Après les tumultes, ce fut le grand calme. Plus rien ne s'agitait, tout semblait flotter dans un gouffre sans temps. Ce fut comme ça que Gina le ressentit. Tout semblait si loin, si futile et pourtant si important. Pour la première fois depuis longtemps, Gina avait cessé de travailler. Elle était restée étendue sur son lit, à fixer ce plafond qui ne serait bientôt plus celui de sa chambre. Jusqu'à ce qu'elle soit acceptée en Nova. Muée par un désir violent de savoir, de pouvoir, elle s'était proposée de rejoindre les rangs. Elle s'était décidée à se ranger dans un rang confortable qui lui offrirait peut-être les réponses que son pauvre cerveau cherchait.

Alors Gina s'était à nouveau mise à agir. Elle avait doucement repris son rythme, commençant par un grand tri dans ses affaires avant le grand déménagement. Sans même comprendre, Alexandra et elle s'étaient encore retrouvées. Et c'est au milieu de ses cartons qu'elles avaient à nouveau pu être ensemble sans se bondir au visage.
Ca mêlait des papillons à la crainte dans le ventre de l'étudiante. Toujours, les sentiments étaient flous pour Alexandra. Jamais Gina n'arrivait à savoir ce que son pavre coeur voulait. Elle ne savait que sauter entre la cruauté et la douceur à l'infini. Mais ce jour-ci, il n'y avait pas de cruauté, pas d'hostilité, juste une douceur qu'elles n'avaient pas partagé depuis longtemps.
Un nouveau carton se posa au sol, Gina soupira. Un fin sourire aux lèvres, elle ne put qu'observer Alexandra, du coin de l'oeil. La surprise fut présente lorsqu'elle avoua son soulagement. C'était le dernier gros carton. Alors Gina se pencha dessus et l'ouvrit, regardant son contenu, semblant fouiller alors qu'elle cherchait juste à éviter ce regard qu'elle avait cherché des millions de fois, les joues rougies d'une douceur qu'elle oubliait trop vite.

- Moi aussi je suis soulagée. .. Je.. J'étais morte d'inquiétude, tu sais ?

L'admettre brûlait la gorge de la brune. Pourquoi communiquer avec Alexandra était un acte si dur ? Gina savait pourtant être douceur et chaleur. Mais avec Alexandra, l'étudiante avait tout brisé, la laissant face à son reflet hideux. Un nouveau soupir, elle sent le regard sur elle et tourna la tête vers elle. Dans le regard, on sentait ce désarroi qui habitait l'âme peinée, les regrets aussi. Mais elle sourit elle-aussi. Un sourire qui n'avait rien de ceux carnassiers qu'elle avait pu lui donner depuis leur séparation. Non, un vrai sourire. Timide, gêné, un peu triste mais un vrai sourire, sans artifice, sans cruauté.

- Je sais que je suis un peu.. Enfin tu vois quoi. Mais je.. j'étais inquiète. Tu comptes. ..Un peu.

Un peu beaucoup. Trop.  Mais ça, Gina ne pouvait pas le dire, sa bouche s'y refusait, trop fière. Alors elle se laissa choir sur ce nouveau lit luxueux, silencieuse. L'amour avec Alexandra était un brûlant brasier qui ne cessait de renaître, passion malsaine, passion dévorante. Mais parfois, il y avait ces moments de douceur qui laissaient le coeur de Gina perdu.

Oh la douceur des sourires, la complicité qui jaillissait sous les épines ! Gina n'avait pas sourit avec autant de douceur à Alexandra depuis bien longtemps.

Elle qui l'avait tant blessée dans sa quête d'amour, elle qui l'avait blessée car Gina était bien incapable de s'autoriser la faiblesse d'être entière. La majorité du temps. Là, Gina était entière, presque. Sans épines, sans soleil, juste fatiguée, éreintée et pensive. Elle se tenait à l'aube des changements et Alexandra était à ses côtés. C'était un départ appréciable à la saveur aigre-douce. Mais l'aigreur n'avait pas sa place aujourd'hui, seul une pique là, plantée dans le coeur, preuve des blessures qu'elles s'étaient infligées. L'une par mégarde, l'autre par une cruelle crainte d'être. Simplement d'être.

La pousse jeta Gina quelques millimètres plus loin, arrachant un rire doux qui se mêla à celui d'Alexandra. Oh, depuis combien de temps n'avaient-elles pas ri ensemble ? Gina ne s'en souvenait plus mais ce moment valait toute perte de fierté.

Le regard tendre derrière les verres teintés, Gina est ramollie. Elle n'avait plus aucune épine avec laquelle piquer Alexandra, juste ce sentiment un peu effrayant mais si doux. Pour la journée, peut-être plus qui sait ? Jusqu'à ce que la rancoeur et la peur ne reviennent planter le poison d'une haine amoureuse.

L'italienne sourit, poussa à son tour gentiment Alexandra en marmonnant.

- Bon, beaucoup mais tu le sais idiote.. Et t'étais pas plus rassurée déjà !

Grand sourire, le regard était hésitant mais bien que moins brillante, Gina était plus plaisante. Moins brûlante, plus vraie. Elle ne put que tapoter l'épaule d'Alexandra doucement, l'air idiotement satisfaite.

- Et oui ! J'ai une douche que pour moi !

Un nouveau rire, Gina soupira et s'appuya sur le mur, son regard posé sur Alexandra, franc et pétillant d'une joie certaine. Cet instant avec Alex était une brise douce dont elle n'avait que bien trop besoin. Elle aurait voulu parler plus sérieusement, profiter de sa fatigue pour enfin être vraie avec elle. Mais rien ne pouvait sortir, elle refusait de perdre cet instant pour des discussions dramatiques. Alors dans les quelques mots, les quelques gestes et les regards, Alexandra devra lire ce qu'elle ne pouvait entendre. Un sourire taquin, un bras autour des épaules, Gina pétillait doucement.

- Oh t'inquiète pas, quand j'aurais pris la grosse tête tu pourras toujours piquer ma douche ! Tu veux qu'on redevienne un truc pour la douche, c'est pour ça le rapprochement ?

Rire amusé après la moue faussement éhontée. Gina s'amusait, Gina s'adoucissait et sans même qu'elle ne s'en rende compte, elle avait cessé de rire pour doucement serrer Alexandra dans ses bras, une de ses mains caressant cette nuque qu'elle avait tant de fois embrassé. Seul un murmure franchi les lèvres timides.

- Je suis vraiment contente que tu ailles bien Alex.

Douce trêve, Gina disait dans des paroles plus faciles tout ce qu'elle aimerait dire et Alexandra, peut-être, saurait lire les mots qui restaient derrière ses lèvres.

Ce n'était pas tous les jours que la paix venait toquer à leur porte. Et pourtant ! Ce moment était des plus paisibles. Ca n'avait aucun sens, ça ne suivait aucune logique, mais Gina en était bien heureuse. Un rire quitta les lèvres de l'italienne, un rire si amusée, face à cette petite chose qui s'agitait devant elle, clamant sa douche comme sienne. Alors un doigt taquin se posa sur le front, le regard rieur.

- Oh je vois ! QUELLE TRAÎTRESSE !! Tout ça pour ma douche à moi ???

Les rires se multipliaient et puis il y avait eu cette étreinte sortie du coeur, cette étreinte trop sincère et sérieuse sûrement. Une faiblesse que Gina n'aurait peut-être pas supporté après. Alors elle laissa courir la discussion, remerciant mentalement la dérision d'Alexandra. Oh, toujours elle trouvait les mots quand elle était d'humeur taquine. Et Gina suivait. Elle riait, elle répondait au clin d'oeil par un autre.. Même si elles restaient si proches, dans les bras l'une de l'autre.

Gina ne vit rien venir. Elle ne sentit pas les pas les mener vers la douche, ni la ruse venir.
Pleine de questions, un sourcil levé, elle observa la pièce, idiotement confiante. Un sourire étendit ses lèvres, oh, oui, elle serait merveilleusement bien ici. Le tri avait été fait, seules ses inventions débiles les plus aimées étaient restées, comme ce robot saluant quiconque entrait par un "it's Britney bitch" des plus ridicules.. Oui, elle allait être bien ici. Mais aucune réponse n'eut le temps de franchir les lèvres. Oh cette connasse ! Elle l'avait foutu la tête sous l'eau. Vile Alexandra !

Gina ne put retenir un cri de surprise, l'eau froide dégoulinant déjà des cheveux trempés. Il ne fallut pas longtemps à l'étudiante pour se précipiter à la poursuite d'Alexandra, criant à plein poumons, un sourire amusé aux lèvres. Oh, elle avait le coeur si léger.

- ALEXANDRA CARTER C'EST TOI L'EMMERDEUSE JVAIS TE MARAV LA TRONCHE

Alors elle lui courut après de ses grandes jambes, tentant de l'attraper entre ses bras, la traînant, la soulevant de toutes ses forces en riant pour la foutre à son tour sous l'eau. Et elle y arriva.
La victoire était plaisante, c'était certain alors qu'elle avait coincé la jeune femme entre ses bras, un sourire fier au visage, sous la douche.

- Bah alors ? C'est pas toi qui voulait prendre une douche ? Il fallait me dire que tu voulais la prendre avec moi !

Pleine de malice, Gina pétillait. Elle riait, l'eau dégoulinant sur son visage, laissant ses cheveux et ses vêtements pendre piteusement, ses lunettes au sol, un peu tordues. Oui, Gina s'amusait terriblement bien avec ses griffes rentrées aujourd'hui.

Oh que de versatilité en leur coeur ! Gina et Alex avaient une bien étrange relation. Brûlante, douce histoire empoisonnée. Le goût d'aigre s'effaçait aujourd'hui pour ne laisser que la douceur d'un amour presque innocent.

Il n'y avait que peu de résistance lorsque Gina la glissa sous la douche et bien trop de provocation. Alors tête tout aussi haute, de sa grande taille, Gina dominait Alex, un sourire taquin aux lèvres, un sourcil levé de tension. C'est qu'Alexandra la cherchait. Alexandra la provoquait et Gina tombait dans ses filets sans hésitation. Alors elle approcha son visage de quelques centimètres, son nez frôlant celui si fin d'Alexandra alors qu'elle gardait son regard planté dans le sien.

- Ah oui et comment devrais-je pousser le vice alors ma très chère mademoiselle ?

La dernière réplique malicieuse arracha un autre sourire mesquin, laissa une main s'attarder sur la hanche de la petite maligne face à elle alors que mesquinement, elle détachait les boutons de sa propre chemise. Point de mot, Gina provoquait à son tour Alexandra en la prenant au mot, pleine de taquinerie et pressée par cette tension qu'Alexandra avait installé. Ses doigts habiles se jouaient du vêtement trempé, distrayaient la jeune femme face à elle de ses provocations alors qu'elle se rapprochait d'elle encore. Ce qu'elle ne pouvait pas voir, c'était cette main qui avait quitté sa hanche pour attraper une bouteille de savon. Et là, ses lèvres frôlant les siennes avec une exquise tension, Gina pressa le gel douche sur la tête de sa comparse. Fière, la voix suave -pour jouer ou pour de vrai ? Personne ne le saurait- elle rit, toujours si proche, toujours pleine de tension.

- Ca manquait de savon si on prend effectivement cette douche..

Oh déjà un feu brûlait en Gina. Les provocations, les tendresses, avaient poussé à cette tentation immense de retourner dans les bras d'Alexandra et il suffirait d'un seul geste d'approbation pour qu'elle ne bondisse sur ses lèvres.

Que de malice dans cet instant sublime. Un éclat de lumière, à peine bafoué de nostalgie, bien trop doux, si tendre pour ces êtres qui se déchiraient sans cesse. Des frissons parcouraient Gina d'appréhension, de crainte, d'envie. Oh, qu'est ce qu'elle aurait donné pour retourner à cette période où elle pouvait cueillir les baisers sans crainte ! Mais rien n'y fait, le temps était passé, une nouvelle ère était là avec des nuées d'espoir, de douceur après la tempête. Mais Alexandra luttait, elle bataillait, tout était une bataille entre elles depuis des lustres. Une bataille sans fin même dans la douceur. Alors Gina s'appliquait à suivre la bataille, à suivre le courant, les bêtises et les élans malicieux, le regard brillant d'une affection découverte trop tardivement.

Elle était fière de sa petite blague stupide, un grand sourire ourlait ses lèvres et elle ne pouvait que rire alors que l'étudiante dans sa douche devait frotter tout ce gel douche de sa pauvre tête.

- Je sais, je suis un génie du mal mais tu avais l'air d'aimer ma douche donc bon...


Un nouveau rire et Alexandra la poussait pour s'évader. Gina était toujours hilare. Même avec ce surnom ridicule. A vrai dire, il la faisait bien rire. Un bras vint capturer les épaules de sa vieille amie et une doigt taquin tapota le petit nez.

- Ton "ptit pote" mwh ? Moi jdis je prête des fringues que si t'es gentille sinon tu rentres en flaque..

Malice dans le regard alors qu'elle s'installait sur le sol sans daigner se sécher. Le ptit pote attendait la prochaine farce douce dans l'espoir d'un instant plus long avec le chaos qu'était Alexandra.

Soudainement, tout était doux. Et Gina n'avait qu'une envie : rester dans cette bulle possible et rien ne pouvait arracher ça aux étudiantes. Pas à ce moment-là. Là, elles pouvaient être douces et tout oublier, en surface, rien qu'un court instant qui appelait à la bêtise.

Si Alexandra n'était pas si blessée, Gina aurait pu la garder dans ses bras et ne jamais la laisser s'en éloigner. Elle en aurait fait sa reine, comme elle le méritait. Mais trop tard, elle avait laissé s'évader sa chance.

Léger rire aux mots d'Alexandra, l'italienne se laissa tomber sur le matelas avec elle, soupirant, perdue entre les remords et la douceur.

- Bien sûr que je m'en souviens ! J'ai crié sur une flaque, Alex. Bien sûr que je m'en souviens, c'était le moment le plus ridicule de ma vie. Et ça me fait beaucoup rire aussi, c'était vraiment RIDICULE, jte jure, quelle idée de crier sur une flaque..

C'était si pathétique. Gina avait été d'une pathétisme hors du commun, d'une petitesse immense et d'une cruauté trop grande. L'amour ne devait pas être cruel et pourtant, Gina l'avait rendue en se laissant porter entre un amour complexe et une haine trop grande. Ce jour-là, elle avait été faible. Ce jour-là, elle avait même dit dans un moment de désespoir à quel point elle se haïssait elle-même. Et au delà du comique de la situation, Gina avait ce pieu dans le coeur à chaque fois qu'elle y pensait.

Elles sont bien étranges, toutes les deux, à rire de cette guerre sans fin. Mais vous pouvez toujours le faire ensemble.

Aux mots d'Alexandra, elle rit et hocha la tête. il était évident que bientôt, Alexandra quittera cette pièce, bientôt Alexandra partira et la guerre reprendra vigoureusement. C'était ce que Gina pensait alors qu'elle tendait des vêtements à son ancienne amante. Et Gina, elle ne put pas s'empêcher de voler un autre baiser à Alexandra, là, sur son front pâle, une main perdue dans ses cheveux.

- Tiens, ça devrait pas t'aller trop grand, le pantalon a rétréci au lavage..

Trop de doute, trop de douleur, trop de tendresse refoulée, Gina savait que tout était perdu et pourtant, un espoir plus cruel encore que ses crocs acérés venait lui prendre le coeur.

Aujourd'hui, tout semble beau. Aujourd'hui tout semble effacé sur l'ardoise de vos batailles. Il n'y a point de crocs, point de piques, juste une douceur fébrile.
Une douceur qu'on sait éphémère. Parce que rien ne dure entre Gina et sa belle. Rien ne dure parce que Gina plante ses serres acérées encore et encore dans son coeur. Aime-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis. Gina suit cette phrase comme un mantra contre les avis même de sa raison.
Avec Alexandra, elle se laisse porter sur des torrents abruptes, des torrents doux qui résultent sur des rochers mortels. Rien ne dure et déjà, Gina sait que ce moment est volé au passé.

Alexandra s'échappe un peu plus chaque jour. Elle se rapproche pour mieux s'éloigner, elle le sait. Pourtant, elle reste la tête haute, elle reste avec l'illusion d'un bonheur qu'elles ne connaîtront jamais ensemble alors qu'elle lui sourit, qu'elle l'appelle ma reine et disparaît dans la salle d'eau.

Et quand elle sort, Gina sait que c'est la dernière fois. Elle le sent, là, au fond de ses tripes et la douleur est trop grande pour qu'elle soit acceptable. Gina la noie dans cette tête trop pleine, elle la noie et l'encrasse d'une cruauté réservée pour plus tard. Parce que Gina ne sait faire que ça avec Alexandra. Elle ne sait que planter ses crocs et se débattre pour la place du plus fort.

Mais le moment n'est pas venu. L'automne est toujours là, les vents glacés de l'hiver les guettent mais n'osent pas les toucher. Alors Gina admire Alexandra. Elle l'admire dans ses vêtements, dans ce pantalon encore un peu grand et ce tshirt bien trop grand, celui qu'elle lui piquait toujours avant la tempête, avant les maux. Celui qu'elle portait lorsqu'elle n'avait pas que sa peau contre la sienne comme habit. Mélancolie, douleur, douceur, tout se perd et se mélange, le regard approuve sans approuver. Parce que voir Alexandra dans ces habits c'est rêver de la posséder encore. Mais on ne possède pas les gens, on ne les blesse pas pour mieux les emprisonner de nos bras. Et ça, pourtant, Gina rêverait de le faire. Elle rêverait de garder Alexandra dans ses bras, à jamais dans une cage d'or si sa fierté n'entravait pas ses désirs les plus fous. Alors Gina ne dit rien. Elle ne dit rien et elle attend. L'hiver approche, adieu l'amour, adieu toujours, le cœur est déjà trop blessé pour être recollé.