Kièl ce n'est pas comme si l'on avait levé les yeux vers toi depuis et tu sais bien, que de jour les œillades sont toujours loin. il y avait eu les incendies au creux des draps, chargé de ressentiments on a consumé colère et noyé le chagrin jusqu'à retrouver le sommeil - après tout souviens-toi, tu avais dis
bonne nuit Caprice
et puis plus rien.

rien que des cendres que le temps chasse tendrement et petit à petit plus de gris au bout des doigts ni d'âpreté au coin des lèvres, elles se sont évaporées tes fragrances et ton visage, comme tous ceux que Caprice croise, on a oublié. bientôt dissipé des cinq sens Kièl disparaît dans un trouble lancinant ce n'est plus qu'une silhouette, muette jusqu'à lors. alors pourquoi
pourquoi est-ce qu'on se remet à entendre ta voix - sournoise elle se mêle aux rumeurs des couloirs on discerne, ton ombre qui plane sur certaines d'entres elles. et depuis quelques temps l'absence rendue omniprésente souffle sur les braises

tu respires et tu mens, Kièl
provoques des départs de feu chez Caprice qui entend les murmures que tu répands - cruel.

à contre-cœur aujourd'hui il va falloir replonger dans tes prunelles. d'abord on les cherche, tant bien que mal au creux des couloirs - c'est ton bâtiment et sûrement l'heure de t'y croiser. tout un cauchemar de reconnaître l'autre tu n'imagines même pas à quel point ça vrille dans le crâne de Caprice lorsqu'il faut s'obliger à détailler en entier les faciès de la foule - ce sont des chaos de détails qui font mal on cherche les tiens
les iris félins qu'on a déjà vu de près, on voit
où tu te tiens à la sortie des classes,
et tandis que tu t'éclipses Caprice suit
rattrape au pallier des cages d'escaliers
il dépasse et se plante devant Kièl,
pour la première fois
depuis tous ces mois.

à l'abri des regards Kièl
le ton de Caprice est glacial mais il te fusille des siens.

c'est toi qui raconte à certains que j'invente des motifs de sanctions à tout va ?

qu'on accuse des innocents sous couvert du blason des Nova.
Caprice n'est ni sourd ni aveugle, Kièl, et toi
tu ne pressens pas le trouble gigantesque que tu provoques - c'est jouer avec le feu ce que tu fais.

ah la risette c'est la même - les mauvais comme les bons jours (bonjour) tu te moquais à l'identique au moment de dire au revoir. Kièl, le genre de sourire qui fait suinter de vieilles rancœurs elles collent à la peau, innocentes hypocrites et forcément, voilà les flammes coupables qui viennent lécher les joues de Caprice. complimente de mots doux la broche dorée ornant le poitrail, l'effleure même, dessous les poumons s'enorgueillissent d'amertume, l'envie de cracher la mélasse qui étouffe
ne me touche pas
sans poser les mains tu tâches déjà, encrasse l'image on a l'impression de se balader avec des empreintes de tes doigts ils ont marqué le dos de rouge. oh ne te met pas à nier comme ça Kièl tes paroles éclaboussent tellement les couloirs qu'on en reçoit les projections jusqu'aux oreilles.

décidément il en faut peu pour que tu te sentes menacé, Kièl.

mais toi tu veux jouer aux inconnus tu mimes celui qui rappelle la politesse et qui prend le temps de saluer comme un ami d'un autre temps.

amis on l'a été - pourtant à force de soutenir tes regards perçant, dévisager Kièl, on réimprime des visions de toi nouvelles,
par dessus les détails d'antan (de nuit) ceux de ce jour font mal à graver. on pensait avoir arraché toutes les pages écrites à ton sujet mais ils sont bien là les manuscrits - il faut croire que tapis dans l'ombre d'un coin de tête tu n'es jamais vraiment parti - ça ne fait rien, on réécrira par dessus.
réécrire par dessus la définition d'agresseur déjà
rayer le nom de Caprice que tu écris à coté.

j'ai cru entendre ton nom pourtant mais j'ai dû mal comprendre.

la mine désemparée on croise les bras et dans les yeux c'est froid mais les traits s'adoucissent comme le temps - tu vois bien
encore aujourd'hui
on est accueillant.

excuse-moi j'ai été un peu abrupt faut croire qu'on ne m'a vraiment pas éduqué comme il faut.

tiède minaudant presque, tandis qu'on observe les masques insolents de Kièl la tête s'incline légèrement de coté on se tait. on se demande quelles expressions elles ont pu prendre, tes apparences, pour avoir eu l'occasion de les admirer, de deviner ce qui se cache sous la surface. nostalgique tu as raison, c'est un peu ça - froisser tes airs impassibles manque à Caprice tout à coup. on aurait peut-être mieux fait de continuer à ignorer l'existence de l'autre,
ces retrouvailles-là risquent de ne pas te plaire -
elles brillent de vilénie, lorsqu'on dit finalement l'air de rien.

oui j'ai tord, forcément
toi t'as des valeurs, avec une mère parfaite comme la tienne on devient pas un sale menteur.

c'est dommage qu'on se connaisse un peu trop bien, Kièl
montre-toi.

soi-disant héliocentrique - égocentré - Kièl d'après ton modèle tu esquisses Caprice soleil et toutes les planètes qui tourneraient autour, et l'idée pourrait le faire voler en éclats de rire si ça ne le faisait pas voler en éclats tout court.

les images de nous, tu y passes le bout des doigts revêches, efface les jolis portraits tu viens saisir son visage comme on tiendrait une saleté. balaie la tendresse pour y réécrire des gestes écœurants, érige Caprice en mendiant, collapsar qui dévore l'affection et toute la lumière qu'on peut y jeter. en admettant être un menteur tu l'entraînes dans des aveux qui ne lui plaisent guère, percute de plein fouet son univers. et tout aussi brusque Caprice s'empare de ton poignet, griffe presque, pour défaire la prise et repousser vif.

oh arrête, t'en as bien profité, de ma soif d'attention. la tienne n'est pas mal non plus.

dissone en dedans, le cœur a des tempos chaotiques tout à coup comme si tout ceci sonnait faux. des accords trop différents des mélodies de toi et lui dont on se souvenait, ritournelle toujours dans un coin de l'esprit, ce n'est pas celle qu'on entend aujourd'hui et Caprice est désemparé du charivari que ce nouveau nous provoque.

pourquoi a-t-il fallu que ce soit toi Kièl ? un ciel entier et tu te fais étoile traître. peut-être parce que c'est toi justement, Caprice brûle de te décrocher de là où tu surplombes pour à ton tour te faire filant, que tu t'embrases comme les comètes histoire de réduire en poussière
les lueurs qui restent du Kièl qu'on a connu.
alors Caprice continue sur la lancée
lève un peu plus haut les regards,
tend presque les lèvres à l'azur
pour lui sussurer des inepties. on est blessé Kièl, lassé de lutter percuté d'astéroïdes méprisants, couronné d'insanité Caprice est fatigué de devoir constamment se persuader qu'il n'est pas désespéré comme tu dis.
alors on est désespérément immonde,
infâme Caprice, c'est comme ça que tu l'aimes désormais, pas vrai ?

Kièl on s'était vu à des années-lumières de toi on s'était dit que si tu avais parcouru tout ce chemin c'était bien car on avait des choses en commun, autre que l'organique le corporel le charnel qui fait qu'on est deux humains. mais morose tu dis que c'est lassant, que c'est à mépriser jusqu'à la peau sur les os on s'en passerait volontiers - tu insistes, vraiment, et c'est autre chose que les piques, c'est un pieux au cœur pour de vrai.

tes œillades comme des onctions funéraires, embaument tout ce qu'on a pu être à tes cotés et font mourir la lumière. d'abord les yeux, amoureux de toutes les somptuosités terrestres ils avaient aimé les tiennes et leur férocité attendrissante ; l'effondrement de nous fait frémir les narines, autrefois friandes des fragrances d'embrun ; et puis la bouche, qui s'était ouverte pour te souffler des secrets, qui avait gémi d'orgueil et crié dans la luxure - elle se tord de douleur, tique à vouloir demander pourquoi ? pourquoi ramper hypocrite et appeler son nom dans l'ombre si c'était pour scander tout ça une fois devant toi ? et les dents malmènent la lèvre inférieure - Caprice mord afin de faire taire pour de bon ce qui agonise en dedans.
ça franchit tout de même les crocs.l'onguent mortifère, on en a jusqu'au bout des doigts, sur les mains qui se délectaient des contacts suaves elles lui brûlent désormais et se nouent nerveusement sur les manches de coton blanc. la sensation d'avoir un gouffre terrible qui s'ouvre sous les plantes des pieds, si rapides auparavant lorsqu'il fallait courir assouvir le moindre désir de l'autre, épancher les peines, accueillir tout entier car on ne sait pas faire autrement - on a le sentiment qu'ils ne marcheront plus.

autre chose ?

non - c'était tout. car les univers intérieurs tu affirmes que tu t'en fiches, Kièl. que tu n'en as jamais eu quelque chose à faire et qu'on est juste naïf, qu'on avait rêvé le reste et c'est une stupidité qui prête à sourire. alors vérité contre mensonge, si le fossé a toujours existé autant jeter tout ce qui nous reste au vide. malgré la main sur l'épaule on sent bien
que tu es loin, Kièl - Caprice reste immobile
figé là il n'y a rien que sa voix, chancelante
elle s'efforce tout de même de filer droit.ravale après les derniers mots qui trébuchent presque - ah le voilà le sourire moqueur - Caprice s'amuse de ce nous qui lui reste entre les mains, sûrement qu'on était le seul à l'avoir au creux des paumes alors on y referme les doigts avec une risette dépitée, les prunelles troubles.arrache les voiles, ça suffit de faire les choses à moitié. si tu veux qu'on se déchire autant y aller sincèrement. avec les griffes avec les dents. elles brillent sourdement tandis que Caprice se risque à venir plus près, vient te rire au nez presque tendrement. et c'était comme cracher l'indolence à la figure.allez, fais dont regretter à Caprice d'avoir ouvert sa charmante petite bouche comme tu dis - insolente aujourd'hui et puis
amante hier - cogne la si tu veux ;
car il pensait vraiment bien faire
et l'on ne veut avoir aucun regret.