évidemment, c'était un samedi soir. 22h30 et le voile de la nuit qui tissait son immensité au-dessus de tous, s'élevant même au-delà de ce champ de force qui vous enveloppait. myosotis évoluait en son sein, perchée comme à son habitude sur une bonne hauteur de talons dont le bruit résonnait dans l'obscurité. l'une de ses parties préférées avec ce taf, bien que certes en deçà de la satisfaction qu'elle recevait à l'idée de se sentir utile et appréciée, c'était ces bouteilles d'alcool qu'elle parvenait à confisquer. elle en reportait quelques-unes, oui, de temps en temps. et parfois, comme ce soir, elle en gardait pour son usage personnel.

ce n'était pas contre les règles, après tout.

myosotis n'était pas un tyran. elle ne confisquait pas toujours systématiquement toutes les bouteilles, non, mais il était parfois si facile de savoir lorsqu'un élève lui cachait quelque chose, en particulier ceux qui n'avaient pas l'habitude de le faire, qu'elle ne pouvait s'empêcher de saisir leurs bouteilles. après tout, s'ils se débrouillaient si mal pour cacher leur marchandise, ils risquaient aussi de mal cacher leur ébriété. voir des élèves bourrés déambuler dans les couloirs après leur couvre-feu (ou même avant, en fait) était bien la dernière chose dont elle avait besoin. la dernière chose qu'elle désirait.

alors bien sûr à central town il y avait les bars, dans lesquels elle allait se prélasser à l'occasion pour rencontrer un peu de monde, un peu de ceux qui ne travaillent pas à l'académie. de vieux amis qui ont décidé de rester à central town, des inconnus, une myriade d'ivrognes à qui confier tous ses secrets autour d'un verre avant que la vague n'imbibe et n'efface le tout, comme si elle pouvait sentir son cerveau se débarrasser de tout les souvenirs gênants et que ce processus se rendait clair par les migraines qu'elle avait en se levant.

mais parfois à cette intimité précieuse entre deux inconnus, myosotis préférait la chaleur familière de certains amis plus proches. se souvenir des quatre cent coups que l'on avait pu faire ensemble sans que la gueule de bois de les ai effacés, se souvenir des bons et des mauvais moments. pour cela il n'y avait meilleure personne au sein de toute l'académie que sa chère et tendre nora. anciennes party girls changées en douces jeunes femmes dont parfois la sagesse gagnée avec l'âge volait en éclat, comme frappée à la tête par quelques verres.

et elle avait enfilé une tenue de circonstance oui légère mais élégante, confortable mais sophistiquée, quelque chose qui ne la ferait pas trop souffrir si elle poussait un peu trop sur la bouteille comme il était prévu. quelque chose de noir, assorti au sac plastique qu'elle avait garni de sa récolte avant de se mettre en route. elle avait toqué du bout du poing contre la porte de nora. trois coups rapides, deux coups plus lents. une routine si familière qu'elle semblait encrée dans sa peau. alors elle n'attend même pas qu'on lui ouvre, non parce que jamais une porte n'est parvenue à la retenir. myosotis entre et elle sourit, de toutes ses dents, elle sourit alors qu'elle brandit le sac en appuyant son dos contre le battant afin qu'il se referme derrière elle.

ce soir, buvons et portons un toast à la déesse de la nostalgie.