Assis sur un banc proche de la fontaine, recroquevillé sur lui-même, comme pour se cacher des gens, Gael était immobile. Enfin approximativement immobile car seules ses épaules bougeaient au rythme des sanglots qui l’avaient envahi depuis tard dans la nuit. Non, il ne pleurait pas sans arrêt depuis le milieu de sa nuit, mais cette nuit était bien la raison de ces sanglots. Gael savait très bien que parfois il dormait mal, à cause de cauchemars. Des cauchemars qui le hantaient depuis des années maintenant, et qui ne partaient pas. Il savait qu’il devait vivre avec, et il le faisait, mais cette nuit, il n’avait pas réussi à se rendormir.

Il avait même tenté de sortir de sa chambre, ayant fait quelques pas jusqu’à sa porte et l’ayant ouverte, mais il ne put mettre un pied dehors. Il s’était rappelé qu’il y avait les deux robots qui trainaient dans les couloirs et, bien qu’il se dît qu’ils n’étaient pas là pour faire du mal à priori, il avait peur d’eux, donc il avait juste refermé sa porte de chambre et retourné se réfugier dans son lit. Du coup sa nuit n’avait pas été suffisante pour lui.

Et le voilà maintenant dehors à se rappeler de cette nuit et de ces cauchemars. Il n’aimait pas s’en rappeler mais ces rêves insupportables concernaient une période de sa courte vie qui l’avait clairement marqué pour longtemps.

Il avait choisi la fontaine comme refuge car malgré le fait que des gens passaient, il espérait qu’ils se disent qu’il faisait juste une sieste, comme bercé par le bruit de l’eau. Mais non ça servait juste à cacher le bruit des sanglots qu’il lâchait. Même si ce n’était sûrement pas discret, sanglots ou non, ça Gael ne réalisait pas, et tant mieux.

Puis si quelqu’un le voyait que pourrait-il faire ? Fuir ? Il était trop fatigué pour ça de toute façon. C’était son second problème aussi, il avait un peu peur de passer plusieurs nuits comme ça, ça arrivait rarement, mais c’était possible. Mais s’il passait plusieurs nuits de suite sans bien dormir, sa santé déjà fragilisée lui faisait bien sentir que ce n’était pas bien. Mais il n’y pouvait rien lui.

Il renifla, gardant son visage enfoui entre ses bras, ne voulant pas se montrer aux passants devant la fontaine. Disons qu’il avait honte, pas de l’état de son visage couvert de larmes, mais plus de pleurer en public. Comment les adultes faisaient pour ne pas faire ça ? Lui aussi voulait se cacher pour pleurer. Beaucoup de plus grands faisaient ça non ? Alors pourquoi pas lui ? Et les autres enfants, ils y arrivaient eux ? Il continuait de se poser des questions, ne faisant pas attention aux pas qui arrivaient, vu qu’il y en avait plein. Mais ces pas là ralentissaient peu à peu.

Convaincu qu’il était soudainement devenu invisible car son visage était caché, que la fontaine faisait plus de bruit que lui et ses pleurs, Gael n’avait pas vraiment réaliser que certains des pas qu’il entendait autour de lui s’approchaient. Ils s’approchaient de lui. Mais il n’y pensa pas, restant tout recroquevillé sur son banc, ne bougeant pas d’un pouce, ne levant pas la tête. Jusqu’à ce qu’une voix qui lui semblait familière sonne à côté de lui. Une voix qu’il appréciait pas mal en temps normal. Il leva une seconde la tête pour en être sûr, et oui, c’était bien la personne qu’il imaginait. Sa curiosité l’avait amené à rencontrer cette dame, Nahia, et depuis il l’appréciait bien. Elle avait l’air gentille, en tout cas elle l’était pour lui.

Mais actuellement, ses pensées étaient un peu perdues, si bien qu’il ne pensait pas au bon moment qu’il aurait pu avoir en parlant à Nahia. Il se cacha de nouveau, son visage dans ses bras, reniflant et pleurant encore. Il voulait arrêter de pleurer, mais il était trop fatigué, et rien n’arrêtait les larmes qui coulaient sur ses joues, trempant ses manches de haut. Il sentit soudainement une main sur son épaule et se redressa de nouveau, Nahia lui ayant demandé s’il pleurait. Inconsciemment, Gael hocha la tête alors que bon, ça se voyait sur son visage rougi et humide. Mais il n’y fit pas attention, agrippant ses manches.

Il savait qu’elle n’allait pas se moquer de lui, mais étrangement, cette peur restait au fond de lui, alors que durant toute sa jeune enfance, avant l’académie, il n’avait eu aucun réconfort venant d’une figure plus âgée que lui.

Soudainement, une phrase, prononcée par Nahia le fit pleurer un peu plus, mais pas de tristesse, on ne lui avait jamais dit auparavant qu’on était là pour lui donc cette phrase le fit réagir d’un coup, alors que lui-même ne s’y attendait pas, et il s’accrocha d’un coup à Nahia, serrant doucement ses mains, puis finissant par parler, entre deux sanglots et autres reniflements qui ne s’amenuisaient toujours pas.

« J’ai fait…un cauchemar… »

Il frotta ses yeux un instant puis regarda Nahia, la présence de la plus grande le rassurant tout de même un peu.