Frottements de paupières, grimaces déplaisantes, prunelles rivées sur les messages d'hier - il était tôt, bien trop tôt ou tout du moins, trop tôt pour toi qui n'avait que très peu dormi ; mais aujourd'hui, aujourd'hui tu es réveillé, levé, habillé et déjà dehors pour courir. Oui. Courir. Le matin. En pleine semaine. Qu'est-ce que l'amour ne te ferait-il pas faire, pas vrai, Elior ? Parce que si tu en es là, c'est parce que hier, après la soirée partagée avec Aglaé, tu avais reçu de bien étranges sms de la part d'Elyas - des sms qui ne lui ressemblait pas, des sms distants, presque froids, presque ignorants.
Qu'était-il arrivé ? Qu'avais-tu fait ? Était-ce de ta faute ? Étais-ce celle de quelqu'un d'autre ? Tu n'en avais aucune idée, tu avais beau lire et relire votre conversation, elle te semblait totalement normale, banale - tu n'en avais pas touché un mot à ton amie, pourtant, pourtant ton cœur s'était serré et il l'était toujours, emmêlé, entremêlé avec le reste de tes entrailles ; tu avais le sentiment que cela venait de toi, que tu étais la cause de tout ses tracas - mais de quoi ?
Qu'avais-tu dit ? Qu'avais-tu fait ? Il n'y avait même pas l'idée de la jalousie qui s'était immiscée, tout simplement parce que cela te semblait absurde - Aglaé était la meilleure amie d'Elyas et plus que tout, elle était une femme et, plus encore, tu l'aimais lui de façon irrationnelle ; et de ce fait, tu ne comprenais pas.
Tu n'avais pas renvoyé de message, même si durant ton insomnie, tu avais hésité - la nuit te rendait plus faible et plus bavard Elior - mais non, non tu ne l'avais pas fait, parce que si Elyas demandait de la distance, alors tu devais t'y plier et ne pas le déranger ; on pourrait croire à de la soumission et ça serait un peu vrai, cependant, vous saviez autant l'un que l'autre que tu ne te laissais pas abuser et que si ça se compliquait, tu étais prêt à lui refoutre une raclée - la tarte que tu lui avais mise, après le dossier classé S « Achille », avait été majestueuse, non ?
Pour autant, l'angoisse dévorante était si grande, tellement grande, peut-être bien plus grande qu'elle n'aurait pu l'être il y a quelques semaines - tout simplement parce que vous sortiez ensemble et si, cela ne changeait pas grande chose dans les faits, tu te demandais si ce n'était pas quelque chose que tu aurais fait ou mal fait depuis ce changement de relation. Dans tout les cas, ça t'angoissais et ça t'angoissais encore plus de ne pas en connaître la raison, laissant déferler une myriade de possibilité dans ton esprit légèrement détraqué.
Arrivé aux vestiaires, tu te changes rapidement - tu trembles de froid, quelle idée de faire ça - avant de te complaire dans ta veste ; tu te chausses et tu t'élances sur la piste tandis que tu le voyais bel et bien courir - tu n'avais pu l'intercepter devant sa chambre, malheureusement, la mâtiné avait eu raison de toi.
Alors, alors, alors tu t'élances, tu t'élances tandis qu'il n'est pas si loin de toi, pour te caler sur son rythme, lui lançant un regard - non - ne le lâchant pas des yeux, l'air sans expression, tu te voulais calme, gardant tes distances suffisamment pour ne pas l'étouffer brusquement par ta présence - et ton cœur bat vite.
— Hey.
Peut-être était-il plus surpris que toi de te trouver là.
Le sommeil avait eu rapidement raison de lui. Instinctivement son corps avait pris la fuite d'une réalité trop dure à admettre, de blessures qui se rouvraient à cause de ses sentiments puérils, de son enfant malade qui regardait avec dégoût celui qu'il était dans le miroir.
Elyas avait fait des cauchemars cette nuit-là. Isolé, exclu, hurlant sans jamais produire un son, son corps arraché et exilé par le Maître de son lieu, et sa voix qui lui répétait C'est de ta faute c'est de ta faute c'est de ta faute. Enfant dysfonctionnel. Qui voudrait de toi ? Tu es un raté. Mais je vais t'aider, Elyas. Je vais faire de toi quelqu'un de bien. Et tu seras aimé, tu verras. Tu seras le meilleur, tu brilleras. Et les gens ne regarderont que toi. Enfant dysfonctionnel. Je vais te faire marcher droit, et seulement comme ça, Tu seras aimé, tu verras.
Il s'était réveillé avant le soleil, et une gueule jusque par terre, comme s'il n'avait pas du tout dormi. Il s'était levé les muscles engourdis de frustration et il était allé mettre sa tête sous l'eau froide, pendant cinq minutes entières au moins, durant lesquelles peut-être qu'il avait pleuré. En regardant ses bras, il se dégoûtait. Il savait qu'il était injuste ; il n'avait pas à craindre que Elior l'abandonne, il ne le ferait pas ; il savait que Aglaé le respectait plus que quiconque ; il savait qu'il était précieux pour eux ; pourquoi avait-il si peur ? Si peur. Si peur. Viscérale, l'émotion se déclarait en torrents à l'intérieur, et dévastait toute réflexion. Il avait peur. Si peur. Si peur. Il était parti d'un pas rageur, habillé en une seconde à peine, et cela faisait déjà une heure qu'il courait.
Car il fallait être le meilleur, le meilleur, le meilleur, le meilleur. Et comme ça ils ne regarderaient que lui, et il serait aimé aussi, il devait être le meilleur, le meilleur à tout prix. Encore plus fort, encore plus rapide, encore plus endurant, et que ses jambes demandent grâce ! Il ne les écouterait pas.
Il ne s'attendait pas à avoir de la compagnie, mais encore moins à celle de Elior. Ainsi quand il le rejoint sur la piste, Elyas lui avait adressé rapidement un regard, avant de se concentrer à nouveau sur sa course.
« Hey »
Mais à sa question il s'arrêta, reprenant son souffle et figeant ses yeux sur lui dans une mine d'incompréhension.
« Quoi ? »
Oh, bien sûr, Elyas savait de quoi il parlait, et ne feignait pas vraiment la surprise. En revanche il ne comprenait pas pourquoi c'était lui qui se blâmait. C'était de sa faute, à lui.
« Et tu aurais fait quoi ? »
Il secoua la tête, frottant son bras sur son front qui, maintenant à l'arrêt, commençait à chauffer.
« C'est pas de ta faute, Elior, c'est moi qui... »
Qui quoi ? Il fronça les sourcils. Il était incapable de dire quel était le mal qui le rongeait, incapable d'identifier ce qui le rendait fou, obsédé. Il serra les mâchoires.
À l'arrêt précipité, tu revins légèrement en arrière pour te poster à ses côtés avant de l'écouter parler - contrairement à lui, tu venais de commencer et de ce fait, tu n'avais ni transpiration ni souffle coupé. Tu vis son air et sa mâchoire se contracter plus encore que ses mots - quelque chose, définitivement, le tiraillait, sans que lui-même ne semblait réussir à l'identifier - tout du moins, tu le supposais.
Si en premier lieu tu te serais alors conforté dans l'idée que cela n'avait aucun rapport avec toi, sa dernière phrase vint effriter cette possibilité.
— Je m'en fiche que tu sois en colère ! fis-tu précipitamment avant de grimacer en entendant la formulation de ta réponse. Je veux dire, non, bien sûr que non, je m'en fous pas, au contraire mais je veux dire, tu peux être en colère. Je suis pas là pour alléger ma propre conscience. tu grimaces à nouveau, trépignant sur place un moment, face à tes paroles que tu ne maîtrisais pas trop - il était si tôt, ton cerveau avait du mal à suivre ses pensées. Enfin si, évidemment, ceux qui disent le contraire sont hypocrites, mais je veux dire, c'est pas le plus important, c'est surtout la tienne que je suis venu apaiser… ou, enfin, parler pour savoir ce qu'il n'allait pas… et puis, si c'est de ta faute comme tu dis, bah… enfin… je suis là pour toi…
Tu grognes, dépité, glissant tes mains dans tes poches, tandis que tu l'observais désolé.
— Pardon, le matin, j'm'exprime très mal, mais juste, je t'aime et voilà, si y a quelque chose qui te travaille et si je peux te soulager, 'fin, t'sais, j'suis là. Tu peux toujours tout me dire, j'te jugerai jamais ou quoi.
Les pensées parasites (malades) n'avaient jamais eu lieu d'être alors qu'il était à côté de lui. Tout à coup son mal-être avait l'air un peu désuet, enfoui là quelque part pour se réveiller et le hanter une fois qu'il serait à nouveau isolé. Elyas n'était pas si sûr d'avoir envie d'en parler, mais à voir les traits de Elior qui s'inquiétaient, ça l'avait rendu un peu coupable, et redevable.
Il avait reculé d'un pas, pas pour s'écarter de lui non, car par la même occasion il avait passé ses deux mains distraites contre le tissu du haut de Elior pour le tirer contre lui, doucement, avant de passer ses bras au-dessous de ses épaules, une main à l'arrière de sa tête.
Les mots n'avaient pas de sens lorsqu'ils tentaient de franchir ses lèvres ; ils étaient absurdes, abrutis par la tendresse qui le prenait ; c'était plus facile de profiter de cette sensation-là que de se rappeler la précédente qui lui tordait les boyaux.
Si Elyas avait choisi de ne pas en parler, c'était pour éviter ça ; il ne voulait pas qu'il pense que c'était de sa faute, alors que c'était son intérieur qui était malade. Il ne voulait pas lui faire porter un poids, alors qu'il était le seul responsable. Un rire amer était venu décorer ses lèvres en songeant que c'était justement le fait de ne pas en parler qui l'avait chargé de cette détresse. Ce qu'il était con.
Il le serra un peu plus fort contre lui, en pensant qu'à cause de ça, il n'avait peut-être pas autant ri qu'il aurait du, pas autant profité qu'il aurait pu, et le seul fantôme de sa présence, à Elyas, avait réussi à lui gâcher un peu sa soirée. Pathétique.
« J'ai toujours peur que tu m'abandonnes. »
Sa main avait commencé à traverser sa chevelure corbeau, comme pour se rassurer. Il n'était pas sûr que les mots étaient les bons. Il avait secoué la tête, légèrement, comme pour faire taire toute protestation.
« Ne me dis pas que tu ne le feras pas. Je le sais, ce n'est pas ça le problème. »
Il y avait un fossé entre ce qu'il pensait et savait et puis ce qu'il ressentait, ce qui le rongeait, viscéral et impossible à abattre. Les démons fondés par la violence ravalée.
« Je crois que je suis malade. »
C'était la première fois qu'il faisait un pas vers la réalisation de son mal. Jusqu'à présent il n'avait jamais mis de mots, et avait encore moins arrêté de pensées.
Il ne voulait pas qu'il le regarde, et ainsi, même s'il avait relâché un peu sa prise, il avait détourné le visage et les yeux. Il ne voulait pas rester immobile, mais il se serait senti lâche de ne pas lui faire face.
« Et ça me fait peur, car je n'ai aucune prise sur ça. »
Mains posées sur son dos, bras passant sous ses aisselles, tu l'écoutais attentivement, soudainement un peu plus réveillé que tu ne l'étais auparavant - cette peur qu'il avait, celle de l'abandonner, t'avais surpris et étonné ; on aurait pu penser qu'entre vous, tu serais plus susceptible d'être celui à qui on octroyait cette angoisse - mais pas du tout. Et tu ne la soupçonnait pas chez Elyas ; alors oui, tu étais déjà prêt à le rassurer, mais il te fit taire, tandis que tu essayais de savoir, justement, où était le problème.
Je crois que je suis malade. qu'il te dit - et peut-être que ton rythme cardiaque s’accélère. Que voulait-il dire par-là ? Malade ? Malade de quoi ? Malade dans le sens où il avait des angoisses irraisonnés ? Pourquoi, subitement, avait-il peur que tu partes ? Quel lien avec hier soir ? Ou peut-être malade autrement, malade, d'une maladie comme celle que vous portiez tout les deux - qui vous drainait la vie. Tu n'en as aucune idée. Tu n'en as aucune idée, mais tu l'écoutes, l'écoute et tu approfondis ton étreinte ; tu l'avais plaqué contre toi, fort, très fort, tandis que tes prunelles se perdaient dans la grisaille de la mâtiné - tu ne voulais pas lui imposer ton regard, alors qu'il se confiait.
Elior, toi si angoissé, tu savais les choses que l'ont aimerait éviter - et Elyas pouvait avoir peur, c'était normal d'avoir peur, d'avoir peur de soi-même, d'avoir peur du reste ; Elyas ne devait pas se murer dans un parfait doré, il devait avoir sa fragilité, ses propres tourments, ses moments où il se confiait, où il se laissait aller - car Elyas n'avait pas besoin d'être le meilleur à tes côtés, tu t'en foutais, même, qu'il le soit, tu faisais en sorte qu'il le soit en apparence et en dehors de votre intimité, tout simplement parce que c'est ce qu'il voulait ; mais dans les faits, quelle importance pour toi ? Tu le voulais juste heureux et suivre le moindre de ses choix.
— C'est normal, d'avoir peur. chuchotes-tu doucement, tes doigts caressant son dos avec tendresse, lenteur, délicatesse.
— Quand on ne contrôle pas les choses, c'est effrayant et même, parfois, quand on les contrôles, ça l'est tout autant. toi dont la colère te muait une nouvelle personnalité, tu savais ce que c'était, la peur d'être quelqu'un d'autre, la peur de ne pas pouvoir refréner tes sentiments, tes pensées, tes agissements.
— Que veux-tu dire par malade ? Tes angoisses te rendent malade ? demandes-tu d'une petite voix, tu n'avais pas envie de le brusquer ni de le forcer, tu voulais juste échanger pour savoir s'il y avait une façon de l'aider - et s'il n'y en avait pas, tant pis, tu serais tout de même-là.
— Je préfère mourir que t'abandonner. glisses-tu amoureusement.
La question réveillait des douleurs qu'il préférait enfouir, faisait disjoncter ses pensées pour ne donner qu'une confusion difforme et empoisonnée. De quoi était-il malade ? Il avait serré les mâchoires, le regard dans le vide, les muscles tendus, braqués.
Quand il ne voulait pas y penser, il se disait que ce n'était rien, que ça faisait partie de sa personnalité, que c'était ainsi et tant pis. Quand il allait voir à l'intérieur de lui, ça le rendait nerveux. Il n'était pas malade comme on était malade d'une fièvre ou d'une grippe. Il n'était pas malade comme pouvait l'être un mourant. Il était malade d'une maladie émotionnelle, d'un psychique blessé et torturé, de graines de haine et de violence plantées à l'intérieur de lui et entretenues par une voix qui lui rappelait sans cesse de se détester.
Un tremblement avait pris ses doigts, et il l'avait contenu du mieux qu'il pouvait.
« Je ne sais pas. »
C'était impossible à dire, impossible à avouer, surtout pas devant Elior. Alors tout avait été cloisonné derrière un flot de pensées imbéciles qui lui faisaient prendre la fuite.
Il avait perdu le fil, et l'enfant dysfonctionnel était parti se cacher, muselé, enseveli sous le sarcasme et le déni.
« Ne t'en fais pas trop. »
Il avait continué de triturer ses cheveux pendant quelques secondes, avant de le lâcher, et de regarder son visage, quelques doigts embrassant sa joue avant de rompre le contact tout à fait.
« Hier j'ai eu peur parce que j'étais seul. Mais c'est pas grave, d'accord ? »
Il lui avait adressé un sourire. Il y avait quelque chose de dissonant dans sa sérénité subite.
« Si quelque chose d'aussi futile parvient à m'ébranler, ça me rappelle juste que je dois encore m'améliorer. »
Et quand tu seras le meilleur ; la meilleure version de toi-même ; tu seras aimé.
Il était obsédé ; perfectionniste au point d'en devenir fou. Si bien qu'il s'était remis à courir, dans une impulsion qui avait enflammé ses muscles et son palpitant.
Il fuit, il fuit, il prend la fuite comme il en a parfois l'habitude - mais cette fois, Elior, cette fois, c'est hors de question ; tu t'élances à sa suite et tu agrippes violemment son bras pour qu'il s'arrête, pour qu'il te regarde - ou même, non, qu'il ne te regarde pas, qu'importe - qu'il t'écoute.
— Tu n'as pas à t'améliorer.
Améliorer quoi ?!
— Tu n'as pas à faire des efforts pour être le plus fort, le meilleur ou je ne sais quoi, avec moi. Tu dois l'être pour atteindre ton but, si tu veux, je te le concède... mais tu n'as pas à t'améliorer, comme si... comme si tu devais modifier tes sentiments ou tes émotions pour me plaire. sourcils légèrement froncés, tu lâches son bras pour ne pas l’enchaîner à toi.
— Si quelque chose de futile, arrive à t'ébranler et bien soit, et alors ? Tu as le droit d'avoir des peurs inexpliquées, d'avoir des angoisses qui te semblent ridicules ou j'en sais rien, mais t'as le droit à tout ça. Ce n'est pas ridicule, les angoisses, elles ne le sont jamais.
Jamais, jamais, jamais.
— Moi je t'aime comme ça, je t'aime et j'en ai rien à foutre que tu sois le meilleur. Tu peux même être le pire ! Je t'aimerai quand même... tu détournes cependant les yeux, un instant, grommelant légèrement ... bon, tant que tu me trompes pas et que tu me respectes quand même, faut pas déconner...
Et tu reposes tes prunelles sur lui, sans lui laisser le temps de te couper la parole - tu avais des choses à dire Elior et ce qu'il te disait, ainsi que sa fuite précipitée, tu ne pouvais pas lui concéder.
— Si tu as peur parce que tu étais seul, alors envoie-moi un message, dit le moi, dit moi que tu as peur car tu étais seul. C'est pas une tare d'avoir peur, de penser que je peux t'abandonner ou même, je sais pas, je m'en fous, tu crois vraiment que je te jugerai pour ça ? Tu crois vraiment que le fait de ne pas être parfait ça change quoi que ce soit à ce que j’éprouve pour toi ? J'en ai strictement rien à foutre Elyas, tu peux faire, penser, ce que tu veux, je t'aimerai toujours, même si tu prends un virage à cent quatre-vingt degrés.
Tu as envie de lui dire que même si son cul valait un six, ça ne changerait rien à tes sentiments pour lui, mais tu n'avais pas envie de ça, pour le moment, tu ne voulais pas qu'il prenne cette porte de sortie que tu aurais pu lui donner avec tant de facilité.
Il ne pouvait pas te dire de ne pas t'en faire, te dire que ce n'était pas grave et se mettre à courir comme si tout ça, ses sentiments, n'étaient rien - ça te serrait le cœur, avec l'envie de le secouer, le frapper, le raisonner et puis, peut-être, l'embrasser.
— Alors si, je m'inquiète et je m’inquiéterai toujours et c'est peut-être pas grave à l'échelle de l'idiot-qui-a-un-jour-hiérarchisé-la-gravité-de-ce-que-les-gens-vivent, mais moi, j'en ai rien à foutre. Si ça t'affectes, c'est important et je dois le savoir, je dois pouvoir te rassurer, te protéger.
Tu sembles essoufflé, comme si tu venais de courir subitement sur la piste sans même t'arrêter - tu es peut-être, légèrement, à fleur de peau, Elior, mais c'était toujours comme ça avec toi ; tu commençais par vouloir arranger les choses, puis la seconde d'après, si ça n'avançait pas, tu explosais, tout simplement parce que tu ne supportais pas les angoisses qui se jouaient de toi à longueur de journée.
— Et même si t'en sais rien, que tu sais pas d'où ton mal vient, c'est pas grave. T'es pas tout seul, Elyas, moi, j'suis là et c'est ensemble qu'on a toujours été les meilleurs.
et tu expires, comme si tu avais retenu ta respiration
Brusquement son corps s'était arrêté, empêché par la prise de Elior sur son bras, et il s'était retourné sur lui dans une mine surprise - mais pas si étonnée.
« Tu n'as pas à t'améliorer. »
L'idée lui parut tellement absurde qu'immédiatement son sang s'était mis à bouillir et il avait été prêt, véhément, à répondre. Mais Elior le coupa dans tout son élan.
Alors il s'était tu. Ce qui l'ébranlait ce n'était plus la solitude, mais la force avec laquelle il arrivait toujours à le remettre à sa place ; plein d'amour et de bienveillance, de fermeté. Comme toujours, chaque fois que Elyas s'égarait, Elior était là (son étoile) pour illuminer le chemin qu'il avait perdu de vue. Et peu importe jusqu'où il s'était enfoncé dans le noir, il brillait d'une lumière si intense qu'il arrivait toujours à le retrouver. Le constat l'avait rendu aussi fragile qu'indestructible, et il avait baissé la tête.
Honteux d'avoir encore une fois sous-estimé non pas Elior mais à quel point il lui était indispensable.
Il avait passé une main sur ses yeux clos, muet, et le silence avait duré plusieurs longues secondes durant lesquelles il retrouvait un était plus stable à l'intérieur de lui. Il y avait toujours Elior pour redresser les fondations de son monde. Un sourire lui prit le coin des lèvres. Il était ému.
Alors il s'était recroquevillé, un peu, tout petit tout à coup, et se reposait sur l'épaule de Elior, le visage dans son cou, un bras dans son dos et sa main libre qui venait chercher le contact de sa jumelle.
Le silence qu'il avait octroyé avait fait fonctionner tes méninges tandis que tu le laissais assimiler tes paroles - quel était le lien avec hier soir ? Ce n'était pas la première fois que tu séchais la course. Peut-être était-il arrivé quelque chose et tu n'avais pas été présent à ce moment précis ? Peut-être était-ce dû au fait de votre nouvelle relation ? Tu n'en avais aucune idée, mais tu penchais plus pour l'avant dernière option.
Il vint finalement se laisser aller, se laisser aller contre toi, contre ton épaule et vous liez vos doigts avec une signification très profonde - ta main libre quant à elle, s'échappe et se perd dans ses cheveux. Le tremblement de sa voix eu autant ta gorge que les mots qu'il prononçait - tu voulais tellement, tellement le protéger de tout, du monde et même de lui ; et tu déglutis, pris par l'émotion du moment.
— Je serai toujours, toujours avec toi, Elyas. Je ne te quitterai jamais, jamais. les mots semblent bien trop faibles pour ce que tu veux lui faire comprendre ; avait-il seulement conscience que tu lui dévouais ta vie ? Que tu lui offrais sur un plateau d'argent ton existence toute entière ? Avait-il seulement conscience du fais qu'il pouvait tout te faire, tout te faire subir, tout te faire souffrir - tu serais toujours là ? Tu ne pouvais pas vivre sans lui, Elior - en avait-il conscience ? Vraiment, totalement, entièrement conscience ?
À quel moment des enfants de dix-sept ans se vouaient appartenance et dépendance ? À quel moment, à ton âge, pouvais-tu lui concéder tout ce qui faisait de toi ce que tu es ? Peut-être, peut-être parce que si tu es là aujourd'hui, c'est entièrement de son fait ; peut-être, peut-être, tout simplement parce que tu l'aimais d'un amour tellement unique, tellement magique, que personne ne pourrait le comprendre, ni même se vanter de l'imaginer - vous êtes uniques au monde.
— Tu es tout ce qui compte à mes yeux. et tu te mords subitement la lèvre, peut-être les prunelles un peu embuées Je t'aime tellement, Elyas... tu n'as pas à craindre que je parte... je serai toujours, toujours, toujours à tes côtés. même dans la mort, tu l'accompagnerais.
L'atmosphère soudainement émotionnelle te prend aux tripes - vous aviez déjà proférés des vœux similaires quand vous étiez simplement amis et tu avais laissé exploser tes sentiments avant votre nouvelle relation ; mais là, maintenant, c'était quelque chose de nouveau, de grand, de beau, un moment, un instant où tu te rendais compte de à quel point, à quel point tu l'aimais, de à quel point tu lui étais dévoué, de à quel point il était important pour toi, irremplaçable, incomparable - et ça te rend peut-être plus émotif, plus sensible que tu ne l'aurais espéré.
Le danger avait hurlé aux portes de son cœur fragile. Il y avait à l'intérieur de lui des cris et des larmes, des plaintes d'injustice, d'incompréhension, des pourquoi absurdes qui n'obtenaient jamais de réponses. Il y avait en lui un poison nommé dégoût et culpabilité, qui lui rappelait toujours qu'il ne méritait rien. Il y avait en lui toute la construction acharnée de quelqu'un qui mériterait, car il avait décidé de ne pas se laisser mourir, il s'était fixé un but.
Et si tout ça était vain ? Il s'était buté un peu plus chaque jour pour finalement ne connaître aucune paix. Même lorsqu'on l'aimait, même lorsqu'on le regardait, il n'était jamais serein. Il ne pouvait jamais se reposer. Il y avait toujours l'angoisse qui le poursuivait, il y avait toujours l'insécurité, il y avait toujours la certitude de ne pas être assez.
Il avait fermé les yeux. Baissé les bras. Abandonné. Pour une seconde au moins, un instant figé dans le temps, il voulait se reposer là.
Et il se laissa mourir dans ses bras, les paupières closes et le souffle presque éteint, il s'était recroquevillé et était resté cloîtré au creux de lui où il était en sécurité.
Accueil 
Calendrier 
Dernières images 
FAQ 
Rechercher 
Membres 
Groupes 
S'enregistrer 
Connexion 
Sujet: (end) solitude – elyas † elior 
Le sommeil avait eu rapidement raison de lui. Instinctivement son corps avait pris la fuite d'une réalité trop dure à admettre, de blessures qui se rouvraient à cause de ses sentiments puérils, de son enfant malade qui regardait avec dégoût celui qu'il était dans le miroir. 
