terne délavé les couleurs oubliées dans les marais et la poussière du stade comme du papier de verre avait fini d’enlever les dernières traces de vernis ; Colline était terne,
une étoile en moins au cœur rien que ça mais
c’est tout le ciel qui s’était éteint
et ses yeux avec.

c’est pas une question de défaire les broderies il a toujours trouvé cette histoire de fil d’or stupide et vaine et le concept de filer des gommettes aux enfants sages le laisse de glace. simplement qu’on n’avait jamais eu autant envie de s’élancer qu’à cet instant, et qu’ils avaient tous, tous fait trébucher, retomber sur terre de la pire des manières.

genoux et coudes égratignés, souvenir de la course de relais, font mal quand il se recroqueville sur lui même. le cœur qui se serre douloureux c’est tout le temps. à frôler l’évasion, il ne supporte plus la cage des os, hurle aux barreaux que c’en est assez, on n’en peut plus. on n’en veut plus de la famille et des amis, écœuré à vomir, c’est eux qui ont empêché de partir. même Miel, elle a refusé de suivre. c’était peut-être ça le pire.
réaliser qu’ils ont beau dire tous ensemble
au bord des gouffres Colline
ils ont lâché la main
on a sauté seul.

seul on veut rester seul, jeter le patronyme aux ravins qu’il y dégringole et qu’on l’entende toucher le fond, et si ça survit on descendra pour achever du talon. ne plus entendre, les prénoms ridicules, dont on n’affublerait même pas des chiens. la chambre de l’étage des une étoiles, plus étouffante encore, elle peut continuer de rétrécir ça ne fait rien. terré au fond de son lit Colline espère presque que les murs se rapprochent et terminent le boulot, il en a marre d’y laisser des morceaux ; qu’on le réduise en miettes sans attendre et l’on n’en parlera plus.

deux coups à la porte ; jamais trois, Caprice, on sait que c’est toi. ouvre pas. mais ça fait longtemps que tu ne lui obéis plus, à Colline, pas vrai ? as-tu même exaucé le moindre de ses souhaits, depuis le temps qu’on se connait. il n’a pas l’énergie de se tourner tandis que tu entres, se contente de rester de côtés et de dos, élève à peine la voix. putain mais casse-toi Caprice, dégage dégage dégage loin d’moi c’est pourtant simple qu’est-ce que tu comprend pas… et s’il y avait une suite au repoussant, ça va mourir dans l’oreiller contre lequel il va cacher le visage, pour y pousser des grands soupirs fatigués. laisse le dormir, Caprice,
laisse le.

tu aurais mieux fait de livrer sans un mot, on te l'avait dit Caprice, que tu aurais du le laisser se morfondre dans son coin.

sa morosité est infinie, probablement de naissance, et à t'efforcer de jouer le frère de sang, il va finir par polluer le tien. souiller tes synapses, celles de Colline court-circuitées, elles n'ont aucune résistances et pulsent mal. font durer les émotions trop longtemps trop fort, avant de laisser croupir dans un néant terrible.

aujourd'hui, elles ont décidé que c'était de votre faute. alors ta réplique le fait rire, ricaner faiblement sous les couvertures.
bien sûr que tu m'en veux pas, j'te casse un bras tu m'en veux pas, j'te traite de tous les noms tu m'en veux pas -
tu m'en veux jamais,
tu sais pas comment on fait.
ça n'aide pas à y voir plus clair, Caprice, tu sais
ça ne fait qu'alimenter le cerveau malade qui oscille entre la vénération à outrance et la méfiance intestine, conclue que dans l'une comme dans l'autre Colline court à sa perte.

il tire un peu plus la couette pour presque recouvrir la tête, cacher les cheveux couleur végétal qui fane à force de ne plus les teindre. les mouvements sont dénués de toute énergie, et il soupire encore c'est comme ça qu'il respire désormais.
merci pour la bouffe, tu peux partir maintenant.
tu as raison Caprice, il ne t'attend plus
ni toi ni personne.

déjà que ta voix c'était trop de présence, le froissement des draps et le matelas qui ploie à peine derrière lui c'est aussitôt étouffant. souffle trébuchant, hachuré à l'expiration par ta vérité trop affutée, ça manque de trancher l'asthénie dans laquelle Colline se réfugie. il ne fallait pas dire ça, Caprice, il a déjà suffisamment conscience de toutes ces incohérences ; n'a pas besoin d'elles pour finir dingue.
je sais- mon dieu mais
ferme-la, j't'en prie.
tes mots sensés ils vont finir dans les gouffres béants et tu ne les reverras plus jamais alors ne te fatigue pas. ça commence déjà à réveiller le chaos des songes, ça s'y mêle, et bientôt ce sera déformé, tu verras. tu vois bien
comme Colline tressaille sous les draps.
t'aurais pu- j'sais pas t'aurais du me rejoindre j'veux dire t'es assez intelligent pour être premier d'la classe mais t'es trop con pour courir ou quoi ? et t'as rien dis, tu dis que tout ça tu l'fais pour nous, pour moi, mais t'as rien foutu, tu t'es contenté d'admirer le spectacle, avec Blossom et Percy, et Miel aussi-
et il se force à se taire, parce que c'est la maladie qui parle ;
s'étrangle dans un sanglot tant c'est douloureux
de porter ses propres mains à la gorge.
mais je sais- je sais
qu't'y es pour rien, je sais que t'avais pas le droit d'être de mon coté, pour ton bien, et le miens, que vous vouliez juste qu'il m'arrive rien,
mais putain-
j'vous en veux
j't'en veux Caprice,
je peux pas m'en empêcher.
c'est un centième des rancœurs à vomir, sans fondement, ce n'est même pas une mauvaise herbe qu'on peut arracher ; ça fait partie de lui, et Colline fond en larmes au creux des oreillers car tant qu'il vit
ça ne pourra jamais mourir.