Née fille d’un membre du gouvernement italien, Gina eut le malheur d’être une Alice. Don ou malédiction, les avis divergeaient. Son cher paternel avait un avis tranché. Il haïssait ce pouvoir, il haïssait cette malédiction et dès la minute où ce pouvoir s’éveilla, Gina ne fut plus sa fille. Elle n’était plus qu’une chose dans sa maison, une intruse à dégager. Alors avec sa femme effrayée, ils eurent vite fait d’envoyer leur fille à l’Académie alors qu’elle n’avait que 6 ans.
Sa mère l’avait serrée dans ses bras, avec un peu d’appréhension, cette même appréhension que depuis ce jour où elle avait commencé à casser des ordinateurs, à matérialiser des écrans tremblants. Gina n’avait pas compris de suite. Elle n’avait pas compris qu’elle ne verrait plus jamais ses parents, que son Italie natale allait devenir lointaine et qu’elle ne connaîtrait plus que l’Académie. La petite fille l’avait seulement compris une fois installée dans sa petite chambre. Elle n’était plus la petite Gina chérie de ses parents, elle n’était même plus une Di Marzo. C’était devenu un secret : une fille cachée, juste une enfant parmi tous les autres de l’Académie..
Et Gina n’eut pas vraiment à mal le vivre. Ses parents étaient vite devenus un souvenir lointain : des cheveux blonds caressant ses joues au dessus du lit d’enfant, le sourire carmin d’une mère, les caresses tendres dans ses boucles.. Tout était vite devenu distant après avoir été recueillie à l’Académie. Elle avait pleuré, évidemment, les premières nuits, lorsqu’elle avait été dans ce lit, seule, sans ses parents ou sa nourrice pour la serrer dans leurs bras chauds. Puis elle s’était endormie et ses larmes s’étaient taries au fil des jours, des semaines, des mois, pour ne devenir qu’un maigre souvenir des années plus tard. Elle n’avait gardé comme trace du passé que ce foulard abîmé que sa mère avait glissé dans sa valise, ce foulard imprégné de son parfum délicat et chaleureux. Gina l’avait gardé caché honteusement sous son lit. Même lorsqu’elle avait décidé de ne plus penser au passé, une part d’elle refusait toujours cette décision, elle refusait de croire que sa mère voulait réellement son départ autrement que pour la carrière de son père et elle espérait secrètement un jour être à nouveau dans ses bras.
Gina avait grandi plutôt paisiblement à l’Académie. Malgré quelques actes de rébellion durant ses premières années lui ayant valu le rang de sans étoile un moment, elle eut vite compris qu’elle devrait s’adapter pour bien vivre ici. Alors elle avait appris sagement, développant ses capacités dans le seul but d’être dans le confort. Peut-être aussi un peu par une curiosité égocentrique de voir jusqu’où elle pourrait aller avec son don. Même si elle se contenta vite du minimum en cours, se concentrant sur ses propres travaux, ses rêveries de chiffres. Ce qui nous menait au présent, à Gina avec ses cheveux en pagaille, des lunettes aux verres teintés cachant des yeux noirs, une jeune fille passant la majorité de son temps à bidouiller ses machines chéries.

Nouvelle période, nouvelle ère, Gina se durcit.

L'Académie, lieu de calme dans un monde en feu, n'était plus ce qu'elle était. Il y avait eu une nuit qui avait tout changer, une nuit de peur et de crainte, dans les cendres du temple, dans les découvertes qui donnaient plus de questions encore.
Le soleil était moins fort. Jadis éblouissant, la flamme de Gina faiblissait. Il était impossible de n'être que chaleur et le soleil la dévorait. Sévère, précipitée, Gina s'était empressée d'entrer en Nova. Elle entrait dans les rangs. Peut-être beaucoup pour le confort, pour le prestige, égoïstement, Gina était prête à sortir les griffes envers ses camarades pour une bonne place. Et c'est ce qu'elle s'apprêtait à faire, âme vendue, plus incompréhensible que jamais.