Depuis la veille, la nouvelle te tordait l’estomac.
De nouveaux élèves chez les dangereux.
La liste est sans équivoque, et tu dois encore te départir d’un élève. Encore. Comme si ta classe était destinée à fournir des transferts à Placide et ses méthodes plus que douteuses.
C’était chaque fois un peu crève-cœur : tu aurais souhaité connaître chacun de ces élèves, leur apporter cet amour qui t’a guidée dans la profession et les protéger de ce qui pouvait les attendre chez cette classe marginale. Pur instinct maternel qui suinte par chaque pore de ta peau, et ce, même s’il ne s’agit parfois que d’un nom sur une feuille, une vague connaissance de l’existence de l’élève visé.
Tu n’approuvais pas ce traitement réservé à certains élèves, cette décision basée sur la nature de leur alice et l’usage qui pouvait en être fait, mais malheureusement tout cela faisait partie de votre quotidien depuis des années, et tu en vivais les répercussions surtout depuis que tu avais pris ce poste de professeure.
Au fond, c’est peut-être l’indigestion de ce changement qui te pousse le lendemain matin à trouver ton collègue après l’entraînement matinal pour le festival sportif. Te dépenser t’avait redonné légèrement confiance même si les histoires du passé te hantaient toujours lorsque tu pensais à Placide.
Tu chasses finalement tes insécurités en franchissant la porte de la salle des enseignants, soulagée en partie de l’avoir trouvé aussi rapidement même si tu n’étais pas enchantée de la discussion qui allait suivre.
« Bonjour. » Tu t’avances lentement vers l’étagère où vous rangiez les tasses, guidée par l’odeur du café qui embaumait la pièce. T’attrape un récipient d’une main et tes pas te guident vers la cafetière allumée par ton aîné, les doigts serrant doucement la porcelaine.
C’est drôle, soudainement, maintenant que t’es à côté de lui, ta voix est moins encline à ravager le silence.
Mais tu dois savoir. « Alors, j’ai appris qu’Asmodée changeait de classe. Félicitations. »
Et, malgré les mots heureux, tu ne pouvais sonner plus amère.