serendipity {{ miel✦caprice

satellite à la dérive Messages : 479 Classe : F

la page est vide
toujours pas d'éclaircie à l'horizon
la raison n'a pas de guide
pas de solution dans les livres
j'arrive à peine à en rire
✚ miel

petite silhouette vacillante à l'éther
enlacée de vapeur de café qu'on guette au loin
assise sur les banquettes contre les fenêtres elle avait raison on avait eu froid dehors sous les ondées mais
il fait si bon ici
que caprice craint presque de voir miel
s'évaporer.

c'est insoutenable de se tenir loin elle a le regard qui embrasse le ciel dehors alors il se demande plus que jamais ce qui se trame dans les prunelles fuyantes qui échappent
encore une fois.
ses cils à lui papillonnent pour chasser le trouble et caprice se détourne, revient à la vitrine renfermant tout le sucre du monde c'est coloré comme les habitudes insouciantes qu'on avait
avant le grand vide à l'estomac.
il s'applique à choisir caprice,
veut rattraper les distances comme il faut
il a promis que ce serait comme avant
quel que soit le nombre de dimanches qu'on a manqué
il y aura toujours autant de douceurs sur la table entre elle et lui
alors il a insisté pour aller commander.
pour revenir avec de quoi chasser l'amertume.

orange acide et café noir du sucre roux pour adoucir
un verre pour elle mais deux tasses
ça tinte lorsqu'il pose le tout sur la table et il s'assoit sans un mot face à elle et tout son mystère surnaturel
les doigts
passent sur les mailles de laine
(il a pensé aux écharpes)
et lorsqu'il défait l'étoffe il a l'impression que ça aide à délier la langue, désentrelacs des nœuds à la gorge caprice le regard bas
cache les constellations inquiètes qui sommeillent dans les iris froids.

je ne sais plus, peut-être que tu t'es mise au café depuis le temps alors j'ai pris les deux pour toi. moi les oranges pressées le matin ça m'écœure.

et l'on arrive pour les servir d'édulcoré
moka croissants et madeleines - il se souvient qu'elle aimait bien le carrot cake alors il y en a aussi
reflet sur les glaçages
des galaxies de saccharine qui remplissent l'espace vide entre
miel et caprice.

... j'ai pris comme d'habitude.

le temps c'est relatif - caprice
fait comme si on était là dimanche dernier
laisse miel se servir la première.

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seren(dip)ity
miel & caprice

La tasse à son sommet accueillait un nuage blanc qui témoignait de la chaleur de son contenant au dépit de ses mains, à Miel, qui l'enserraient sans craindre aucune brûlure. Ses yeux avaient vagabondé un peu au ciel et un peu au sol, mais jamais ne s'arrêtaient ni sur Caprice ni sur ce qu'il avait rapporté, trop occupé à fuir sa réalité qui avait l'air plus légère près des nuages et du soleil timide qui lui souriait derrière. Les banalités s'étaient effondrées à ses pieds et n'avaient atteint aucune conscience dans l'esprit noyé d'une brume épaisse de Miel qu'on aurait dit à peine sortie d'un coma. Le silence avait fini de tordre sa poitrine, alors que les mots en suspends de Caprice sonnaient comme une supplication ; dis quelque chose, Miel, réponds-moi, regarde-moi qu'il murmurait tout bas.

Elle avait hoché la tête et avait laissé mourir tout ça, sans réagir, sans les rattraper alors qu'ils tombaient au ralenti devant elle. Elle n'avait pas bougé le petit doigt.

« Colline... »

Sa voix s'était élevée non pas timide mais malhabile et les mots directement s'étaient figés au bord de ses lèvres. Devait-elle parler de lui ? Il n'y avait jamais eu la place pour personne entre Caprice et Miel, ils n'avaient jamais eu besoin de parler des autres pour se compléter ; n'étaient-ils plus suffisants, désormais ? Qu'est-ce qui avait changé ?

Miel avait toujours le sentiment d'avoir détruit quelque chose, en essayant de le réparer. Son erreur avait sûrement été de croire que c'était cassé. Ce qui était brisé, ce n'était pas eux, c'était elle, et elle ne savait plus où donner de la tête.

« Il t'a parlé, pas vrai ? »

Enfin elle avait relevé les yeux vers lui, et c'était comme si elle découvrait tout ce qu'il avait apporté sur la table. Un peu perturbée, elle sembla hoqueter pendant une fraction de seconde, durant laquelle elle dut se recentrer.

Il avait encore exagéré.

« Si c'est un tribunal je m'en vais. »

Ce n'était pas le genre de Caprice, elle le savait bien ; c'était elle qui s'imposait la sentence. Elle était l'accusé et le juge en même temps, et il n'y avait aucune part d'elle-même prête à la défendre.

« Merci pour le petit déjeuner. »

Elle leva une main vers une viennoiserie au hasard, et l'approcha vulgairement de sa bouche. Miel, dans toute sa disgrâce, gardait un peu de sa douceur.

« Pourquoi tu t'es décidé aujourd'hui ? »

Elle n'avait plus quitté ses yeux ; elle avait enfin retrouvé le contact de ses iris et maintenant elle voulait s'y noyer. Ça lui avait manqué, les galaxies de Caprice.

« Ça aurait pu être hier, ou demain. Mais non, c'était aujourd'hui, à minuit. »

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fantôme d'invité à leur table rien que le nom suffit à invoquer
on a passé trop de temps ensemble pour ne pas avoir les ombres des autres toujours penchées au dessus de l'épaule
miel dit colline
froisse le visage impassible de caprice le temps d'un battement de cil
et il se surprend à lancer un regard fugitif à coté de lui
comme si le concerné pouvait se trouver là
avant de fermer les yeux une seconde pour chasser l'image.

est-ce qu'on s'est perdu au point d'éparpiller des morceaux de soi chez les uns et les autres ? parfois caprice est certain d'où son espace-temps s'arrête et puis
il y a ces moments où il peine à délimiter leurs univers à tous les quatre. tant de chaos étouffé en dedans que ça déborde trop facilement, surtout qu'on se heurte aux plus proches
et il y a eu tant de collision qu'on doit tous fuir un peu. le chagrin et les colères ça traverse toutes les barrières c'est difficile d'épargner les siens.
mais caprice ne voulait pas
ne veut pas que ça empiète sur le dimanche - il en a perdu tellement ça le tuerait que celui-ci lui file entre les doigts
il faut s'efforcer de fermer les poings sur les grains de sable.
quoi que colline puisse me raconter je crois que tu nous connais assez pour savoir qu'on n'attend pas vraiment l'avis de l'autre pour prendre des décisions.
alors ne t'en vas pas miel
supplie l'âme sous la banquise des yeux
elle soutient celle de miel aux contours si incertains
avant de se risquer à respirer de nouveau lorsqu'on la voit se servir dans les assiettes. ça veut dire qu'on reste un peu.
c'est rien. le petit-déj'. on partageait tout à la maison alors je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas pareil ici.
on a donné des noms à ces étoiles là depuis trop longtemps pour laisser qui que ce soit broder par dessus.

et caprice détaille celle qu'on appelle miel
la faute aux cascades filantes qui pleuvent jusqu'au milieu du dos
les cheveux sont plus longs qu'avant et caprice cille
éclipse d'autres détails pour plonger les yeux dans le reflet brouillé à la surface du café. la tasse entre les doigts ça part des mains pour réchauffer jusqu'au palpitant
et la première gorgée a plus de goût que le millier précédent
toutes celles qu'on a prise sans elle - il trouve que
c'est meilleur aujourd'hui
aujourd'hui
pourquoi c'est aujourd'hui à minuit
qu'il lui a pris des envies de pâtisseries par temps de pluie.
"un autre jour" aussi ça aurait pu être hier, ou le jour d'avant. on avait le choix pas vrai.
miel la douce indécision, des ravins que les dimanches ne comblent plus et tu t'y perds. c'est ça qu'il fallait ? que caprice ose se faire lumière pour tu retrouves ton chemin jusqu'aux matins à l'abri au café ?
il ne voulait pas que ça semble mesquin mais ça l'est sûrement
et il faut se rattraper en arrêtant de se cacher derrière les faux-semblants.

c'est peut-être surprenant mais on discute encore souvent, avec colline. même si c'est plus pour confirmer les différents que pour se confier des secrets.

et caprice n'a pas besoin de mots pour voir que colline en renferme des tas, des secrets - c'en est rempli
et ces derniers temps de tellement que tout hurle au cœur lourd. en y pensant il n'a pas très faim. mais il défait tout de même un croissant, d'abord le doré, la mie pour plus tard.

colline ne dit jamais rien mais je vois bien qu'il s'inquiète. quand on parle de nous et qu'on en vient à toi, il évite de faire face il arrête de se tenir droit, et s'il a quelque chose dans les mains il réduit en charpie pour pas montrer qu'il voudrait plutôt froisser le visage.

c'est comme ça qu'il voit les choses, caprice
des cataclysmes qu'il passe son temps à déchiffrer
et ceux des devray ça fait presque toute la vie qu'il fait de son mieux pour lire en braille le mutisme des tristes hurlements.
il passe des clignements nuageux pour cacher le ciel des yeux un instant, avant que caprice n'incline légèrement la tête, une expression désavouée troublant ses traits.

alors
déjà que moi je m'inquiète beaucoup, depuis la dernière fois que je l'ai vu c'est encore pire. et aujourd'hui à minuit c'était le point culminant.

pour ça que je me suis enfin décidé.

est-ce qu'il se trompe, miel ?
n'était-ce pas ce que tu voulais ?
il fait des vœux en silence, tandis qu'il retourne chercher les iris en face de lui
s'y accroche pour ne pas laisser le bruit du reste couvrir ce que l'on y murmure.

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seren(dip)ity
miel & caprice

Je vais te dire, ça me plaisait pas cette manière que tu avais de me regarder. L'inquiétude ça m'avait toujours un peu pesé, et j'allais pas si mal que tu le croyais. En fait j'allais pas plus mal que tous les amants sans visages que tu te plaisais à détruire, peut-être même que j'allais mieux qu'eux, mais ce ne sont pas mes histoires n'est-ce pas ?

Je savais pas trop quoi te dire, un malin appelé confusion avait pris mes mots et les avait enlevés pour ne plus donner qu'un tas d'hésitations qui m'auraient fait perdre la face. Alors je gardai le silence et tant pis si il te blesse un peu, ce serait toujours mieux que les aveux pathétiques que j'avais laissés à Colline. Tant pis pour le titre, la sérénité c'était pas pour moi, faut croire que j'étais maudite.

Je reprenais encore et encore de café et de jus, de viennoiseries que tu offrais comme de rien, c'est que moi tout l'argent que tu dépensais, j'en voyais même pas la moitié. On était moins bien lotis à l'étage des premiers, et tu connaissais mon appétit. Le sucre redorait les couleurs de cette Miel que j'avais oubliée derrière. Il y en avait au bord des lèvres qui était chauffé si fort par le cœur qu'il en devenait brillant de caramel. Je me penchai sur la table et attrapai le beurre que tu gardais près de toi, et au même moment, deux doigts dans le café et puis deux doigts sur ton nez, juste pour t'obliger à utiliser ta serviette.

« Arrête on dirait que tu vas pleurer. »

Peut-être que t'avais déjà pleuré Caprice mais je ne voulais rien savoir. J'étais déjà coupable d'assez de larmes pour me rajouter les tiennes en prime. C'était pas facile de porter des démons invisibles ; c'était un poids imaginaire, qui n'existait pas et n'avait jamais été, que je m'étais forcée sur le dos comme une hystérique ; et même consciente de tout ça j'arrivais pas à me délier d'eux, c'était pathétique.

« J'ai rien à te dire, Caprice, sinon que je suis fragile, et que cette vie ici me plaît pas. J'y ai jamais ma place, j'y ai jamais aucune joie. Je traverse le temps sans but et mes repères s'effacent. »

Je t'avais pointé du doigt parce que le repère c'était toi. Je t'accusais de rien, je l'avais écrit dans cette lettre que tu n'avais pas lue. C'était moi qui t'effaçais ; de l'auto-destruction à l'état pur. Il y avait des brutalités froides à l'intérieur de moi qui martelaient contre mon propre système des idées noires mais pas obsolètes.

« Mais c'est comme ça, que veux-tu qu'on y fasse ? Je suis pas faite pour le bonheur, soit il me dégoûte soit il me fait peur en tous cas la vérité c'est que je finis toujours par le détruire, ou le faire fuir. »

Je pensais même n'y avoir jamais goûté, un moment. Le bonheur avait pris des allures de chimère, et avait laissé des brides de lui dans mes souvenirs sous la forme tragique - ironique - de l'euphorie.

« Je suis fatiguée, Caprice. J'ai pas envie de me battre, et pas envie d'en discuter. Alors bois ton café comme un dimanche normal, ferme les yeux encore un peu, parce que ce mal il ronge depuis le début, la seule différence c'est que maintenant il a été vu. »

Je te l'avais dit, Caprice, y a quelque chose d'empoisonné qui me ronge et qui me fait dire des horreurs, ça creusait des tombes dans mes yeux et répandait des morts dans mes mots. J'avais pas envie d'être cynique, j'avais envie de te dire que je t'aimais et que ça comptait pour moi, tous ces dimanches-là, mais ce fut autre chose qui fut dit et j'en étais aussi meurtrie que toi.

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est-ce égoïste de se complaire dans des geôles même gorgées de vide ? on pourrait rester-là sans jamais rien se dire -
plus les secondes défilent et plus caprice songe que ça lui suffirait aussi.
pas un mot qui ne crève la surface des lèvres résolues pas même le sucre des douceurs - il n'a rien mangé - c'est un silence de condamné qui entoure
ça ne fait rien on y est deux.
et de l'antan se superpose aux images d'aujourd'hui miel qui pioche dans la saccharine même si ça fait longtemps que ça ne dégouline plus de sourires
ça ne fait rien
il y a autant de gourmandise qu'avant alors ça n'a pas pu tant changer que ça- pas vrai
pas vrai ?

et peut-être que caprice pleure
il ne sait pas il ne sait jamais ce qui se trame sur les visages
il bat des cils lorsqu'on pique le nez de café ça l'extirpe des songes et il râle une seconde, baisse la tête le temps de sécher ce qui a pu pleuvoir sur la peau.
pas du tout, n'importe quoi.
il pense ?
sur le blanc du coton il n'y a pas de larmes, rien que du marc -
caprice n'est plus un enfant depuis trop longtemps c'est terminé les sanglots.
pourtant c'est triste à mourir de constater comme c'est rongé sous les apparences. constater les symptômes déjà trop flagrants c'est trop tard ça a fini par envahir tous les parterres de miel,
la maladie qui ronge et s'enracine dans la terre du cœur - on a beau ne pas avoir le même sang c'est comme si l'amertume coulait inévitablement dans les veines depuis le jour où l'on s'est appelé devray.
ça vient polluer jusqu'aux dimanches.

on n'était plus que deux silhouettes effrayantes constatant les grands vides cataclysmiques en dedans
et on ne peut même pas pleurer.
... pour quelqu'un qui n'a rien à dire tu t'exprimes plutôt bien miel.
les yeux qui souffrent de rester ouverts sur le chaos qui fait vibrer l'image de miel il avait plongé les iris dans les ombres au fond des tasses, serré la porcelaine entre ses doigts. l'immobilité assurée mais c'est infantile et chancelant dessous
c'est son seul rempart
pour ne pas admettre qu'il est épuisé lui-aussi, depuis trop longtemps. qu'il aimerait raffoler du sucre mais qu'aujourd'hui c'est écœurant. qu'on n'a le goût à rien
le goût à rien tant on a mordu dans les infinis jusqu'à être gavé de volatile. des enfants qui se laissent crever de faim il s'est ouvert des gouffres dans les entrailles à force d'être arrachés à répétition.
tout ce qui restait d'onguent c'était eux c'était elle
et même ces saveurs-là étaient ternies et rances.

tu veux que je ferme les yeux encore un peu. jusqu'à quand ?

la voix tendre qui ne se risque plus à trancher quoi que ce soit, les mots sont comme lancés dans les ravins entre miel et caprice
mais sous les airs flegmes on guette le moment où ça heurtera le sol.

jusqu'à ce que tu disparaisses pour de bon ? ou bien jusqu'à ce que ce soit moi qui parte. ce n'est pas pour tout de suite mais c'est bientôt quand même. un jour je n'aurai plus l'âge d'errer ici. et il faudrait que je te laisse alors qu'aujourd'hui déjà tu n'as pas envie de te battre.

il voudrait percuter quelque chose, n'importe quoi.
acerbe, ce qui envahit les joues et fait serrer la mâchoire ce sont les mots qui meurent d'envie de se jeter dans l'infini
de crier son nom en espérant que ça lui revienne

fermer les yeux j'en suis capable, j'ai passé ma vie à le faire quand on me le demandait. et j'aurais voulu que ça cesse lorsqu'on est arrivé ici mais tant pis.

caprice et miel c'est empoisonné
du venin dans toutes les artères des serpents à l'agonie alors
on se mord on se mord
en espérant fabriquer un antidote.

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seren(dip)ity
miel & caprice

"Je ne sais pas quoi te dire Caprice" ; j'avais l'impression que ça sonnait bien, pour une introduction à un long discours, tu ne trouves pas ?
Je ne sais pas quoi te dire Caprice.
Quand je t'entends dire ces mots-là ma gorge se serre, là, c'est acide au fond de moi, ça me brûle. Je crois je me hais un peu, quand je me vois dans tes yeux. Alors des justifications se débattent à l'intérieur de moi, et j'ai envie de te dire, j'ai envie de t'expliquer, de te montrer dans tous les détails qui se débattraient sous mes cils ; à quel point je t'aime ; à quel point je suis désolée.
Tu dis que je parle bien mais c'est parce que tu ne m'entends pas penser. Je ne parle pas bien, Caprice. Je mens. Je mens avec la vérité et c'est ça le plus terrible. Ce sont des mensonges que même tes yeux ne peuvent discerner. Parce qu'ils sont vrais, mais je suis une imposture. Je veux te dire de ne jamais partir, je veux t'avouer que je ne contrôle rien et que je ne voulais pas dire ce que j'ai dit. Mais ça ressemblerait à des justifications et je ne veux pas être pathétique. Je suis un imposteur. Où a donc disparu ta soeur ?
Dis-moi, Caprice, où a disparu la Miel que vous aimiez ?

J'ai baissé la tête. Mes mots étaient emprunts d'une froideur dont je n'avais pas décidé. Elle a fait passer mon coeur pour de la pierre. C'était si difficile, de te montrer les torrents qui me noyaient.

« Tant pis. »

J'ai fait écho à tes mots et ai continué de manger comme si ce n'était rien. Je n'ai pas envie de pleurer. Je garde mes larmes pour ce soir, quand je serai seule et qu'il n'y aura personne pour les voir. En attendant tu dois croire que c'est moi qui fais du mal, comme ça tu arrêteras de porter cette culpabilité. Tu dois y croire, très fort, Caprice, promets-le moi.
Que tu ne te blâmeras pas.

J'ai fini les viennoiseries. J'ai regardé les assiettes avec dépit. Je n'ai plus faim, ne dépense pas tes sous ; je suis gourmande car j'ai des manques à combler. J'engloutis sans espoir, je sais que mes béances sont des trous noirs.

« Qu'est-ce que tu crois, Caprice, qu'on mange des gâteaux et que c'est fini ? »

Je hausse les épaules. Tu as raison. Je n'ai pas envie que ça reste comme ça.

« Je suis triste et en colère, tout le temps. Quand j'ai un peu de joie elle s'étouffe parce que j'ai trop peur de la laisser partir. Si je te dis de fermer les yeux c'est parce que le fait que tu me vois me pèse. Je dois porter tout ça, et porter le fait qu'en plus ça te blesse. J'ai pas les épaules pour tout ça. »

J'ai fini le café, fini le jus d'orange. Il n'y a plus rien sur la table qui me permette de noyer mes pensées.

« Je me sens en danger. Parler en vrai c'est intimidant. »

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des vides immenses entre elle et lui tout à coup les ciels privés d'astres comme s'il manquait des images
caprice n'a pas vu les minutes filer
entre les doigts.
le regard cherche devant soi où avaient pu s'échapper les minutes, c'est triste dans les iris. triste de vouloir se sentir résolu car
on mène des guerres désarmés. c'est violent de vivre quand les tranchants des jours sont plus affutés que toutes les rages qu'on est capable d'enfanter. dévorer les nuits ou bien l'édulcoré c'est pour combler les gouffres qui trônent à la place de ce qui devrait brûler en dedans - on a arraché les noyaux.
les planètes creuses sans jamais d'enfance c'est perdu, égaré pour de bon. triste
et en colère
tout le temps.

je ne savais pas.

je n'ai pas vu. pas voulu voir peut-être
(plutôt)

on aurait préféré garder les yeux fermés jusqu'à la fin des jours et percer les horreurs sans les observer après tout tant qu'on ne détaille pas rien n'existe vraiment. et c'est trop tard
vainement trop tard de demander d'occulter alors qu'on a constaté l'absence c'est trop réel désormais.
les assiettes sont vides il n'y a plus rien sur la table
rien que des aveux
fragiles bancals
déposés sous la lumière comme quelque chose de mourant au souffle affolé à dire au secours, un oisillon en charpie les ailes brisées on verrait le cœur tressauter sous les plumes presque.
caprice voit
sous les comme si de rien n'était.

alors on vient chercher on tend les bras malgré les distances incommensurable - comment être certain que les étoiles brillent loin si l'on n'essaye pas d'attraper -
immobile à sa place il y a ses mains rien que ses mains qui se fraient des sentiers parmi les tasses et les assiettes, supprime les distances sans se précipiter
pour entourer celles de miel.
aucune solution dans les paumes mais c'est plus grand, les doigts peuvent couvrir ce qui est blessé
saisir entièrement et serrer avec douceur
c'est pour dire
qu'on est capable d'appréhender le béant
qu'on n'a pas peur
puisqu'on peut encore l'étreindre dans ses mains.

le temps s'étire pour eux - peut-être
peut-être qu'on peut réécrire ce silence sur certains hurlements
miel il en devine tant
chez toi

je veux pas fermer les yeux miel je vois bien que c'est tout le contraire qu'il te faut. j'ai pas les réponses mais je peux pas te laisser les trouver toute seule - tu comprends?

pression des mains de caprice sur les tiennes,
ne hausse pas les épaules, miel, ils sont trop importants ces vides pour ignorer et faire simplement avec et
peut-être qu'on s'effondrera sur soi-même toute sa vie
peut-être

peut-être que tu chercheras indéfiniment mais s'il-te-plaît
laissez-moi chercher avec toi.

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

seren(dip)ity
miel & caprice

J'ai regardé tes mains s'approcher comme prédatrices, les miennes proies se sont figées, se sont laissées crever sous ton poids. Je n'ai pas osé relever les yeux vers toi, pas tout de suite en tous cas, peut-être que j'ai peur des mots que tu prononces, Caprice, mais je n'ai pas le sentiment que ce soit ça.

Je me sens petite, si petite.
J'ai besoin de baisser les bras ; d'être petite, plus petite.
J'ai l'impression d'avoir cinq ans et de pleurer que Papa ne soit pas là. La vérité c'est que Papa n'a jamais été là, Caprice. Mon Papa, c'était vous.

Papa qui empêche le drame d'arriver, Colline.
Papa qui réconforte une fois que le drame est arrivé, Caprice.
Papa qui venge les responsables du drame arrivé, Teddy.
Papa qui m'apprend à me défendre du drame prochain, Noël.

Tu as raison, Caprice. Aujourd'hui j'ai besoin d'être appuyée. Tu as raison, Caprice. Aujourd'hui la solitude a atteint sa limite.

« D'accord. »

On dirait que j'ai fait tomber mon jugement comme la sentence à un tribunal.
Mais elle t'est favorable, n'est-ce pas ?

« Alors tous les dimanches matins, rendez-vous à l'arrêt de bus pour faire une chasse au trésor. Le trésor, les réponses. Je pose les questions, tu réponds. »

On commence maintenant.

« Est-ce que Papa nous aimait ? »

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blessé comme c'était si ça s'était fait fuyant caprice n'aurait pas pu soutenir les œillades car
on aurait imaginé crever ailleurs loin de soi hors de portées des iris mais
c'était bien là
bien là au creux des mains celles de miel qui restent et se font frêles caprice serre serre serre encore
quitte à faire ployer les os il veut juste entendre dire qu'on ne se cachera plus
qu'on ne s'est pas trompé il est
à un pas de supplier - miel s'il-te-plaît
regarde-moi regarde-moi.

et elle dit
d'accord.

acquitté
vertige non-coupable on se sent tomber une seconde et les épaules se lestent d'un poids immense et tombent
tout comme les cils sur les prunelles car elle verrait comme c'est rongé d'inquiétude et il sait qu'elle n'aime pas ces lueurs là. alors va
va pour les dimanches matins tous les dimanches matins jusqu'à la fin des temps caprice les lui offre sans résistance,
au cœur de l'errance sans promesse de point final on aura au moins cette ponctuation pour reprendre des souffles.
et l'on était
un dimanche matin.

est-ce que papa nous aimait ?

la rédemption à une condition on appelle
caprice à la barre.
le regard toujours aussi bas il a l'instinct d'occulter de
fermer les yeux tout à coup et souffler sans hésitation comme si la réponse coulait de source
galopait dans les veines à force d'être inoculée.

bien sûr que oui.

cette réponse là c'est
un trésor
car on lui a répété mille fois, miel
toute une vie - ce n'est pas caprice qui a fait l'estimation du joyau ça pourrait tout autant être une pierre sans valeur.
et il le sait trop bien.

alors on calme les chevaux impétueux des pensées prêts à fouler les mêmes cirques encore aujourd'hui - déjouer les schémas de pensée comme des circuits imprimés dans le cortex -
caprice
secoue négativement la tête une fois pour revenir sur les mots et inspire.

enfin oui. oui tout court parce que je le pense fort, ça se voyait. mais pas "bien sûr" parce c'est jamais certain.

on était certain de grandir ensemble toute la vie à ses cotés et pourtant
regarde où l'on est désormais le dimanche matin.

ça suffit de fermer les yeux
les regards sont lourds à leur retour et caprice les porte d'abord sur la table entre eux sur leurs mains au milieu. il lâche, maintenant qu'on sait que ça ne s'en ira pas, pour pouvoir ramener les siennes à soi et revenir poser les omoplates contre le dossier de la banquette.

je ne sais pas
je ne suis jamais sûr que ce soit comme ça qu'on aime ses enfants.

comme des trésors. il y avait des jours où la fascination tenait de celle qu'on a pour les choses et pas les gens. les doigts enserrent la tasse de café pour s'accrocher.

mais oui je pense qu'il nous aimait.
...
le jour où on a fait les valises pour l'académie il avait l'air vraiment contrarié. comme si on lui arrachait la prunelle de ses yeux il avait le regard vide, miel. je me suis dis, c'est à ça que ça doit ressembler, un père.

les indices décelés au dernier moment mais
toujours
toujours des ombres de doute sur ces détails saisis au vol
ces vides on les avait déjà aperçu auparavant
lorsqu'on pensait être au complet et combler papa de joie et pourtant, pourtant il perdait sa lueur un jour c'était vacillant et
l'on repartait à la chasse aux trésors. c'est pour ça que l'on était caprice et colline puis teddy et miel et noël. alors papa nous aimait
au passé.
il aimera peut-être au futur
mais d'autres choses.

je crois pas que papa nous attende à la sortie. colline est persuadé du contraire mais
on n'est pas d'accord.

emojicouteau Messages : 146 Classe : C.

seren(dip)ity
miel & caprice

Il y a des mots qui s'échappent de toi Caprice, qui me libèrent d'une asphyxie latente, mais quand je regarde tes yeux j'en entends d'autres et ils me donnent le vertige. Ta voix est parsemée de doutes et je ne peux m'affranchir de l'angoisse qui me prend quand je songe que même toi, Caprice, tu ne sais pas. Tu devais savoir, c'était ton devoir, c'était ton rôle, tu étais le grand, celui qui devait m'apprendre, me raisonner. Et maintenant, qu'est-ce que tu es ? Qu'est-ce que, au fond, tu as toujours été ? Un enfant à la confiance abusée et à l'innocence piétinée comme on l'a tous été.

Quand tu dis que Papa ne nous attend pas, je ne flanche pas. Tu étais le seul à croire que c'était un secret inavouable pour les petites oreilles de ta chère petite sœur fragile, Caprice. Parce que ça, moi, je le savais déjà. J'ai déjà fait mon deuil, et toi ?

« Tant mieux. Je ne voulais pas qu'on redevienne comme avant. »

Comme avant c'était impossible maintenant que j'avais ouvert les yeux. C'était heureux tant que j'ignorais à quel point j'oubliais qui était Miel. Mais maintenant que Miel apprend à exister, je ne pourrais jamais plus l'exiler comme je l'ai fait. J'en aurais encore plus souffert, et j'aurais fini par céder, hurler, m'assassiner. Ou l'assassiner lui pour qu'il me regarde. Ou vous assassiner vous pour qu'il soit bien obligé. Alors Dieu merci Papa ne nous attend pas, je ne serai pas obligée de vous tuer, motivée par de trop lourdes et absurdes frustrations déraisonnées d'une enfant chaos.

« Colline peut espérer si il veut, je m'en fiche. Tout ce que je veux ce n'est pas Papa à la sortie. C'est vous quatre qui me félicitez d'avoir réussi. Et on se promettra de construire dans notre avenir une place pour chacun de nous. »

Je hoche la tête. D'avoir eu envie de mourir et puis furieusement de vivre, ça m'a fait me projeter loin dans toutes mes envies, et j'ai imaginé toutes les possibilités, les réalités dans lesquelles à la fin je ne finis pas folle ou névrosée.

« Alors je vous interdis de vous disputer. Et si vous le faite je veux que ce soit réglé à la fin. Si ça ne l'est pas vous allez m'entendre, c'est compris ? »

Je ne plaisante pas, Caprice, ne crois pas que ce soient des menaces en l'air. Tu ne veux pas me voir m'énerver.

« Caprice, c'est compris ? À la fin, on est tous réunis. »

» serendipity | CAPRICE
» planetary nebula {{ miel✦caprice (bal)
» communication_skills_not_found w/ miel
» miel — onirique.
» little murder ‡ miel