La moue toujours un peu embarrassée des révélations que tu venais de lui faire, Mason avait reposé son téléphone sur le banc en bois avant de reprendre son entraînement. Il avait l'habitude de venir en avance et de partir en retard alors la solitude ne l'effrayait pas, il profitait de ces moments pour fortifier son corps et améliorer ses performances dans l'attente de rejoindre le cursus sportif à l'université. Tout serait différent là-bas, mais il avait encore un an pour y penser alors au lieu de se prendre la tête sur ça, Mason reprit sa course sans un mot.

Une heure passa bien plus vite qu'il ne l'imaginait, et lorsque tu apparais sur le terrain il est entrain de s'étirer tranquillement. Il y a cette seconde de silence durant laquelle il se questionne sur la façon de t'aborder, parce que c'est pas simple tout ça et il se doute que tu aimerais éviter d'être prit en pitié. C'est pourquoi il se décide rapidement à rester comme d'habitude avec toi. Après tout c'est pas vraiment ses problèmes, même s'il se fait du soucis pour toi.

- Yo ! il abaisse son buste et ses bras en tentant de toucher ses orteils, pour étirer son dos. 10 secondes après il se redresse doucement. Je t'attendais plus, tu t'es perdu ?

Le sourire rieur qui en dit long sur l'humour derrière ses mots, Mason s'approche alors de toi pour passer un bras autour de tes épaules et t'attirer à lui en souriant. Il a toujours l'air si fier quand t'es dans les parages, comme un gamin à qui on aurait offert un cadeau sans que ce ne soit noël.

- Viens par là, on va bien s'amuser.

Mason pale pas des sujets qui fâchent parce que c'est toi qui décides si tu veux te confier ou non, à la place il t'offre l'amitié en guise de refuge, puis une esquisse moqueuse tout en profitant de ta présence pour te voler ta casquette de sa main libre et l'enfiler sur sa tête.

La sienne est par terre, faut se baisser c'est un peu chiant tu comprends ?

- Merci beaucoup, c'est trop gentil fallait pas, lâche t-il très fier de lui.

- Moi ? Voyons pour qui tu me prends.

Bien sûr qu'il se fout de ta gueule et bien sûr qu'il le fait avec plaisir parce qu'il sait que tu t'énerveras pas. Entre vous deux, après tout, c'était toujours la même chose et l'ambiance ne serait pas la même si vous commenciez à être soudain silencieux. Alors Mason au sourire rieur éclaire afin de montrer la voie à suivre dans la bonne humeur. Ta casquette vissée sur sa tête, tu ne te fais pas prier pour échanger tandis que ta remarque lui arrache un rire moqueur qu'il n'a pas de temps d'alimenter car déjà tu répliques avec un coup de coude dans l'estomac. Mason suffoque un peu, grimace entre rire et douleur tandis que tu t'éloignes déjà.

Les mots qui sortent de ta bouche lui font relever la tête vers toi instinctivement, et à mesure que le sérieux se fait une place autour de vous, Mason étire un sourire plus que satisfait. Il n'attendait jamais moins que des lancers qui viennent du coeur, de toute façon.

- C'est un défi ?

La tension qui s'engouffre légèrement entre vous, Mason te regarde fixement pendant un moment, le menton relevé et le sourire plus fier que jamais. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il louperait tes balles, Ulysse.

- J'attrape que les meilleurs lancers, à toi de pas être trop mauvais.

Et après une seconde de silence encore il s'approche des bancs pour enfiler les protections préalablement déposées. Ensuite il te fait face, une balle dans sa main non gantée qu'il te lance avec toujours cette esquisse si fière aux lèvres. Ça l'arrange que tu veuilles lancer finalement, parce qu'il ne veut pas perdre face à Kagerou -le receveur officiel ici.

- On en fait 10 pour t'échauffer et après on passe aux choses sérieuses.

Vous vous placez sur le terrain, toi sur le monticule et lui en face.
Montre lui ce que tu as sur le coeur Ulysse, il est prêt à t'écouter.

Ses yeux s'étaient fermés un instant, le temps d'un simple clignement avant que ton bras n'amorce le mouvement pour lancer la balle. Lorsqu'il les avait rouvert la balle arrivait à toute vitesse et il eut à peine le temps d'esquisser un mouvement sur le côté qu'il la sentait déjà frôler le casque. La protection tremble si fort qu'il en perd l'équilibre pour tomber à terre dans un cri de surprise. Il n'a pas eu mal mais tu viens bel et bien de lui foutre la peur de sa vie. Rapidement il se remet en mouvement, te rassure d'un signe de main maladroit tout en se relevant pour aller chercher la balle en silence.

Mason semble soucieux le temps qu'il te tourne le dos, parce qu'il ne s'attendait pas à une telle force de lancer. Tu l'avais complètement loupé et à défaut d'avoir faillit lui démonter la tête, ça en disait long sur ton état. Ce trop plein d'émotions que tu refoulais l'inquiétait.

Il te renvoie la balle rapidement puis se remet en position.

- Ouai ça va t'inquiète pas. Par contre, j'ai dis 10 lancers pour t'échauffer, pas 10 pour m'assassiner. Alors détends toi ok ? T'es hyper crispé.

Sans un mot de plus il place son gant au centre, t'offre sa confiance et t'indique d'un signe de tête mêlé à un sourire discret derrière les barres de son casque que tu peux y aller. Tente de l'assassiner autant de fois que tu le voudras il se relèvera toujours. C'est un gars solide, Mason.

- T'es le meilleur pas vrai ?

Alors tu vas y arriver.

Ton corps qui reprend tout de zéro. La position, le placement de la balle, l'inspiration, les genoux qui fléchissent, le bras qui se tend. Mason est attentif au moindre détail de ta position: il note le léger retard sur le mouvement, la puissance un peu plus faible de la courbe que tu lances avec précision pile dans son gant et bien que ce lancer soit loin d'être le meilleur que tu puisses faire, il a un sourire.

- J'aime mieux ça.

D'un geste souple il te renvoie la balle avant de replacer son gant.
Et puis soudain.

- Ulysse tu sais.. non tu ne sais pas, comment tu pourrais ?

Les mots sont hésitants parce qu'il est de notoriété publique que Mason ne se mêle jamais des affaires d'autrui, que les problèmes il les fuit et les cache pour continuer à vivre heureux dans un monde qui part en ruine. Pourtant, actuellement il ressent ce besoin à l'intérieur de lui de te signifier qu'il est là. Il est devant toi à attendre tes balles mais il est là Ulysse.

Pour toi.
Si jamais.

- Si t'as besoin de parler j'suis là. Ça va pas à tout le monde de tout garder pour soi.

Ses yeux qu'il plante dans les siens sont plus sérieux que d'ordinaire, plus forts aussi comme pour sous-entendre qu'il est prêt à porter un bout de ton monde si ça t'aide à aller mieux. Il ne ferait pas ça pour tout le monde, tu sais.

Et ces mots il ne te les dira qu'une seule fois.
Seulement aujourd'hui.

Huit balles. Tu n'en avais pas lancé une de plus et pourtant elles avaient été parfaites. Il s'était demandé un instant ce qui allait se passer ensuite, car Mason était relativement mal à l'aise à l'idée de la discussion à venir. Il n'avait pas l'habitude de faire ce genre de chose, et s'il ne t'avait pas répondu c'est parce qu'il n'avait absolument aucune idée de comment le faire. Pourtant à le voir se pavaner en souriant ça ne se remarquait pas, que malgré sa bonne volonté il n'était pas le meilleur partout.

Alors à peine installé sur ce banc il s'autorise un soupir puis une fois le casque posé près de lui sa main se niche dans ses cheveux. Il a le visage sérieux quoiqu'un peu gêné, ça ne lui va pas vraiment mais en tout cas il t'écoute silencieusement. Il t'a dit qu'il serait là et tu as répondu à son appel, alors il est là. Les bras désormais croisés, adossé au dossier et le regard posé sur le monticule où tu te trouvais il y a un instant. Et au final, c'est simple.

N'importe quoi.
Au final rien est jamais simple, même quelqu'un comme lui en est conscient.

- Mec, ton rire est sérieusement flippant arrête.

Il te lance un regard en biais avant que tu ne t'en prennes à tes parents. C'est compréhensible, bien qu'il n'approuve pas vraiment les mots.

- C'est normal qu'tu sois en colère j'imagine... Mais ça changera pas ta situation. Enfin c'est facile à dire, moi-même je sais pas trop comment j'aurai réagi haha. T'es fort Ulysse, tu t'en remettras.

Son regard accroche le tien tandis qu'un mince sourire vient étirer ses lèvres.

- Sinon si t'as besoin d'une thérapie... Essaie le sexe ? Paraît qu'ça marche plutôt bien pour oublier les amours impossibles, ça m'a pas mal aider à zapper l'horrible Melchior Collins y a 3 ans. Et non, c'est pas une blague.

Le secret inavouable enfin révélé, non sans un sourire mêlant gêne et moquerie alors qu'il vient soulever ta casquette pour ébouriffer tes cheveux subitement dans un rire joyeux.

- Ouais. Fou amoureux.

C'est pas pour rien qu'il a précisé que ce n'était pas une blague. Cependant il a finit par se rendre compte qu'au fond le directeur Collins n'était rien d'autre que le fantasme d'un adolescent en pleine crise existentielle. Pour autant il n'oubliera jamais les sensations et les sentiments de cette époque car ils sont ceux qui lui ont permit de grandir et de trouver des solutions à ses problèmes, une partie de lui qu'il exhibe presque sans honte mais pas à n'importe qui.

De toute façon, aujourd'hui ce n'est plus lui qu'il aime. C'est un élève de son âge, un poil plus accessible si l'on prend en compte le fait qu'il ne soit visiblement pas du même bord que lui -et à sa pensée ta main qui quitte son genoux. Ça le surprend puis le fait redescendre sur Terre tandis qu'il te regarde d'un air étonné, les sourcils relevés.

Je savais pas que tu étais sur les mecs aussi.
Ça veut dire quoi ça.

- Mec tu-

Il s'arrête une seconde, réalise ses propos, analyse ta réaction.
Tu rougis et lui il se retrouve comme un con en captant que non, visiblement t'avais pas l'air de savoir. Pourtant c'est pas comme s'il le cachait.

- C'est pas "aussi", c'est "juste" les mecs qu'il lâche dans un soupir embêté avant de continuer les explications. J'suis incapable de tomber amoureux d'une fille. Mais ça veut pas dire que j'vais te sauter dessus tu sais ? J'suis déjà sur quelqu'un de toute façon. Tu peux remettre ta main, promis j'reste sage.

Et puis, à vrai dire il ne l'avait remarqué qu'au moment où tu l'avais retirée brusquement, pour te dire à quel point ça lui faisait de l'effet.

- À quoi tu penses ?

Lui se dit qu'il vaudrait mieux oublier ces histoires de sexe pour l'instant. L'idée était sérieuse mais t'as l'air tellement troublé par les récentes révélations qu'il préfère y aller plus doucement. Puis c'est pas comme s'il te proposait de coucher avec lui de toute façon, ce serait beaucoup trop bizarre.

- Ah euh et bien euh ah OUI OK JE VOIS D'ACCORD C'EST SUPER TOUT CA.

- Ok tu dérailles j'vais chercher l'infirmière.

Il fait mine de se lever, pourtant il se retient tellement de rire que ses jambes lâchent et il se rassoit rapidement. C'est qu'il a l'habitude de te voir faire le con mais il t'a jamais vraiment vu perdre la totalité de tes moyens -sauf en match mais vous n'en aviez pas fait énormément et aucun d'entre eux n'avaient à voir avec l'étrange situation dans laquelle vous vous trouviez. Ça le fait rire parce qu'il se dit que c'est typiquement pour éviter ce genre de cas qu'il laisse les autres gérer leurs propres problèmes, mais en même temps ça l'amuse alors il en profite pour te taquiner un peu.

T'as pas l'air de si mal le prendre, après tout.
Juste de t'en vouloir à mort pour un truc vraiment très nul.

- J'le cache pas mais j'pense pas que ça se voit franchement donc t'as pas à t'inquiéter, lâche-t-il tranquillement tandis qu'il étire ses jambes pour y porter son attention.

Et puis, Mason il aime bien que tu sois aveugle.
C'est plus facile de se faufiler hors de ton champ de vision les jours où il a la flemme de s'entraîner -il en plaisante en rigolant mais ça n'est encore jamais arrivé. La parenthèse se referme tandis que tu reprends la parole, le visage caché par la visière de ta casquette.

- Et ?

Et il n'aura visiblement jamais la suite de cette réponse parce que soudain tu bondis sur tes pieds en lui hurlant dans les oreilles. Ça le fait sursauter et il se colle contre le dossier du banc, les bras érigés en un bien faible rempart comme pour éviter l'invasion soudaine de toute cette énergie.

- Mais dans quel espèce de délire tu t'embarques encore ! Et puis c'est pas ce qu'on fait, là ?

Apprendre à vous connaître.
En théorie pas vraiment, mais finalement c'était un peu ça.

- Euh. Non. Tu m'arranges rien du tout d'ailleurs j'te dis même pas qui c'est comme ça j'suis sûr que t'iras pas le voir.

C'est pas comme si tu le coutoyait à chaque entraînement en plus. Mieux vaut éviter les risques inutiles. Le seul qui saura pour l'instant c'est Arthur, au moins tu sais que tu pourras compter sur sa discrétion.

- Et puis c'est même pas le sujet de base. Tu veux vraiment qu'on parle de MES amours quand de ton côté c'est Bagdad mec ?

On enfonce le couteau salement pour fuir les sujets épineux...
C'est moche Mason, c'est vraiment moche.

J'ai voulu serrer ma sœur jumelle. La grimace étire instinctivement ses traits, parce que cette façon dont tu le dis, cette façon dont tu continues c'est comme si tout était de ta faute. Comme si tu voulais porter les erreurs de vos parents et ça le dérange, Mason. Il ne saurait mettre exactement les bons mots dessus mais ça le fait chier.
Toi ça va en vrai ?

- Mon cul ouai, qu'il marmonne en soupirant bruyamment.

Il te tire brusquement par l'arrière de ton t-shirt pour te faire asseoir sur le banc à côté de lui avant que la tranche de sa main frappe le sommet de ton crâne.

- Même un aveugle verrait que ça va pas, c'est pas parce que j'ai des lunettes que je le suis, au contraire.

Il voit encore plus ta tristesse avec ses lunettes, c'est tellement flagrant qu'il en perd les mots pendant un instant. Sa main sur ta tête ne semble pas vouloir bouger.

- Écoute, je connais pas Diane aussi bien que toi mais jusqu'à preuve du contraire, si y avait pas eu vos parents pour foutre la merde vous seriez ensembles non ? Ça veut dire qu'elle a probablement voulu te serrer aussi, tu suis ? Objectivement y a 0 raison valable qu'elle te haïsse. En outre, je suis pas certain qu'elle apprécie être prise en pitié par son ex-presque-mec-désormais-frère-jumeaux mec. Si ça se trouve elle le vivait même plutôt bien jusque là.

Une nouvelle tape sur ton crâne, plus légère cette fois-ci, pour te donner le courage de supporter encore un peu son sermon.

- T'as le droit d'être triste pour elle, mais t'as aussi le droit de l'être pour toi. C'est normal vu la situation, je comprends même pas pourquoi tu veux ignorer tes sentiments et passer pour le méchant alors que t'as rien fais du tout. T'as un sens du sacrifice sacrément tordu quand même, eh.

Un demi sourire vient s'esquisser à ses lèvres tandis qu'il prend une dernière inspiration, ses doigts venant s'emmêler à tes cheveux pour les décoiffer légèrement.

- C'est bon j'ai terminé, tu peux gueuler maintenant.

Le tout suivit d'un ricanement moqueur comme il les aime.

Dans d'autres circonstances il aurait pu être heureux d'avoir raison c'est vrai, pourtant à l'heure actuelle il est surtout triste parce que ça ne change rien au fait que tu sois quand même malheureux. C'est normal après tout, lui n'a pas de sœur jumelle mais il peut comprendre que l'apprendre comme ça puisse faire un choc. Ce qu'il te demandait, silencieusement, c'était de passer au-dessus de tout ça pour continuer à vivre ta vie normalement, peu importe le temps que ça prendrait.

Ton hurlement soudain lui fait enlever sa main pour se boucher les oreilles, il a une grimace encore mais un rire aussi quand il se demande si tu n'es pas déterminé à le maudire jusque la fin de la journée.

Le sourire taquin au moment où il enlevé ses mains, il t'entend ronchonner et il peut pas s'empêcher parce qu'il adore te faire chier.

- T'es un gamin mec. Tu devrais plutôt me remercier de prendre soin de toi avec amour !

Ouai vraiment. C'est pas n'importe qui qui supporterait de se coltiner tes humeurs tous les jours tu sais ? Bon, lui n'est pas mieux mais ça c'est qu'avec toi.

Finalement après les hurlements tu sembles reprendre un peu de sérieux, alors Mason se calme aussi bien décidé à t'écouter jusqu'à la fin. Quand tu jures que ça va aller ses yeux se pose sur toi un instant pour qu'un sourire à la fois tendre et confiant apparaisse sur ses lèvres avant qu'il ne suive la trajectoire de ton regard dans le ciel. Il ne mentait pas lorsqu'il disait que tu étais fort, Ulysse. C'est parce qu'il le sait qu'il s'est permis de te l'avouer. Alors en bon ami tu feras les choses comme il le faut, comme un frère pour Diane et un peu pour lui aussi.

- J'ai confiance en toi.

C'est soufflé doucement, un peu sortit de nulle part.

- Aussi idiot que tu puisses être je sais que t'es capable d'aller de l'avant. C'est une qualité propre aux imbéciles heureux !

Le tout ponctué d'un clin d'œil tandis qu'il te regarde à nouveau en se foutant clairement de ta gueule. Ceci dit il y a quand même une part de vrai dans ses mots, alors t'as intérêt à le prendre comme un compliment.

- T'es chaud pour qu'on s'y remette ?

Il te montre le matériel d'entraînement d'un mouvement de la tête, les yeux pétillants de Malice et de défi. Il voudrait savoir si t'es prêt à commencer à aller de l'avant dès maintenant.