Cette année -là s’était encore écoulée comme les autres. J’avais gagné un an, mais mon cœur était resté ce jour où la fièvre avait emporté mon humanité. Pourtant cette année-là, une tempête dévastait mon existence de rédemption.

Ou plutôt une lettre de mon père, trônant sur mon bureau depuis le matin même.

Un unique message, un unique signe de vie après tout ce temps. Le chat de Schrödinger était sur le point d’être révélé. Est-ce que pas mère et ma grand-mère étaient-elles mortes ? Vivantes ? Je n’avais jamais su ce qui serait le pire. Mourir en gardant l’image d’un enfant commettant l’irréparable ou vivre an sachant que leur descendant était un monstre.

Ce matin-là, au lieu d’ouvrir la boîte de Pandore, j’étais sorti.

J’avais enfilé mes gants, mon écharpe et mon trench coat sombre, pour affronter le froid et les démons qui se cachaient dans mon ombre. Je marchais rapidement, confus de la démarche à suivre. Je n’avais jamais été vraiment à l’aise avec les choix, à part quand il s’agissait de m’éloigner d’autrui. Je me retrouvais ainsi un peu par hasard au marché de Noël.

Il y avait du monde, mais étrangement je n’avais pas peur. Presque aucune parcelle ne dépassait de mes vêtements et ma tête était ailleurs. Noël avait toujours cette saveur d’amertume et l’odeur de l’anis.
Ma grand-mère faisait des gâteaux aux pains d’épice en attendant les cadeaux. Elle me les donnait sortant du four, l’odeur des épices me remplissait les narines à chaque bouchée. Je m’endormais toujours avant la venue du Père Noël, mais ces souvenirs je ne voulais absolument pas qu’ils périssent.  
Depuis que j’étais à l’Académie, je n’avais jamais pu retrouver ce goût. Chaque année je déambulais dans le marché de Noël pour retrouver ces poussières d’un bonheur disparu. Inconsciemment, j’avais continué ce rituel encore et encore et ce jour-là ne faisait pas exception. Même si cette fois, j’étais venu pour un entracte.

Choc, effroi. Je me retournais vivement, un bon en arrière. Je crus à une tragédie, mais en reconnaissant cette tignasse, je me détendis. Je soufflais, comme une délivrance :

« Nerissa… Tu m’as fait peur. »

Mon alter ego de magna, au contact tout aussi mortel voir plus. Elle n’était pas du genre à mettre les autres en danger, même si elle était bien trop proches de ses semblables à mon goût. En y pensant, il était même étrange que ce contact fut possible. Je penchais légèrement la tête, et lui demanda :

« Tout va bien ? »

Si je n’étais pas sec avec elle, c’était simplement parce que je savais qu’elle n’oserait jamais s’approcher, et les années ont montré qu’elle était étrangement fiable, même si je ne comprenais pas ses prises de risques. Elle était une âme distante, mais j’appréciais cela.
Dans le tourment de mes sentiments, la nostalgie de Noël pourrait bien me contaminer plus qu’à l’ordinaire.


@Nerissa R. Sullivan désolée pour le retard avec les vacances, je serais plus rapide la prochaine fois !

J’eus un peu de peine à décoder ce qu’elle articulait, emmitouflée dans son écharpe, mais je fus rassuré de sa réponse. Même s’il avait semblé qu’il n’eut aucun dégât, je préférai l’entendre de vive voix avant que les démons ne reviennent. Face à face à ma camarade bien trop curieuse, je me figeai, ne sachant que trop répondre. Au creux de mon oreille, je cru entendre mon père qu’il n’y avait rien à cacher. Je baissais les yeux, quelques peu troublé.

« … Du pain d’épice, j’ai entendu dire qu’il y avait des bougies spéciales cette année. »

Je n’arriverai probablement plus jamais à en manger sans être rongé à l’intérieur, mais sentir peut-être. J’avais besoin de cette quête insensée pour retarder. J’avais besoin d’un peu plus de courage pour combattre la tempête.

Le froid ? Je secouais la tête en guise de réponse Je ne le sentais presque pas ce jour-là, mais peut-être que pour les autres il était glaciale. Tout était relatif en dehors des crises, et j’avais tellement de couches qu’il m’était compliqué de me mettre à la place. Cette fraicheur me donnait un peu de vie. Peut-être voulait-elle se réchauffer ?

« Et toi ? Y’a sans doute des stands de boissons chaud quelque part… J’avoue que je n’ai pas trop regardé de ce côté-là… »

Remarque un chocolat chaud à la cannelle pourrait être intéressant. Je cherchais autour de nous, un point de chaleur et j’aperçue un de ses cylindres métalliques isothermes un peu plus loin. Il n’y avait pas encore trop de monde par on ne savait quel miracle.

« Allons-y ? … Si tu le souhaites hein. »

Je me surprenais à demander sa compagnie. Mais je ne voulais pas penser à ma famille et seul j’aurais fini par m’enfoncer dans mes ruminations. Désolé Nerissa, je me servais de toi. Je te paierais la boisson pour me faire pardonner de mon égoïste.



@Nerissa R. Sullivan Court et super en retard je vais y arriver un jour