au coin de ses amours fabuleux Gabrielle voit la révolte arriver - la douceur des mains d'Ace Ackerley amenuise les fracas de la conscience chaque fois qu'Elyas Crawley planifie l'après le lendemain qui ne sera plus
plus en ces lieux plus de rires au détour des couloirs des confidences entre deux cours des pleurs aussi des flirts brisés et des espoirs déçus
tout ça bientôt ne sera plus

et chaque étreinte chaque baiser avec son aimé durement gagné la perd dans ses certitudes ; elle a juré de garder le silence et n'en parler à personne, surtout pas lui, major et Nova tout ça à la fois tout ce qui la met en contradiction avec ses idéaux de justice

alors Gabrielle amoureuse Gabrielle tout sourire se plie sans aucun remord aux demandes de son aimé - le seul l'unique ça lui tord le ventre et les amertumes d'hier semblent bien lointaines on pense déjà à celles à venir ; la trahison, encore, une nouvelle fois
mais on ne trahira jamais ce qui est en nous, ceux qui portent les mêmes noms depuis des années ; il y a de l'amour aussi, l'amour absolu et un rien excentrique
Elior, Elyas
ces deux noms qui sont seuls définition de l'Amour - en majuscules
Eulalie
une évidence, une moitié d'être - on ne saurait exister sans elle
et Robin
ah - l'autre aimé, en vérité, dans une autre vie

une vie où les âmes soeurs n'existent pas
mais la sienne, Gabrielle, porte un seul nom et elle en chérit la moindre lettre
elle lui dessinerait le monde entier pour lui offrir - jeter ses dévotions à ses pieds et s'enivrer de l'ascension là offerte
elle est amoureuse
toujours plus qu'hier - moins que demain

elle frappe une fois, s'intimide un peu du faste de l'étage des majors - et la porte s'ouvre, alors c'est son coeur qui se libère et ses lèvres qui fanent en sourire adoration - encore un peu on ment on veut pas que tout s'écroule

— bonsoir, mon amour.

tout semble sans nuages entre eux depuis le trébuchement, alors elle passe son cou sa silhouette à peine découverte et vient poser ses lèvres fiévreusement sur les siennes - ne se retient plus une fois la chambre close et leur intimité retrouvée, et encore moins le temps pour sa colère - qu'elle devine - de s'abattre sur elle
elle s'y tient, à ça et tous les principes foireux qui font leur bonheur leur estime
quitte à rayer ce qui lui tord le ventre, et enjoliver le message qui l'a appelée jusqu'à la chambre du major

une (presque) si jolie histoire

et sans se décrocher de ses bras autour de la nuque d'Ace Ackerley, sa voix fend l'air et brise l'ambiance déjà fiévreuse.

— tu voulais me voir ?

viens, faisons encore un peu
semblant de rien

aucune ombre aucun tourment ne passe dans les yeux clairs de Gabrielle - ils sont emplis d'amour et de joie et rien n'assombrira les litanies de coeur qui éprouvent son palpitant chaque fois que leurs regards se croisent ; elle se laisse guider et son dos qui heurte le mur ne la gêne plus, elle a appris de ces mois aux côtés d'un homme comme Ace.

mais les circonstances fanent son sourire si large alors elle joue de ses attitudes légères, fait la moue, glisse ses doigts de sa nuque à ses épaules pour les faire parvenir aux doigts qui tiennent son menton - il n'y a aucune faiblesse dans sa détermination.

— hum ? rien de ce que tu me dis ne m'évoque quoi que ce soit.

l'espace d'une seconde son visage se fait plus sévère - mais ça ne dure jamais bien longtemps, les heurts passés ont eu raison de ses caprices

— je n'ai pas fait mes valises, et il me semble que tu n'as rien eu à sacrifier pour moi.

avec une lenteur suave, elle délie les doigts sur sa peau et les enroule autour des siens - se dégage l'air de rien, et défait sa veste d'uniforme pour appuyer ses intentions de rester à ses côtés au présent et au futur
le tout est d'y croire

— c'est pas un reproche, ne te méprends pas. Mais tu es major, NOVA, tu as dégagé Elyas du paysage... et tu m'as moi pour toi tout seul.

sous ses longs cils on devine l'impatience et l'incertitude de ses réactions, mais il n'y a aucune crainte ; Gabrielle a décidé d'aimer Ace Ackerley entièrement et sans concession, et elle sait les travers de leur relation, qui ne l'effraient plus.

— je ne vois pas ce qui t'inquiète, mon ange.

Gabrielle prend place sur le lit lentement, croise les jambes et maintient le contact visuel avec celui qu'elle voit malgré tout
comme l'homme de sa vie.

— qu'est-ce que tu as entendu ?

Gabrielle s'était perdue au fil des mots débités par celui à qui elle avait donné tout pouvoir - à l'exception près qu'elle s'appartiendrait toujours. Les sourcils qui se froncent à la mention d'Asmodée Yi - qu'elle connaît trop peu pour y porter un quelconque intérêt et alors elle tourne maladroitement le regard, trahit sa couverture.
Sa respiration s'accélère, son souffle saccadé et elle se prépare déjà aux éclats de voix qui vont suivre, irrémédiablement.
Elle lève presque les yeux au ciel - et s'interrompt.

— Elyas n'a rien de plus que toi. Il est juste différent de toi.

Dans sa simplicité, Gabrielle n'avait jamais mis sur un même pied sa relation avec Elyas Crawley et celle qu'elle entretenait avec Ace - elle ne les regardait pas de la même manière ; mais Elyas Elyas sans Elyas elle ne serait pas la Gabrielle d'aujourd'hui.

— je lui serai toujours loyal, sache-le bien.

alors son ton se durcit et son regard s'assombrit.

— pourquoi tu pars du principe qu'Elyas a tort, de toutes les manières ? L'idée même qu'il puisse avoir raison, c'est absolument impossible dans ta tête ?

elle sent elle sait que le sujet est sensible - la première qu'ils l'abordent ensemble, et contre toute attente, elle sent entre ses doigts se dévoiler un Ace plus fragile - différent
et elle l'aime toujours un peu plus

— pose-toi la question à l'envers : pourquoi rester ?

Il n'y a plus d'hystérie dans sa voix, son ton ne se lève pas, et ses idées sont ordonnées
pourtant elle sait que c'est une forme de trahison : elle a appris à réfléchir comme Ace, sans adhérer - simplement comprendre.

— qu'est-ce qui est important aujourd'hui, Ace ?

plus de mon ange mon amour - et pourtant
elle vient chercher ses mains, les joindre entre les siennes et contrebalancer leur conversation brusque - elle se rappelle quand il lui suggérait de profiter
tant qu'il est encore temps

Le regard abattu et désabusé d'Ace ne trouve pas d'écho sur le visage de Gabrielle : à vrai dire elle était davantage préparée aux cris scandalisés et justifications irraisonnées de part et d'autre pour masquer le vrai problème.

Le silence qu'elle joue, c'est pour gagner du temps - elle n'a pas grand chose à répondre, elle n'a pas vraiment le droit non plus. Ce sont les ressentis de l'homme qu'elle aime, non pas les siens, et voilà des fois qu'elle a arrêté de se confondre avec leur nous deux.

Pourtant.

— Même avec moi ?

Là la tristesse étale son empire sur les traits de son visage, et ses lèvres tremblantes peinent à articuler la moindre phrase audible.

— Même quand je suis là, tu n'es pas heureux ?

Elle n'a pas fait exprès - elle n'aurait pas voulu entendre les pensées qui ne sont pas les siennes, les sentiments qui lui sont étrangers - et jamais elle n'a souhaité violer son intimité comme elle venait de le faire.
Par simple erreur.

Elle se lève délicatement, et aucune larme ne vient abîmer ses joues - elle est davantage sidérée de cette vérité qu'elle ne soupçonnait pas ; comment lui qu'elle aimait si fort, à qui elle donnerait tout simplement sur sa demande ((et encore))
comment est-ce possible ?

Gabrielle trace quelques pas hasardeux et se tourne finalement vers lui - passe une main dans ses cheveux
ça faisait longtemps

— qu'est-ce que tu cherches ici alors ? Tu penses que ça te rendra heureux de jouer au gentil petit soldat pour... pour qui ? Collins ? Placide ?

elle se sentait irrespectueuse, mais même en ces instants, son nom ne lui revenait pas en mémoire - et c'est lui, son monde ?

— tu crois quoi, qu'il va te préférer à Elyas une fois qu'il sera barré de l'académie ? Qui te dit qu'il va pas t'abandonner comme il l'a fait avec Elyas, hein ?

Là, Gabrielle avait haussé légèrement sa voix, et s'était mordu les lèvres une fois qu'elles s'étaient closes : peut-être que là, elle était un peu trop brutale.

— Tu préfères tout miser sur lui ?

plutôt que sur nous ?