de maupassant, dans sa quête de rien, en réalité, s'était perdu dans le parc. il avait suivi l'odeur des fleurs, laissé ses pieds le diriger sans jamais questionner sa direction. il avait effleuré tulipes, pensées, cosmos... il avait couru et souri, puis avait marché et froncé les sourcils. dieu savait ce qu'il se passait dans sa tête. gamin un peu tordu, il s'était retrouvé à s'écraser sur l'herbe.

les nuages semblaient tous ressembler à des choses différentes. des ours, des mains, maman. il ferme les yeux et se convainc qu'elle va bien. il se redresse et s'en va. marceau en vadrouille n'ira pas voir le château de sa mère, ni la gloire de son père. laissons pagnol se reposer, revenons chez de maupassant.
il tousse. l'hiver approche et il tombe déjà malade. le gamin est fragile. il pense à la pluie, au beau temps qui lui manque et aux fleurs.

il pense souvent aux fleurs. ça lui inspire des choses, ça lui donne envie d'écrire. de son tote bag, il sort une feuille de papier. arrivé près de la fontaine, il s'échoue ici. l'eau, en coulant dans son bac, l'éclabousse quelque peu. peut-être arriverait-il à rajeunir un peu? de maupassant se croit déjà vieux.
il écrit. des mots, des phrases, des rimes, des envolées qu'il pense lyrique mais qui sont sûrement bancales, cassées, pas assez bonnes pour être lues.

gabin. il se lève. au début, il signe. une habitude dont il a ne s'est toujours pas défaite. ses doigts quittent ses lèvres, ça veut dire bonjour. ses iris s'affolent.
gabin.
marceau, qu'il est fragile. il se fane devant les gens et ses pétales s'envolent.
tu veux lire jouvence soleil? je l'ai écrit.
sa tête se penche.
c'est un peu bête comme titre.

d'accord.
il aurait bien voulu rester sous la pluie, mais il a suivi gabin jusque dans l'herbe. ce n'était pas non plus si mal. on entendait toujours le clapotis de la fontaine un peu pluie loin. alors, apaisé, il avait attendu que gabin finisse de lire. il se rongeait les ongles en attendant. personne ne lisait ses tumultes habituellement.

merci.
ses mots avaient rejoint sa galaxie. l'orbite se faisait maintenant en harmonie, les deux sur le même chemin. il lève les yeux et regarde de nouveau les nuages.
le recueil de maupassant. c'est bizarre, ça.
comme lui, apparemment. marceau, étrange, dans la lune, pourtant reste accroché au soleil. voici alors la scène : le gamin solaire, et son ami lunaire.
d'une étrange façon, gabin et lui se complètent.
je ne sais pas si je suis prêt pour que d'autres lisent mes élucubrations.

il se demande s'il est triste, comme l'autre lui dit. il n'est pas beau comme une peinture. comment est-il beau alors? comme la fontaine qui s'écoule sans autre but que la raison pour laquelle on l'a construite?
marceau existe-t-il pour une raison?
tu me trouves terne?
il souffle.
j'ai fui ma vie sous couvert de fatalité. c'est peut-être pour ça que je ne souris pas beaucoup.
c'est triste, quand il s'entend parler ainsi.
la poésie, c'est trop morose pour un gamin de seize ans. les gens n'achèteraient pas mon recueil, gabin.

le droit est contraire à la nature. marceau se dit qu'il ne peut pas avoir de droits autres que ceux que la vie a choisi pour lui. il se laisse porter, par vent et marées, mais jamais ne se laisse décider pour lui-même.
décider. décider. avait-il décidé de s'allonger là, avec gabin pour compagnon? la rose sans épines ne blesse personne, seule son odeur attire et chavire.
oui, peut-être que j'ai le droit.

il y en aura un.
oui, il le voit bien. un jour, sur son étagère, sur sa table de chevet et dans les mains de sa mère, l'on lira sur une couverture blanche illustrée d'une image trouvée par un éditeur : recueil de maupassant. en couleur, un bleu gris, pour l'auteur, on lira son prénom. sera-t-il nécessaire d'y mettre son nom, puisqu'il s'agit déjà du titre de l'ouvrage? il aurait le temps de penser aux détails plus tard.
gabin. j'aime bien ton rire. il s'était donné le droit de sourire.

puis, il réfléchit. il se perd dans les méandre de ses pensées, entre l'odeur de l'herbe et la forme des nuages qui occupent toujours quelques parties de ses pérégrinations mentales.
je cours au volley, derrière le ballon. autrement... sûrement que je ne fuis plus.
il se laisse crouler dans les brins verts.
j'aimerais bien, fuir dans l'autre sens, faire machine arrière, retrouver ma mère.
ses yeux se ferment.
mais je ne pourrais pas partir d'ici sans toi, alors je reste.
un nuage cache le soleil et d'un coup, il fait un peu froid. il murmure, cette fois. un jour, on s'enfuira ensemble, gabin.

de maupassant, fatalement debout à nouveau. gabin a proximité, dans le vent. toute la vie devant eux. marceau ne sait pas ce qu'il veut. marceau n'a jamais su ce qu'il voulait. il n'avait jamais cherché à contrer l'ordre naturel des choses.
peut-être était-il temps de s'écarter de l'orbite. gabin, astéroïde, entre en coalition avec le soleil, il s'en va éclairer de nouvelles zones d'ombre.
quelque chose qui m'empêche de partir.

à voix haute, quelque peu mystique. il s'interroge, se demande, de quoi il a envie.
je pense que... toi.
toi, gabin, la lune. leurs astres ne sont pas censés se croiser, l'un le jour, l'autre la nuit, mais pourtant, ici, il ne voulait que cohabiter, créer une rare occurrence dans ses journées.
toi, gabin. je ne sais pas. choisis ce que tu veux faire. ça me va. je veux te suivre, dans ta lignée.
pourquoi fallait-il toujours que de maupassant se réfugie en autrui? était-ce réellement ce qu'il voudrait raconter dans son recueil? sous les étoiles, j'ai brillé pour toi, tu as brillé pour nous deux. c'est suffisamment poétique.
je suis désolé, c'est n'est pas ce que tu voulais entendre.

alors, il s'était avancé, était sorti de l'herbe. maintenant, les environs paraissaient sombres, les clapotis étaient distants et les plantes mortes. marceau, la rose et ses épines, éclate au centre de son jardin.
viens avec moi, soyons nous.
il se dit - non il s'assure - quelque part ailleurs la végétation les attend.
je pense qu'on devrait marcher ensemble.

non, alors.
comme l'arrache-coeur, de maupassant se transforme en moue triste - une cage dont on a libéré l'oiseau. pourtant, il devait s'y attendre et finit par s'y résoudre. il devait mener la barque, pour eux, pour gabin.
sur le fleuve de la voie lactée.
ok, je vais te montrer. essayer de te montrer.
il lie sa main dans la sienne, avance, s'éloigne de la fontaine, son clapotis disparaît.

dans le parc, il flotte sur un nuage. marceau, marchand de sable, vendeur de rêves - il espère, il respire. les fleurs sont là, les roses éternellement rouge de son jardin secret offertes à l'autre.
les épines sont tombées, les défenses à plat, c'est son intimité qu'il fait découvrir.
ce n'est pas si dur de vivre pour soi, il suffit d'accepter ce qu'il t'arrive. tout. comme si c'était écrit.
les feuilles les couvrent d'ombre, chassent le froid soleil de l'automne. c'est comme s'ils se dérobaient au monde entier. il était déjà convenu que leur orbite est singulier.
tu vois, c'est presque comme si quelqu'un avait déjà tout étalé, dirigé ta vie. si ça arrive, c'est que c'était écrit. imagine, un grand parchemin, qui raconte ta vie, sauf que tu ne peux pas le lire. tu le découvres au fur et à mesure.
il sourit.
alors, là, tu te mets à vivre pour toi, dans ton intérêt, tout en subissant. tu es obligé de subir, mais tu peux faire en sorte que ça ne soit pénible, en acceptant de subir. tout n'est pas forcément mauvais.

calmement, le parc les enroule.
il suffirait de subir ensemble.