L’agitation de la journée de cours s’était essoufflée mais Charlie n’avait pas perdu un brin de toute son énergie. Elle avait rapidement sauté du bus pour remonter les escaliers quatre à quatre en direction de sa chambre, furie aux cheveux bleus ébouriffés sous son bonnet. Elle revenait de la ville où elle avait fait un tour de shopping rapide. L'étudiante avait joyeusement claqué ses économies pour la soirée. Elle attendait de se poser avec Al sur les toits depuis le matin et s’était dit que quitte à faire les choses bien, autant ramener de quoi boire et fumer. On était jamais sûr de trop en avoir. Et puis c’était aussi l’occasion de profiter, avec sa foutue étoile qui l’obligeait à parcourir les étages pour rejoindre son ami d’enfance, venait l’avantage d’un peu d’argent de poche. Assez pour claquer 60 balles dans une bonne bouteille de West Cork, un whisky qu’elle attendait d’acheter pour le partager avec Alastair, pas donné mais il en valait le coup. Le whisky ou Alastair…? Probablement les deux.

Elle claquait la porte derrière elle et jetait rapidement son bonnet sur le lit pour se recoiffer avec ses doigts en lançant un rapide coup d’oeil au miroir en rougissant, se trouvant ridicule. Elle détournait rapidement les yeux pour ouvrir son sac et en sortir la bouteille puis la cartouche de cigarettes. Elle ne cessait d’en taxer dans le paquet d’Al mais régulièrement elle lui laissait des paquets neufs planqués dans sa chambre, toujours tagués de dessins et bêtises pour le faire marrer. Justement elle sortait un paquet de la cartouche fraîchement ramenée du tabac avant de planquer celle-ci dans sa commode sous un tas d’affaires. Rapidement elle ouvre le paquet de son blister et dessine une licorne stone au marqueur noir sur celui-ci avant de le fourrer dans la poche de sa veste et de sauter sur ses pieds. Elle est à la bourre alors elle attrape la bouteille qu’elle glisse sous sa veste fermée et abandonne sa chambre pour courir en direction des toits. Qui a eu la stupide idée de mettre les une étoiles au premier étage franchement? Ne serait-il pas plus logique de les mettre sous les sans étoiles? Mais après tout elle ne va pas s’en plaindre, depuis la chambre d’Al, elle a toujours accès à une vue particulièrement plaisante. Elle se dit qu’un de ces jours elle va toquer à la porte de ce Major pour lui demander si elle peut le prendre en modèle nu, après tout elle le connaît sous toutes les coutures, donc pas de gêne entre eux non? Bien que lui ne doive pas savoir à quel point la jeune femme le connaisse par cœur lui et son petit cul.

Elle arrivait enfin à destination essoufflée, s’avançant dans le couloir presque silencieusement, autant que ses doc martens et sa démarche de phacochère le lui permettait. Comme à son habitude, elle ne frappait pas à la porte, elle était autant chez elle dans cette chambre que dans celle du premier étage, elle y était même bien mieux, et pas à cause de l’aspect gruyère des lieux. La porte grince et s’ouvre sur le grand dadais pendu comme un cochon qu’on égorge la faisant sourire de toutes ses dents. Elle lui tire la langue à ses blagues à propos de son retard en s’avançant vers lui, ayant bien fermé la porte derrière elle histoire qu’ils aient la paix. Elle profite de passer à côté de son lit pour glisser le paquet de cigarettes sous son oreiller, doudou un peu particulier qu’elle lui offre.

“ Al tu sais que je ne manquerai jamais une occasion de pratiquer un peu avec mon don mais non! Figure toi que j’ai été faire un peu de shopping pour nous deux môôôôsieur!”

Elle s’est en même temps avancée pour attraper sa main et s'agripper à lui se hissant à ses côtés. Elle soupire en s’installant sur les toits et sous ce ciel se parant d’un voile noir et de ses plus beaux bijoux, arrivée juste à temps pour voir le jour décliner et la nuit prendre possession des airs. Elle finit juste de s'étaler à côté de lui prête à sortir la bouteille qu’il la prend de court.

“ Tu sais que pour toi ça sera gratuit, mais si tu me prend par les sentiments… je ne peux décemment pas refuser. En attendant c’est moi qui offre pour ce soir!”

Et elle sort la bouteille de sous sa veste pour l’agiter sous les mirettes de son ami avec un grand sourire en venant le pousser de l’épaule.

“ On commence par laquelle alors? D’abord la qualitative pour ne pas avoir le palais trop cramé en la goûtant plus tard, ou tu veux la garder pour une autre fois peut être? ”

Elle lui fourre dans les mains en venant se pencher sans gêne sur lui pour le palper et trouver son paquet de clopes qu’il garde et en chiper une, tout sourire. Elle l’allume, tire dessus et soupire de plaisir, expulsant la fumée dans les airs, rejetant la tête en arrière, offrant son visage aux étoiles et à l’air frais du soir en fermant les yeux. Sans bouger, sans rouvrir les paupières, le coin de ses lèvres s’étirant elle commence.

“ Tu préfères que chaque personne que tu regardes meurt instantanément ou que chaque personne que tu regardes te foute un monstrueux coup de genoux dans les couilles ? ”

Elle venait relever le visage vers Alastair pour plisser les yeux et le nez en soufflant à son intention quant à sa blague pour la faire marcher, chose qu’elle faisait inévitablement, ses joues se parant de rose. La jeune femme laisser ses cheveux cacher son visage en espérant que l’obscurité ferait le reste du travail pour masquer sa gêne éphémère. Bien-sûr que l’idée lui a traversé l’esprit, elle a toujours trouvé Al séduisant et elle adore profiter de lui et de son manque de pudeur pour s’entrainer à ses esquisses et soyons honnêtes cinq minutes… c’est une excellente occasion et un très bon prétexte pour le mater en toute impunité. Elle avait rouvert les yeux pour le regarder distraitement, prenant une nouvelle bouffée de nicotine et la gardant un peu pour la laisser lui cramer les poumons avant de soupirer lentement se laissant bercer par les réflexions et la voix grave à côté d’elle.

Elle se marrait instantanément à l’excuse foireuse qu’il lui sortait pour ne pas être allé faire de shopping. Elle faisait mine de s’offusquer du surnom ridicule en une mimique encore plus risible. Elle savait très bien que ce genre de bouteilles n’était pas vraiment dans son budget. Rageant intérieurement du traitement de faveur de l’académie et de la situation minable dans laquelle ils laissaient les sans étoiles. L’avantage de se rincer l’oeil et d’accéder aux toits la nuit ne compensait pas, pour elle, l’insalubrité des chambres et les repas de misère auquel son ami avait droit, ami qui s’en battait les steaks royalement…

Au feu vert d’Al, elle se penche pour chopper les verres posés près des bouteilles et ouvrir le whisky qu’elle avait ramené et les servir. La nuit ne faisait que commencer. Elle coince la cigarette entre ses lèvres pour dégager ses deux mains, continuant à fumer et crachant la fumée par le nez, la sensation l’amusant. Elle tenait enfin les deux verres remplis de façon respectable, un pour elle et un qu’elle venait poser sur le ventre de la loque allongée à côté, le tenant jusqu’à ce qu’il se décide à le récupérer de sa main. Elle l’écoute attentivement, les yeux pétillants et rieurs aux réflexions, silencieuse. Elle ne s’allonge à moitié en arrière s’appuyant sur ses coudes pour le rejoindre un peu contre les tuiles en hochant la tête et venant croiser ses iris aussi rouges que les joues de la jeune femme.

Charlie avait toujours particulièrement aimé l’apparence d’Alastair, depuis sa transformation gamin elle trouvait que la peau d’albâtre et les cheveux de neige lui allait à merveille et plus que tout, ses yeux, d’un rouge incroyable qui en déstabilise plus d’un et dans lesquels elle aimait se perdre. Elle lève un sourcil étonnée à la question. Vraiment?

“Pain au chocolat! Sans hésiter! C’est moche chocolatine et puis… d’après ce que j’ai compris la majorité de la France utilise le premier terme donc pourquoi faire chier avec l’autre? Sont cons ces Français quand même…”

Elle laisse sa main porter son verre contre celui d’Al pour trinquer dans un coup d’oeil et un grand sourire avant de le porter à ses lèvres.

“A notre gueule de bois de demain!”

Une fois le liquide passé elle laisse ses yeux se perdre dans les cieux pour réfléchir à la prochaine connerie qu’elle pourra lui poser.

“Tu préfères pouvoir te téléporter ou pouvoir être invisible?”

Elle marque une pause, bois une nouvelle gorgée et s’allonge aux côtés d’Al en souriant. Pour elle ça serait se téléporter sans hésitations. Plus simple que de monter ces foutus trois étages pour venir le voir. Elle tire de nouveau sur sa cigarette avant de venir le regarder, son verre posé sur son ventre tenu d’une main, son autre bras au dessus de sa tête, étalée comme une loque.

Les yeux de la jeune femme papillonnaient entre le ciel, son verre, les mains et le visage d’Alastair. Elle prend une nouvelle gorgée en l’écoutant parler des manies de langage des Français, cette bande de chipoteurs et râleurs. Elle s’imaginait bien intégrée parmi eux à prendre des cours de râlerie rien que pour casser les oreilles d’Al, l’idée la fit sourire un instant.

Une inspiration et doucement elle s’amuse à former un cul de poule ridicule avec ses lèvres pour cracher sa fumée en de petits cercles parfaits dans l’air frais de la nuit. Les yeux perdus dans les étoiles et les nuages qui commençaient à filer et se disloquer dans le ciel, la nuit serait belle.

Elle recommence en souriant, écoutant attentivement la réponse de son ami, finissant sa cigarette avant de reprendre une gorgée dans son verre. Elle ri à l’idée de l’éléphant danseuse étoile, esprit artistique à l’oeuvre, déjà elle esquisse dans son esprit un gros éléphant dodu. Ce dernier se tenant en équilibre sur une patte, perché sur un plot de cirque avec un tutu ridicule, les pattes avant en l’air, dans la parfaite postule des danseuses étoiles dans les boîtes à musiques. Il fallait qu’elle s’en souvienne, elle voulait en faire un dessin, ou le graver dans le bois, n’importe quoi qui marquerait ça, l’idée était tellement ridicule qu’elle pouffait d’un rire gras en s’étalant sur le dos après avoir écrasé sa clope.

Rire qui se transforma en couinement de souris sous les chatouilles expertes d’Al.

“Stoooooooooop! Noooon!”

Charlie gigote et tourne son visage pour lui grogner dessus en plissant le nez, pas très convaincante. Elle lui attrape la main pour faire cesser la danse de ses doigts et la jette en l’air pour se glisser contre lui comme à son habitude, la tête sur le torse du sac à alcool qu’il était, coussin confortable.

“Stoooooooop! Je suis peut être un puits sans fond mais un puits sans fond de qualité moi, môsieur!”

Et pour prouver ses dires elle se caressa le ventre avec un petit sourire en coin en avalant encore une gorgée de whisky. Elle continue à regarder le ciel, toujours absorbée par la beauté des constellations et la douceur du soir. Buvant encore pour se griser et se réchauffer.

“Dis moi tout, chou, je t’écoute.”

Elle regardait en coin la lumière de son écran sans rien y voir car trop loin, ses yeux regardant le visage d’Al, attendant la question, impatiente d’entendre la nouvelle connerie qu’il pourrait lui sortir. Ça ne manquait pas, elle explosait de rire comme une baleine à la question, au point d’avoir des larmes au coin des yeux et sûrement quelques ‘chut’ de la part de leurs voisins de chambrées.

“Elle est complètement con oui! La mayo sans hésiter, y a que des avantages à ça, attend! Franchement , plus de mauvaises odeurs, plus de surprises, t’es en panne de sauce pour ton sandwich, t’as plus qu’à chier dedans! Un sourire-bite quelle horreur… Tu peux plus rien manger avec ça et t’imagines, quand t’es excité tu peux plus fermer la bouche, un coup à te noyer tout seul aussi si tu jouis!”

Elle se marrait de plus belle imaginant à son tour Al avec ce fameux sourire-bites-excitées. Sans le lâcher des yeux elle continuait à rire et à réfléchir à la prochaine question, faisant travailler son esprit pour tenter de battre cette appli à son propre jeu niveau colles débiles.

“Aloooors... tu préfères combattre 100 chevaux enragés de la taille d’un canard ou un canard enragé de la taille d’un cheval?”

Elle boit une gorgée et manque de s’étrangler pour compléter sa phrase rapidement en lui appuyant de l’index sur les côtes à répétition.

“Et sans ton Alice hein! Sinon ça compte pas c’est trop facile!”

Elle vient rouler sur le côté lamentablement pour se caler contre Al, le verre à la main en le dévisageant les sourcils levés et un sourire en coin, fière de sa trouvaille stupide.

Elle se détendait, accueillant la tête d’Alastair sur son ventre, position habituelle lorsqu’ils traînaient ensemble comme ça. Habitude d’être collés l’un à l’autre sans gêne et sans questions. Al représentait sa seule vraie famille, sa mère ne comptant que peu, femme ne s’étant jamais vraiment soucié d’elle et son père… inconnu au bataillon. Seul Al comptait et le cœur qui se pince, elle se dit qu’elle compte aussi pour lui, un peu? Parfois Charlie se fait bouffer par l’insécurité et l’incertitude, habitude de douter constamment et d’avoir appris à vivre sans attaches, sans racines. Même si gamins ils se sont enfuis ensemble pour venir dans cette nouvelle prison, elle se demande souvent si ces moments comme ce soir vont durer. Ses doigts viennent naturellement attraper des mèches de la tête immaculée pour jouer avec, l’écoutant sagement. Elle tend son verre dans un sourire satisfait, cet homme sait parler aux femmes il n’y a pas de doutes. Elle s’empresse de prendre une nouvelle gorgée, liquide qui la réchauffe doucement et efface ses doutes et sa boule au ventre.

Son rire se joint spontanément à celui de son ami, sa réflexion est tout sauf inattendue, elle était sûre qu’il se débrouillerait pour tourner la situation à son avantage et en rire, il le fait toujours. La question qui était dans l’esprit de Charlie était juste ‘Comment? Comment il va se débrouiller?’.

“ Je me demandais si tu allais essayer de dresser l’armée de poneys miniatures pour en faire une horde qui te suit ou si tu voudrais justement faire du canard-rodéo! Tu as le don de ne jamais me décevoir chou. ” Elle se marre, bois une nouvelle gorgée et reprend “Pour le Mexique il faut absolument coller une perruque orange au canard et le maquiller! T'imagines la gueule des passeurs? NOOON PIRE!! T’imagines Trump conquis par l’idée et qui les clone pour en faire une armée de défense pour son mur avec des montures-canards-enragés?”

Elle le regarde, les larmes aux yeux de se marrer rien qu’à l’idée, larmes rapidement remplacées par des joues de nouveau pivoine quand il enfouis quelques instant son visage dans son haut. Elle boit encore pour reprendre contenance ou en perdre, allez savoir, et lève un sourcil à la réflexion d’Al. Elle s’attend à une question bien crasseuse.

“AAAAH! Dur choix j’avoue!” Elle se marre et pousse la réflexion, glissant ses doigts parmi les cheveux de neige pour lui caresser distraitement le crâne. “Huuuuuum… il faudrait que j’imagine hypothétiquement un petit frère… Bordel il peut s’en passer des choses en une nuit. Et en soiiiiii… Le fait que le gars soit scato et sadomaso… ça change rien à la sodomie, peut être même qu’il peut faire les choses bien va savoir? Ça peut même être drôle.” Elle plonge ses yeux dans le ciel et laisse quelques secondes de silence s’écouler avant de donner sa réponse. “Premier choix! Et ça me ferait marrer de le fouetter ou d’inverser les rôles avec un gode-ceinture s’il est maso… et ça reste une pratique comme une auuuuutre. Ça peut être fun.”

Elle ricane rien que d’imaginer la scène, les yeux toujours plongés dans les ténèbres, accrochés aux points scintillants dans le ciel, les doigts descendants, sans y réfléchir, jouer avec l’oreille d’Alastair.

“On va rester dans le même thème tiens…” Elle glisse ses yeux vers lui avec un petit sourire en coin en lui lançant la question à un million. “Tu préfère participer au gang bang de ta petite sœur ou prendre sa place?”

Une fois la colle lancée, elle a déjà en tête mille réflexions, des ‘ça dépend… si elle est consentante pourquoi la priver d’un bon gang bang, pourquoi pas participer…’ ou encore ‘si elle est pas consentante, autant aller faire la fête seule’. Charlie n’a jamais eu aucun problème à se faire plaisir et à en rechercher. Tout ce qu’elle demande c’est que tout le monde soit OK et partant et qu’on puisse s’arrêter à tout moment. Bref, les règles de base du consentement tout simplement. Elle se moque de ce qu’on pourrait penser d’elle à ce propos, elle aime juste expérimenter, tester, aller chercher ce qu’elle veut sans que personne ne soit blessé ou lésé sinon elle n’en tire aucun plaisir. Elle n’y met pas de sentiments, juste une recherche de sensualité et d’amusement. Elle aime les corps quels qu’ils soient, autant pour les dessiner que les effleurer.