malgré les efforts qu’elle déployait pour oublier et se convaincre que c’était un accident - bête et simple - Gabrielle ne pouvait s’empêcher de ressasser ce qu’il s’était passé dans la salle du conseil. là où elle voulait voir la colère contre Ace de lui avoir arraché un baiser sans prévenir, la frustration dans leur échange verbal qui avait réveillé des angoisses oubliées, ou même la défaite qu’elle avait essuyé pour ne pas avoir obtenu gain de cause à propos des cheerleaders, tout était flou. il n’y avait que le goût doux amer de ses lèvres contre celle du délégué principal, la chaleur envahissant son corps tout entier malgré ses mains froides, les papillons dans le ventre qui s’agitaient alors qu’il n’y avait là aucun romantisme - elle se persuadait un peu, encore, qu’il n’y avait là qu’une attirance physique un peu trop prononcée à laquelle elle voulait céder tout en reculant à chaque fois, pour ne pas perdre d’intérêt face à Ace.
et quand elle y repensait, elle riait d’elle-même : on ne veut pas avoir de l’intérêt pour quelqu’un qui nous fait cet effet-là.

le jour d’entraînement, elyas lui avait proposé un match opposant les deux équipes pour faire un point de performances, jonché d’une provocation acide qui la faisait inévitablement sourire devant son écran de téléphone. et elle aurait voulu lui demander, par la même occasion, le numéro de ses coéquipiers, puisqu’elle était impuissante pour régler les événements passées, et trop lâche pour aller le voir directement. elle n’en dit rien, et répondit simplement d’un « ok ».
les papillons recommençaient à bouger.

quand elle arriva, un peu en avance, elle se surprit à chercher Ace du regard, avant de se reprendre et de se claquer les joues pour s’ordonner de se réveiller.
et ça s’était répété, pendant le match, quand le ballon arrivait vers lui et qu’elle se déconcentrait chaque fois que l’action revenait de l’autre côté du filet. Elle s’agaçait, et ne trompait personne - pour fuir un peu plus, elle évita le regard de ses filles et tentait de se reconcentrer, à s’en donner mal au crâne.

il vint vers elles pourtant à la fin du match, pour demander à ranger seul le terrain - elle arqua un sourcil, soupira, déçue que ça ne soit pas pour elle exclusivement qu’il avait franchi le filet, et tourna les talons vers le vestiaire.

sans commentaires aucun pour son équipe, qu’elle félicita du bout des lèvres - elle venait de perdre elle, face au regard d’un des adversaires, alors elle n’en tirait aucune fierté, elle s’éclipse vers les douches pour noyer tous les sentiments contradictoires qu’il provoquait en elle - et c’était pas que sa belle gueule.

elle tapait du poing aussi faiblement qu’elle le pouvait contre la surface de la douche, pour couvrir le bruit de ses émotions et de ce qu’elle voulait vraiment faire sans en avoir le courage. l’eau brûlante qui coulait lui offraient des rougeurs sur sa peau matte, et les yeux rougis par la même occasion : elle n’était plus belle à voir, à admirer sa propre déchéance aussi rapidement.

elle allait mettre un terme à tout ça, elle se l’était jurée dès lors.

lorsque le bruit de la porte des vestiaires claqua, elle se réveilla de sa torpeur et éteignit l’eau. sans se sécher plus que ça, elle sortit brusquement et tourna la tête vers la porte donnant vers l’extérieur - fermée. la dernière avant elle devait être parti. elle souffla bruyamment, fit un pas hors des douches enroulée dans sa serviette, et un autre son la fit sursauter - lui arrachant un cri de surprise.

elle se figea, encore
l’espace de quelques secondes
et se tourna pour vérifier que ça n’était pas une vision de l’esprit, tant elle y avait pensé si fort sous la douche.

« Mais qu’est-ce que tu fous-là ? »

Seulement lorsqu’il se tourna d’elle, elle fit de même - elle n’avait pas ce réflexe de pudeur, et elle s’en mordait les lèvres - pourtant les tremblements dans sa voix, au-delà de la surprise, ne dupait personne.

« Tu me demandes ce que je fiche dans le vestiaire des filles ? C’est une blague? »

Elle fronçait les sourcils, comme si il pouvait voir son expression du visage, qui ne devait en aucun cas la trahir.
elle passa une main sur son ventre - taisez-vous putain de papillons.

elle avait eu le temps de graver dans sa petite tête le visage d’Ace les cheveux encore humides - elle secouait doucement la tête pour ne pas y songer plus et se brûler le cœur qui cognait contre sa poitrine. elle ne fit pas un geste, se tourna légèrement pour s’assurer qu’il ne se retourne pas, et une fois cette sécurité prise, elle commença à enfiler ses sous-vêtements.

« At... attends deux minutes ok. Tu bouges pas ! »

Elle dut se reprendre à deux fois pour éviter d’avoir les mains tremblantes - elle le détestait un peu plus de la rendre ainsi, aussi bête et fébrile. En boutonnant sa chemise, le silence était beaucoup trop pesant et lourd.

« Je dois te remercier pour m’avoir fait gagné. Je pourrai le mettre dans la gueule d’Elyas la prochaine fois. »

elle fit semblait de tousser - c’était pas naturel et ils le savaient sûrement tous les deux.

« pour répondre à ta première question je voulais rester pour m’entraîner peut être encore un peu. c’est tout. »

et elle se rendit compte de sa bêtise quand elle se voyait tout habillée en uniforme - et elle se tapa la main contre le front, à trop toujours parler sans réfléchir.

« Tu... Tu peux y aller c’est bon. »

« et moi je crois que je te déteste tout court, Ace. »

elle lui disait une vérité horrible - qui n’était pas tout à fait la réalité, tout son corps et son esprit brûlaient pour lui en cet instant. Elle passa sa main encore humide sur sa joue gauche et saisit la veste de son uniforme de l’autre - elle ne comptait pas fuir cette fois, mais ne lui laisserait pas d’ascendant non plus.

«  parce que tu penses sérieusement que je te laisserai voir mes sous-vêtements ? elle laissa échapper un rire léger - nerveux  C’était un accident, ça ne se reproduira plus. »

Elle jouait pour se voiler la face et ne pas perdre de dignité, mais elle entendait le bruit de ses propres barrières tomber avec fracas. Ses yeux dans les siens, elle se voyait noyée sous les émotions qu’il lui procurait, sans égal ailleurs - même pas Elior, et la vérité était peut être là.

« Qu’est-ce que tu veux, Ace ? Je n’utiliserai pas mon Alice, tu as ma parole. »

elle lui intima de faire ce qu’il voulait, mais ce n’était pas nécessaire de le dire à haute voix - simplement lui suggérer de tout arrêter maintenant si c’était ce qu’il voulait vraiment : elle n’en avait pas vraiment la force.

« Je n’aime pas cette emprise que tu as sur moi. Elle me dérange parce que tu es le seul qui me fait ça. Et c’est hors de question que je te laisse faire. »

Sa voix suffocante, leurs souffles qui se mêlent et elle sentait ses jambes se dérober sous sa stature - pourtant elle passa un bras inconscient autour de son cou.

« La vérité c’est que je me suis jurer avant cet entraînement que je ne te laisserai plus jouer à ce petit jeu avec moi. »

Elle ne précise pas son incapacité à le faire - c’était évident pour tous les deux. Et de son regard implorant, elle le suppliait de prendre une décision - quitte à la laisser fuir une nouvelle.

« Mais je crois que même toi tu sais pas ce qu’on fait toi et moi. Pourquoi on est incapables de se lâcher depuis si peu de temps. »

Elle se mordit les lèvres - peut être qu’elle s’était trop avancée à parler d’eux deux en commun.

« Moi en tout cas. »

Prends tout ou laisse moi partir.

« ce que tu peux être prétentieux c'est fou ça... »

elle le toisait du regard - la distance se réduisait petit à petit et elle se sentait plus proche de lui non pas à mesure qu'il s'approchait, mais que les syllabes s'enchaînaient entre ses lèvres, qu'elle ne pouvait s'empêcher de fixer.

«  mais tu délires complètement, je te signale que ça fait que deux fois que... »

elle fut coupée dans le flot de paroles déversant entre eux deux comme un dernier rempart, la barrière finale qu'elle avait forgée pour se protéger - elle avait le cerveau qui s'emballait, à la poursuite de son myocarde qui battait un peu plus fort, si fort qu'il menaçait d'exploser. et elle sentit, quand il captura ses lèvres pour la seconde fois, que ça n'était déjà plus tout à fait la même chose ; elle gardait les yeux ouverts, vides de toute émotion. en fin de compte, elle luttait contre elle-même.

tu ne le connais pas, gabrielle.
ils s'étaient plus vus en deux semaines qu'en cinq ans, elle le touchait du bout des doigts et elle se sentait défaillir chaque seconde ensemble un peu plus, lui si inaccessible - elle se sentait ridicule, de fuir maintenant qu'elle s'était accrochée à savoir ce qui se cachait derrière l'image olympienne du délégué principal.

c'est juste un beau parleur, gabrielle.
et dieu qu'il était beau, elle se consumait jusqu'au fond de son être rien qu'à le regarder - elle aurait pu y passer des heures, comme avant et si seulement - il dégageait ce magnétisme dans lequel elle avait trébuché sans tenter de se relever et elle attendait sans l'avouer les jolis mots qui franchissaient ses lèvres ironiques.

elle s'était permis finalement de calfeutrer le monde autour d'eux, de s'emprisonner dans le sceau qu'il avait scellé pour parcourir sa nuque, la naissance de son dos, mêlant sa peau à son épiderme comme si la séparation éphémère menaçait de l'achever sur place.

tu vas souffrir, gabrielle.
elle éveilla les yeux brusquement, s'arrachant à une réalité trop belle - elle fit un pas en arrière, interdite et mutique, à tenter de faire le silence dans son esprit - les angoisses revenaient, d'un lointain passé, et était revenues la paralyser. elle ôta le contact de ses mains sur ses hanches, se mordit les lèvres en réflexe stupide.

et là voilà, gabrielle, désemparée, taboue, pétrifiée non plus devant lui mais devant ses peurs irrationnelles - elle tentait irrémédiablement d'instaurer des barrages autour d'elle et il avait décidé égoïstement de les fracasser sans douceur.

c’est la vulnérabilité qui t’effraie et il la rendait beaucoup trop comme blanche l'avait prédit, quelques jours à peine en arrière. elle avait saisi ses avant-bras pour se délivrer, mais elle ne les avait pas lâché - elle abdiquait encore.

elle baissa les yeux vers son geste et là était le paradoxe de sa situation ; elle se savait fébrile, gabrielle, et s'il n'était pas là pour la soutenir, elle se serait effondrée de fatigue. elle sombra dans l'aphasie, pendant plusieurs secondes

mais elle ne voulait plus fuir.

elle porta son attention sur ses mains à lui, si froides, elle l'avait déjà ressenti. sans s'en détacher elle glissa ses doigts en direction des siens, et l'union de leurs mains en décor, elle brisa son silence.

« t'es en train de faire une grosse connerie, Ackerley. »

et elle souria, épuisée de retenir toutes ses envies et ses martyrs -  avait cherché dans ses yeux les réponses aux questions qu'elle ne se posait pas encore, pour finalement s'échouer entre ses bras, doucement, sans délier leurs mains.

« tu me connais pas assez, tu vas regretter de t'être accroché comme ça, je te le dis. »

elle ne précisait même plus la façon dont il la faisait frémir. sa tête contre son torse, elle avait observé sans conscience le mouvement de leurs doigts, avant de relever le cou pour l'embrasser, elle avant qu'il ne le fasse.

« enfin.... si ça se trouve je vais me fracasser le coeur avec toi. »

une nouvelle risée - renouvelée dans son envie de vivre.

elle tend sa main et vient saisir sa joue froide, y cueille le désir pour faire fleurir la passion et il y laisse des parterre de fleurs si belles qu'elles flétrissaient à peine nées ; elle souffle et soupire gabrielle, exulte toute la haine viscérale - et c'est bien là le seul mot qu'elle voulait poser à son égard - alors qu'il caresse les parcelles de son épiderme

elle l'emprisonne de ses bras, niche son nez au creux de ses cheveux encore humides, s'enivre du parfum d'homme encore imbibé et s'enflamme de ses gestes, sa sensualité, sa douceur fanée, son aura son odeur lui tout entier ; elle n'avait plus rien à penser, les assauts intérieurs avaient laissé toute la place pour qu'il prenne son empire sur son corps ravagé et elle avait appelé, par des plaintes et des gémissements incontrôlés, à ce qu'il règne sur son être en seul souverain, quelques instants volés durant.

elle n'était plus gabrielle mignonne, jolie, craquante, innocente - elle ne répondait pas seulement à l'appel de la proie qu'elle était et avait décidé de mettre un terme à cette mascarade entre eux deux - elle saisit son visage entre ses doigts fins, l'étreignait comme si ce jour avait été le dernier et lui offrait mille et uns baisers tous plus avides les uns que les autres. elle glissait ses mains sous son uniforme et vint peindre les esquisses de leur royaume éphémère, de toutes les couleurs irisées, embraser le creux de ses reins et il n'y avait là aucune gravité encore.

à sa respiration suffocante elle vint souffler à son oreille le dernier jugement avant la chute

« en fait, si, je te déteste, Ace Ackerley. »

elle lui sourit, de ses lèvres charnues et fiévreuses, de ce rire cavalier, irrévérencieux - elle tint toutes ses promesses et prit les avances sur ce qui les ferait tomber, vint embrasser chaque fragment de son visage ciselé de sa mâchoire à ses tempes - et quand il la fit sienne elle se sentait vivante, bien plus encore qu'elle ne l'aurait prédit.

elle n'était plus qu'une camée en manque de substances et elle s'accrochait bien trop à son cou pour se maintenir à sa hauteur, ses paroles traduisant l'inverse de ses actes - elle avait laissé l'humanité entière de côté, à ses pieds, pour que son univers se résume entre leurs deux corps, les chairs qui s'entrechoquent et les souffles qui s'entremêlent - et elle ne se concentrait pas plus sur les conséquences et que les sensations inédites qu'elle connaissait déjà mais qui avait déjà pris une toute autre couleur que les autres avant lui.

elle aurait brûlé le monde entier autour d'eux pour ne plus connaître que son nom, lui qui laissait une empreinte indélébile sur sa peau et qu'elle soufflait encore entre ses lèvres comme unique absolution.


leurs corps mêlés contre la porte, gabrielle s'était laissé choir contre la surface froide du métal et sa tête se lovait au creux de l'épaule de son amant - elle dessinait des ornements imaginaires sur sa peau nue et se surprit à vouloir l'embrasser encore - son coeur manqua un battement et elle se soumit à ses instincts, se redressant pour lui faire face, et sans lui laisser le moindre choix, l'embrassa une nouvelle fois, comme lui l'avait fait quelques minutes plus tôt, toute en sensualité et fantasmes comme il l'avait imposé.

elle se relève gabrielle, le laissant au sol quelques secondes et prit sa chemise à lui pour s'en couvrir le dos - et elle admira les conséquences de ce qu'elle prévoyait déjà dès leur première rencontre.

« c'est vrai que tu es très beau »

ses pensées s'échappent sans aucune restriction, il ne pouvait plus rien lui prendre de toutes les façons
certaine gabrielle ?

« dis-moi on vient d'enfreindre le règlement non ? monsieur le délégué principal. »

il restait son coeur où il n'avait pas encore apposé son empreinte et elle se dissimulait sous une arrogance que chacun lui connaissait, chaque fois qu'elle quittait sa zone de confort - elle croise les bras et prend appui sur les casiers à ses côtés, contenant d'admirer ce pour quoi elle s'était consumée presque intégralement.

« en plus tu es un vilain menteur. tu n'es même pas désolé. »

en écho aux fausses excuses de tout à l'heure, elle ne se départit pas de son rictus narquois et vint mordiller son doigt à moitié couvert par le vêtement trop grand, sans se demander pourquoi elle ne mettait simplement pas fin à leur entrevue en quittant les lieux comme elle l'avait prévu initialement.

« au moins maintenant les choses sont claires. je vais pouvoir me défaire de cette fameuse emprise que tu avais sur moi. »

une provocation supplémentaire, et elle ne disait pas tout. au fond, elle avait envie qu'il la retienne un peu encore, qu'il la laisse vivre entre ses bras, quelques instants de plus puisqu'elle s'était allumée pour lui.

le souffle dans sa nuque lui arrache un frisson - où étaient-ce ses paroles - et elle ne put contenir un soupir érotique contre son torse - un maigre sourire étira ses lèvres encore rosées et elle saisit ses grandes mains entre ses doigts pour leur déposer un baiser - tendre.

« alors je te souhaite bien du courage, Ackerley. »

elle se hisse sur la pointe des pieds et vient lui porter son souffle chaud, ses doigts caressant sa mâchoire et ses pas les reculant tous les deux vers la sortie.

« mais crois-moi, je suis bien trop rapide pour toi. »

elle dénoue leurs corps dans un geste vif, et prend la direction des douches sans plus de sommation - son myocarde s'était emballée entre ses bras et elle sentait ses joues chauffer dangereusement, malgré les contacts glacés de leurs deux peaux. elle laissa l'eau chaude absorber ses fantasmes et revêtit son uniforme, touchant de temps à autre sa nuque encore frissonnante.

Son reflet dans le miroir lui renvoya quelque chose qui n'était pas si désagréable, et elle ne put s'empêcher de sourire ; elle sécha ses cheveux dans une plénitude rare et laissa son esprit divaguer aux souvenirs de ses mains, ses baisers, ses caresses, son être tout entier contre le sien.

et dans leur manège où elle sentait sa place menacée, elle avait oublié de lui arracher un dernier baiser, pour clore définitivement leurs instants et tenter de les oublier une fois la porte du vestiaire franchie.

elle saisit son téléphone et se rendit compte avec horreur qu'elle ne l'avait pas dans son répertoire - et s'il s'était envolé, elle n'avait plus que les images brûlantes à son esprit pour le laisser exister, subsister dans un creux de son esprit tourmenté.