Têtes de pioche [Aiken]

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D'où t'est venue cette idée de changer totalement de métier pour passer du côté de celui qui aide, plutôt que celui qui creuse à tout prix au point d'en faire pleurer certains ? Tu penses toujours que c'est en partie pour te racheter. Tu n'étais pas le pire dans ton équipe mais tu n'étais pas un enfant de choeur non plus. La sécurité britannique avant tout, tant pis s'il y avait quelques coups de pression par ci, par là. Mais surtout, pourquoi es-tu revenu sur la terre qui t'a accueilli pendant bien longtemps alors que tu savais pertinemment en venant ce que cela pourrait donner. Tu en as côtoyé des énergumènes, dans ta jeunesse. Tu en as fait un temps partie aussi, de cette adolescence décadente qui passait son temps à faire des conneries.

Et aujourd'hui, voilà que tu te jettes dans la gueule du loup. Tu as bien essayé d'arrêter de fumer quand tu as pris ta "retraite" du MI-5 mais l'envie de décompresser pour ne pas exploser était trop présente. Elle est toujours là. Certains patients sont adorables et tu leur souhaites le meilleur après leur scolarité ici. D'autres, en revanche, te rappellent comment tu as été à l'époque. Une vraie tête de con dont on n'a plus compté les aller-retours chez le directeur et le psy. Te voilà dans ce même siège que tu as longtemps détesté. "J'ai pas besoin de consulter un type chelou." "Je vais très bien, m'emmerdez pas." Tu as pesté et tu t'en amuses encore aujourd'hui. Un rire jaune, parce que même encore maintenant, toi aussi tu devrais consulter. Mais qui veut prendre en charge un psychologue ? C'est pas toi qu'on doit écouter, c'est toi qui doit prêter une oreille attentive aux patients.

Pour faire passer les consultations les plus chiantes - parce qu'il n'y a pas d'autre mot, - tu te réfugies dans la cigarette et une manette de console à la main. Occasionnellement un verre de vin aussi, mais le soir seulement. Tu ne finiras pas alcoolique, ni violent comme feu (du moins tu l'espères) ton géniteur. À la sortie de ton cabinet, ta journée n'est pas finie donc tu ne peux pas hiberner dans ta cave autrement nommée appartement et jouer à la console, donc cigarette ce sera.

Tu fermes la porte de ton bureau à clé et tu déambules dans les couloirs en saluant les élèves qui passent près de toi. Certains avec plus d'enthousiasme que d'autres. Ceux-là, tu les connais bien, soit parce qu'ils viennent en séance avec toi, soit car ce sont des partenaires de jeux vidéos. Tu sais mettre des limites professionnelles entre les élèves et toi mais tu ne t'empêches pas d'être proches de quelques uns. Personne n'est parfait, surtout pas toi.

Une enfilade de couloirs et de finger guns plus tard, tu tombes sur une silhouette avachie le long d'un mur. Il n'y a quasiment personne dans cette partie de l'école et ils ne semblent même pas faire attention à ce tas de tissu et de cheveux ramassés pour ne plus former qu'une boule. Dans ton jargon non professionnel, tu appelles ça généralement une bonne grosse PLS. Ou alors un lendemain de soirée très lourdement arrosée mais tu préfères rester dans l'optique naïve où les élèves sont des saints. Grosse blague.

Tu t'approches de la forme avec un sourire et secoues délicatement son bras. Tu remarques que c'est un jeune homme et qu'il n'a pas l'air vraiment dans son assiette.

« Eh, tu vas bien ? Besoin d'aide ? tu dis de ta voix grave mais avenante. Reste pas là dans le froid, tu vas attraper un rhume. »

Au fond de toi, un petit soupir s'échappe de ta bouche spirituelle parce que tu le sens, tu n'auras sûrement pas le droit à ta cigarette. Malgré tout, tu tentes quand même.

« Tu fumes ? » Question très responsable mais l'élève semble avoir l'âge où il peut fumer légalement. Ce n'est pas comme si tu voulais l'encourager à le faire, tu as juste besoin d'un petit remontant et s'il est lui-même un fumeur, tu feras d'une pierre deux coups.

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Aiken Brooks
Lincoln S. O'Bannon

Têtes de Pioche

Il ne savait pas trop ce qui s’était passé durant la nuit, ainsi que le début de cette journée, mais on pouvait dire clairement qu’Aiken était dans un état qu’on pouvait simplement appeler lamentable. Tout ce qu’il savait c’est qu’il avait passé son temps en compagnie de ses crises d’insomnie qui n’étaient pas si rares. Ça lui arrivait mais il ne savait pas réellement ce qui provoquait ça. Sa haine envers lui-même ? Son stress peut-être ? Qui sait. Au moins, son frère n’était pas au courant de l’état actuel dans lequel il était.

Alors qu’il marchait dans les couloirs, l’air déjà épuisé, la présence des autres élèves se faisait pesante. Comme si on le fixait en permanence, comme si son état, ou alors son alice qui le hantait tant, était marqué sur son front. L’envie de hurler se faisait de plus en plus puissante, et il devait s’échapper d’ici avant de craquer en public.

Car si ça devait arriver, Aiken ne saurait pas quoi faire. Pour lui, ses sentiments devaient rester enfouis en lui. C’était la pire idée, tout le monde le disais, il ne faut pas garder tout enfermé en soi, mais ça, il le faisait quand même. Peu importe ce que disent les gens, au final.

Il accéléra sa vitesse de marche, jusqu’à ce qu’il trouve un coin vide. Il regarda autour de lui et se cacha dans l’ombre de ce couloir, cette ombre si protectrice, qui, pour lui actuellement, le rendait comme invisible au reste des individus passant dans cet endroit. Ou du moins, invisible pour un moment.

Alors qu’il profitait de ne rien entendre, et de ne voir personne passer, il se laissa aller, des larmes, de fatigue peut-être, de colère envers lui-même aussi, disons les deux. De peur, c’était possible. Ces larmes qui le firent se recroqueviller, la tête dans les bras, ses épaules tremblantes. Ces fameuses épaules, sur lesquelles Aiken déposait sûrement beaucoup trop de poids depuis des années. Ces épaules, et le haut de ses bras, qui lui servaient, bien sûr, mais parfois pas pour les bonnes choses. D’ailleurs, une main alla se poser à cet endroit particulier, les ongles s’enfonçant légèrement dans ses vêtements. Il savait qu’il ne pouvait rien faire de plus ici, car ce n’était pas sécurisé, mais il en avait envie.

Soudainement, il crut entendre des pas, mais n’y fit pas plus attention, et peut-être qu’il avait tort, de ne pas y faire attention. Car au bout d’un moment, quelque chose, quelqu’un plutôt, secoue son épaule, le faisant sursauter et relever sa tête. La voix de cet homme, clairement adulte, à l’âge inconnu, retentissant. Aiken, les yeux encore rouges, le fixait, un peu perdu, ayant visiblement oublié que non, il n’était pas invisible. Il se demandait qui était cet homme qui lui parlait, et qui lui demanda s’il fumait.

« Je…non… ? »

Il n’avait jamais touché une cigarette de sa vie, et il ne pensait pas ça nécessaire à sa vie.

« Qui êtes-vous… ? »

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Tu t'accroupis près de lui après lui avoir secoué doucement le bras, une fois t'être assuré qu'il va à peu près bien. Tu t'es pourtant enquis de son état et sa santé mais il ne répond pas. Tu te retiens de hausser un sourcil mais pour un psychologue pour marmots et boutonneux, la question éludée ne passe pas inaperçue. Cependant, le jeune garçon répond bien à celle sur la cigarette avec un air hébété.

« Hmm, tant pis. Mais t'as bien raison de ne pas te noircir les poumons, chéris ta santé fiston. » Tu ne pourrais pas en craquer une de suite, parce que tu ne comptes pas laisser le gamin tout seul à broyer du noir, sauf s'il te le fait comprendre à un moment donné.

Pour au moins calmer ton besoin de nicotine, tu sors un bâton de mort de ton paquet et le fais glisser entre tes doigts alors que tu déclines ton identité à ton vis-à-vis.

« Monsieur O'Bannon, un des psy de l'école. Mais tu peux m'appeler Lincoln si tu préfères, je suis pas à cheval sur les formalités. »

Tu attends qu'un petit groupe d'élèves passe à côté de vous pour continuer votre conversation. Tu leur décoches un petit rictus pour leur signifier de décamper plus rapidement, au lieu d'attendre des ragots et te retourne vers le jeune homme, intrigué et décidé à en savoir plus.

« Tu ne m'as pas répondu, jeune homme. Tu vas bien ? Tu faisais quoi dans ton coin, recroquevillé comme ça ? Si tu as besoin, je peux t'emmener à l'infirmerie. Ou juste t'écouter. » Tu glisses la cigarette entre tes lèvres et rigole de ta propre blague. « C'est mon métier, après tout. Enfin ça peut faire peur mais je suis pas là en tant que professionnel si ça peut te rassurer. »

Tu te dis qu'à l'époque, si tu avais été à la place de l'adolescent et qu'on te tenait le crachoir de cette manière, tu aurais vite envoyé paître l'autre chieur alors tu t'attends à recevoir le même traitement. Tu en as vu d'autres, en trois années ici et même encore plus au service du Royaume-Uni avant cela.

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Aiken Brooks
Lincoln S. O'Bannon

Têtes de Pioche

Aiken regarda le plus vieux, celui-ci s’accroupissant à coté de lui. La curiosité d’Aiken se laissa apercevoir, se demandant s’il n’était pressé à aller travailler ou quelque chose du genre, pourquoi il faisait attention à lui. Lui, qui ne méritait pas tellement qu’on s’occupe de ses problèmes, qui méritait juste de se détester pour une durée indéfinie, lui disait son esprit déformé par la haine de lui-même. Il remarqua que cet individu soudainement arrivé près de lui avait l’air de tenir à sa pause cigarette visiblement, vu qu’il semblait regretter le refus d’Aiken, lui qui ne fumait pas, mais qui, en même temps, lui disait de faire attention à ses poumons. Oui, il faisait attention à ses poumons, mais actuellement, sa gorge le détestait clairement.

Il hocha simplement la tête en guise de réponse, puis renifla, détourna la tête un instant pour essuyer une larme qui avait décidé de ruiner toute possibilité de discrétion quant à ses pleurs. De toute façon, ça devait déjà probablement avoir été remarqué, donc à quoi bon. Il finit par regarder de nouveau l’adulte, celui-ci se présentant. Donc, c’était un psychologue. Super, lui qui cherchait à éviter un rendez-vous chez l’un d’entre eux, alors qu’il ne se voilait pas la face, son état le faisait penser qu’il en aurait bien besoin. Mais en même temps, cet état-là lui faisait tellement honte, qu’il préférait fuir plutôt que de tenter de voir un spécialiste du métier, tel que ce Mr Lincoln O’Bannon. Ce monsieur qui lui proposait de l’appeler simplement par son prénom.

Aiken n’avait clairement pas l’habitude qu’un membre de l’équipe pédagogique ou autre lui propose ça. En même temps, il lui arrivait rarement de parler à l’un d’eux en dehors des cours ou autres moments où c’était nécessaire. Il voulut répondre à ce psychologue, c’était la moindre des choses, mais il entendit une nouvelle fois des pas, de plusieurs personnes. Alors qu’un groupe d’élèves apparu, Aiken se cacha encore plus, du moins autant que possible alors qu’il était déjà collé au mur, dans l’ombre. Bon, déjà que de mentir sur son état allait être compliqué avant même qu’il ait fait ce geste, maintenant c’était sûrement mort.

Après le départ du groupe, qui le rassura tout de même légèrement, Aiken écouta Lincoln et le fixa, les yeux encore brillants de larmes, reniflant puis ouvrant la bouche pour répondre, mais son entêtement lui fit d’abord dire quelque chose qu’il pensait généralement.

« A quoi ça sert… ? »

Oui, à quoi ça servait, si la raison de son mal-être était lui-même ? Il avouait tellement rarement ça de toute façon, en temps normal, il aurait été énervé, mais là, son énergie s’était évaporée on ne sait où.

Il souffla puis prit son courage à deux mains, tremblantes ces mains, avant de dire d’une voix soudainement encore plus faible qu’auparavant.

« …J’ai peur… »

Et si seulement ce n’était que ça. Non, il n’avait pas peur du noir, enfin pas du noir de l’ombre dans laquelle il avait tenté de se réfugier, mais peur de son alice, de lui-même, de faire de nouveau du mal, de décevoir son frère, et autres choses.
Il regarda le psychologue, se demandant s’il devait fuir ou non, mais en même temps, désirant de l’aide.

#6da16f

Invité

Il avait l'air perdu, le petit jeune. Déstabilisé que tu lui demandes s'il allait bien. Dans sa gestuelle, ce n'est apparemment pas ce à quoi il est habitué et tu ignores si c'est parce que tu es un adulte ou si même ses camarades ne s'occupent pas de lui. Il est vrai que s'il avait des amis, il irait probablement vers eux plutôt que rester seul dans un couloir où passent les courants d'air d'hiver. Le sursaut du garçon au passage du petit groupe confirme bel et bien ta théorie : c'est un solitaire. Par choix ou non, tu ne sais pas encore mais tu as envie de gratter un peu la surface. Certes, c'est ton métier de pousser les gens à s'accepter ou accepter certaines vérités mais c'est surtout ton côté paternel qui prime là ; tu refuses qu'un gamin se fasse ennuyer ou qu'il souffre à cause de la connerie d'autrui.

La question de l'élève te fait sourire, un de ces rictus un peu désolés que tu esquisses quand on te pose cette question. Tu sens un certain appel à l'aide, ou peut-être l'imagines-tu, toujours est-il que tu t'assois à même le carrelage froid du couloir et fixe la petite souris perdue dans les yeux, sans pour autant forcer le contact.

« Je veux pas avoir l'air d'un donneur de leçons, petit, mais des fois, parler ça peut libérer. Un psy n'est pas toujours la bonne cible sur laquelle il faudrait se lâcher mais c'est loin d'être une faiblesse que de confier ses maux. De toi à moi, il faut souvent une sacrée paire pour faire le premier pas dans ce genre d'échange, même si on te force à y aller au début. » Tu hausses les épaules et continues ta petite diatribe professionnelle et pourtant si vraie. « Dis-toi qu'actuellement, je suis juste Lincoln, un type comme un autre mais avec un petit bonus d'écoute. »

Tu vois que ça fait son bonhomme de chemin dans la tête du garçon. Ca marche peut-être même tellement bien qu'il commence à trembler comme une feuille. Tu fronces un peu les sourcils, inquiet ; ce n'était pas l'effet recherché, loin de là. Un souffle franchit enfin ses lèvres, si ténu que tu crois avoir rêvé mais que tu parviens tout de même à comprendre.

« Peur ? »

Ta propre question tranche le calme du couloir, tout comme les piaillements d'une bande de filles dans le lointain. Elles semblent se rapprocher et tu décides de passer à l'action - ou en tout cas dans un autre lieu, - pour que le jeune homme se sente un peu plus à l'aise.

« Il est peut-être pas si désert que ça, ce couloir. Suis-moi, on va aller dans un endroit un peu moins fréquenté pour parler un peu. »

Il te fait vraiment de la peine, cet ado. Loin de te rappeler ce que tu étais à l'époque, mais il touche ta corde sensible. Tu l'emmènes donc vers les salles de sciences, rarement occupées pendant cette période de la journée. Là, tu te rassois à même le carrelage mais soupires de bien-être.

« C'est pas du grand luxe ce carrelage, mais au moins tu n'attraperas pas de rhume dans les courants d'air. Oh au fait, je l'ai déjà dit mais tu peux m'appeler Lincoln. Et toi alors, tu t'appelles comment ? » Tu marques une petite pause et jettes un regard au garçon. « Tu n'es pas obligé de tout me dire, tu peux même ne rien dire mais si tu veux, je suis tout ouï. Tu as peur de quoi ? Ou de qui ? »

Tu espères au fond de toi qu'il n'est pas persécuté par ces petits camarades. De toutes les situations, c'est celle que tu détestes le plus car tu as des difficultés à rester patient. Sûrement tes années de métier derrière toi qui font ça ; traiter avec les raclures de fond de bidet n'a jamais exalté en toi la moindre compassion. Il en va de même pour les harceleurs et autres racketteurs.

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Aiken Brooks
Lincoln S. O'Bannon

Têtes de Pioche

Il ne savait pas pourquoi mais Aiken avait pensé que ses questions auraient énervé l’adulte. Non pas que ce soit son but actuellement, mais quel était son but actuellement ? Il n’en avait pas vraiment une idée claire. Il savait juste qu’il était seul à rester avec pour seule compagnie sa propre peur, sa peur envers lui-même qu’il ne connaissait que trop bien.

Jusqu’à ce que cet homme qui était sûrement assez sympathique, enfin il avait l’air en tout cas, mais le cerveau d’Aiken était sûrement trop brouillé par toutes ces pensées infernales pour se dire « Oh tiens, il est sympa cet homme. » Mais tant qu’il arrivait à répondre aux questions de l’individu c’était le principal, non ?

La question n’avait donc pas énervé celui-ci, mais l’avait fait sourire. Aiken n’avait pas vraiment regardé le sourire, mais il se doutait que ce n’était pas pour se moquer de lui. Il fut surpris quand le plus âgé s’installa lui-même sur le carrelage, Aiken ne s’y attendant absolument pas, et redressa sa tête pour le regarder, remarquant qu’il était lui aussi fixé par Lincoln, ce qui, sans mentir, ne le mettait pas vraiment à l’aise, mais au point où il en était, il n’était pas à l’aise depuis un moment, donc peu importait.

Il écouta attentivement ce qu’on lui dit, sa dernière once de curiosité disponible actuellement se concentrant sur le discours. Ah oui, il était psychologue. Aiken l’avait déjà quasiment oublié, ce détail. Détail tout de même assez important. Probablement que quelqu’un d’autre n’aurait même pas cherché à savoir pourquoi il était là, donc ça se voyait assez, sa capacité de psychologue. Ce qui était rassurant d’ailleurs, car ce serait…étrange, si un psychologue n’écoutait pas les gens.

Soudainement, une fois qu’il ait dit d’une voix quasiment inaudible qu’il avait peur, Aiken se sentit presque honteux. Il s’attendait à ce qu’on se moque de lui, mais non. La seule chose qui vint fut une question. Cette question ne le rassurait pas tellement, car elle voulait dire qu’il devrait sûrement s’expliquer à Lincoln, mais il aurait tellement de mal à faire ça, il le sentait. De toute façon, la potentielle réponse qu’il aurait pu donner fut interrompue par des voix s’approchant peu à peu. Un groupe de filles s’approchait, des filles bruyantes et probablement insupportables.

Il fixa Lincoln alors que celui-ci l’invitait à le suivre, pour s’éloigner de ce couloir et être plus tranquille. Il se demanda si c’était une bonne idée, mais il préférait ça qu’un groupe bruyant. Il se leva donc lentement, sa fatigue le rattrapant et le ralentissant grandement. Il perdit un instant l’équilibre mais tenta de reprendre une…allure…enfin…quelque chose, d’à peu près présentable. Même si c’était difficile avec le visage couvert de larmes qu’il essuya de sa manche. Il le suivit en silence, évitant de regarder le psychologue, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la salle. Il observa l’homme alors que celui-ci s’installa à même le sol, l’écoutant puis s’installa à son tour par terre, se recroquevillant de nouveau.

« …Aiken… »

Ah. Et voilà la question qu’il redoutait, qui lui faisait peur, elle aussi, mais la voilà posée. De quoi avait-il peur.

Sa voix était de nouveau bloquée dans sa gorge, mais il réussit tout de même à sortir un mot.

« …Moi. »

Aurait-il dû se taire ? À quoi bon se poser la question, quand il avait déjà répondu à une autre.

#6da16f

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Au début, tu as eu peur que le gamin refuse de te suivre pour tout un tas de raisons mais finalement, il s'assied non loin de toi même s'il redevient la boule d'anxiété qu'il était quelques instants plus tôt. C'est déjà une bonne avancée qu'il veuille t'écouter. Tu apprends même son prénom et enchaînes sur la question qui fait un peu mal, tu le vois à sa réaction. À croire que dès que tu sors de ton bureau, tu en oublies la finesse. Bien joué Lincoln, beau jeu. Mais Aiken te répond sincèrement, te laissant pantois. Tu prends quelques secondes pour ingérer l'info et te demande s'il fait partie de la classe dangereuse, bien que tu n'aies jamais remarqué son visage parmi eux.

« Tu as peur de toi ? Tu veux en parler ? »

Tu t'adosses correctement à ton mur et poses la tête contre celui-ci, le nez presque piqué vers le plafond. Pour essayer de le détendre, tu commences à raconter une bêtise.

« Tu sais, moi aussi je me faisais peur quand j'étais un gosse, des fois. J'étais un sacré casse-cou et si on me disait de sauter, je le faisais. Puis après je réfléchissais et je me disais que c'était sacrément dangereux. Mais je recommençais. »

Tes paroles résonnent contre les murs froids du couloir de sciences, creuses. Vu son comportement, tu te doutes bien que ce n'est pas pour ce genre de raison qu'il a peur de lui. Sûrement une histoire de personnalité ou d'alice mais tu ne le connais pas encore assez pour pouvoir trancher. Il te le dira sûrement lui-même, peut-être.

« J'ai cru que d'autres jeunes te harcelaient et si c'est le cas, n'hésite pas à m'en parler. Je me ferais une joie de régler le souci. »

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Aiken Brooks
Lincoln S. O'Bannon

Têtes de Pioche

Aiken était actuellement en train de se demander s’il devait regretter le fait d’avoir dit la vérité, comme quoi il avait peur de lui-même. Il disait rarement la vérité, oui, il se mentait aussi à lui-même, donc il était maintenant stressé à l’idée que quelqu’un l’ait entendu parler, ce qui était le cas, vu qu’il avait ce psychologue à côté de lui qui voulait qu’il parle, et qui avait réussi à le faire parler d’une façon ou d’une autre.

Et voulait-il vraiment en parler ? Lui qui n’osait pas parler de son alice, qui préférait tout garder pour lui, au fond de lui, bien que ce soit une mauvaise idée, mais au moins personne n’avait peur de lui, personne ne faisait attention à lui, et personne ne savait quoi que ce soit de lui. À part son frère bien sûr, mais lui, c’était une toute autre chose. La seule personne encore vraiment importante à sa vie.

Il voulait répondre à la question qu’on venait de lui poser, mais il n’eut pas le temps, car l’adulte s’était maintenant mit à raconter que lui aussi auparavant, il se faisait peur. Mais ce qu’il racontait avait l’air bien, aux yeux d’Aiken. Il avait choisi de faire ça, malgré la dangerosité, plusieurs fois, alors que lui n’avait pas pu choisir.

Et maintenant ses parents étaient devenus insupportables, tout le monde ou presque le détestait, lui inclus, lui se détestant lui-même depuis tant de temps. Si seulement ça pouvait être plus facile que ça… Mais étrangement, Aiken fut rassuré par les paroles de l’individu plus âgé.

Est-ce que des gens le harcelaient ? Absolument pas, ou alors, il l’avait totalement oublié, même si c’était peu probable qu’on puisse oublier quelque chose comme ça. Il aimerait que les gens l’approchent, mais lui-même ne se laissait pas approcher.

« … Personne ne me harcèle, personne ne me parle, c’est mieux que les gens ne s’approchent pas trop… »

Pour leur sécurité avant tout, car la sienne n’était pas tellement importante à ses yeux.

Il regarda l’adulte, hésitant un instant, se demandant si il devait continuer de parler, mais finalement, il se retint, ayant l’air comme totalement perdu.

#6da16f⎜@Lincoln S. O'Bannon

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