Jasmin aussi, court parmi les fleurs - ses pensées du moins - vagabonde accroupi là, ne pense à rien si ce n'est ici, et surtout pas ailleurs. il a les regards et tous les songes à hauteur des roses, orné de rouge tout comme elles, s'épanouit docile en direction du ciel. dans les petites mains, rien qu'un sécateur, se referme à mi-tige comme au milieu d'une gorge et coupe comme on lui à appris, c'est-à-dire en biseau. ainsi on est concentré à faire comme il faut, plutôt que de penser aux lieux sans lumières dont on est revenu
avant-avant-avant-(avant ?)-hier ?
il ne sait plus trop.

il faut l'excuser, Jasmin, s'il met quelques secondes de plus que d'habitude à reconnaître son nom dit tout haut - les regards cernés égarés, ils ont papillonné une seconde avant de finalement s'envoler - et Lian en te voyant arriver,
rayons de soleil jaunes dans les regards
vert tendre à l'uniforme
tu ajoutes un peu plus de couleurs à l'endroit
et puis à l'âme en berne de Jaja.
Lian.. je fais quoi ?
depuis qu'il est rentré de mission il oublie parfois,
alors il avait baissé les yeux à ses pieds, où trônait déjà des débuts de compositions - se souvient ce qu'il avait commencé.
je coupe les roses qui ont déjà éclos, avant que ça fane - tu sais si on les laisse trop longtemps après ça refleurit pas comme il faut, alors faut pas attendre.
même si c'est bien joli à admirer
il faut trancher avant que ça ne grandisse trop.

claquement des lames, en fait tomber une autre
Jasmin aime se dire que c'était faire mourir pour que ça vive mieux encore - que tout ceci n'est pas inutile
et cette destruction là, on veut bien
que tu y assistes, Lian,
que tu y participes même
si ça te fait plaisir.
il te tend alors le sécateur, fermé, le manche de ton coté - t'offre l'outil et puis, au milieu des regards un peu fatigués -un sourire.
tu veux essayer ?
il en reste quelques unes,
on a de quoi faire de jolis bouquets.

les cils papillonnent un peu après tout Jasmin est petit encore et c'est nouveau la barrière des langues, abstrait le concept de la frontière tandis qu'on se tient pourtant à coté c'est un monde qui sépare -
des contrées inexplorées à l'âge de Jasmin
font qu'il est curieux même si tu es incertain
Lian il t'a observé jusqu'à ce que tu trouves
les sentiers menant au terme qui te manquait.

acquiesce alors, d'un hochement de tête vif - ce sont de petite palissades à enjamber et ça ne fait pas bien peur
oui voilà, faire encore des fleurs !
parce que si tu les laisses utiliser toute leur énergie pour les premières, elles seront super belles, mais les suivantes seront toutes fragiles et pas jolies.
il en faut un peu pour tout le monde, partager avec son prochain - et c'est dans cette optique qu'on t'a mis le sécateur dans les mains.

Lian qui vient à sa hauteur, Jasmin vérifie dans tes yeux si tu n'appréhendes pas trop de tenir quelque chose d'aussi aiguisé - lui avait une crainte sourde de blesser les gens autour, sans savoir d'où ça lui venait - et en voyant que tes airs sont paisibles, il reporte son attention sur les tiges à trancher.

clac, c'est la première taille
ça a des airs d'inauguration, comme si tu avais coupé le ruban rouge lors d'une grande cérémonie, sauf qu'on a pour public les camomilles.

et Jasmin récupère la rose tombée à vos pieds, visage incliné. garde sans un mot dans la main, les doigts serrant à peine, ainsi l'on ne se pique pas sur les épines.
mh... je faisais comme ça aussi avant, j'essayais de couper bien droit comme toi mais attends, regarde..
la fleur déposée, il te reprend doucement le sécateur des mains pour en saisir une autre - incline la tige pour y faire claquer la lame en biais, à quelques centimètres des corolles. montre la taille juste après.
tu vois ? faut le faire un peu de travers.
quand c'est de travers comme ça on dit que c'est en oblique. et pour les fleurs, on appelle ça "tailler en biseau".
on a pris le temps de lui expliquer alors c'est normal qu'on soit patient avec toi aussi Lian. il te rend alors le sécateur, parce que ce n'est pas parce que tu ne sais pas bien que tu n'as pas le droit d'essayer encore (et encore et encore) - autant que tu veux.
c'est pas utile pour le rosier, de tailler en biseau
mais c'est si jamais tu veux faire des bouquets après.
malgré la grise mine, il y a des éclaircies dans son sourire,
car on pense à celle qui lui a appris ce qu'il te dit.
ça permet de garder les fleurs plus longtemps.
tu pourras les emporter avec toi, Lian
si tu veux.