passer le reste de sa vie avec lui. pourtant quand ses yeux se cognent à ceux de l'autre, il est pris d'un manque d'air soudain et craint l'erreur plus que tout. toussaint est sublime, anton en reconnaît sa beauté ; lui qui se démène difficilement avec les mots, il pourrait trouver la force de les mettre sur les traits ciselés par la vie de son ami.
pourtant il est silencieux. il n'ose pas ouvrir encore les lèvres, car il a peur de tonner trop fort. salut. comme d'habitude, il ne peut pas échapper à son propre bruit : sa voix casse sans assurance l'aura de la ferme. elle la fissure. il observe les poules et s'approche sans crainte d'une, la saisissant sous les pattes pour qu'elle repose sur sa grande main. il la caresse doucement de l'autre, la lovant contre sa poitrine. tu veux la caresser ? à défaut de pouvoir faire face au vide qui les sépare, il peut ériger un pont artificiel entre eux. pendant quelques minutes au moins.

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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyLun 30 Sep - 19:23

il devine la silhouette de celui qui entre, trop grande pour l'espace qui l'engouffre. il sait qu'elle va s'approcher penaudement et apporter à lui toute la densité sa chaleur. là, anton va se frayer un chemin dans la paille et les cuis-cuis contenus dans quatre murs de bois. il va venir près de lui, et il va lui parler, et à cette perspective toussaint sourit, parce qu'il est content. de simples liens de cause à effet qui vous rappellent à l'existence, et à ses quelques conjonctures agréables ; à sa curieuse douceur qui la rendent endurable.

- salut, il répond en retour. il rayonne et n'en cache rien.

c'est parce que la voix de son ami déchire les tentures du silence quand elle claironne. elle occupe tout le vide et s'y heurte avec une attendrissante brutalité.

toussaint observe la manœuvre de capture d'une petite poule blanche. son assurance et son doigté l'impressionnent. il ne peut s'empêcher de rire de bon cœur, juste un éclat, en la voyant ainsi pelotonnée contre le grand garçon, frémissante comme peuvent l'être les gallinacées, disposée tout en confiance sur le torse de son attrapeur. sans doute anton est-il fait du bois des fermiers, qui savent venir aux bêtes sans les affoler, imposer leur joug serein et calmer leur trépignement.
toussaint écoute la proposition et puis son expression change.

à présent il paraît neutre, incolore. il considère le jeune homme, debout devant lui, à quelques centimètres, puis regarde les plumes pâles, un peu terreuses. il ne dit rien et avance sa main prudemment. elle se fige dans l'élan, une seconde durant, suffisante au blond pour regarder encore anton, dans les yeux à présent, et récupérer au fond de ses pupilles assez de tendresse pour recolorer son visage. un peu comme s'il revêtait sa lumière. après quoi sa main reprend son geste et enfin touche l'animal.
il sent la respiration longue, traînante.

- je vois ! dit-il. c'est comme ça qu'on respire quand on est heureux.

il écoute battre ce petit cœur de poule, puis porte son autre main à sa propre poitrine, pour le jeu, la comparaison. mais son pouls à lui bat différemment. comment expliquer alors son transport présent, sa joie au milieu du fourrage ? les hommes et les oiseaux n'ont pas le même souffle, assurément. il caresse le minuscule thorax qu'on lui présente et qui ne bronche toujours pas.

les deux adolescents se tiennent encore à distance l'un de l'autre, reliés par un plumage, une créature fragile sur laquelle se figent leurs peaux au contact encore impermissible. qu'est-ce qu'il faudrait alors pour qu'elles se frôlent, qu'est-ce qu'il faudrait, toussaint n'en sait rien ; la question n'est pas là. pas maintenant.

- je suis venu chercher des œufs, annonce t-il avec solennité.

il ne peut garder longtemps son sérieux - il est pris d'un autre rire, un rire qui porte, comme la voix d'anton lorsqu'il ne sait la contenir, et qui ricoche partout ; même au-delà de la porte entrouverte.

il n'a pas eu tort en venant ici, en choisissant la grange, en choisissant le calme. rien de ce qu'il est venu chercher ne s'y trouve en vérité. mais puisqu'il sent s'élever en lui cette vague qui emporte, dans son sillage, le poids du monde, peut-être qu'il ne faut plus le fuir ; peut-être qu'anton peut le recueillir dans sa paume comme il recueille les oiseaux. il fait cela si bien.


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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyMer 2 Oct - 0:37


provoquer quelques entailles à l'idée qu'on se fait des hommes
toussaint est une des rares personnes avec qui il réussit à conscientiser son amour. sa famille est une évidence, sa joyeuse troupe de bras cassés aussi, mais toussaint est un être d'un monde tout autre, issu d'une sphère qu'il n'aurait pu envisager fréquenter sans le lien académique. s'ils venaient à devoir disparaître l'un pour l'autre il sait déjà qu'il n'aura peut-être qu'à chercher son nom sur internet et se rassurer, se promettre de ne pas l'oublier.

toussaint est immense et pourtant à aucun moment il ne se sent diminué, disons plutôt que cette grandeur l'incite à être entier et à s'extasier par de grands sourires d'habitude difficilement arrachés. anton n'a pas besoin de mots pour être touché par son ami, visiblement il ne suffit que d'un regard - d'une oeillade d'une bienveillance exquise pour être secrètement transporté et tirer une risette béate à son tour.
anton qui ne se soucie que de l'amour qu'il donne habituellement se demande égoïstement s'il est le seul à recevoir cette affection toute particulière, ce zèle sans retenu qui fait que dès les premières secondes, le soleil s'habille de son plus bel éclat. yeux dans les yeux, il prolonge l'étreinte de leurs iris en ne les détournant pas. il accueille la chaleur de toussaint en son sein pour pouvoir s'en remémorer plus tard quand il fera froid et triste. il lâche le contact visuel quand l'autre approche sa main pour effleurer les plumes et l'observe faire. imprime le mouvement de ses doigts, entend le frottement de chaque lames contre la pulpe tendre des doigts. il suit toujours le mouvement jusqu'au coeur, et reste silencieux, religieux face au rite plein d'amour. le souffle de la volaille est tranquille et il se concentre pour attraper au vol sonore la fréquence de celui de toussaint. toi aussi, tu souffles comme quelqu'un d'heureux je crois. il énonce tout simplement. ton coeur aussi bat comme les gens qui n'ont rien à... il lui manque le mot, il le cherche en tournant un peu la tête pour accrocher un détail de la grange. du foin au sol. rien à craindre. il recommence à sourire tout seul, sans regarder toussaint.

il aimerait reposer la poule pour s'approcher des chèvres mais puisque le seul empereur de ces lieux a décidé de garder ses phalanges enfouies dans une douceur animale, il continuera à venir câliner sa nouvelle amie. des œufs ? même quand toussaint rigole, il ne saisit pas la blague si c'en est une : il est doué d'une naïveté candide qui lui fait croire tout ce qu'on lui dit. mais l'heure de ponte est passée depuis longtemps, pourquoi est-ce que tu veux des oeufs ? il faudrait euh... il réfléchit un instant. contacter la personne qui s'occupe des poules... je ne sais pas comment on fait... il berce maintenant une mine inquiète dont il ne se dévêtit pas, vivement touché par la cause énoncée par toussaint : si cela lui tient à coeur, s'il a fait tous ces efforts pour venir jusqu'ici, il lui faut l'honorer en l'aidant dans sa quête.

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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyVen 4 Oct - 3:10

rien à craindre, dit-il après réflexion, cette petite suspension du temps où tout accroché à ses lèvres toussaint attend qu'il mâche et consomme sa pensée. anton marque toujours un arrêt lorsqu'il cherche les mots les plus doux qu'il connaisse, et toussaint lui sait cette clémence, ce soin particulier. à cet instant la voix d'anton n'est pas un cri, elle est sereine et ne couvre presque pas la clameur des bêtes, affairées à quelque besogne de bêtes, tout autour d'eux. ainsi le blond sait qu'il est en confiance, à la bonne place ; qu'il peut esquisser tous les mouvements et tous les rires sans que rien ne paraisse étrange ou déplacé. c'est peut-être ça, le vrai pouvoir du bucolisme : toussa pense à cette blague sans la faire parce qu'il sait qu'anton n'en percevra ni le non-sens, ni la tonalité.

évidemment il revient aux œufs. il lui parle des heures de ponte, de la personne qui s'occupe des poules,  de ce qu'il pourrait bien faire pour s'en sortir, déconcerté qu'il est de voir toussaint se croire à pâques. extatique en silence, le trois étoiles l'observe incrédule et ne l'interrompt pas. qu'il s'épanche encore ainsi autant qu'il veut - il manque trop, à ce monde, ces élans-là, cette fièvre de ne pas comprendre, ou de comprendre trop, de ne vouloir que les merveilles et les mots tous nus. dans le souci qu'anton se fait pour les désirs farfelus de son ami se reflète le tréfonds de lui-même, de sa sincérité. et sa candeur  époustoufle toussaint, qui réalise, avec un une bouche grande ouverte de félicité, qu'à cet instant anton est à couver, anton est à aimer, plus que ces œufs auquel il prétend vouloir donner la chasse dans cette grange étonnamment chaleureuse. alors, et c'est étrange - il tend vers lui ses bras, ouverts en arc de cercle plus grand que son sourire, s'approche inconsidérément -

puis tout d'un coup s'arrête.
il n'y a plus entre eux qu’un ou deux centimètres, cette distance mi-franchie qu'un bout de peau, un frôlement aurait suffit à tomber comme un mur. toussaint s'était imaginé pourtant, le geste et sa portée, le goût de l'étreinte. mais il ne put s'y résoudre. l'arc de cercle se casse, les mains frémissent au bout des doigts. c'est dommage. peut-être un peu triste, aussi. mais il faut se ressaisir. alors à la place, il intercepte la poule que son adorable ami cajole encore, la ramène à son torse un tout petit instant, et puis doucement se penche et la dépose à terre derrière eux. c'était là son intention depuis le début - c'était son intention, n'est-ce pas ? il ne l'a pas touché dans l'action, pas une fois.
la courbe du sourire de toussaint est légèrement brisée. c'est presque imperceptible.

il ne peut pas le prendre dans ses bras.

- j'ai changé d'avis.

à leur alentour les chèvres s'agitent. l'une d'entre elles, la plus petite, folâtre entre les jambes des deux garçons, l'un après l'autre. fatiguée de son jeu, elle tombe aux pieds d'anton alors que toussaint lui formule son nouveau vœu.

- dehors il y a un verger. c'est la saison, tu sais… la saison des citrouilles.

il parle de légumes mais pense à d'autres choses ; à ses élans brisés ou à la forme de son cœur. il est troublé mais le calme ostensible régule tous ses traits. c'est comme ça que toussaint passe pour heureux, le corps stoïque et sans ravages, le visage lavé de toutes ses ombres. son immense savoir théorique des sentiments ne peut trouver d'exutoire, parce qu'il est impraticable, infranchissable. pas comme les petites palissades, autour du verger, où il voulait qu'anton l'emmène. ou plutôt - où il voulait qu'ils aillent ensemble.

- tu viens voir avec moi ?

de toutes façons, il avait toujours préféré aux œufs les cucurbitacées.


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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyDim 6 Oct - 20:22


provoquer quelques entailles à l'idée qu'on se fait des hommes
que veut faire toussaint avec ses grands bras plein d'amour ? que veut-il faire en s'ouvrant ainsi en monde, en semblant vouloir accueillir quelque chose tout contre lui ?
de quelle chaleur est-il avide ainsi ? anton ne sait pas quoi faire. il reste immobile, tendu contre sa poule - il est déjà occupé avec un autre être, n'aurait-il pas été étrange de lâcher le volatile pour cueillir à la place toussaint avec la même douceur ?
ses yeux sont effarés parce qu'il a le sentiment d'avoir mal fait. il ne sait pas s'il était question de récupérer l'animal ou de l'enserrer lui - l'idée-même fait chuchoter son coeur. qu'est-ce qu'il aurait aimé ! qu'est-ce qu'il aurait aimé pouvoir le tenir tout contre lui, rien qu'un instant, et s'enivrer de son odeur - oui rien qu'un instant... dans ses bras il se serait senti comme ces jeunes amoureuses à qui on tient la main pour la première fois. sûrement se serait-il senti chéri et aimé mais il ne faut pas aller trop loin dans ses fantasmes ; toussaint et lui n'appartiennent pas au même monde, il est question d'être réaliste.

il ne lui suffira jamais, voilà tout.

anton est pris d'une immense tristesse égoïste en à peine quelques instants et sa gorge se serre parce qu'il aurait aimé que ce soit lui à la place du piaf que toussaint lui a pris. tout cela est une vaste blague absurde parce qu'il n'y a aucun sens d'être jaloux d'un habitant de la basse-cour. mais que son coeur se serre, et qu'est-ce qu'il a mal. il regrette de penser à tout cela car ces idées parasitent un instant qu'il voudrait parfait et il ne veut pas inquiéter toussaint. il ne veut pas le faire fuir non plus, ce n'est pas normal de penser à cela après tout alors qu'il est avec olivia et qu'il pense parfois à maximilien.
alors quel est le problème ? pourquoi est-il irrémédiablement attiré par la lumière de toussaint, envers et contre tout ? pourquoi est-il transporté par l'image romanesque qu'il pourrait jusqu'à perdre la vie au nom d'un achille inaccessible ?

anton opine un peu quand toussaint exprime son idée mouvante. il baisse les yeux vers la petite chose bondissante se heurtant à ses jambes puis se reposant tout proche de lui. il met ses mains dans ses poches et en sort quelques poignées d'herbe fraîche pour se baisser et lui donner tandis que son très cher ami parle.

il en profite pour reprendre contenance bien que son ventre soit toujours serré de l'émotion ressentie auparavant. il se déteste. ah oui des citrouilles... bien sûr qu'il veut venir, il se redresse mais son visage est toujours triste. je sais où c'est. il commence à se tourner pour se rediriger vers la sortie et décide de combler le silence sans en avoir le coeur, tout cela pour s'empêcher de pleurer. pourquoi tu veux des citrouilles..? il avance en fixant droit devant lui, les mains dans les poches vidées de son pantalon.

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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyLun 7 Oct - 22:21

il n'existe pas d'exacte mesure du vide, ou plutôt d'unité qui puisse le définir comme ce serait possible avec plein d'autre choses, la tristesse par exemple ; on peut quantifier sa tristesse ou la comparer à un objet de masse et de poids semblable, mais le vide, ce trou que l'on ressent au fond de soi après un acte manqué, cette béance, ne saurait avoir de diamètre. c'est parce qu'il n'est pas tant un trou qu'une absence, un manque vertigineux qui sépare les territoires ; les intrigues de deux histoires condamnées à se faire face sans entrer dans le même confluent. comment faire changer les trajectoires des lignes parallèles ? s'il y avait un endroit, n'importe où, une petite place où elles pouvaient se retrouver ensemble, s'il était possible de faire un isthme entre leurs deux minuscules îles, toussaint était prêt à passer toute sa vie sur une tangente.
mais la géométrie n'était jamais euclidienne avec ses sentiments.

un jeu de gestes et de postures au milieu du foin, c'est peut-être tout ce qu'ils auraient. alors toussaint veille anton, doucement, sans plus de cérémonie. il veille et le voit faire avec l'animal tout petit. il sait comment y faire et c'est indiscutable. anton sait soutenir le regard des agneaux qui l'observent du fond de la cervelle, diriger en silence leurs pupilles satisfaites, avec en son giron des trésors de patience. et à le dévisager ainsi, scrutant ce qu'il y avait derrière une tendresse choisie, toussaint devine quelque chose.

soudain il a pour lui la curieuse intuition d'une mère, le sentiment d'une mère, son infinie dévotion, oui, sa velléité très juste de clamer qu'elle a pour lui tout l'amour : tout l'amour que le monde est incapable de reconnaître, de comprendre ou de supporter. il se sent alors déplacé, pernicieux. mais pendant tout le temps où il voit anton resserrer en lui-même l'inanité de ses propres désirs, il ne peut sentir rien d'autre. cela gonfle en lui comme une culpabilité lourde, plus lourde encore que son impuissance. maintenant c'est trop tard. son affection prendrait sans doute des formes diverses et monstrueuses. monterait tout d'un coup et puis se retirerait comme une marée basse. et remonterait, et repartirait, indéfiniment. quand anton lui répond, toussaint est pris d'une nausée.

il le voit se redresser et s'en aller vers la porte, avec l'air et la voix d'un fantôme. toussaint entend quelque chose se ratatiner dans sa poitrine. il ne sait plus s'il doit le suivre ou tenter de changer d'avis. il veut bredouiller quelque chose, mais sa pensée est trop claire pour les hésitations. à présent s'il veut s'exprimer, c'est seulement haut et fort, ou bien pas du tout. forcément il se tait. forcément il retient en lui la bête famélique, le chien tout décharné de son sentiment. il le regarde couiner et coucher son échine dans la paille, auprès des autres bêtes. c'est bien. c'est là qu'est la place de son amour.

maintenant anton lui pose une question, et sa voix s'est faite un peu plus forte. il ne le regarde pas encore. quelle voix est la plus prompte à se briser en cet instant ? celle qui s'élève pour rien ou celle qui fuit désespérément ? toussaint ne l'a pas remarqué, mais son visage est un peu tordu, blessé. il exprime une souffrance gardée dans son estomac comme un suc destructeur. d'ailleurs son abdomen lui pèse comme une boule de granit, et sa langue lui brûle en lave, en magma désolant. il le rejoint d'une foulée et pose le bout des doigts sur l'épaule de son ami. c'est son dernier effort.

- je voudrais voir si elles sont aussi belles qu'on me l'a dit.

il lui faut bien sourire à cet instant, comme le font les anges un peu traîtres, annonciateurs d'un destin qu'ils savent trop douloureux pour être admis.

- c'est un peu ridicule, j'en ai peur.

il ouvre la porte de la grange et sort, le pas léger, l'air heureux.

- mais si tu veux bien venir avec moi.

cette phrase appelle à une chute qu'il ne trouve pas. il regarde anton encore à l'intérieur, dans l'encadrement. et sans savoir ce que cela signifie, sans rien décider d'autre, il lui tend la main.


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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyDim 20 Oct - 0:42


provoquer quelques entailles à l'idée qu'on se fait des hommes
c'est bien beau ce mensonge banal, toute cette supercherie dont ils s'embaument pour oublier l'odeur âcre de la tristesse : c'est trop beau tout ce spectacle. ça ne ressemble pas à leur simplicité bohème. il veut le regarder droit dans les yeux et lui dire : à quoi bon ? à quoi bon continuer ainsi, quand tous les mots sonnent vides ? à quoi bon quand on se fait du mal en mimant les autres ?

n'y'a-t-il donc pas la possibilité de s'aimer en toute liberté ?

anton a toujours rêvé des sentiments chauds de l'affection mais souvent il ne se reprend qu'une vague tiédeur un peu timide. il veut se couvrir de la tendresse des hommes pour survivre à l'hiver et draper toussaint en même temps avec, pour ne pas qu'il attrape froid. c'est comme cela que ça fonctionnait chez lui, entre sa soeur et ses parents, on riait sans se retenir et on se regardait droit dans les yeux sans avoir peur de faire du mal. car à aucun moment l'harmonie ne peut être dissonante quand elle n'est régie par aucunes lois.

jusqu'ici, il pensait avoir retrouvé un royaume sans préceptes ravageurs et destructeurs. il pensait l'avoir retrouver dans le sourire de toussaint mais il semble qu'ils soient toujours retenus par des non-dits pesants. il s'en veut d'avoir osé penser qu'il pouvait bâtir un empire basé sur la lumière vacante du trois étoiles.

donc toussaint parle sans rien exprimer. anton ne lui en reproche rien, il ne s'en rend même pas à compte à vrai dire. il se dit sûrement que c'est plus simple pour son ami, son très tendre ami, de continuer la vie sans se soucier des remous du coeur. il n'est même pas sûr que toussaint soit agité d'une quelconque manière, et prie son myocarde pour qu'il réussisse à contenir ses maux parasitant.
s'il met toussaint mal à l'aise, est-ce qu'il reviendra auprès de lui ? est-ce qu'il finira par le fuir, apeuré d'avoir conscientiser à quel point il compte pour anton ?
et si c'est le cas, comment fera-t-il, tout seul ? comment retrouvera-t-il un astre comme le blondinet, comme retrouvera-t-il la quiétude des jours où l'on songe très tranquillement au lendemain rêvé ?

il agite doucement de sa tête et continue son chemin et ne se rend pas tout de suite compte de la main tendue.

bien évidemment qu'il se précipite pour la prendre quand il réalise et à peine le contact des deux paumes chaudes et salies par la terre, qu'il se met à pleurer. ce sont des larmes qui disent qu'il est à bout et qu'il ne peut plus se retenir. sûrement au fond qu'ils auraient continué à juste parler du vide qu'il aurait pu retenir dans sa trachée. mais c'est sorti, et il ne peut rien y faire. c'est la tragédie du contact humain : les liens physiques confidentiels poussent à livrer des émotions toutes aussi viscérales. anton est agité d'un soubresaut et il continue à pleurer lamentablement.
il a l'impression d'être un enfant à qui l'on a refusé le sucre de la pomme d'amour. égoïste et capricieux.

il se déteste d'infliger ça, alors il pleure encore plus. il serre très fort la main de toussaint dans la sienne pour s'accrocher à quelque chose et tourne son nez de telle sorte que son camarade ne voit pas son minois enlaidi par les convulsions. c-c-c'est pas grave, c'est bon. il devance ce que toussaint va dire. ce qu'il suppose qu'il va dire. on-on peut continuer...

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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyJeu 31 Oct - 0:10

alors que sur sa main se referme celle d'anton, toussaint est frappé par un lourd contrecoup : celui des émois que l'on a réprimé. par bêtise ou par nécessité, on dévie des élans merveilleux qui finissent dans les murs avec une violence choisie. où vont tous les morceaux que le choc a lancé en l'air ? les oiseaux dans le cœur de toussaint ont le droit d'avoir des ailes parce qu'elles sont belles mais il n'ont pas le droit de voler. leurs mains se serrent, inoffensives couleuvres qui cherchent simplement à ne pas se craindre l'une et l'autre. comme elles ont du mal.

anton brise le silence et se met à pleurer.

toussaint entend. il ressent les sanglots plus qu'il ne les écoute, en son ventre saisi d'une douleur immense, le cœur violacé, oblitéré. tout ce que l'on veut articuler est inexprimable à ces instants terribles, ces instants blessés où le temps s'écoule comme d'une plaie. la minute qui suit passe et le mutile. elle peut aussi bien être heure, et toussaint peut passer sa vie dans cette heure, cette tragédie. il peut ceinturer ses peurs ou suturer sa peine. mais il ne peut rien faire de plus. alors il ne se passe rien. il ne fait rien, il ne dit rien, il ne voit rien. rien définit tout. de sa main libre il cramponne son abdomen qui lui fait très mal, avec sa feinte tranquillité, feuilletée telle du verre, telle un double-vitrage. brise-le. brise-le, s'il te plaît.

- je ne veux pas ça.

dans la grange qu'ils ont quittée même les chèvres se sont tues. les poules ne dodelinent plus de la tête comme à leur habitude. les agneaux se tiennent immobiles. leurs cous à plumes ou à poils sont tendus, attentifs et soyeux, vers les deux garçons qui font route au dehors. ou bien c'est ce que toussaint s'imagine - et nous admettrons que c'est bien le cas - en regardant le visage triste et mouillé de son ami. son propre visage est triste et mouillé. c'est exactement ça ; triste, mouillé, une campagne froide et grise sur laquelle pleure le crachin. le blond ne peut détourner la tête car il se sait trop mauvais comédien. sur ses joues roulent toutes les promesses de bien s'amuser, d'accomplir des choses ensemble, de faire courageusement semblant. son expression pourtant reste inchangée. elle est chevillée à sa figure plus fixement qu'un moule, un loup de carnaval ; fondue dans toute sa peau.
toussaint ne peut tout à fait laisser voir sa détresse.

- viens, anton. nous sommes tous les deux.

il lâche son ventre encore endolori, essuie ses larmes d'un revers de manche plein de foin. il tient encore la main d'anton, ne peut se résoudre à la laisser partir, comme si la rupture de leur nouveau lien ferait s'ébranler le sol, se craqueler la surface du monde, pour fendre le sol en deux, sur un abîme. toussaint ne veut plus de gouffres qui séparent. il en a assez de rompre les choses qui se construisent en lui, d'être sans cesse au bord du rebord.

- nous sommes tous les deux, n'est-ce pas ?

il approche sa main inoccupée d'anton qui le surplombe, planté en face de lui. ses doigts gravitent un petit moment autour de son visage pour en capter la chaleur, s'en recouvrir avant de le toucher. les sillons de leur peau assèchent les larmes comme des ruisseaux. celles-là n'iront pas se jeter dans la mer. il prend autant de temps qu'il en faut pour toutes les recueillir - c'est important. c'est important qu'anton sache ; que toussaint ne peut vouloir de sa tristesse.

- donc je voudrais, au moins aujourd'hui, qu'on reste ensemble.

il s'éloigne un tout petit peu, doucement, et tout d'un coup reprend conscience du monde.
autour d'eux la petite ferme respire. le froid encore timide d'octobre qui tombe s'ébat autour d'eux. il faut bien que le jour continue de s'écouler, s'écrouler presque, que les heures, dilatées lorsqu'ils étaient dans la grange, reprennent leur place dans le ciel et le champ. un parfum âcre court le petit pâturage. les herbes folles s'agitent sous leurs genoux. et toussaint en avançant vers le champ tire sur la main de son ami, son doux, tendre ami. il devine déjà l'orange des foutues citrouilles - non, il n'en démord pas - qui dévorera l'espace terne. il veut savoir quelle couleur elles auront, reflétées dans les yeux d'anton.
s'il le faut il les séchera encore.


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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyDim 1 Déc - 2:25


provoquer quelques entailles à l'idée qu'on se fait des hommes
il est si vilain, il est si vilain et intimement persuadé que toussaint reste ainsi par lui non pas par choix mais par pitié face à sa tristesse burlesque ; non anton ne mérite pas, il est si vilain... il ne peut se retirer cette constatation de la tête, à quel point il est un ingrat ami, une ingrate personne à aimer, sangsue d'énergie vitale. il a si peur du froid. sans toussaint rien de tout cela n'a de sens. sans toussaint il ne peut rien faire, et il perd l'équilibre.
il ne lui semble pas avoir autant aimé quelqu'un un jour. mais des idiots qui s'amourachent de lui il en a plein n'est-ce pas, qui s'accumulent à sa porte avec l'infime envie d'au moins le toucher - alors pourquoi, pourquoi le laisse-t-il envahir son espace ainsi ? toussaint mérite mieux que ses larmes, mieux que ces lourds sanglots qui zèbrent le ciel maussade. qui brisent l'atmosphère. pourtant ça ne s'arrête pas, ça continue en lamentations vaines, en soupirs bruyants qui se démènent pour s'échapper une fois pour toute - quel supplice quand anton est persuadé qu'il ne mérite pas les mots qu'il entend, la main qui le caresse, ces animaux quiets qui les écoutent être humains.

anton n'ouvre pas les yeux. il prend tout, accepte tout, et avide de grandes goulées d'air, il ouvre grand ses poumons pour s'offrir à l'air frais de l'automne. et puisque il n'arrive pas à calmer son coeur qui bat toujours trop vite et ses respirations trop hâtives, il s'approche indélicatement de toussaint, et le cajole tout contre lui. il le serre et écoute son souffle pour se caler sur lui, comme on lui a appris à se faire pour quand il doit se calmer. et demain ? et demain, est-ce que tu seras toujours là ? est-ce que tu vas échapper à la réalité ? est-ce que tu vas disparaître pour échapper au désastre de la vie ou justement, pour y participer. et demain, est-ce qu'on pourra être ensemble ? pour qu'il sache à quel point il doit s'abreuver de sa présence, pour qu'il sache s'il doit se consacrer pleinement à l'exercice d'être présent aux côtés de toussaint pour se rassasier au moins durant un temps. et si demain - et si demain ils sont encore là, côte à côte, il peut savourer au lieu de dévorer. et si demain - et si demain ils sont encore là, côte à côte, il peut abandonner la passion pour se consacrer à la douceur.

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MessageSujet: Re: partie de campagne - anton   partie de campagne - anton EmptyVen 6 Déc - 19:01

voilà, il voit les citrouilles.
la brume s'est levée. le sol est meuble. il a bu l'eau de la pluie. les rangs de terre brossée au fauchet s'étalent jusqu'à la clôture qui encadre le rêve. il avance et ses pieds suivent les tranchées qui séparent les plants. voilà, elles sont d'un vert profond ou d'un brun jaunissant. quelque unes sont oranges comme il l'avait voulu. mais elles lui semblent pâles, passées. ce que l'imagination fait du réel est proche de la caricature, avec un goût euphorique pour la saturation. mais une fois devant l'objet on est un peu gêné, trahi. on ne se souvient plus pourquoi on voulait voir les citrouilles. toussaint comprend qu'il n'a jamais voulu voir les citrouilles comme il comprend qu'il n'y a jamais d'aboutissement au désir. sa fin est de ne pas en avoir.

il laisse anton le prendre dans ses bras. et il sait qu'il est alors comme le chevreau de la grange. il est fait pour être tenu, serré. il est fait pour connaître une chaleur dont la source transcende tous les principes et il est fait pour l'accepter. anton trouve sur quel rythme il faut stabiliser la pompe de son cœur et il le met au diapason. il y est presque. il en est si proche.

mais toussaint ouvre les yeux - lorsqu'anton s'est approché, il les a fermé - et brusquement il est saisi d'une révélation qui s'édicte en lui. c'est une révélation qui n'est ni une brutalité ni une fatalité, mais son vif éclat, dans son poumon, le blesse infiniment. il ne peut pas. il n'a jamais pu. il ne saurait pas le faire, ce n'est pas son langage. toussaint se met à trembler. tandis qu'il n'a plus, en cet instant, qu'à répondre de ces lendemains qu'on lui demande en implorant, aucun mot ne franchit ses lèvres si froides, aucun verbe ne peut contenir la substance de sa peur. jamais ce qu'on ne lui a pas appris ne lui avait fait si cruellement défaut.

aujourd'hui et maintenant, toussaint ne casse pas l'étreinte mais s'en détache. il s'y soustrait comme un entier négatif, paraît et disparaît, transparent comme ses yeux dans lesquels il n'y a plus de couleur. aujourd'hui et maintenant, toussaint reste à côté, sur la seuil, à la droite de celui pour qui il y a dans son thorax un mouvement ébréché par la douleur. aujourd'hui - il ne peut que s'opposer aux ondulations en spirale de ce sentiment dont il ne sait pas s'il est une ruine ou une naissance. ça bat en lui. ça bat, c'est sûr. entre caillou et organe mou, pourquoi il ne trouve pas l'équilibre?

toussaint ne veut être ni un caillou ni un organe, il veut être une balle qui traverse et qui ne s'arrête pas au premier mur, une balle qui pulvérise les surfaces et va au-delà des espaces durs. toussaint ne veut pas devenir comme sa mère qui a renoncé à aimer et qui a appris à utiliser, comme son père qui colmate avec des messages automatiques tous les cratères de l'absence. pour la première fois il pense à eux en dehors de son lit, pour la première fois il leur en veut de quelque chose. il leur en veut de ce trou dans son ventre. là dans le creux, le silence, le manque.
un murmure passe le seuil de sa bouche et peine à se déployer.

- je n'y arrive pas, le souffle lui manque sur la fin, à parler de demain.

toussaint presse ses deux poings serrés contre sa poitrine. ses ongles en ont pénétré la pulpe. ce qu'il souhaite ne se peut pas, autant se changer en pierre. il ne regarde plus anton comme il le faisait jusqu'à présent - il en a perdu le pouvoir, la capacité. l'abysse qui se fore entre eux se fore aussi en eux, et toussaint sent que s'excavent dans son ventre de nouveaux tunnels. il a mal.

il s'excuse avec le demi-mot qu'il lui reste au bord de la gorge, franchit la palissade du champ de coloquintes, et au loin disparaît.


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