Amaia a son nez contre la vitre, mains en visière au-dessus de ses yeux. Des vitres teintées pour un café ce serait pas un peu lugubre par hasard ? En plus il fait grand beau. Elle essaie de distinguer l'intérieur au travers de la poussière qui macule le verre et de l'obscurité qui règne en maître. Elle devine un vieux gouvernail de navire accroché à un bout de mur; sa peinture écaillée est triste à voir.
Amaia lève la tête, ses chipies de cheveux sursautant contre sa nuque. Elle lit à nouveau, sur le panneau suspendu type taverne médiévale ou repère de guilde "Café de l'Agonie (pour les écumeurs de vitrines en quête de repos
— Alright mate on fait comme on a dit ? Tu fais diversion et moi je fauche tout c'qui brille ?
Sur ces mots elle ouvre son sac-à-dos vide qui ressemble davantage à un vieux sac à patates ou un ersatz de hotte du père noël troué de toutes parts.
Ils poussent la porte du café sinistre à souhait. Un triste tintement les accueille. Y'a rien qui brille. Ils ont les bras ballants, ainsi interdits, arrêtés sur le pas de la porte. Tout semble pétrifié sous une nappe de poussière tellement épaisse qu'Amaia sent son asthme se pointer ni une ni deux sans même dire bonjour et demander comment va la famille le chat le chien. Dans un coin, sur un vieux comptoir dont on peut deviner à des kilomètres qu'il est hérissé d'échardes, une petite radio crachote de la musique de la trempe de celles qu'on entend dans les ascenseurs. Tu parles d'une déception...
Amaia lance une quinte de toux dans le silence presque ambiant.