les festivités de noël ont commencé et l'académie rentre dans un cycle bien particulier où chacun se complaît dans les illusions illuminées de l'hiver. cela rend les coeurs légers et les inquiétudes des événements récents, obligeant les élèves à maintenir une distance physique entre eux, en sont presque effacées.
orion aime cette transe et surtout en être acteur, il y a une satisfaction immense à voir l'aboutissement d'un long travail acharné, tout comme l'accomplissement personnel ressenti à la fin du festival.

mais il se mêle aussi à l'intérieur même du marché pour déambuler parmi les stands, uniforme et responsabilités à moitié abandonnés pour s'adonner aux achats de divers cadeaux. consciencieux de bien faire, il a fait une liste méthodique au préalable en venant déjà la veille, et repérant ce qu'il souhaitait acheter pour son entourage.
d'abord des paquets de faux rabbits pour chaque major de l'académie, une boule de neige miniature pour penelope, une guirlande lumineuse pour chandra, une bougie pour caprice et faith... il suit méticuleusement le plan énoncé par lui-même, pincement au coeur face à l'éventualité avortée d'un cadeau pour daisy, et ne s'attarde que si d'autres élèves le désirent. prêt à se diriger vers les pâtisseries, orion se fait interrompre par une élève de sa filière qui l'interroge sur le déroulement du marché de noël.
évidemment, orion répond bien poliment, et se laisse caresser le bras quand elle le complimente sur la douceur de son long trench coat porté au-dessus d'un pull de noël laissant dépasser un col de chemise. il lui sourit avec douceur et acquiesce tranquillement à ce qu'elle dit.
avant qu'elle ne puisse lui propose de se diriger vers le stand de chocolats chauds pour s'en prendre un ensemble, la source de son trouble au coeur apparaît comme une tempête. joyeux noël à vous aussi. il sourit et n'attarde pas son regard de trop - ce n'est pas bien. puis la belle lui échappe, non pas qu'il éprouvait pour elle un intérêt tremblant. ses yeux descendent vers le bras saisi et il ne dit rien, se laisse emporter, tenant fermement ses sacs en papier.

il laisse un temps face à la constatation. grand bien m'en fasse. qu'est-ce que vous vouliez me dire à propos du festival ? il ne cédera pas aux émois.

vous ne m'avez toujours rien dit sur le marché. à lui aussi, ça lui sert d'excuse pour la maintenir tout près de lui - cela la force à se confronter à la vérité sans que lui soit forcé de la mettre en face de son crime de curiosité. oui c'est encore une invitation au final, très peu discrète, à ce qu'elle lui dise tout ce qui lui pèse sur le coeur. il n'y a rien d'anodin dans son comportement, dans sa manière d'agir. si elle voulait ne pas être dans une telle situation initialement, elle n'aurait pas dû se trouver d'excuses.

il y a une douleur au fond du coeur à ne pas encore s'attendrir et cueillir ces petits signes d'affection - ou plutôt des preuves tout simplement, mais aussi beaucoup de raison. c'est elle n'est-ce pas ? c'est elle qui lui a dit d'agir avec discernement et en mettant de côté ce qui pourrait les compromettre ? alors pourquoi ?

pourquoi lui faire autant de mal ? vous ne pouvez pas complimenter mon pull l'air de rien, madame. le retour du madame. vous ne pouvez pas non plus me parler de ma vie amoureuse, car vous vous êtes retirée vous même ce droit. et vous me l'avez retiré aussi. abrégez. il est sec et un peu dur, mais il reste correct. il garde ses mains le long de son corps et refuse de céder à une quelconque douceur - son visage est tendu par l'émotion. dites-moi ce que vous vouliez me dire. et il y a tant de réponses à cette question.

abrégez car tout cela est un supplice.

les excuses s'étalent encore et encore, perdurent dans un temps qui lui semble infini. ça fait mal, ça fait si mal. quand daisy déglutit, il le sent aussi - quand daisy a tous ces mots à son égard, toute cette puissance en réalité emplie d'une immense fragilité - et qu'elle lui dévoile ! -, orion se retrouve démuni des bonnes habitudes. elle a avoué ! elle a avoué et maintenant quoi ? maintenant est-il censé la maintenir, soigner son coeur pour qu'enfin tout cela, ce soit du passé..?

il reste un temps et observe en premier lieu les larmes avec une fausse indifférence. ses mains fourmillent, il a envie de les glisser le long du visage, la saisir, les essuyer - il a envie d'écarter les mèches blondes pour ne pas qu'elles collent aux joues et qu'elles se mêlent aux salines collantes. il repense à la douceur de leur danse, d'il y a deux mois, et se laisse avoir par des illusions nouvelles.

et s'il avait le droit..? s'il pouvait effectivement tenir ses épaules pour ensuite glisser ses doigts dans son dos pour la rassurer..? non il ne peut pas - parce que tout le monde les regardera ! ils siffleront comme ils ont sifflé les parents de penelope à l'époque - ah non il ne peut pas.
peut-il au moins imaginer lui offrir un quelconque réconfort ? il la prend gentiment par le bras à son tour pour la mettre encore plus à l'écart, à l'arrière d'un stand où personne ne passe. il ne faut pas qu'elle pleure face à ses propres élèves - lui, lui... nous estimerons qu'il est à part. je suis désolé je ne voulais pas vous faire pleurer. c'est si rare qu'il s'excuse mais c'est son coeur qui l'exige, c'est sa tendresse et son inclinaison qui le dictent. je suis désolé à mon tour... il dépose ses sacs par terre et tapote la poche de son manteau pour en sortir un mouchoir en tissu bien plié et bien propre. il cajole les joues de daisy en essuyant attentivement du bout du coton les larmes. on se fait du mal. il s'arrête et détourne son nez, comme soudainement timide. je ne peux pas vous oublier aussi facilement vous savez. il sourit un peu, mais les muscles de sa mâchoire lui font mal.

je ne pleure jamais.

voilà bien le drame de leur vie, à l'un et à l'autre : ils ne pleurent jamais, ils n'en ont pas le rôle - ni martyrs ni victimes, ce sont les figures présomptueuses, les grandes qui s'élancent vers l'avant. non on ne pleure pas, on reste dignes dans les défaites et les victoires, on ne se laisse pas avoir à la plus simple bassesse du nom d'affliction. orion la regarde toujours avec cette même clémence, avec ses yeux pleins d'amour ou même pleins tout court : est-ce donc ça l'amour ? se sentir complet jusqu'à dans la manière de regarder l'autre ?
c'est vrai, elle chasse cette solitude - celle ressentie avec la fille d'avant, celle ressentie avec la pouilleuse avec qui il a partagé une nuit pour essayer de l'oublier, cette reine. elle chasse les nuages et quand il voit daisy, aussi lumineuse que fragile, grimpant sur le fil discordant, qui accepte de devenir acrobate avec lui pour qu'au milieu de cette corde tendue, ils se retrouvent.

et bien cela va un peu mieux.

s'il s'écoutait il reposerait sa main sur sa joue, s'il s'écoutait il repasserait tendrement la pulpe de ses doigts tout contre l'épiderme féminin, se laisserait aller à la tendresse parce que maintenant il a un peu le droit. son coeur se serre quand elle parle au futur. ses espoirs grandissent, eux qui étaient plus bas que terre, engloutis par la raison, ils surgissent comme des enfants mal lunés prêts à recommencer à refaire la fête. c'est bientôt. et pourtant cela lui semble si loin, plus ou moins deux ans. est-ce que je dois attendre aussi la fin des études pour t'aimer ou est-ce que j'ai le droit, si les autres ne le voient pas ? je t'en supplie, ça fait si mal cette brûlure au coeur.

elle tonne. elle impose le joug de la raison pour contrecarrer celui de la passion qui s'immisce un peu trop, qui prend de la place entre eux. arrête qu'elle dit, arrête qu'elle implore - alors orion obéit sagement car le voilà obligé de céder à une telle demande de la part de celle qu'il aime et estime.

ce sont des liaisons dangereuses et pourtant dépourvues d'une quelconque perfidie, il n'y a aucune volonté de nuire dans la manière dont ils se regardent - et ne veulent pas se dresser contre le monde. non ils ne sont pas amants terribles face au peuple, main dans la main pour clamer leur amour à quiconque voudrait le savoir - non il est question de faire preuve d'un peu de bon sens et se contenter de jouer dans leurs propres ombres, là où on ne distingue pas les gestes.

orion suit tranquillement daisy. il a repris ses sacs et marche avec sa droiture habituelle, pourtant déboussolé à cause de son coeur en faillite. il faut rester digne sous l'oeil du public, se donner à une mascarade où il n'y a qu'entre les deux protagonistes une simple relation d'élève à professeure. il adresse un mouvement de tête poli aux vendeuse ainsi qu'un mince sourire, et s'adonne à la tâche à peine distrayante (qui le détourne donc que peu de tout ce qu'il y a à penser de ce qui vient de se passer) d'observer les vêtements. le lèche-vitrine ne semble pas au goût de la muse et elle s'empresse de choisir un pull. ainsi soit-il. il la suit en haussant un peu ses sourcils de stupéfaction. il la taquinerait bien encore un peu en jouant au plus bête, mais accepte sans rechigner la tâche. tu veux vraiment me pousser à être le plus ridicule de nous deux ? avec cette histoire de pull hideux. il retire son manteau et son propre pull pour enfiler celui d'un motif douteux à la place. il n'a pas fermé le rideau de la cabine. alors ? ton plan c'était de me rendre moins attrayant c'est ça ? il regarde autour d'eux pour voir s'il peut parler en toute liberté - tout le monde semble préférer l'agitation de l'extérieur que des cabines d'essayage puisqu'ils sont seuls. c'est pour éloigner les potentielles prétendantes ? une sorte de ceinture de chasteté ? il rit un peu en se contemplant dans le miroir de la cabine et cherche en silence le regard de daisy derrière elle dans ce dernier, toujours dos à elle.

un sourcil se hausse mais il ne dément pas. ce n'est pas comme s'il portait un intérêt particulier sur les modes : son style est en tout point classique, confortable et sérieux. il ne se pliee pas aux fantaisies colorées ou à des lubies telles que celle de daisy d'apporter une touche de violet à chaque tenue. il l'a remarqué, cela. ça lui plaît - mais pas forcément quand cela vient de lui.

orion aime profondément ce qui ne lui ressemble pas.

un rougissement léger vient hanter ses joues quand elle le complimente car il tient la légère impression qu'il y a une appréciation plus globale de ce qu'il présente, que ce soit son minois ou le pull. il ne peut retenir son sourire à son tour et se tourne d'abord à moitié puis complètement vers la professeure. le souffle court dans l'intimité de la cabine maintenant complètement fermé, il a les yeux baissés vers elle. il ne dit rien. il se laisse embrasser du bout des lèvres, pétrifié par l'exquis sentiment des amours enfin dévoilés.
il cherche l'approbation dans les yeux de daisy avant de déposer sa main encore froide sur sa joue pour recommencer à l'embrasser, appuyant avec plus d'envie les bouches l'une contre l'autre. cela fait longtemps qu'il pense à ce moment et ne réalise pas bien qu'il se déroule en cet instant - il reste plusieurs seconde ainsi, puis finit par éloigner un rien son visage. il attend un temps avant de reprendre, toujours avec ferveur.

sa main glisse de sa joue à derrière son cou et il ferme les yeux, amenant l'autre main dans son dos, la collant à lui pour s'assurer que tout cela est bien réel. il finit par la relâcher et reprendre une grande inspiration, cherchant toujours son regard. si on m'avait dit que ça arriverait pour de vrai. il peine à y croire.

voyez-vous il est bien rare que l'on se soucie de se partager le poids des choses qui comptent avec orion : on lui propose souvent de le décharger des détails minimes, des aspects techniques de la vie en communauté - mais le crépitement de l'âme derrière cela, c'en est lui qui en est toujours responsable. on lui dit qu'on a jamais connu âme aussi calibrée, aussi peu déviante et qu'il n'y a aucun risque - car orion ne rate presque rien n'est-ce pas. il ne prend pas le danger de peut-être tomber tout en bas car il sait que s'il n'arrive pas à se relever, c'est toute la machine qui ne peut plus fonctionner.

alors que daisy, ainsi, se soucie avec ferveur du fonctionnement des choses, de l'aspect rationnel, ça soulage quelque chose en lui - et ainsi il est persuadé d'avoir fait le bon choix de s'être confessé auprès d'elle. il la regarde toujours avec la tendresse des nouveaux amoureux et boit ses mots, les avale et les digère aussitôt : c'est une pilule certes dangereuse, mais qui peut lui faire découvrir des sensations qu'il n'a jamais eu l'occasion de ressentir. faire fonctionner des parties de son coeur jusque là ensommeillée car l'on ne peut river son attention passionnément à tous les aspects de l'humanité - sentimentale et intellectuelle.
il opine à tout ce qu'elle dit pour l'instant, se saisit du bout de papier sans broncher, attend de renfiler son manteau pour le loger dans sa poche intérieure - et pour l'instant orion le garde contre sa paume, matérialisation de cette promesse à deux. je ne dirai rien. je ne sais pas comment ça va se passer mais je te fais confiance, on doit apprendre à... il marque un arrêt délicat, élégant, mesuré. croire fermement en tout ça, c'est cela qu'il faut oui. à nouveau il a plein de mots à dégurgiter. au lieu de cela, il tend ses bras de manière un peu gauche pour la serrer contre lui à nouveau, un rien maladroit et tendu dans ses mouvements - qu'il est touchant quand il y met du coeur ! merci de croire en moi, c'est vraiment important à mes yeux. il la relâche et pour aussitôt évaporer une gêne qui pourrait naître par le poids des aveux et des émotions, il demande en se regardant à moitié dans le miroir. est-ce que je dois en conclure que je dois prendre ce pull ?

confiance partagée, poids équilibré guidé par une affection déjà sincère : cela serait bien plus simple si leur situation était autre. cela serait bien plus agréable, il le sait déjà, si dans le futur leurs yeux n'auront pas à se fuir en public. il opine un peu quand elle exprime son avis quant au pull sur lui et se permet une petite moue, sourcils froncés, pour faire mine d'être blessé, puis reprend aussitôt son sérieux : cela dure à peine quelques secondes. il commence à se changer en laissant les deux papiers dans la poche. l'un avec le numéro - et l'autre il ne sait pas encore. il préfère le découvrir tranquillement et est autant avide de son amour quand elle est présente ou non - ainsi peut-il avoir une agréable surprise quand ils ne seront plus l'un à côté de l'autre. il finit d'enfiler son manteau et propose à daisy de l'attendre dehors le temps qu'il récupère tous ses sacs. une fois qu'elle semble sortir, il sort un billet plié dans sa poche de 20 rabbits et le donne à une vendeuse, chopant sans trop réfléchir une écharpe - sous seul prétexte qu'elle est violette.
quand il ressort et qu'elle lui parle de l'autre demoiselle apparue précédemment, il répond en enfilant autour du cou, d'un geste leste, l'écharpe, ne la laissant donc pas encore le remercier il ne s'est rien passé avec elle il fiche ses mains dans ses poches. sacs à son bras. cependant je ne souhaite pas vous mentir, j'ai couché avec une autre élève peu de temps après le festival. spevak. je ne sais pas si vous connaissez. je suppose que vous pouvez comprendre pourquoi. le chagrin et la solitude d'un jeune adulte connaissant sa première peine amoureuse ! toutefois je ne ressens rien pour elle! il parle d'une voix basse pour ne pas s'exclamer - et être entendu de tous. et vous ? dois-je me méfier d'un de vos collègues ?

et bien même si c'était le cas, il ne pourrait rien à faire. il commence à se rediriger tranquillement vers les stands, tout en discutant, observant les personnes de l'académie s'amusant et riant.