In the end, everything is a gag.
M U S I C
♫ I was higher than the nosebleed, I
I turn up 'til my nose bleed, I
blacked out in the black car I,
was trying to feel like a rockstar, but -Cliquetis incessant,
Temps comptant lentement ses heures,
Égrainant une à une les minutes qui composaient ta vie.
L’Horloge ne cessait d’avancer, emportant de ses sonorités régulières le peu de concentration que tu avais de bon matin. Tu n’aimais pas vraiment les jours comme ceux-ci,
où ce maudit papier, monarque tyrannique, te forçait à remettre les pieds à l’hôpital. Monarque aux teintes blafardes, teinté d’encre diffuse ; inscription énigmatique pour taire les démons qui hurlent dans ton crâne. Tu recrachais ta fumée, passablement ennuyé, mouvant tes rubis de l’immense pendule murale qui te toisait. Dame impassible, dirigeant d’une main ferme la vie de chaque être ici. Sonnant leurs heures ; répits comme ennuis.
Toi, t’étais là, la tête dans le gaz, une cibiche coincée entre les lippes. Faisant de ton mieux pour centrer ton esprit sur la musique qui traversait ton esprit plutôt que sur le tintement agaçant du Temps.
La moindre chose devenait épreuve quand ta tête décidait qu’elle n’aurait cure à faire de tes avis. Tes doigts glissaient sur ton portable, montant le volume de ta musique avant de reprendre ta marche, t’efforçant d’entonner.
Entonner pour bâillonner ces ersatz d’émotion, grains insignifiants qui pourtant deviennent désert.
« ♫ 'Cause the bad's been slowly getting worse.
And this fast lane living, it's a curse Better tell me what's your life worth.
I think it's time for a change ‘cause the drugs don't work. ♫ »Ton corps n’avait guère envie.
Que d’y aller. Tu traînais des talons, frottant les semelles cirées de tes rangers à la figure de l’asphalte, expulsant aux cieux la fumée de ta nicotine. A combien en étais-tu? Tu ne comptais jamais ces jours-ci. Parce que tu savais que ton porte-monnaie allait sévèrement te juger de griller tes réserves par agacement et ennui.
« ♫ I couldn't find the fill again,
I Couldn't seem to kill the pain, I
was living in the moment searching for a little serotonin... ♫ »Les pavés se transformaient, route accessible pour n’importe qui, peu importe son état. Tu reconnaissais entre tous les murs singuliers de la bâtisse. Comme si t’y rendre pour reprendre ton cache misère ne te suffisait point, tu étais prié d’y aller pour des vérifications régulières. D’un Alice pompant cette étincelle de vie que tu ravives encore et toujours.
Tu te fiches bien de mourir, tu vis pleinement. Emmerde pleinement ton monde, t’auras aucun regret à clamser au bord d’une route ou comme une merde en trébuchant sur un caillou. Même si entre nous, c’est pas glorieux, glorieux que d’arriver au paradis, la tronche bardée d’ecchymoses pour dire qu’un petit galet de deux centimètres a eu raison de ton mètre quatre-vingt-dix.
La honte assurée, au Paradis comme en Enfer. Tu passais les portes blanchâtres et aseptisées, te dirigeant vers l’accueil pour sortir la paperasse usuelle. L’accord et la lettre de monsieur truc muche t’as pas retenu son nom, les observations de monsieur « uiiiiii » avec la tonalité la plus barbée possible et les cribles de tes professeurs tous défoncés au xanax, se faisant probablement une tournée tous les soirs force de liquider les stocks.
Tu devrais peut-être leur demander de t’en filer un peu, voir ce que cela fait. Les fines lèvres du faciès féminin s’agitaient, sèches, ses mots t’atteignant vaguement, aspiré par l’emmerdement qui émanait de tout son corps.
Oui, t’arrivais pendant qu’elle faisait ses potins avec ses collègues. Oui, t’étais là et tu osais lui demander de prendre son téléphone pour prévenir de ton arrivée à Mr. Yeeeeees, risquant d’abîmer sa magnifique manucure.
Qui à tes yeux était d’un raté incroyable, la ligne blanche de son french à peine droite. Tu opinais du chef, tournant les talons, le numéro du bureau et de l’étage en mémoire.
« Au passage, votre french est ratée sur votre index. La ligne est épaisse et grossière. Vous devriez vous reconvertir, vous avez un talent certain. »Tes commissures élargissaient un sourire acéré, tes pupilles écarlates ne manquant rien de la moue offusquée de la dame qui examinait ses ongles un à un, le plus grand drame de sa vie ayant eu lieu. Ton index venait s’écraser sur le bouton de l’ascenseur où une autre personne y attendait. Tu venais de le faire descendre alors qu’il pouvait quitter la pièce de fer?
Parfait. Et un de plus que t’avais emmerdé. Bon dieu, t’étais lancé en cette matinée. Te perdant de nouveau dans ta musique, tu dodelinais de la tête, fredonnant tandis que tes rubis curieux détaillaient discrètement ton compère de galère.
Une autre tête neige, tu te sentais moins seul. Tu aimais particulièrement son regard, vairon.
Il sortait du lot et de toute cette banalité. Néanmoins le ronron doux de l’ascenseur devint vite quinte de toux chronique pour s’achever sur le souffle d’un poussin asthmatique qui viendrait d’enchaîner trois marathons cigares au bec.
Puis le silence, les vagues lumières chaleureuses de l’ascenseur oscillant. Tu clignais des mirettes, retirant ton casque, pour cogner doucement tes phalanges contre les parois métalliques. Creux. Pas un son. Vous étiez suspendus dans le Temps, au fil d’une plate-forme censée écourter vos galères.
Pas en rajouter.« Coincé de coincé. Manque plus que du Calogéro et on est servis. Tu viens pour un check-up ou t’as juste décidé d’élire domicile ici? »
Tu souriais, taquin, petite tacle au fait que tu l’avais fait voyager d’étages en étages simplement pour pouvoir venir poser tes pieds dans ce cube ferreux. Si tu avais su, tu serais resté commenter la secrétaire. T’avais encore de la réserve pour elle.