Rêves de grandeur laissés sur la table basse Se perdent dans les nébuleuses de la calebasse Mais la faille est si fine que seul le sable passe Car le temps est esclave de l'escale des étoiles qui s’esclaffent
exaspérante contrariété post-jeux d'enfant dégénérés. ils ont du se dire une trentaine de mots à tout casser (les os) et depuis c'est le silence radio. déjà qu'il est artificiel le lien de sang et qu'ils se ressemblent si peu. sur le papier c'est pourtant marqué qu'on est frères mais ce mot-là comme banni du vocabulaire ils se traitent comme des inconnus. Caprice joue la sourde-oreille depuis qu'on a raté l'avion (le vol détourné) et l'administration fatiguée de devoir jouer les diplomates entre Colline et lui avait fini par soupirer entendez-vous.
qu'il est gonflant Caprice, il fait inspirer fort pour garder toutes les expirations irritées en dedans et Colline désespère à manquer de souffle à ses cotés, c'est toujours - toujours lui qui fait le premier pas et Caprice satellite observe amorphe le bras amoché en écharpe ignore toutes les excuses depuis l'atterrissage forcé dans les escaliers de l'hôtel particulier (là où ils habitaient il y a un mois encore). des inconnus c'est à ça qu'il veut jouer dans le mutisme qu'il s'enferme Colline avait dit ça suffit on sort sort de là dehors Caprice fais donc un peu comme lui pour une fois plutôt que comme toi toujours ouvre grand la bouche et respire l'air frais l'extérieur alors qu'on a étouffé si longtemps on va voir d'autres paysages d'autres images (qui s'animent toutes seules, du jamais vu encore) c'est la première fois qu'on va au cinéma alors arrête de faire la tronche. sifflé depuis le comptoir au moment de récupérer les places Colline se saigne du peu d'argent de poche qu'il a ça sonne déjà creux alors apprécie le geste tu veux et avance, fini l'inertie avance on va rater la séance, Colline tient la porte menant à la salle sombre galanterie l'oblige il faut descendre les escaliers on sera mieux tout devant et toi, toi encore une fois tu hésites au sommet.
Colline a douze ans et se sent coupable de crime de grand de fratricide manqué, et pour se désavouer même pas du jugement même pas de punition mise à part celle d'avoir perdu la maison et tu restes immobile, effacé planté en haut des marches il te regarde la gorge serrée sourcils froncés, les mots sortent de travers (à t'observer toi et ton bras et ton cœur cassés). quoi ? qu'est-ce qu'il y a ? tu veux que j'passe devant ça t'ferait plaisir ? tu pourrais le pousser si tu veux provoquer des déséquilibres pour rééquilibrer vos instabilités il vaudrait peut-être mieux.
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dans le plâtre les os en miettes derrière les côtes le cœur aussi plus que des poussières d'étoile et toujours - toujours sur les yeux comme un voile
je crois que depuis l'escalier en colimaçon dévalé, cogné par les marches - elles ont frappé les hanches les épaules les coudes les genoux tout ce qui peut saillir sous la peau du corps maigre - je veux plus trop qu'on m'approche je veux qu'on reste loin de moi que tu restes loin de moi Colline, au moins un peu au moins quelques temps - celui qu'il faut pour réparer les fractures ouvertes.
oh j'ai vu mes os tu sais j'ai vu mes os surgir de l'épiderme dans une effusion vermeille et bizarrement ça ne saignait pas tant que ça et je n'avais pas si mal non ce qui était douloureux c'était révéler au grand jour qu'on était fait d'hémoglobine et de chair et de moelle épinière qu'on était fragile, à manipuler avec précaution. et comme les œuvres d'Art de papa une fois la toile lacérée ou les couleurs ternies perdues à tout jamais on ne valait plus rien. ah j'ai vu mes os en miette et papa a vu aussi et il m'a serré dans ses bras comme un pantin impossible à restaurer qu'on pleurait à l'idée de devoir s'en débarrasser.
depuis je veux plus trop qu'on m'approche et je fais sûrement un peu la tronche. quand tu dis arrêtes mon âme répond "continue" parce que ça te désempare systématiquement que je puisse fermer toutes les sentiments tout à coup. ça fait rien, je t'en veux plus Colline, je sais que c'est la jalousie qui parle parce que toi tu sauras jamais faire. trop bariolé d'émotions, tu serais un tableau tu surferais sur la vague impressionniste.
je sais aussi que ça t'aurait fait virer rouge vif - fou de rage - que je refuse une énième invitation, alors j'ai dis ok pour la première séance de nos vies je me suis dis
au cinéma, au moins on peut se taire
dans les salles noires, au moins on peut fermer les yeux sur nous deux.
en haut des escaliers plongeant dans les rangs jusqu'en bas de l'écran le vertige soudainement c'est à l'instinct que le bras en écharpe est ramené contre le ventre, comme si les organes vitaux réclamaient d'avance des boucliers traumatisés d'ecchymoses.
je me vois tomber tu veux te voir tomber aussi Colline ? tu demandes si ça me ferait plaisir je pense que c'est plutôt toi que ça comblerait - moi moi je crois que ça ne ferait que creuser un peu plus dans les puits tristes, ils sont taris et on n'y trouve plus d'eau depuis des lustres, peut-être peut-être que ça me ferait pleurer, ça me manque les larmes.
rien. non. je veux pas m'asseoir devant l'écran je préfère tout derrière, sinon je verrai que dalle.
sinon je verrai trop sinon il faudra emprunter les escaliers et je veux pas. sans un mot de plus je me détourne de la volée de marche et me faufile au cœur des rangs les plus en hauteur, m'avance jusqu'au milieu de la salle de cinéma avant de m'asseoir sur le siège le plus au centre.
l'écran blanc encore je me demande, quel chaos d'images ce sera - j'aimerais bien pleurer ça fait longtemps j'espère que c'est un film triste Colline.
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putain princesse fait lever les yeux au ciel à Colline qui implore les grands dieux miséricordieux d'avoir pitié de son âme ; elle est faible elle pense je me sens tellement tellement coupable que je regrette parfois de pas avoir poussé assez fort ou bien - ou bien je m'imagine dire des trucs scandaleux style insulter les grands morts à Caprice pour le faire sortir de ses gonds et tomber à mon tour.
c'est fou la rancœur glissée sous la peau, inoculée comme un poison, la jalousie du frère presque jumeaux qui joue le jeu de la compétition jusque dans les os ; moi aussi je veux un plâtre... ... en silence Colline rejoint Caprice, encore lui qui doit annihiler les distances décidément, et c'est dépité qu'il se laisse tomber dans le fauteuil de velours rouge à coté de lui ; c'est des matières qui rappellent la maison Caprice, tu trouves pas ? regard rivé sur l'écran il évite celui toujours un peu trop volatile, le devine à sa droite, lointain, si lointain Caprice Colline s'affale contre le dossier de son siège et pose les pieds sur celui devant lui, comme ça le bas du visage se cache dans le col du sweat trop large et on peut mettre les deux mains dans la poche centrale, on disparaît légèrement. ... je sais pas si t'as capté mais j'ai choisi l'film dont j'te parlais, c'est pour les gamins mais ça s'passe dans l'espace alors j'me suis dis que t'aimerais bien. une histoire d'amour entre deux robots sur fond de galaxie - Wall-e - même brisé et réinitialisé il retrouve finalement sa personnalité, toujours des sentiments électrisant les circuits imprimés, alors qu'on était pourtant sûr d'avoir détruit pour de bon, et Colline espère que ce sera le cas avec toi aussi Caprice.
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comme les valises jamais vraiment défaites, l'écharpe toujours nouée autour du cou et le manteau sur les épaules je m'installe pas tout à fait, pose les pieds sur le rebord de mon siège pour ramener mes jambes contre moi et croiser les bras - comme je peux. je préférais nos canapés, Colline, mais toi et moi on sait très bien comme on perdait du mobilier au fil des déménagements et puis un de ces jours laissé derrière dans un ancien appartement ça aurait été l'un d'entre nous. alors va pour les fauteuils de cinéma et les films pour les enfants qu'on a jamais vraiment été.
cool. de toute façon ça aurait été un film avec de vrais acteurs j'aurais rien compris.
d'une scène à l'autre les visages ne s'impriment pas et j'aurais oublié qui est qui. alors de l'animation ça me va très bien même si tu dis que c'est pour les gamins.
et ensuite Colline, qu'est-ce qu'on est sensé se dire ?
je dois répondre que je te pardonne ? au fond je t'en veux à peine. si t'avais pas fait ce que t'as fait on se serait peut-être perdu de vue toi et moi, et Miel et Teddy et Noël, dispersé aux quatre coins du monde où papa était allé nous trouver, après nos supernovas d'étoiles consommables, consumés on serait tous allé s'éteindre à l'abri des regards. quitte à brûler moi je préfère tous ensemble. mais toi Colline je sais que tu penses que c'est un grand complot qui s'opère contre toi - que tu fais des efforts pour qu'on se réconcilie parce qu'au fond c'est ce qu'aurait voulu papa aujourd'hui encore tu fais pour lui et moi je suis fatigué de me battre. alors s'aimer en se faisant la guerre j'en veux pas j'ai rien à te dire si c'est risquer de me faire tirer dessus à partir du moment où ça compromet tes missions d'enfant soldat.
t'étais pas obligé Colline tu sais.
... c'est pas parce qu'un jour on nous a dit qu'on était frères qu'il faut continuer ici aussi. il est plus là pour surveiller qu'on s'aime bien alors t'aurais pu choisir le film que tu voulais.
conditionné dysfonctionnel moi je déconnecte et les lumières s'éteignent.
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fondu au noir laisse seul avec des poids vertigineux qui écrasent le thorax ; l'obscurité totale enlace Colline d'asphyxie au creux des ombres, un silence qui gronde de dire mon frère.
n'ose pas parler par dessus les images d'univers malgré le cœur serré. s'imprègne, ici le son résonne si fort ; ils n'avaient jamais connu les salles de cinéma, et Colline se dit qu'il aurait préféré ne pas connaître un jour si c'était pour entendre Caprice souffler au moment des génériques qu'on ne verrait peut-être plus de films ensembles. prendre les mots de Caprice et les déformer transformer les surveiller qu'on s'aime bien en de toute manière j'ai toujours fait semblant et puis il avait l'air si fatigué. le temps que les yeux s'habituent à la faible luminosité et Colline jette des regards furtifs à sa gauche comme pour vérifier qu'il ne se volatilise pas entre deux plans. tente de se concentrer sur les images, la Terre dévastée polluée souillée et le robot abandonné qui effectue les ordres donnés alors que c'est vain, inutile, Colline voudrait clamer tout haut laisse tomber ! personne ne vérifie si le travail est bien fait alors pourquoi pourquoi tu t'obstines ? pourquoi on s'obstinerait Caprice ? Colline a douze ans dont plus de six au service d'une cause qu'on ne comprend pas et toi aussi. on n'a pas les réponses on ne sait pas quels films on aimerait bien voir. sans vous sans toi sûrement aucun.
enfoncé dans son siège, des envies de disparaître, les dents malmènent le pouce, ronge nerveusement la peau jusqu'au sang sûrement, c'est difficile de vérifier là tout de suite si ça saigne si c'est bien vivant si on est toujours ton frère. et entre deux nappes sonores, au cœur d'un calme furtif, Colline murmure. on arrête alors si tu veux. à la fin du film quand on rentre on aura qu'à leur dire que je veux changer de nom d'famille puis comme ça c'est réglé.
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à la dérive moi je m'accroche m'agrippe aux étoiles et aux espaces à l'atmosphère (toxique) mise en place je suis à la trace les images et voyage dans les galaxies redescend sur Terre avec Wall-e sous la poussière empoisonnée (là sous les poumons) tout ça me réveille des émotions qu'on n'avait pas eu, même au moment du départ - j'ai de la peine pour lui (j'ai de la peine pour nous aussi Colline).
je me sens tout autant abandonné au point que me rendre utile c'était la seule manière d'exister - si le dernier robot s'arrête d'obéir aux ordres ça n'aurait plus aucun sens, il ne lui resterait plus qu'à s'éteindre. je l'observe ériger des gratte-ciel alors que tout s'est mis en veille autour de lui, il continue - moi aussi j'aimerais qu'on me dise quoi faire, qu'on me reprogramme pour que je sache où est ma place tout ce qu'il me reste c'est notre nom. à la fin de l'introduction à ce qu'est la vie sur Terre tu parles d'en changer Colline j'ai l'impression de sentir mon cœur tomber sur les organes inférieurs, rater des marches de nouveau - malgré le visage qui manque d'expression et demeure impassible, j'aimerais vraiment pleurer.
si dix minutes de film ça t'a suffit à capter que t'aimeras jamais aller au cinéma avec moi sans te forcer bah ok on fait comme ça.
même si je suis pas bien sûr que ce soit aussi simple, de changer de nom de famille. mais Colline déjà que le nôtre il veut pas dire grand chose, alors si toi t'arrêtes ça signifiera encore moins que ça. un à un on s'en ira et puis la Terre aura qu'à crever sans qu'on ait jamais essayé de rendre son air plus respirable. immobile devant l'animation, je regarde mais c'est distrait, au milieu des images je cherche des solutions.
y a des frères qui se détestent aussi, ça existe.
si je m'y prends si mal, au moins tu seras naturel avec moi, ça ne me dérange pas de me casser l'autre bras (tant que c'est toi qui me bouscule).
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ok on fait comme ça bah super affaire classée. rétorqué sèchement presque craché pour couper court et dire ferme-la Caprice concentre-toi plutôt sur le scénario.
t'as rien compris Colline n'est pas sensé passer un bon moment c'est toi qui doit aimer l'instant et lui subir - mais là c'est pire c'est déjà suffisamment une torture ton indifférence il se fait des films tout seul se dit qu'au fond c'était ton plan depuis le début, afin que la dernière impression qu'on aie laissé à papa ce soit la plus mauvaise de toute - tâchée de sang sur les mains meurtrier, on ne voudra jamais de lui à la sortie. et il t'en veut, il t'en veut tellement, Colline, qu'on ait raté le départ à cause de toi qui geint en bas des escaliers si en plus de ça la situation actuelle ne te dérange pas plus que ça c'est que les peurs intestines (déraisonnées borderline) se confirment.
tu le détestes depuis toujours. un frère qui hait son frère les minutes passent et puis tu dis ça existe. ... bras croisés mains coupables au fond des poches Colline regarde l'écran sans vraiment voir vision brouillée de colère triste les sourcils se froncent et on réplique, blessé. on aurait du s'détester un étage plus haut. histoire que tu ne te relèves pas et qu'on parte sans toi, Caprice, qu'on soit tous libres encore et avec papa sans personne pour dire je ne t'aime pas.
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crissement des ongles sur la surface du plâtre - les os brisés c'était pour toi Colline et tu aurais préféré plus haut.
un étage plus haut et tu m'aimerais de nouveau ? si j'avais fini les jambes cristallisées par la moelle épinière endommagée, ou bien débranché net sur le coup si j'étais tombé sur le cou ?
j'ai été odieux en haut des escaliers parce que tu ne vois rien, c'est rageant comme t'es aveugle, persuadé qu'on partirait toujours en voyage tu m'agaçais à ne jamais vouloir entendre les peurs d'escales définitives - je t'ai dis de ne pas faire ta valise et t'écoute pas (moi aussi je voulais la première place auprès de papa mais pas tout seul, à quoi bon tout seul) alors j'ai dérobé ton sac au sommet des marches je me suis moqué parce que tu dis toujours que c'est moi le plus naïf, le plus frêle de nous deux, et pourtant regarde comme tu paniquais j'ai été odieux j'aurais du te dire qu'on serait toujours tous les deux que je laisserai jamais papa abandonner qui que ce soit au bord de la route comme on se débarrasse des encombrants qui ne servent plus.
oui. j'aurais préféré aussi.
sauf qu'on a douze ans et papa est un dieu on a douze ans et aucune autre idole à prier qu'il nous épargne et nous bénisse un peu plus longtemps.
j'ai douze ans et comme les robots à l'écran j'ai des sentiments triste à en crever je voudrais pleurer en voyant qu'on t'arrache de mes univers
mais on a déprogrammé les larmes.
tout ce que je voulais c'était qu'on parte pas sans toi.
(la voix qui meurt dans le chaos du cinéma) quitte à lâcher-prise et regarder s'éloigner les navettes au loin - mais qui me dit qu'il t'aurait gardé à vie. au moins je ne t'aurai jamais vu partir (aujourd'hui je réalise que tu t'en vas quand même)
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ah il voudrait y croire Colline il aimerait tellement inverser la tendance paranoïaque et faire confiance mais chez lui les humeurs dysfonctionnent après tout abandonné à la chaîne par une mère immature puis un père factice qu'est-ce qui t'empêcherait de faire pareil Caprice ? peut-être que Colline a le don des secondes chances parce qu'on lui a donné la vie dans un monde de traîtres.
depuis les escaliers tu ne pleures plus aujourd'hui encore pas d'étoiles filantes sur ton ciel froid de visage pas de quoi faire un vœux Colline ne se risque plus aux superstitions - tranche dans l'enfance et rompt la trêve achève la compétition, dans laquelle on a grandi.
l'alice à peine déclenché il saignait du nez torturé de névralgies et peut-être peut-être que tu as raison quand tu dis que papa l'aurait éjecté - mais y croire ce serait blasphémer, tourner le dos à l'unique divinité qu'on ait jamais connu.
alors quand tu dis que tu ne partirais jamais sans lui Colline ne te croit pas non plus. papa voulait qu'on soit plus fort et il n'est pas faible comme toi, Caprice. moi ça m'aurait pas dérangé qu'on parte sans toi. maintenant tais-toi le film lui plaît.
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dans la salle de cinéma ensemble et seul à la fois c'est comme les éthers de nuit - un astre et puis un autre forment une constellation on les imagine pas si loin et pourtant change de point de vue et tu verras les années-lumières qui séparent cruellement.
au fond des puits, Colline attaque la roche et réveille de tristes nappes phréatiques il y a de la vie sur Terre ! de l'eau dans les sols des plantes dans les ruines - il pleut enfin.
... oh.
j'ai du plâtre sous les ongles à force de gratter la surface ça s'effrite je quitte les images de l'écran pour celle de mon bras abimé je regarde l'albâtre sur laquelle Miel et Teddy et Noël ont dessiné - tout le monde sauf toi Colline - et les traits colorés des feutres je les vois en double puis en triple et puis plus du tout tant c'est flou. les univers animés du film ou bien le nôtre je ne vois plus grand chose - étouffe dans la matière noire les minutes défilent cinq et puis dix et puis quinze à se noyer en silence je veux sortir sortir sortir atterrir depuis les escaliers c'est toujours des chutes libres - et je me lève titubant j'étouffe trébuche sur tes jambes Colline manque de tomber encore je passe de force et m'extirpe des rangées de sièges alignées en haut des escaliers c'est retourner dans le hall moi je veux dehors dehors me guide des sols d'étoiles l'équilibre précaire stabilisé par tous les dossiers des fauteuils auxquels je peux me tenir je descend toutes les marches jusqu'en bas de la salle et chancèle sur les dernières avant de pousser la porte qu'on est sensé passer à la fin des films l'obscurité oppressante pour dehors tout aussi trouble cherche de l'oxygène dans les dédales bétonnés des sorties de cinéma.
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reste reste reste donc - petite silhouette de plâtre et plasma trempée de lacrymal - pas besoin de rallumer les lumières pour deviner, ça fait des reflets sur le visage de Caprice qui veut enjamber à tout prix. la triste hémorragie, même en bas des escaliers ça saignait pas autant et Colline a le réflexe de laisser passer ramène les jambes de peur que ça tombe encore, on ne veut plus être à l'origine des chutes, si Caprice veut tomber il n'a qu'à le faire tout seul. il dérange la projection, barre la vue une seconde et puis s'éclipse dans l'obscurité de la salle, dévoré, on ferme les yeux sur sa disparition de nouveau.
et il n'y a plus que Colline Colline et le film vingt-cinq images par seconde et la magie opère donne l'illusion du mouvement et pourtant il a l'impression d'être plus entravé que jamais - qu'elle est oppressante la cage des os tout à coup ! comme des doigts blancs de calcium qui serrent cœur et poumon au creux de la paume, écrase cruellement pour faire mourir mourir mourir de culpabilité, on a jamais autant brûlé de honte. c'est tous les incendies déclenchés qui se vengent,
sous couvert de plaire au Père on assassine son propre frère ; il aurait du s'appeler Caïn et non Colline.
sauf que c'est titubant mais pas mort encore il est encore temps d'interrompre l'apoplexie, saisi d'urgence de saisir d'urgence Colline se lève tout à coup emprunte les mêmes sentiers incertains, les pas aveugles quittent la rangée, prennent les escaliers
ceux qu'il a refusé de descendre la dernière fois qu'on a repoussé loin de soi. Caprice ne reste pas mais reviens, reviens il pousse les portes des sorties définitives pour que ça ne prenne pas fin là tout de suite, Colline refuse de laisser partir, balaie les dédales froid de béton du regard, cherche la silhouette triste le fantôme au visage pâle il poursuit, s'élance dans les labyrinthes qui mènent à dehors, espère que tu n'y es pas encore.
et au détour du dernier couloir, juste avant l'accès à la rue il retient, saisit l'épaule tout à coup pour provoquer les volte-face. où tu vas ?? t'en vas pas j'ai pas dis va-t'en Caprice alors arrête, t'en vas pas comme ça ! visage paniqué à l'idée d'être incapable de se racheter Caprice si tu passes cette porte là on ne pourra pas retourner à l'intérieur du cinéma.
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referme les serres sur les os saillants des épaules frêles l'emprise du frère, ramène sur Terre interrompt la fuite vers les grand espaces, vole ce qu'il reste d'air j'ai l'instinct détraqué par les escaliers dévalés qui me fait courir des frissons malades le long de l'échine, galoper le cœur comme un cheval fou, les courses écœurantes coupée court pour imposer tes airs effrayés. c'est maintenant que tu as peur Colline alors que les craintes sourdes moi c'est tout le temps, tous les jours que je redoute tes coups de sang c'est tellement tellement injuste de faire des reproches de faire lâcher prise sur la porte ouverte et claquer les issues je t'en veux je t'en veux je m'en veux d'être capable de faire demi-tour si tu demandes je veux pas entendre reviens et furieux je repousse rageant qu'il n'y est pas de volée de marches derrière toi à défaut de voir tomber je hurle
TOI arrête ! arrête de te foutre de ma gueule Colline tu fais QUE ÇA - dire "va-t'en" ! tu passes ton temps à faire des saloperies et c'est FACILE pour toi parce que dès qu'on a trop mal tu réécris par dessus !
sanglot étranglé, vision pathétique je refuse que tu vois de plus près, impose des distances de sécurité, à quelques pas désormais n'approche pas n'approche pas toi et tes détails torturés. je sais qu'on est né brisés Colline qu'on est tombé sur un père qui a conservé en l'état - plutôt que de restaurer les toiles lacérées il a entouré d'un cadre et exposé au jour pour admirer fièrement, mais j'en peux plus de nos dysfonctionnement. hoquète lamentablement et l'avant-bras intact passe en colère sur les yeux inondés, tente d'assécher les débordements sans douceur du revers de la manche pour pouvoir ensuite te lancer des regards noirs, perçant au travers de tout ce que tu pourras répliquer mais je t'en prie vu que tu es là
mais vas-y, dis-moi si dans les versions alternatives y en a une où je reste pas - dis-moi si y a un seul univers parallèle où je me suis cassé parce que j'en avais marre de toi !
toujours, toujours le choix malgré les fils tendus par papa qui contrôle tout je me dis qu'au moins toi et moi ça échappait aux emprises que malgré ses jubilations à nous voir nous entretuer on finissait toujours par survivre à l'autre toujours le choix de dire je t'aime après la haine même si c'était prendre le risque qu'il nous aime moins. et désabusé je te dévisage reflet lézardé, qui vole encore et encore en éclat on rassemble et reconstruit les miroirs et on voit de plus en plus que c'est fêlé pourtant je suis sûr que toujours je reste Colline toi tu doutes encore.
moi je pense que non, toujours je reste, même les fois où tu fais définitivement de la merde je reste, tu m'insultes tu me casses un bras je reste
et si ça te plaît tant de douter va pour les certitudes contraires peut-être qu'elles te plairont peut-être que t'y croira, vu comme je t'aime sonne faux pour toi.
mais là t'as gagné là maintenant j'te DÉTESTE Colline pour de bon j'te déteste j'te déteste alors fais toi plaisir, rembobine - reviens en arrière je m'en fiche - ça changera rien je resterai plus,
je veux plus jamais rester si c'est pour continuer de me battre contre toi.
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un pas en avant trois en arrière les paumes à plat percutent les clavicules repoussent Colline loin de toi achèvent d'éloigner à coup de mots mérités et il dévisage le reflet en éclat avec des airs condamnés tressaille à chaque crescendo des décibels le tempo du cœur affolé ce sont de tristes chorégraphies qu'on réalise là tout de suite Caprice
on danse dans des ruines d'enfance. Caprice. tu n'en peux plus des secondes chances c'est fini d'en offrir à Colline et c'est vrai c'est vrai qu'il n'y a jamais eu plus généreux que toi même papa considérait les jugements derniers et toi toi toujours tu restes. Cap... et il sait il sait très bien qu'au détour des sentiers haineux les accalmies attendent, t'attendent, loin des orages de Colline tu ne pourras qu'aller mieux mais l'effroi égoïste tremble de t'imaginer vivre sous du beau temps où il n'a plus sa place. on s'est rencontré pour livrer des luttes intestines et là si arrache tout ce qui brûle dans les entrailles c'est terminé Caprice ce sera vide et froid comme les labyrinthes de béton qui mènent hors du cinéma, fin de projection. dis pas ça, tu peux pas dire ça. après la haine on dit je t'aime mais aujourd'hui tu dis je déteste je déteste je déteste je te déteste Colline on se l'est dit mille fois sans jamais le penser mais là ça sonne bien trop vrai horriblement réel c'est gravé pour de bon dans le cœur de Colline.
mais dans le tiens dans le tiens il ne faut pas Caprice, il ne peut pas te laisser calligraphier définitivement cette vision-là de lui, tu comprends ça voudrait dire qu'il a raison que tout le monde même toi finit par tourner les talons.
et ce n'est pas par plaisir, Caprice non, ce n'est pas facile d'imprimer l'image actuelle et de la troubler tout à coup c'est déjà trop de vertiges que de se tenir devant toi et soutenir ton regard qui tranche l'âme, il en rajoute parasite l'image une douleur sourde qui vrille le crâne tandis que comme les écrans la vision grésille - g l i t c h casse la ligne droite de vos trajectoires (rassemble les
morceaux de miroir)
quitte à s'entailler les doigts on se saignera à remonter le temps