Elle n’avait eu que quelques secondes pour reprendre son souffle ; son coeur tambourinait dans sa poitrine, et rien, surtout pas ses sens désorientés, n’aurait pu l’aider à saisir les remous autour d’elle. Elle entendait vaguement les scores, avait oublié son numéro d’équipe. En fait, elle s’en fichait, pour le moment. Quelqu’un lui rappellerait plus tard.
Instinctivement, elle avait suivit le reste ; elle s’attendait à retrouver Carmen, qui était dans le premier groupe, à l’arrière du terrain. Un drôle de climat régnait à cet endroit. Et Carmen ne s’y trouvait pas. À ce moment précis, elle commençait à saisir que quelque chose n’allait pas. Elle n’aimait pas ce sentiment, qui s’insinuait doucement dans sa poitrine, encore secouée par les battements rapides de son coeur.
Elle regardait ses camarades, qui semblaient, comme elle, complètement désorientés. Elle tournait doucement sur elle même, cherchant encore du regard le visage familier de Carmen. Mais un autre, plus familier et pourtant si lointain, accrochait son regard. Elle avait l’impression de voir un fantôme, et se figeait instantanément.
Pourtant, c’était bien sa mère, qui courrait vers eux, aux côtés d’une autre femme.
Carla ? Carla c’est bien toi ? Mais Carla sidérée, bouche entrouverte, n’arrivait pas à répondre ce qu’elle hurlait dans sa tête Maman, c’est vraiment toi ?. Alors elle finissait par tendre ses bras, en silence, pour l’étreindre, quelques secondes. Sentir qu’elle était là, bien réelle, sa tendre mère. Sentir son odeur, ses cheveux, comme une camée, comme si le temps s’était arrêté, et que l’étrange atmosphère le leur permettait vraiment, ces jolies retrouvailles de film hollywoodien.

Mais du temps, elles n’en avaient pas. Maman lui affirmait qu’elle allait rentrer, qu’elle n’était plus en sécurité, et l’attrapait par le poignet, comme une enfant. Tout allait trop vite, tout était étrange, incompréhensible. Plongée dans son mutisme, Carla tentait de procéder de la situation ; son instinct lui disait que quelque chose n’allait pas, l’ambiance l’inquiétait, la présence de sa mère encore plus. Mais elle la suit, elle ne résiste pas. Comme elle n’avait pas résisté lors de l’attaque de l’académie. Elle avait suivi, comme un animal, les ordres d’un berger, elle avait vécu de loin, effarée, pas rassurée par la présence des militaires. Et elle sentait, du fond de ses entrailles, que quelque chose de similaire allait se jouer, à nouveau, avec elle au milieu, cette fois ci. Et sa mère adorée.

La voix du chef de la section NOVA sonnait comme un glas infernal. Il les toisait, de là où il était, et ce qui se dégageait de lui la glaçait, elle, qui baissait les yeux aussitôt. Lâchez cet étuis où j’interviens menaçait il, en gros. Ça la parcourait, comme un frisson. Ça n’allait pas tarder à éclater, et sa mère représentait la menace, l’intrusion.

- NON !

Fin du mutisme, mort de tout ce qui avait pu être jusqu’à présent. Au même moment, la mère de Nahia s’écroulait.
Carla sentait qu’elle allait craquer, et qu’elle ne pourrait pas retenir les larmes de peur et de rage qui montait. Une poussée d’adrénaline la projetait instinctivement ; se libérant de l’emprise de sa mère, elle faisait un pas en avant, s’interposant entre elle et l’homme, l’adversaire, la menace. Non, non, non, elle ne le permettrait pas. Elle était au milieu cette fois ci, maudissant les circonstances, maudissant l’orde des choses.

Soudain, une onde de choc les faisait trembler ; une élève, de la section dangereux de surcroît, venait de leur offrir une opportunité, un temps précieux, un sursis. Lui était, pour dieu sait combien de temps, à terre.
Sa mère s’était précipitée pour aider celle de Nahia. Et Carla d’un regard appuyé, bordé de larme, remerciait en silence Pandora, la dangereuse, avant de se pencher sur sa mère.

- Maman, il ne faut pas traîner ici. C'est un grand malade.
Et dans sa poitrine, elle sentait son coeur se tordre ; pouvait elle la suivre, sans que les conséquences ne soient aussi désastreuses que ce qu’elles présageaient ?