Eirika Godfrid

- Jeune fille, tu ne connus jamais figure maternelle. Elle partit bien trop tôt, sa vie échangeait pour la tienne, larmes de joie et de peine d'un père dont les doigts rocailleux te tenaient. Ton enfance ne fut guère malheureuse, dans le creux des bras protecteurs d'un papa gâteau. Il t'apprenait les rudiments de son métier, sculpteur de père en fils, de père en fille. Tu tenais ton ciseau à pierre, essayant de ne point le lâcher. Écoutant avec respect ton paternel.

- Jeune fille, tu avais beaucoup de mal à t'endormir. Les jours passaient et tu ne comprenais point ce qui t'arrivais. Dans l'atelier de ton père, tu fixais la majestueuse statue de Méduse qu'il devait livrer très bientôt. Tu avais presque huit ans et tu ne pouvais qu'être ébahi devant la beauté de cette pierre. Posant les doigts sur la dureté et la froideur de celle-ci. Son regard te pénétrait jusqu'au tréfonds de ton cœur. Tu pris un rifloir, donnant un petit coup. Transmettant ta fascination et ta peur. Et c'est dans un hurlement de terreur que tu lâchas tout, ton postérieur percutant le sol. Les serpents avaient commencé à bouger. C'est en pleurant à chaudes larmes dans le cou de ton père que tu ne vis pas sa joie. Et l'éclat de ses yeux.

- Jeune fille, tu travaillais pour lui et vos œuvres étaient exposer, acheter au plus offrant. Vous aviez changé de maison, de ville, tout. Tu étais déboussolé. Tu ne comprenais pas. Tu ne comprenais toujours pas quand des hommes en noirs commencèrent à apparaître à la porte de votre chez vous. Avec une mallette. Tu ne savais pas ce qu'il y avait dedans. Tu ne comprenais rien. Tu étais en colère et fatiguée. On te poussa dans une voiture et tu ne pus rien faire. Tes cris. Tes larmes. Le fait que tu fasses en sorte de donner des coups de pieds et de jambes. Rien n'y fit. Et un dernier regard à ton père. Qui avait un sourire aux lèvres. Et qui comptait des billets entre ses doigts.

- Jeune fille, tu étais en colère, mais surtout, tu étais si triste au fond de toi. Tu n'arrivais pas à te familiariser à cet endroit, tu n'arrivais pas à te faire des amis. On te donna quelques outils, mais on ne voulait guère te donner de blocs trop important et trop lourd. Tu pris un ciseau. Sculptant avec maladresse un petit chat dans un bout de bois assez épais. Tu lui transmis tout l'amour et la tristesse que tu possédais en ton cœur. Il s'anima et poussa un petit miaulement. Ton corps ne put retenir d'autres larmes. Tu le pris doucement entre tes doigts pour le serrer contre toi.

- Jeune fille, on t'interdit de le ramener en cours. Il faisait bien trop de bruit, miaulant ou ronronnant quand tu le caressais. Tu dus te résoudre à le laisser seul dans ta chambre. Lui posant une serviette sur lui. Ce n'était qu'un bout de bois pour certain. C'était ton ami. Tu pris la peine de l'appeler Chat. C'était peu original, mais cela t'allait. Les semaines passèrent. Tu ne savais pas que ton pouvoir avait ses limites. Tu posas ton doigt sous son cou, voulant le faire ronronner. Il adorait quand tu faisais cela. Rien ne se passa. Qu'importent tes caresses, qu'importent tes suppliques. Il était redevenu bois. Tu compris tes limites, tes yeux rouges.

- Jeune fille, les années passèrent et on t'accorda plus d'espace pour tes œuvres. Tu possédais des acheteurs à travers le monde qui attendait leurs statues avec impatience. Et pourtant, tu mis tout cela de côté quand tu aperçus, plusieurs fois, la directrice du collège. Tu pris tes outils en main, un bloc de pierre et tu te mis au travail. Tu façonnas la plus sublime de tes œuvres en ce jour. Une femme, vêtue d'un péplos, une lance à la main. Ses traits de visages, ses cheveux, personne ne pouvait se tromper. Elle ressemblait à la directrice. Elle portait une couronne d'Olivier, une frêle chouette perchée sur son épaule. Tu ne pus que lui transmettre de la fierté et un brun de sagesse. Elle s'anima, déesse flamboyante dont le nom grecque est Athéna.

- Jeune fille, en ce jour, tu continus tes œuvres. Tu n'hésites pas à prendre les personnes qui te tapent à l’œil en tant que modèle. Jeune fille, tu suis les cours, tu es sage comme une pierre pourrait l'être. Jeune fille, tu aimes aller dans ton atelier pour parler à tes amis si peu ordinaire. Jeune fille, tu es devenu femme. Tes traits ne sont plus si enfantins. Ton travail est celui d'une sculptrice professionnelle. Jeune femme, quand ouvriras-tu les yeux ? Quand arrêteras-tu de fuir la réalité ? Quand arrêteras-tu de souffrir dans ton coin ? Quand pourras-tu toucher la chaleur d'un être vivant et non la froideur d'une pierre ?