volubile habitué aux lettres anonymes, avant l’académie c’était une foule énamourée sans visage et impossible à nommer qui suivait hypnotisée et il guidait le vide.

la famille qu’on formait s’élevait au nombre de deux - sa mère et lui - et puis les autres on ne comptait plus. des milles et des cents et des effusions virtuelles de sentiments, le concret effrayant. quand les fanatiques trouvaient leur adresse Nausicaa n’avait pas envie de lire leurs mots. il les trouvait terribles et trop souvent à l'encre rouge.

mais ici c’est différent. peut-être parce que les grilles délimitaient à les fois l’espace et les esprits, c’était plus difficile de se perdre autant que ceux du dehors. alors les égarés qui venaient à lui, il accueillait sans peurs. car c’était ce que sa mère lui avait dit de faire, et il comprenait désormais à quel point c’était important.

attentif, au moindre petit changement. à cette échelle, c’était possible. la présence quantifiable, rend l’absence évidente dès qu’elle avait lieu. et jeudi dernier, il y avait la tienne.

Jasmin, jeudi dernier, il manquait les fleurs
au pas de la porte de Nausicaa,
il manquait toi
et il fallait qu’on sache pourquoi.

il fallait retrouver ta piste et c’était comme suivre les pétales disséminées de bouquets abîmés, écouter les “il parait”, et les “on dit”, on dit qu’on t’aurait vu, par là et par ici. nulle part, un matin tout à coup, comme tous ceux de ta classe. et finalement, il t’a trouvé.
arpente les couloirs blancs interminables, les airs paisibles, compte les numéros ornant les portes des chambres tout aussi blanches, jusqu’à celle indiquée. deux coups sec contre le bois du dos des doigts, il s’était stoppé pour écouter une seconde, vérifier s’il y avait bien de la vie derrière
avant d’entrouvrir doucement, passer la tête,
reconnaît le petit visage au loin, ça le fait aussitôt sourire.
bah c’est là que t’étais, Jasmin ! je pensais qu’on irait aux serres cette semaine, où t’étais passé ?
déchante avant la moindre réponse ; car au cœur de toute cette blancheur il remarque alors, la gaze et tous les pansements qui raccommodent
devine que dessous, ce qui se cache
c’était sûrement du rouge.

pour une fois il ne sourit pas à tout va, Nausicaa.

la lâcheté un instant de songer qu’il ferait mieux de repasser plus tard, et les lèvres s’entrouvrent, et il va le dire pour de bon à voix-haute mais Jasmin
le sourire que tu esquisses semble émerger d’abysses effroyables
alors il n’ose pas l’y faire replonger.

retrouve même le sien ; tu vois, comme ça, on est là pour de bon.
je sais tout, on peut rien me cacher, tu sais bien.
et si Nausicaa voulait savoir où quelqu’un à qui il tient se cachait, alors il suffisait de demander aux plus dévoués qui trouveraient pour lui.

il pousse alors la porte sans fermer tout à fait, avant d’oser s’approcher jusqu’au lit où l’enfant était assis. peine à garder la risette en surface au fil des pas, car c’était mieux voir l’état dans lequel il était. du mal à comprendre, à quel moment les estafilades ? même en jouant à chat au milieu des ronces, un môme ne revient pas à la maison dans cet état. mais c’était naïf de croire que Jasmin était quelqu’un d’intact.
après tout, il croyait en Nausicaa,
et il fallait être un peu brisé pour ça.
... qu’est-ce qui t’est arrivé ?
demande, parce qu’il s’est refusé de fermer les yeux ;
on n’accepte pas aveuglément la foi,
tu comprends Jasmin ?

et c’était si sérieux, c’est si peu le Jasmin qu’on connaissait ; sonne comme des pardons d’adulte confus d’avoir raté un rendez-vous important, ça le fait ricaner gentiment.
mais t’excuses pas pour ça ; j’ai l’air fâché ?
nan, si je te demande où t’étais c’est parce que je me faisais du soucis.
exit la cruauté dont pouvait faire preuve le Père de ses souvenirs ; Nausicaa ne veut pas connaître les fureurs de cet homme qui s’agaçait follement de ne pas voir les fidèles lui revenir.
si ça arrivait, il ne serait pas en colère
mais plutôt triste, enfin peut-être.

ce n’est pas le cas aujourd’hui, alors ses airs sont tranquilles tandis qu’il tire l’une des chaises alignées contre le mur face aux lits, la traîne jusqu’à celui de Jasmin pour l’installer à l’envers auprès de lui. il s’assoit alors, à califourchon et les bras croisés sur le dossier. et à le regarder de plus près, il constate
les éraflures, les ecchymoses ; non vraiment,
c’était trop difficile de leur sourire
même si dessous c’était toi
Jasmin.
... raconte-moi.

désemparé par les chagrins depuis toujours, les larmes lui provoquaient systématiques un certain embarras. c’était comme si tout à coup, toute sa parole, pour peu qu’elle soit la bonne, ne suffisait pas à combler les vides au creux des cœurs. il lui semblait que tous les mots se mettaient à lui manquer, et qu’ils pourraient lui faire défaut à jamais. Nausicaa la lumière d’imposteur, guide à soi et puis nulle part ailleurs.

mais voir Jasmin voler en éclats c’était nouveau. inédit mais pas tout à fait. ce n’était pas des larmes implorantes ni désespérées, comme celles qu’on a pu voir chez quelques dévoués et qui mettaient profondément mal à l’aise. ce n’était rien que des pleurs d’enfant, et il connaissait trop bien. le sentiment de se voir à l’âge de Jasmin, la vision trouble parce qu’elle a toisé l’horreur droit dans les yeux et qu’elle ne s’en remet pas.  

si tu ne peux pas lui raconter,
c’est que tu n’aurais jamais dû voir ça, Jasmin.

il s’était levé sans un mot, décalant la chaise pour venir s’asseoir sur le bord du lit à côté de toi. ça le peine tout à coup lui qui se dit que les choses sont comme elles sont et qu’on accueille tout même le pire, il aurait préféré que tu ne croies jamais en lui si ça signifiait t’épargner ce genre d’égarement. parfois il se demande à quel point les choses auraient été différentes, si on lui avait couvert les yeux et les oreilles à l’enfance pour lui éviter certaines images certains sons. les courriers des cœurs tâchés de sang et les hurlements. mais c’était toujours trop tard que sa mère le prenait dans ses bras.

Jasmin, c’est un peu tard qu’il te prend dans ses bras, comme elle a pu le faire il y a des années, mais il fait quand même. étreint l’enfant abîmé qu’il se réfugie là et cache la tête, il pose ses doigts à l’arrière du crâne et amène en silence,
et sa mère ne lui disait rien,
si ce n’est de ne pas avoir peur,
alors qu’à cet âge, forcément qu’on tremble ;
mais il fait comme elle et murmure aux cheveux sombres.
c’est fini, c’est fini… il peut rien t’arriver ici.
ailleurs, il ne sait pas, et à toi non plus, Jasmin
il ne mentira pas.

mais c’est qu’il n’y a pas d’âge pour connaître la mer déchaînée et parce qu’il s’est déjà retrouvé dans ces flots-là Nausicaa ne flanche pas. se fait digue qui brise les vagues il les laisse percuter le plexus pour y finir pulvérisées ; un bras autour des épaules de Jasmin et une main à la naissance de la nuque il tient bon. on te tient Jasmin, toi et les suppliques. même si ça ronge un peu les plages du cœur d’entendre ces roulis tristes, jusqu’à ce qu’ils s’apaisent il n’a pas lâché.
sans dire un mot, car mis à part je sais
il n’y en avait aucun qui convenait.

et quand c’est fini la tempête il accueille jusqu’aux ondées. il est trop tôt encore pour le beau temps après la pluie Jasmin tu peux rester gris un moment, il comprendra. peut-être que si on lui avait accordé quelques jours moroses Nausicaa y aurait trouvé des débuts de réponse à comment rentrer chez soi. attend-moi, c’était le seul indice que sa mère lui avait offert.
... elle t’attend quelque part.
si la tienne était là, Jasmin, sûrement qu’elle te dirait la même chose
tu ne crois pas ?

mais dire attend-la aujourd’hui ce serait cruel. sans qu’il ne sache pourquoi il sent que ce n’est pas ça que tu veux entendre, ce qu’il faut que tu entendes. les images saintes et maternelles c’est irremplaçable - il chérit les siennes plus que tout - alors les tiennes Jasmin, on n’a pas le droit de les briser. c’est à fleurir de mots soufflés calmement, à même les cheveux bruns.
tout ça c’est pas des prières jetées au vide, c’est pas pour rien. et c’est pas grave d’y croire un peu moins certains jours, ça arrive. tu la verras quand même.
si c’est ce que tu veux, tu la verras.
alors n’en parle pas au passé,
d’accord ?

un frisson terrible qui galope le long de l’échine en entendant ce qui brise le silence ; on sursauterait presque car ça résonnait comme de l’enfance qui volait en éclats. laisse Nausicaa abasourdi, dépouillé du moindre mot à répliquer il ne peut que baisser les yeux pour observer les cheveux sombres de Jasmin qu’il tient encore. est-ce qu’il l’avait tenu assez fort ? le sentiment tout à coup que le môme est déjà loin ;
Jasmin.. ?
comme pour vérifier si c’était encore toi
car il ne sait plus très bien qui est le petit être dans ses bras confiant des matricides à la façon des grandes vérités.

des croyances vaines envers une idole brisée ; en pleurais-tu les morceaux ? les fragments de souvenir qu’il t’a encouragé à tenir, comme des bris de verre Nausicaa les aurait ramassé avec toi pour les placer au creux de tes paumes et t’y faire refermer les doigts. c’est un paradoxe qui le dérange terriblement et il ne comprend pas
pourquoi ça saigne des horreurs à haute-voix.

il défait les bras, lâche pour vérifier si ce que tu dis avait atteint tes regards
lorsqu’il incline la tête pour discerner les iris noirs, c’était désespérément absent.
il avait alors froncé les sourcils, comme pour dire
reviens, Jasmin, je refuse que tu t’égares.
qu’est-ce que tu racontes ?
bien sûr que non, t’as pas fait ça.
et c’était occulter les confessions tandis qu’il sait très bien
qu'à partir du moment où l'on croit en Nausicaa,
mentir, c'est interdit.

Jasmin, pitié
mens-lui.

le fil d'argent des voyages astraux, tendu au cordeau pourrait se rompre ; Jasmin l'âme d'enfant s'en est allée loin visiter les origines, sans même quitter la cage il s'est envolé voir l'auparavant. un pèlerinage jusque là d’où l’on vient et plutôt que de retrouver le couffin, berceau originel : c’était des ruines qui l’attendaient. tient dans les mains la tête des statues, celle de sa mère, disloquée on en parle au passé. elle était comme ci, elle était comme ça. et Nausicaa observe le petit visage à l’ondée calme, qui se trouble à peine lorsqu’il affirme de nouveau
qu’il a commit le plus atroce des péchés.

il comprend, et c’est bien ça qui le fait douter

de la marche à suivre, du rituel à appliquer ;
Jasmin il pourrait te répondre je te crois, et les idoles seraient alors irréparables. ce serait fini, la chasse aux étoiles. adieu le ciel. l’innocence six pieds sous terre, tandis que tu es trop jeune pour le moindre deuil.  et il fallait absolument trouver le compromis pour que tu reviennes à lui sans abandonner ses autels à elle, songe à toute vitesse sous les airs impassibles, rien que son regard agité à bondir d’un iris sombre à l’autre. finit par assurer sans ciller, la voix claire.
Jasmin, tu ne l’as pas tuée.

il fait non de la tête comme si c’était l’idée la plus saugrenue qu’il n’ait jamais entendue, et il fallait que ce soit récité droit dans les yeux pour que les mots filent droit au cœur ; calmement continue. les meurtriers sont sans foi ni loi, pas vrai ? et même quand c'est par accident, c’est un acte si terrible qu’on finit brisé en dedans. ça fait voler toutes les croyances en éclats, et ce pour le restant de ses jours.
ça, c’est la vérité. à pas vrai tu ne peux répondre que oui, et c’est bien pour ça qu’il prend le temps d’évoquer ces dogmes immuables ; ils seront la fondation des siens.
mais toi Jasmin
c'est pas ton cas.
au naturel paisible, des pensées qui font esquisser des débuts de sourire à l’évocation des gestes purs. tu déposes des fleurs au pas de ma porte tous les jeudis, c’est bien la preuve que t'es pas dénué de foi.

c’était utiliser le mystère de toutes les religions pour démontrer que tu n’as pas de sang sur les mains. jouer des non-dits de son alice comme preuve impossible à contredire. prêche
que les pécheurs ne croient pas
pourtant toi, tu crois en moi.
c’est justement si tu l’avais tuée que tu serais pas là aujourd’hui.
alors qu’on n’en sait rien, il contredit,
les versets que tu as prononcé
déforme la réalité pour affirmer
que s’il y avait eu des assassinats
tu ne croirais pas en Nausicaa.

ça peut devenir la vérité, Jasmin ;
il suffit que ça résonne suffisamment fort
suffisamment loin pour que tu l’entendes.

car c’était le propre de tous les cultes d’offrir des images saintes auxquelles s’accrocher, bien que celles-ci soient parfois falsifiées.

à pourquoi l'on ne répondra jamais ; la clé tapie au creux de l’obscurantisme, il vaut mieux laisser là où elle est. on n'invoquera pas, l’insidieuse croyance fanatique qui se nourrit des doutes et du vide pour grandir.
Nausicaa préfère assurer certain que c’était une preuve de bonté.
il y verrait pas l’intérêt. sans foi ni loi je te dis.
irréfutable.
et c’était peut-être les espérances naïves de Nausicaa qui faisait sonner ses mots si convaincus. il avait vu, le culte de son propre Père gangréné par la lie de la société ; et en bon leader qu’il était, il était la pire de toute.

Jasmin, il voudrait croire qu’il sera de ceux qui tendent la main aux bonnes personnes. que le fait que tu fasses naître des risettes au coin de ses lèvres suffise à prouver que tu baignes dans la lumière, et son regard s’éclaire.
toi tu es encore pleins de croyances Jasmin. tu crois en moi, alors tu m’offres des fleurs tous les jeudis. tu crois en toi, et c'est pour ça que tu es sur la bonne voie pour décrocher le rang de major.  

et tu crois en ta mère, parce qu’elle t’attend dehors.
tant que tu crois.

silence, le temps de guetter si la flamme vacille dans tes prunelles ;
son sourire s’efface alors qu’on dit l’air de rien
tu crois que je suis un menteur, Jasmin ?
rien qu’un souffle sur les braises coupables,
car c’était celles qui brûlaient le mieux.

voilà un pourquoi qu’on ne laissera pas sombrer ; que Nausicaa rattrape au vol aussitôt, sans laisser le temps au silence de planer, il répond assuré.
parce que ceux qui déposent des trucs devant ma porte méritent toute la vérité rien que la vérité.
dicte le dogme gravé à même le cœur. car il existait trop de panthéons qui ne faisaient que se tenir là au sommet des vallons, surplombant et grands ouverts accueillent, sans qu’on ne s’y sentent jamais chez soi. où les offrandes s’accumulent, sans que la moindre déité ne rende quoi que ce soit.

Nausicaa n’aimerait pas que l’on vienne à lui pour s’égarer pour de bon. redoute souvent les éloignements ; c’était à ses yeux un risque pour les dévoués de trop prêter attention aux mauvais prêcheurs. ça m’a fait bizarre de pas voir des roses ou des azalées cette semaine, tu sais. la preuve qu’on était passé pour penser à lui. quand j'ai dit que j’étais inquiet, là non plus, je mentais pas.
qui sait ? combien de dangereux illuminés rôdent là-bas dehors. il a vu le jour à cause de l’un d’entres eux, et c’est bien pour ça qu’il prend tout cela au sérieux.
c’est important pour moi de savoir si vous allez bien...
suspendu, le regard au creux des mains, se tait une seconde
avant de lever les yeux si vif que c’était presque acéré.
il faut que je sache comment tu vas, Jasmin.
mais ce n’est pas parce qu’on condamne les reconversions, tu comprends ?
ça me rendrait super triste si un jour tu arrêtais de me ramener des fleurs.

promis, scelle comme à la fin des cérémonies, et Nausicaa sourit tout à coup à l’entendre dire ; à voir Jasmin qui jure de ne jamais s’éloigner du chemin menant à soi. il acquiesce alors d’un hochement de tête, signe la confirmation. comme des versets qu’on dicte patiemment, un à un, aujourd’hui marque
le chapitre premier.
la Famille, c’est l’endroit où tu pourras toujours revenir te mettre à l’abri, quoi qu’il arrive.
où il faudra toujours revenir
quoi qu’il arrive ;
Jasmin, reviens.

cette oraison proclamée sans un mot, la faire exister dans le plus grand des silences, c’était s’assurer qu’elle ne disparaîtra jamais. Nausicaa s’y complaît paisible, car il se dit qu’on était parvenu à garder toutes les idoles intactes. la foi en la Mère et puis en lui ; il songe alors à ce qui manquerait à l’obsécration. les airs pensifs tout à coup, tandis que la tête s’incline.
... j’aime me dire qu’un de ces quatre, avec les bouquets de fleurs, tu mettras un petit mot pour m’annoncer que t’as décroché l’étoile de major.
sourit attendrit, les contemplations à ton nom
je te le souhaite vraiment, Jasmin.
mais pas seulement
et puis, ça me rendrait super fier.

à tisser les lambeaux les coutures sont moins lâches, jusqu’à ce que ça ne se traîne plus et que Jasmin réplique avec autant de certitudes que lui. alors Nausicaa à son tour, se sent plus léger tout à coup. finie la désuétude, les piliers reconstitués tiennent solidement les temples désormais ; il y résonne même des rires.
dis pas n’importe quoi.
il balaie presque l’idée en chassant preste d’un mouvement du poignet.
j'avoue on aurait un peu dit des sermons ce que j'essayais de formuler mais pitié, je veux jamais entendre un oui mon Père ok ?
insouciant, s’amuse des termes d’enfant,
Jasmin oublie ça, c’est bien trop ennuyeux
la religion
ce sera toujours Nausicaa.

et comme il manquait un peu d’indolence dans tes apparences il tend la main pour mettre un soupçon de désordre dans les cheveux sombres ; d'ici à ce que le vent et la forêt se chargent à nouveau des ébouriffements de mèches charbon.
en attendant ta promotion vaudrait mieux que tu te reposes, Jasmin.
il y a tant de choses qui se languissent de toi, là-bas dehors.

était-ce bien sérieux de ne pas connaître les rituels se déroulant à l’abris des nefs ? un immense paradoxe sous les airs désinvoltes, Nausicaa conjuguant le verbe croire à tout va, reste perplexe à la remarque et la balaie comme si ça n’avait aucune importance.
je sais pas, j’ai jamais mis les pieds dans une église,
mais il paraît ouais.
il n’aime pas beaucoup le mot Père lui non plus, tu sais. car c’était Lui qui avait chassé des jardins originels, et c’était tant mieux ; on avait réalisé à quel point ces prairies-là étaient souillées et stériles. laisse tomber dans l’oubli ; on n’en a pas besoin, on peut s’en passer toute la vie. aussi vite qu’on l’a évoqué, Nausicaa se détourne de lui,
s’était levé preste maintenant qu’on s’était assuré que tout allait bien.
alors c’est l’heure de la sieste,
faut que j’y aille de toute manière.

il prend le temps de récupérer la chaise placée à ton chevet pour remettre à sa place dans un coin de la pièce, c’était ramener un peu d’ordre et ainsi faire comme si le chaos n’y avait jamais existé. on ne sait pas si tu as remarqué, Jasmin, mais il faisait beau dehors aujourd’hui. le soleil, ce sera pour bientôt, sois-en sûr. et tandis qu’il s’avance vers la sortie, Nausicaa s’arrête la main sur la poignée de la porte encore entrouverte pour te regarder.
pas de soucis Jasmin, compte sur moi.
adresse un sourire et puis finit d’ouvrir, il était dos à toi à l’évocation des confessions. et bien qu’il n’y connaisse pas grand chose à la religion, il sait qu’elles ne sont pas censées quitter les lieux où on les a prononcé. il te l’a dit ; compte sur lui.
pour les deux prières j’veux dire.
par dessus l’épaule, le regard est complice.
c’est exaucé, t’en fais pas.
et Nausicaa aux derniers volte-face,
fait signe avant de s’éclipser ;

il n’y a pas à s’inquiéter, Jasmin -
ce sera un secret qui restera dans la Famille.