le Caprice de l'autre univers - celui que tu as annihilé sans lui demander son avis - je ne suis pas sûr de vouloir le connaître, Colline. si il savait que tu étais prêt à avoir du sang sur les mains pour me revoir là maintenant il s'en voudrait mortellement. je me réjouis presque qu'il soit mort - ne le ressuscite pas, je voudrais
t'aider, si seulement je pouvais t'aider
à enterrer tous les souvenirs qu'on a pu se faire
les plus horribles, que tu es le seul à garder.
rien que de songer à tous les cadavres de nous qui dorment six pieds sous terre
inhumé dans ton esprit, rien que dans ton esprit
j'y passerai un coup de bulldozer pour qu'enfin
tu oublies tout ce que j'ai pu dire.
jamais je le pense totalement, Colline, jamais je penserai
les
je te détestemais ça
on se l'est jamais assuré à haute-voix
je pensais
que tu savais.
tu ne savais pas et tu commets des assassinats
de moi et puis de toi, sacrifie des jours peut-être des mois
tout ça pour une heure ou deux où l'on a eu trop mal
où c'était trop douloureux d'exister comme ça.
ah Colline tu sais je préfère Colline fâché je préfère Colline qui crache des insanités parfois je préfère car au moins c'est pas blessé à ce point ça serre pas les poings sur là où ça saigne je veux pas je peux pas te voir te faire du mal comme ça Colline
un jour on se disputera encore
et ce sera peut-être
la dernière fois.
l'urgence de rassembler tous les morceaux je m'avance et viens saisir les poignets pour discerner les regards même s'ils sont voilés ça ne fait rien Colline montre moi
l'étendu des dégâts, l'hémorragie des yeux et du nez je vois bien
qu'il manque des éclats
qu'on retrouvera jamais
Colline
ça fait rien tu vois que je suis pas fâché, je... je...
j'ai mal pour toi j'ai trop de mal
à supporter les constats -
ça va te tuer un jour ces pardons-là.
c'est rien qu'un film, on en verra d'autres
on a tout le temps d'en voir d'autres qui nous plairont à toi et moi - pleure pas,
pleure plus d'accord ?
ou alors pleure pour toutes les fois où tu te l'es interdit tu as le droit, excuse moi
d'avoir des yeux qui discernent trop je n'ai jamais voulu que ça te désempare au point que tu veuilles te cacher dans tous tes états, je les accueille je les vois
disparaître au creux du cou lorsque je lâche tes mains pour passer mon bras intact autour de toi, enserre les épaules qui tremblent pour adoucir toutes les secousses, et ma tête contre la tienne
j'aimerais bien pouvoir t'alléger du poids et de la douleur -
mais tout ce que je peux faire c'est admirer
Colline qui brise et vide trop vite les sabliers
dans les halls de cinéma on a peur.