des cailloux jetés pour chasser les charognards là qui plongeaient le bec sans pitié et dépouillaient sa carcasse - jaja a honte
honte de trop avoir la peau sur les os parfois honte de donner envie de picorer et il gesticule pourtant il fait des grands gestes et dit de grands mots pour prouver qu'il est bien vivant, qu'il a pas peur qu'on se bagarre. il voudrait juste que ça se fasse à l'abri du regard il n'aime pas -
il déteste qu'on assiste à ça
jaja pas content c'est pas joli à voir.
la dernière fois qu'il s'est vraiment mis en colère il y a eu de la casse et jaja exècre, le bruit des bris de glace.
comme si c'était un crime d'en vouloir aux autres il aurait voulu qu'on n'en parle jamais, tout garder pour soi et en faire de sales petits secrets
mais c'est qu'il en a certains ici qui rayonnent tellement qu'on n'arrive pas à éviter de mettre en lumière les sombres pensées
et il y a une étoile en particulier qui a révélé au grand jour les ombres planant derrière jasmin.
callista
toi tu sais
tu n'as pas vu mais tu sais et tu devines à quoi ça ressemble
et il était sûr que ça ne te plairait pas mais ça t'aurait encore moins plu qu'il ne dise rien, jaja. alors il s'était dit
va pour les confessions
et on oublie on oublie
on en reparle plus.
et hier il aurait du te le dire
qu'il valait mieux s'arrêter aux mots et y mettre un point juste derrière, parce qu'aujourd'hui ça a suffit - comme de la magie un peu ! il a le cœur moins lourd après le désaveu et peut-être
peut-être que ça se sent ? ça se sent tellement qu'aujourd'hui est un jour sans remous, un journée de mer d'huile et aucune vague à l'horizon
aujourd'hui il a le cœur léger jaja et il se demande bien comment.
toi tu ne demandes pas comment, callista
lorsque jaja croise ta route près des casiers tu te tiens là toute guillerette comme si c'était évident qu'aujourd'hui il ferait beau
quand tu souris comme ça même s'il aime pas trop il te laisser mettre du chaos dans les mèches ébènes, se renfrogne à peine lorsqu'il doit y passer les doigts pour tout remettre en place.
pff qu'est-ce c'qui te prend à venir me chercher après les cours ? j'suis plus un bébé je peux aller au self tout seul !
et il se plante à coté de toi, passe le sac à dos devant lui après avoir ouvert à grand fracas le casier à son nom, il n'a pas de cadenas parce que les garnements s'amusent à glisser du chewing-gum dans la serrure quand il le laisse trop longtemps.
nan aujourd'hui c'était calme, p't'être que le jeudi les gens sont moins bêtes, je sais pas pourquoi.
et il s'attelle à ranger les manuels et les cahiers du jour, dépose tout sans trop de soin il a la tête déjà bien trop pleine pour garder le poids du savoir sur les épaules ce soir encore
et puis parce que ça lui permet d'éviter un peu ton regard
quand tu lui souris trop fort callista, jaja se retrouve à piquer des fards de môme embarrassés.
sauf que t'es là, bien là, et déjà que c'est un peu bizarre il sent ton œillade sur lui et la devine insistante. alors il relève les yeux une seconde, perplexe.
quoi ?
un léger battement, celui des cils et des songes
pourquoi tu demandes ça ?
et un sourcil se fronce.

si - si, toi tu as le droit
mais jaja ne le dira pas - il recueille simplement sur son cœur la chaleur de la confidence sans se douter de sa densité. et bien sûr qu'il voit, bien sûr qu'il sent, surtout, le poids dont tu parles
constate sa presque absence et se souvient depuis qu'il est trop jeune pour passer son temps à ronger de la douleur. ces louveteaux là on besoin d'os moins acérés pour se faire les dents.
et comme c'est farouche, il répond en grimaçant.
mh- fallait pas t'inquiéter de base en fait, j'te l'ai dis trois ou quatre fois même. mais
... ouais ça va mieux depuis.
jaja claque la porte du casier comme si le métal qui résonne pouvait couper court au sujet dans lequel on s'aventure, et il garde encore un peu rien qu'un peu ses mimiques indomptées lorsqu'il se tourne finalement vers toi en entendant l'invitation à se faire de la compétition - et puis
le petit nom.
ouais bah appelle moi un peu trop petit monstre et on passe maximum cinq minutes ensemble callista hin pas plus.
callista
il n'a pas de pseudonyme pour toi car c'est si joli en entier
et là devant toi jaja n'arrive plus à faire semblant d'être sauvage.
dorée comme des effigies à prier callista tu mérites pas les envies de sombre de jaja,
rien qu'en étant tout juste là tu réveilles plutôt le lumineux qui sommeil sous ses airs de garçon à l'encre dans les tons noir sur noir
il y a du soleil sur ses yeux quand tu annonces la météo.
ne le mérites-tu pas après tout ? jasmin veut honorer avec de la gentillesse spontanée, c'est naturel à tes cotés.
et après qu'il ait joué au garçon qui est trop grand pour un peu de folie, jaja abandonne l'expression impassible pour commencer à sourire - légèrement d'abord
tandis qu'il te dévisage sans rien dire tout de suite
avant que ça ne monte d'un coup
la malice bondit de sa cachette et se jette toute entière sur jaja qui arbore une risette espiègle.
t'es venue pour perdre en fait !
et sans plus de cérémonie comme une étincelle, il te passe à coté et s'élance dans les couloirs bondés, jette à peine un regard par dessus l'épaule trop occupé à commencer à courir
pas l'droit à ton alice sinon c'est d'la triche !
non jaja ne sait encore que tu as des secrets
il vaut mieux.

t'es trop lente pour m'appeler, callista !
et jaja est trop candide
malgré du petit ego qui fleurit et fait parfois la mauvaise tête à tourner le dos aux adultes
c'est toujours aussi plaisant d'être encore un peu un enfant.
de filer comme le vent et percer les foules parce qu'on n'a pas encore la taille de se sentir imposant - ça ne fait rien on peut se faufiler plus facilement
semer des rires où l'on va le soleil derrière soi c'est comme valser avec les ombres pour jouer avec les rayons. aujourd'hui jasmin a onze ans et ce n'est pas bien grand mais ça lui va
ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vécu sans se soucier des années suivantes - parcouru l'académie avec callista sans redouter les imprévus au tournant.

passé les portes du self on a perdu le souffle en chemin et jasmin a des vertiges victorieux, s'adosse au mur adjacent avant de t'accueillir à coup de sourire, callista
synchrone à quelques secondes près c'est si facile de se mettre au diapason avec toi. et il inspire, les airs fiers, gonfle les frêles poumons
les joues rendues rouges par la course et toute l'attention que tu portes jaja n'a pas l'habitude qu'on encourage ses audaces.
ouais ouais toujours des excuses ! si t'étais partie avant aussi peut-être que t'aurais gagné et encore !
vouté à prendre appui sur les genoux pour ménager les inspirations il tourne la tête et observe le microcosme qui se presse et se bouscule au cœur de la cafétéria -
le sien rate un battement car il a toujours des visages qu'il redoute de croiser jaja. mais ça ira ça ira
on n'est pas seul et puis on a le droit de faire un vœux
alors une fois qu'il a récupéré un peu jaja se redresse, hisse comme il faut les lanières du sac à dos et fait mine de considérer sérieusement la question
même si dans la tête c'est vite décidé lorsqu'il reporte toute son attention sur toi.
j'suis pas malhonnête je vais pas demander la lune
si tu me donnes ton dessert ça ira très bien - ceux des deux étoiles sont meilleurs.
en attendant qu'il ait autant d'astres brodés sur le col de la chemise que toi callista. si ça arrive jaja s'est juré que tu seras l'une des premières au courant.

lueur sourde des étoiles convoitées, éclairent tout à coup une face cachée des satellites d'ambition de jasmin
ces petites planètes à conquérir qui gravitent tout autour du cœur d'enfant, vers lesquelles on lève le nez de temps à autre
de plus en plus souvent
oh, toi aussi callista ? toi aussi tu espères voir jaja se hisser au deuxième ciel tandis que tu grimperas au troisième ? trois étoiles ça t'ira bien, même si ça rivalisera à peine avec l'auréole de soleil qui entoure ton visage au quotidien. il se demande comment, dis-lui comment tu as deviné ? que l'idée lui traverse trop souvent la tête façon comète moqueuse, elle targue le petit être de briller plus fort
à son âge c'est un secret encore.

il le dirait aux copains qu'on se moquerait,
haha
jasmin qui veut jouer les intellos tout à coup, plutôt que de sauter à pied joint dans la boue lorsqu'il pleut.
c'est un enfant nature, ça n'a rien à faire dans des serres bien ordonnées où l'on fait grandir hors-sol, là où rien ne dépasse et où ça manque trop de terre pour se salir.
et jaja tente de garder le sourire tandis qu'on se mêle à la foule pour rassembler des victuailles sur les plateaux, pensif tout à coup il manque à une puis deux reprises de percuter des épaules - heureusement
heureusement que tu veilles au grain calli'
que jasmin puisse se laisser parfois aller à être pas tout à fait grand
pas tout à fait suffisamment fort encore pour avancer sans qu'on le guide un peu, rien qu'un peu
au milieu de la cage aux fauves.
(le réfectoire)
à ta table
il ne lui arrivera jamais rien
on est même béni des bienveillants, le vœux qui se réalise aussitôt
c'est pas des manières de commencer par le dessert mais elle crève tellement de faim jasmin la mauvaise herbe
qu'il entame aussitôt le repas à l'envers
mange avec les doigts - aujourd'hui c'est du clafoutis aux cerises pour les deux étoiles et il croit bien que c'est son dessert préféré,
avec la crème brulée et les crêpes et puis peut-être aussi les gaufres et les mille-feuilles - ah, jaja
c'est comment la vie à onze ans ?
en entendant le mot "amour" ça manque d'avaler de travers.
y a pas d'amour j'ai pas d'copine calli je t'ai dis !
on trouve olivia très jolie mais elle est déjà tellement grande c'est plus une sœur fleur et puis il y a cosmos qu'il aime beaucoup mais cosmos c'est comme un pote
un pote qui fait battre un peu le cœur ok mais à jaja elle fait des bisous sur la joue c'est tout. elle l'a laissé construire sa maison dans son village sur sa console et ça suffit à son bonheur.
mais ça va, ça va en ce moment je crois, les cours et les potes c'est les mêmes, en un peu plus complexe parce qu'on entre au collège mais ça m'plaît...
il croit
il est pas bien sûr des fois
aujourd'hui le saccharose fond sur le palais mais il y a des jours calli', il y a des jours où ça a un goût gris, fade comme les regards ternes qu'on a quand on voit les insultes griffonnées dans le casier ou les copains qui grandissent plus vite.
(il aimerait bien que son seul soucis
soit de choisir les sucreries qu'il préfère).
et jaja se tait un instant, emmuré de silence il repense
à toi qui parle d'un jour où il pourrait te rejoindre au deuxième étage. c'était comme une petite lumière allumée tout à coup, dont la lueur ne tressaute pas depuis. il y pense il y pense
pour de vrai calli'
il croit
... j'aimerais bien avoir une plus grande chambre cette année.
le dessert de coté, jaja ne sait plus quoi faire de ses mains mais pour parler de ça, on n'a pas voulu avoir la bouche pleine
alors il finit de mâcher et triture distraitement le tissus de l'uniforme au niveau des maigres genoux, le regard un peu bas.
... genre j'aimerais bien, avoir deux étoiles comme toi, voire trois. même plus en fait. pour sortir un peu.
voir sa mère.
c'est vraiment un vœu de gamin ça il a un peu honte.
mais j'sais pas... p't'être ça vaut pas le coup. toi tu trouves que ça vaut le coup d'avoir trois étoiles callista ? pourquoi t'en veux trois et pas deux ?
si seulement on avait des certitudes
quant aux sentiers à emprunter
avec toi c'est toujours sans encombres alors
où est-ce que tu comptes aller, callista ?