à côté, terminator semble plutôt souriant.
y’a cette tête échevelée, avec ce visage plat d’expression.

quel contraste tho. anaël ne peut s’empêcher de rire. éclat bref. en dehors du couvre-feu. dans le couloir devant une chambre simple.

shit casper t’es un real ghost en fait, j’te prenais pour un prank.

il entre avec son artillerie lourde. sa veste rouge aux nombreuses poches rassemble lecteur, fils, dvd, cellphone. son pc en main. dans le couvert de la chambre, anaël continue là où les sms se sont arrêtés.

bon ok pour woman in black j’avoue, la fin c’était cool. mais elle devient kk et sans aucun sens avec le deux. jor c’est comme s’ils avaient pris un potentiel scénaristique et qu’ils l’avaient enculé sévère pour faire du fric.

dans sa main, il agite légèrement son lecteur.

so, terminator casper, casper terminator. ready pour un mind blow matinal ?

anaël zieute la chambre. no comment, que le fantôme a dit. right.

given.

et non, il ne va pas embarquer sur star wars ; anaël fait la grève, il a mis son porte-clé de r2d2 au placard, signe de protestation. non, il n’embarquera pas sur star wars, parce qu’il refuse d’acheter le goodie de bb-8 – à faire gémir d’un « aaawn » staline – vu dans le magasin de jouets.

non…
mais du peu de neurones qu’il lui reste, anaël prend note de ressortir son r2d2 de sous son lit, r2d2 dont le corps est mobile. ultra sophistiqué comme porte-clé. et ultra adorable.

il n’a jamais entendu parler d’abel, lui semble-t-il. mais sa mémoire – peu active – lui joue des tours. anaël plisse les yeux une fraction de seconde, fait la moue.

j’t’ai d’jà vu m’semble. mais maybe not. anyway. ok… wow… ! shit c’est smooth as fuck ce lit !

ses mains tapotent l’oreiller, des pétards dans les yeux. il sort de sa poche interne gauche le boîtier d’interstellar. comme s’il s’agissait d’un diamant, ses doigts retirent le cd, le confient à son lecteur. le son électronique de terminator lui arrache un sourire.

if u fall asleep c’est legit, si tu t’poses des questions c’est legit. ok it started. sugar ass, casper ! c’est ultra confo chez toi. really.

dans le menu, dès qu’il appuie sur play, anaël ne regarde plus autre chose que l’écran de son pc, posé devant eux. ses jambes croisées, l’attention sollicitée, il oublie l’heure, le lieu, l’inusité de la rencontre.

ne reste que la fiction.

la fin d’un film est une tradition. il faut se laisser le temps d’assimiler l’œuvre avant d’éteindre le pc. alors quand casper se tourne vers lui, anaël a le sourire de cheshire.

right, c’est insane casper. surtout à cette heure, wait… il est… crap ass ! quatre heure du mat’. awesome.

délicat, il range le film dans son coffret, ramasse son attirail. il n’y a rien de plus sacré que son matos de cinéphile. une dernière fois, anaël tapote l’oreiller. il est déjà rentré dans une chambre simple, mais la façon d’habiter l’espace, c’est propre à chacun. ici, dans la pagaille, il ne sait pourquoi, mais ses doigts aiment le contact de l’oreiller. le contact de l’éphémère.

c’est cool au grenier casper, faut qu’tu viennes. t’as quoi comme cours demain ?

il a encore dans l’esprit le drapeau américain, planté par Matthew McConaughey.

ses yeux l’ont dévisagée une fraction de secondes. interdits. puis ils se sont illuminés.

damn t’es un fantôme ultra willing, i like it. ce sera comme chez toi.

à cette heure, les surveillants sont relativement faciles à passer. qui – et surtout dans sa vie grise d’adulte – reste debout si tôt dans l’espoir d’attraper les jeunes rebelles ? ensemble, ils sont montés sur le toit du monde, passés les perles rares de l’univers. anaël a hésité, quelques secondes, il s’est dit que ce serait marrant, réveiller leonard. ou même félix. mais contrairement à lui, ses copains ont encore un tribut à défendre. alors ils sont passés, ils sont montés.

dans la chambre d’anaël, les choses contiennent un ordre étrange. ses affiches de films expérimentaux, d’œuvres d’auteurs colorent le mur. au pied de son lit, son set up de garde-robe. sur le bureau, une série de porte-clefs réglée selon leur origine. l’espace pour le pc comme un vide incongru. c’est une cabane organisée, codifiée.

attends j’t’arrange de quoi.

anaël déballe une couverture roulée au bout de son lit. comme un hôte distingué, il l’étend sur le sol puis jette un coup d’œil à casper.

c’pas le luxe, mais c’mieux qu’le bois d’la guerre de cent ans. bienvenue dans mon loft DIY !

et avant de s’installer sous ses propres couvertures, anaël ajoute :

’night casper.

en attrapant l’édredon, anaël hausse un sourcil, geste furtif. parmi les élèves et ceux – oh combien nombreux – qui font du grabuge, il s’étonne qu’une personne comme casper, rencontrée ce matin, sache son nom. enfin. it’s a small world after all.

et satisfait de la tournure des événements, anaël installe l’oreiller sur son lit, le tapote encore de quelques petits coups. puis sa tête se laisse chuter sur le confort du tissu. le matin qui précède l’aurore se meurt dans le jour. sommeil bref. mais anaël, énergie – peut-être – insatiable, se réveille frais comme une rose. (sans sa délicatesse)

il s’étire en poussant un gémissement de contentement. c’est la fin de semaine, pas besoin de surveiller l’heure. il aime prendre ainsi son temps, avant de débuter les journées.

et alors qu’il se retourne vers la porte de sa chambre,
pose les yeux sur le sol,
tandis qu’anaël ouvre la bouche
pour s’adresser à casper,
tout ce qui sort n’est qu’un

AAH!??!?

il n’a pas le temps de se questionner. à propos de son corps soudain électrifié, qui se redresse sur son lit, alerte, visage stupéfié.

il y a, couché sur le sol, dépassant de la couette, une tête à la chevelure foncée. chevelure courte. il y a, couché sur le sol, dépassant de la couette, un parfait inconnu qui cette fois n’est pas une connaissance de voisin de cellphone.

il y a tout bonnement un mec qui se réveille parce qu’évidemment, à entendre hurler ainsi dans une si petite pièce, le sommeil finit par s’enfuir.

shit ! putain ! sugar honey crap ! holly motherfuck… bonjour jean-guy ?

anaël, comme un chat avec un oiseau, s’avance lentement. tout ce qu’il trouve à dire de plus, c’est

t’aurais pas vu casper, by the way ? blonde, poker face, cool… non ? enchanté euh… inconnu qui pop dans la nuit… moi c’est anaël… i guess.

darn chicken butt

c’est au tour d’anaël d’étendre un gros cheese sur sa figure. il descend du lit, tire quelque peu la chaise du bureau. pas trop, sinon le bois rencontrerait les pieds soudains de casper.

ses pieds soudainement grands.

sur le bout, anaël s’assied, coude apposé près de son ordinateur.

t’es un fantôme vachement awesome. ça t’arrive toutes les nuits that trick ? it’s just your body ou niveau personnalité aussi ? like u were smilin. ça s’rapprochait plus d’la vibe des sms dud… ette. geez.

il fait craquer son cou, comme à chaque matin. se redresse, près de son lit se penche, relève les draps. en dessous de la structure, anaël révèle son garde-manger. ses cheveux en pagaille, ils voilent le regard énergique.

nice prank casper, ton alice est fuckin hot, so si t’as envie d’bouffer d’quoi, vas-y sers-toi.

il y a des cartons de céréales, de ceux minuscules que servent les déjeuners continentaux. hier soir, il a acheté des croissants à central town, des jus dans des boîtes en carton. il y a cacahuètes, chips, barres tendres, sucre. un petit garde-manger ordonné.

j’aime pas le sucre, c’pour les copains. you're in that side.

anaël sort une boîte de jus, pomme ; tout ce qu'il aime. pas comme le liquide saveur orange de la caf. c'est quoi ça, un jus d'orange ?

c’est 5 rabbits la barre. à défaut du jus d’poire.

on devine à son sourire que c’est des conneries. anaël s’est ouvert une petite boîte de froot loops, carton de jus sur le bureau. il en brasse quelques-uns dans sa paume, gobe d’un lancer. ses hanches appuyées contre le meuble, jambes croisées.

ses sourcils se haussent, une moue entendue sur le visage.

well, sounds cool casper. le jour où tu vas gérer ça, you gonna rock, même si en chix t’as d’jà des couilles.

une autre poignée de froot loops en bouche. anaël laisse son invité.e faire le tour des lieux. la question est succédée par un hm ? de sa part. jette un coup d’œil au toit. lorgne le lit, la table derrière lui, puis casper. anaël sourit en retour.

comme la plupart d’entre nous, en perdant l’étoile polaire.

feel ma poésie, homie. troisième poignée de céréales.

c’était au collège, première année. y’a une grosse teube qui m’a dénoncé pour avoir volé à la caf. that fucker.

hausse les épaules. hausse les sourcils encore. anaël shrug.

so now, jsuis chez moi. ça t’dit pas d’me r'joindre casper ?

clin d’œil. il lui tend la boîte de céréale, regard inquisiteur sur la question du partage. ce qu'il ne dit pas encore ; c'est l'accumulation des mauvais coups, des coups de gueule et des insultes qui l'ont foutu au ciel. voler, ça a été le geste de trop.

dépose la petite boîte de céréales en carton sur la table. quelques bouchées, c’est terminé. le visage grimace à la question de casper. t’inquiète c’est pas toi.  

comme le fantôme ne lit (sans doute) peut-être pas dans ses pensées, anaël, poli, se permet de préciser.

c’le sucre, can’t stand this mother shit. j’avais oublié.

ça tousse un peu. il y a des affiches dans sa chambre. des films indé, des jeux, des séries. du pixel art et du rétro qui décorent les murs. anaël se détache de sa table, s’assied sur la couverture, le lit de son invité⸱e.

bras vers l’arrière, anaël se détend. avec les reflets verts dans ses cheveux, casper se fond bien à travers les affiches.

my ass doesn't know. j’sais même pas s’ils ont d’jà vu ça, those suckers, un kid qui ask pour s’faire enlever une étoile. why so polite anyway ?

il s’étend, bras croisés derrière la tête.

t’pourrais faire d’quoi, comme ça t’aurais une raison d’atterrir ici. not used to it i guess ? being fucked up.

faire le fou dans ta chambre, t'y sentir aussi bien qu'ici comme tu dis.
peut-être pas casser des murs, casper. peut-être juste marcher à contre-sens des marées. c’est pas tous des volontaires dans le grenier. sinon, personne en serait si indigné.

we try as everyone, but in our own way.
unseen and unpleasant.