Robin n’était pas le couteau le plus affuté du tiroir, c’était un fait ; les évènements autour de lui le dépassaient, et s’il avait suffisamment d’intelligence émotionnelle pour se sentir affecté dans son cœur par la rage d’Elyas, par la colère des parents présents, par les larmes et par la peur, il ne savait pas comment réagir, comment améliorer les choses, quoi faire, rien.
Mais Robin avait d’excellents réflexes une fois plongé dans l’urgence, et lorsqu’il vit Eulalie s’approcher, un instinct presque animal se mit en alerte au plus profond de lui, et il ne fallut pas longtemps pour que les flammes d’Elyas ne lui donnent raison.

« EULALIE QU’EST-CE QUE TU FOUS ?! »

Son premier réflexe fut d’attraper Elior et Agnès par le col de leurs uniformes pour les tirer vers lui, les éloigner d’Elyas et l’empêcher de les heurter par accident ; une seconde plus tard il répéta son geste avec Eulalie et qu’importe si la course l’avait déjà fatigué, la même terreur de les perdre qui l’avait agité lors de la mission en pleine mer, la même foutue adrénaline lui donna les forces nécessaires pour puiser dans son alice, si bien que pour la toute première fois, l’eau qui apparut sous forme de barrière entre Elyas et eux ne venait d’aucun point d’eau proche ; il venait de la matérialiser de nulle part.
L’étiquette de son t-shirt se colora davantage.

« Restez derrière-moi, il ordonna à ses amis d’un ton autoritaire qu’il ne se connaissait pas. »

Son esprit tournait à cent à l’heure. Que faire ? Arrêter Elyas ? Il voulait bien mais avec Eulalie en roue libre, il pouvait l’arroser autant qu’il le voulait, ses flammes changeraient son eau en vapeur en un rien de temps.
Robin enrageait.
C’était injuste, écœurant. C’était en les traitant comme l’Académie l’avait fait qu’ils étaient devenus aussi dangereux. À renfermer tant de colère et de peine dans des esprits adolescents encore frêles malgré les épreuves qui les avaient endurcis, ils étaient devenus des bombes à retardement, et Elyas en était la plus terrible.
Une pensée lui vint ; terrifiante, et pourtant son souffle s’apaisa comme s’il avait enfin vu la lumière. Il s’approcha de son ami, sa barrière toujours en place pour éviter la fureur de ses flammes.

« Elyas… »

Arrête, calme-toi –rien de tout ça.

« Fais juste attention, par pitié. »

À toi et aux autres innocents qui n’avaient rien mérité.
Et réduis le reste en cendres.

« Je suis avec toi. »

Il fit ensuite un pas en arrière et se débarrassa de son t-shirt d’un geste bref pour que l’inhibiteur ne puisse plus l’empêcher de protéger le peu qui lui était cher dans cette école maudite.