la méfiance viscérale face au moindre visage adulte - celui des militaires est casqué et puis ils sont armés, transforment le manque de confiance en rejet animal - et dans la cohue aucun fasciés amical. Felix qui a toujours aimé chahuter dans les couloirs hospitaliers trouve l'atmosphère des lieux hostiles tout à coup. conditionnés à suivre les indications d'inconnus alors qu'on a pour beaucoup mis des années à refaire confiance à plus grand et plus fort que soi,
ne pas voir le personnel de l'académie - seconde famille malgré la tendance à l'effronterie - dans les lieux habituels
rend la scène surnaturelle - c'est dissonant.
si discordant qu'on cherche des repères dans les endroits qu'on connaît pourtant par cœur, c'est comme parcourir le hall blanc pour la première fois lorsqu'on les entasse tous dedans façon bétail.

un sweat immense par dessus le pyjama et des baskets enfilées à la hâte, Felix s'extirpe du torrent d'élève en repérant les escaliers, monte quelques marches pour voir plus clair dans la marrée de monde. veut trouver un visage - celui d'Iris, la seule adulte à qui on obéit aveuglément
pas là
pas normal
pas avec eux alors c'est ailleurs qu'il faut aller
et Felix allume le flash de son portable pour s'éclairer tandis qu'on gravit les escaliers, jette des regards derrière lui en voyant qu'on est plusieurs à suivre les mêmes sentiers, à s'éloigner du chahut du hall, il ne dissuade pas - ailleurs n'importe où c'est mieux qu'au rez-de-chaussée, à la même hauteur que les pièges qui menacent de se refermer. qui se referment un étage plus haut, les portes coupe-feu qui claquent sur leurs talons lorsqu'on s'est réfugié dans une des salles d'opération, étouffent le bruit
des coups de feu. c'était quoi c'était quoi c'était
pour de vrai ? l'estomac se noue, il serre le téléphone contre le buste pour étouffer la lumière au creux du tissus, face aux issues condamnées il entend, le chaos qui gronde dehors et fixe, avant de reculer à son tour jusqu'aux autres. se tait pour tenter de contrôler le rythme du souffle le rythme du cœur les écœurements pour éviter le moindre dysfonctionnement des onguents
et tressaille en entendant que ça vacille dans son dos
tourne la tête à la réplique quelqu'un s'est blessé ? discerne dans la pénombre Lyria puis Gabin-Lucie, identifie
la source de la voix, chuchotements des effrayés au diapason
de ceux de Leonard. quoi - tu t'sens pas bien ? comme quelqu'un de touché
par la maladie qu'on craint ?

flash éclair, aveugle une seconde, les iris percés de lumière Felix barre de l'avant-bras, passe le revers des manches trop longues sur les paupières éblouies en jurant. ahh ! mais - 'tain pas dans les yeux d'jà qu'on voit rien les battements de cil comme pour chasser les rayons en trop, ils empêchent de discerner quoi que ce soit dans la pénombre et on secoue la tête. finit de se réhabituer à l'obscurité, il y a les néons des sorties de secours et puis la tâche de lumière créée par le téléphone de Leonard, elle parcourt les lieux noirs et puis tous ses occupants, Gabin-Lucie et puis Lyria, on a tous les mêmes regards effrayés malgré les "ça va aller". et on sent la peur qui enlace comme de la mélasse immonde, Felix repousse, contre les doutes. bien sûr que non ils ont tiré sur personne, on est à l'académie ici on tue personne. ici c'est la maison où l'on vit, c'est dehors qu'on meurt. et les coups de feu c'est pour repousser les assaillants - pas vrai
pas vrai ?
projecteur de fortune, atteint les tables d'opération. fait luire le métal et ressortir les draps blancs au milieu des ombres - les formes qui dorment dessous réveillent des hauts-le-cœur,
plaque la main sur la bouche pour retenir les écœurements.
c'est
quelqu'un ?
c'est blond comme certain ici - contrairement à nous
ça n'a pas l'air
de respirer. . . . c'est pesant tout à coup, l'atmosphère qu'il inspire devenue liquide, et les quelques pas qui séparent du centre de la pièce sont lourds, les genoux menacent de flancher à chacun d'eux
surtout lorsqu'il se tient debout devant le billard drapé de blanc
retient le souffle, au moment de tenir la main pour saisir un coin de tissus
sans soulever - le poitrail s'affole. quelqu'un regarde - vous regardez à ma place ok ?
on regarde ?
si Felix vérifie seul
là tout de suite
il va vomir c'est sûr.

à s'attendre à de l'inanimé on sursaute en voyant que c'est encore bien vivant - loin d'être mort, l'enfant révélé de sous les draps paralyse de réflexe instinctif, Felix s'est reculé figé il fixe sans comprendre
ni l'état ni la langue
ne sait pas ce qu'il y a de plus fou entre fixer des yeux vitreux ou trop brillants comme maintenant. le sang qui bat jusqu'aux tempes, cœur au niveau de la gorge, on tente de faire redescendre les niveaux d'adrénaline comme on peut lorsqu'il entend leonard derrière lui. dans ta mémoire à l'infini polonais y avait pas la place ? tilte. que dans les veines l'alice irradie de substances prônant la panique il inspire tant bien que mal pour réprimer, éviter de se faire polluer et envenimer autour de lui, Felix contrôle les souffles et les sentiments qu'on provoque dans son périmètre. avant de lever les mains en évidence - attendez - attendez j'essaye
je tente un truc.
c'est le geste qu'on fait quand on ne veut pas blesser
prudemment il s'approche, s'efforce de dénicher un semblant de sentiment paisible que les ondes qu'on diffuse soient des appels au calme,
et Felix se risque à poser les mains sur le bras de l'enfant terrifié, au contact des doigts sur la peau l'alice a plus de chance de fonctionner, pour au moins apaiser l'effroi avant d'essayer de comprendre sa source.

piqué d'effronterie, Felix se mord la langue pour faire taire. l'insolence naturelle et dans les situations de crise c'est encore pire - la faute à l'alice qui court dans les veines et envenime - on n'avait pas envie de se battre. les regards de Leonard il les évite, ses mots il y songe. voix agaçante de la raison. son propre téléphone désuet, fait se sentir inutile individuellement. va pour l'esprit d'équipe. et Felix lève un coup d'œil entendu vers Gabin. il t'aime bien - tu le gères ? pour dire ne le lâche pas on compte sur toi. demi-tour pour faire les pas qui séparent de Leonard et puis Lyria, il vient se planter devant elle et tend la main. tu prêtes ton téléphone ? en vitesse, je te le rends après. les sourcils froncés parce qu'on est bien conscient d'être un idiot acéré et que c'est trop de dire désolé. par contre on se sent capable de remplacer par s'il te plaît. promis j'en prends soin. et lorsqu'elle lui accorde une faveur Felix va même jusqu'à ponctuer d'un merci, on ne l'aura jamais vu être aussi poli. tandis qu'il revient à proximité de Gabin et l'enfant il pianote sur l'écran, inspire le temps de vérifier, expire au moment de constater - on a de quoi établir la connexion. debout à coté d'eux il hésite avant mettre le téléphone sous le nez du môme, fonction dictaphone activée et reliée aux traducteurs en ligne. vas-y ! silence. soupir, et Felix tourne la tête vers Gabin. tu peux tenter de lui faire comprendre qu'il faut répéter ? après tout Gabin c'est son cousin.

des séismes du nom d'Andreï - c'est celui qui résonne lorsque les lieux sont pris de secousses terribles - couvert d'un vacarme d'acier chirurgical, ciseaux et scalpels éparpillés on s'éloigne des tables d'opération pour éviter de se couper. et Felix a l'impression que ça continue de trembler mais ça c'est lui tout seul, traversé d'adrénaline. il entend difficilement ce qu'on dit par dessus le bruit du cœur qui bat au niveau des tempes, reporte une œillade désemparée vers Leonard. on n'est plus mesquin - c'est inquiet pour eux tous. alors que ça tire dehors ? que t'as plus ton alice et qu'on se retrouve à jouer les parents d'adoption ?? mais c'est comme si le bâtiment pressait urgemment de sauver ses entrailles qui risquaient de finir en miettes - de fins débris de plâtre tombent des plafonds ça s'effrite un peu au dessus des têtes. il fait quelques pas pour rendre son téléphone à Lyria - on a promis. ok on bouge. p't'être qu'il est - je sais pas p't'être qu'il est dans une salle de l'hôpital lui aussi ? qu'il s'est réveillé quelque part comme lui ? les mots comme les souffles sont saccadés, on n'est pas sûr de savoir où s'élancer et hésitant Felix retourne à la porte par laquelle on est entré, entrouvre pour vérifier si la voie est libre de ce coté là même si on discerne mal dans les couloirs privés de courant.

la crainte sourde que tout soit réduit en poussière si l'on tarde trop, Felix aussitôt sorti de la salle d'opération s'avance dans les couloirs, direction opposée de celle par laquelle on était arrivé on se hâte pour vérifier derrière les portes suivantes. va pour ouvrir la prochaine avant de se figer au moment de passer devant les fenêtres. trouvant la lumière étrange, il est tétanisé en comprenant d'où venant l'éclairage couleur chaude. brûlantes, les lueurs dehors - après la fuite, les coups de feu et les tremblements de terre c'est la destruction par les flammes et on a le vertige pour de bon
de voir la maison sans dessus dessous. non, non... on voudrait
que ça redevienne vite comme avant. et planté là, il sursaute à peine en entendant quelqu'un arriver. reconnaît Asmodée malgré la dizaine de pas qui séparent et la demi-pénombre, il a l'instinct de vite rejoindre, comme quand on supporte plus l'obscurité au grenier mais Felix s'empêche, reste où il est. l'œillade désabusée au moment des retrouvailles de son camarade avec Leonard. faut pas qu'on traîne. il se détourne et continue, passe les fenêtres pour aller explorer les pièces suivantes à la recherche du responsable des secousses.