Evidemment qu’on participe, évidemment qu’on se tient là, droite comme un piquet, dans cet uniforme si singulier, la chevelure ancre retenue dans une queue de cheval qu’on a penné à maîtriser. Pas par amour du sport, juste par amour de l’académie et de son règlement. C’est, comme qui dirait, un devoir qui tombe sous le sens. On se devait de mériter notre rang, d’être à la hauteur de la confiance qu’a placé le système sur notre personne. Queen la major. Queen de la section Nova. Queen la princesse fleur Hellébore. Queen la sœur d’Ace. Autant de raisons qui font que ne peut plus tolérer l’échec.

Pas plus confiante en nous qu’avant, mais gonflée par le sens de l’honneur qui dévore tout. On avait promis à Ace, et on voulait se sentir légitime de l’étoile épinglée à notre col. Alors on participe, on se tient prête à recevoir le fameux témoin et à l’emporter vers la prochaine paire de main. Devant nous, un bosquet de plante tentaculaire… Sans trop savoir pourquoi on serre les fesses.

On se sent abrutit, surprise, peut-être même légèrement effrayée par le fait de voir un T-rex cracher ses poumons en notre direction. Faut quelques secondes pour reconnaître la tête de notre camarade de relais… Le pauvre, finalement les plantes à tentacules ce n’était peut-être si mal en vérité.

« Merci. »

Lâché avec un sourire compatissant, un peu crispé, parce qu’on ne sait jamais trop comment sourire normalement. On empoigne le témoin et on cour vers la végétation hostile. Si on n’était pas aussi innocente et inculte de l’animation japonaise, on aurait sans doute vu en cette épreuve une référence très mauvais goût. En attendant, on se sent juste pas tellement à l’aise. Bizarrement, les plantes qui bougent et grouillent ce n’est pas très rassurants. Ça l’est devenu encore moins quand l’une des dites plantes a eu le bon goût de nous attraper par la cheville et de nous tirer en arrière.  Tombe tête la première comme la dernière des sacs, face contre le sol. Humiliation totale pour la gamine qu’on est. Colère furax parce qu’on voit les autres nous dépasser et la victoire nous passer sous le nez. Un peu par panique de perdre, par rage aussi, on inspire et souffle ce tout ce qu’on peut sur la vilaine tige.  Le givre qui la menace la fait se rétracter, on saisit de nouveau le témoin et on court tout ce qu’on peut jusqu’au prochain camarade.

On arrive vers la belle Gabrielle à bout de souffle. On sait son nom parce qu’on la voit souvent au club de volley ball. On sait qu'elle est belle parce qu'elle ressemble à une princesse. On tend un peu penaude le témoin.

« Désolée. »

Si on avait été comme Ace on aurait foutu ses fichues plantes dans un iceberg et la question aurait été réglée. Manque de bol pour nous, on est juste Queen.