Pas de velours sur le sol, tu ressembles à un égaré dans ses longs couloirs que tu tâtonnes comme dans la peur de tomber dans le noir - et ce dernier t'effraies plus qu'il ne devrait, alors que le frisson des souvenirs cauchemardesques vint perfidement te caresser la colonne vertébrale. Pieds nus, tu t'étais munis d'un jogging et d'un sweat comme pour t'y noyer et te rassurer - alors que d'une main, tu tends ton téléphone pour t'éclairer de sa faible lumière.
Un soupire s'étouffe dans ta gorge en apercevant la porte entrebâillée de sa chambre et peut-être te mets-tu à marcher plus vite ; non pas dans la peur de te faire prendre à cette heure si tardive de la nuit, mais plus dans l'angoisse que tes démons aient le temps de se glisser avec toi.
( avec lui )
Tu entres vite et sans un bruit, refermant derrière toi avec toute la délicatesse du monde, alors que tu te retrouves entièrement plongé dans les ténèbres - et ton cœur s’essouffle, tandis que tu rallumes ton téléphone dans la plus grande précipitation.
Tu aperçois alors vaguement la forme d'Elyas allongé dans son lit et tu ne fais plus grand cas du reste, alors que tu t'avances dans un long silence seulement brisé par ceux de tes pas, avant de grimper dessus, t'allonger à ton tour en plongeant ton visage dans l'oreiller comme si ce geste pouvait étouffer tes pensées - et habilement tu te glisses partiellement dans la couette qui t'assures confort et protection.
Quelque chose dont tu avais terriblement besoin à cet instant présent ; si perturbé, que ta présence ici ne pouvait pas plus l'accentuer.
Le coup de grâce asséné par le temps qui passait, Elyas s'était écroulé, son corps abattu, du plomb dans les muscles comme si la gravité était devenue son ennemie. Il avait à peine pris le temps de retirer ses vêtements et enfiler le pantalon de son pyjama. Le sommeil l'avait enlevé à la réalité, l'avait pris dans ses bras et bercé pour qu'il n'en sorte plus. Certaines nuits, il semblait impossible de l'extirper de ce monde où tout avait l'air si heureux ; on pouvait le voir sur ses paupières closes, sur chacun de ses traits détendus - des expressions qu'il n'abordait jamais d'habitude. Et cette nuit-là pourtant, comme appelé, il avait ouvert les yeux, le bras levé avec paresse vers sa table de nuit où une seule vibration avait suffit à le réveiller. Sans se l'expliquer, il avait trouvé la force et la présence, flottant au-dessus de la limite entre la réalité et le rêve, pour répondre au message qui lui avait été envoyé.
La réponse ne tarda pas, et fit naître en lui un tas de sentiments muets, entre l'inquiétude et la surprise, qui lui donnèrent strictement l'énergie nécessaire pour se lever de son lit, traverser les quelques mètres qui le séparaient de la porte, enclencher la poignée, et retourner se coucher.
Il ne l'entendit pas entrer - il s'était rendormi - mais sentit l'agitation de son lit et de ses draps. Il avait relevé ses paupières trop lourdes de moitié et avait laissé la voix de Elior glisser dans le silence, pendant plusieurs secondes, avant de se retourner, le corps lourd à mouvoir.
« Tu veux me raconter ? »
Il avait parlé à demi-voix, à demi-murmures, et un maigre sourire écorcha le bord de ses lèvres, bien que l'obscurité le rendait imperceptible.
« Si je m'endors t'as qu'à me donner des coups de pieds. »
Et il espérait que la plaisanterie aurait au moins fait plus d'effets que la précédente, car son manque de répondant l'avait rendu plus inquiet que le reste.
Les dents qui mordillent discrètement tes lèvres sont pourtant ta seule réaction et tu n'arrives qu'à prolonger le silence pourtant fatal pour son éveil - mais peut-être qu'à l'entente de ses mots, un sentiment terriblement dérangeant te perfore la poitrine comme pour la rendre plus douloureuse encore.
— J'ai rêvé de toi.
Et ça pourrait sonner comme la plus belle des choses que tu ne lui ais jamais dites - si les sonorités de ta voix ne rendaient pas les notes si honteusement pathétique. Paupières closes, tu préfères te complaire dans l'obscurité de ta vue plutôt que dans celle qui t'étreind - tu glisses tes mains sous l'oreiller et tu rentres légèrement le menton alors que la douceur des draps ont la saveur de ses bras.
— Et de mes parents. C'était… mélangé… avec des souvenirs. Y avait pas vraiment de sens, mais… c'était horrible. J'ai un peu paniqué alors j't'ai envoyé un message. finis-tu rapidement comme dans la peur de trop en dévoiler - tu ne sais pas trop ce que tu avais envie de lui dire, mais sa présence avait déjà annihilée tes tremblements et diminuée l'angoisse qui te dévorais présentement.
Et peut-être que le plus touchant là-dedans, c'est que tu ne te retrouves pas ici seulement pour toi - mais aussi un peu pour lui, comme si ce cauchemar t'avais ébranlé au point que tu devais vérifier qu'il te répondrait, qu'il allait bien et qu'il dormait ; tu te sens subitement terriblement égoïste, Elior, de le déranger pour les futilités d'un angoissé.
J'ai rêvé de toi. La réaction fut immédiate, un rire souffla, bref et sans moquerie, soulevant un peu sa poitrine, et le silence la lui serra fort. Un million de pensées se battaient dans son esprit en plein brouillard, bataillaient sur le rythme de son cœur forcené qui s'était à peine réveillé. C'était une blague, n'est-ce pas ? Elyas s'était tout à coup arrêté de respirer.
« Quoi ... ? »
Et même avec ce qui ressembla à une explication, Elyas semblait démuni de toute réponse. Il fronça les sourcils, les yeux refermés pendant plusieurs secondes, avant de se relever légèrement, un bras enfoncé dans le matelas portant son corps fatigué.
« Attends, Elior. »
Il secoua la tête légèrement, cherchant quelques clartés dans ses pensées trop vagues. Il sentait qu'il n'avait pas toutes ses capacités, et comptait plus sur son instinct que sur sa réflexion pour lui répondre.
« Tu as rêvé de moi... et ça t'a angoissé ? »
Il laissa tomber l'arrière de sa tête dans son oreiller, enfonçant son dos dans le matelas dans un mouvement lourd qui portait son poids.
« Je tombe de haut. Je souffre, Elior. »
Il avait ri, d'un rire qui s'échappa aussi vite qu'il était apparu, presque insonore. Puis dans le silence qui naissait, il avait levé une main doucement vers lui, et ses doigts avaient cherché le contact de son bras, juste pour signifier Je suis là.
Sans que des mots n'aient été posés, Elyas croyait comprendre, peut-être un peu, ce qui l'avait agité. Et un murmure traversa ses lèvres,
Angoissé n'étais pas le mot qui convenait. Terrorisé était déjà plus proche de la vérité. À savoir comment ton esprit tordu l'avait affilié à ta famille et plus particulièrement à ton père. Beaucoup d'ignorants diront que tu as très certainement effectué un transfert ou même que ton rêve osait la comparaison entre lui et l'autre. Or, il n'y avait rien de tout ça - Elyas ne pouvait tout bonnement pas t'angoisser d'une quelconque manière. Et ton esprit, tout bancal soit-il, avait au moins assimilé qu'il ne te ferait jamais de mal, même dans le moindre de tes fantasmes oniriques. Peut-être êtes-ce pour cette délicate raison qu'il était si facile pour toi de t'abandonner à te risquer de… de quoi, Elior ?
Ah. Tu as tellement confiance en lui et si peu en toi, que l'équilibre en est déconcertant de dépendance. Et c'est pour cette raison que tu es là.
Je souffre, Elior.
Cette complainte avait eu l'audace de t'arracher un sourire et un pouffement très bref - il pouvait être si dramatique parfois avec tant de légereté, que ça t'aidait réellement à oublier.
Tu sens ses doigts venir au contact de l'épaisseur de ta manche et ce simple fait finit de te rassurer - tu savais ce que cela voulait dire, ce genre de chose, chez-lui.
À cette demande futile qu'il te fait, tu ne peux que réitérer le même pouffement que tu as laissé échappé, alors que tu te repositionnes sur le flanc, dans sa direction, un petit sourire qui persiste sur tes lèvres - petit, mais vrai.
— Bien sûr. J'ai pas fait tout ce chemin pour dormir sur le sol ou rentrer dans ma chambre, tu sais. tu distingues son visage dans le noir En plus, ton lit est carrément plus agréable que le mien. confis-tu en te repelotant dans la couette que tu tires jusqu'à ton cou, pour te couvrir.
— Et tu ne m'angoisses pas, c'est mon cauchemar qui m'angoisse ! Tu souffres pas du tout, petit con. murmures-tu finalement.
La satisfaction s'était marquée sur son visage. Il nota que Elior avait ri à deux reprises, que son corps s'était détendu, que son souffle arrêtait de buter contre ses lèvres et qu'il avait entrepris de lui répondre sans énigmes. C'était plus qu'il n'espérait en provoquer, si bien que Elyas s'était autorisé à fermer les yeux, songeant qu'aucune berceuse ne valait le sentiment que tout ça avait fait naître en lui.
« T'as raison, je suis plutôt heureux, en fait. »
Un souffle ria à ses narines alors qu'il se mordait un peu l'intérieur des joues, comme si les mots se prélassaient un peu avant de faire leur chemin jusque dans l'air.
« Je suis un peu rassuré. Je m'inquiète quand tu laisses passer plus de trois vannes avant de m'insulter. »
Et ça lui faisait du bien de penser que s'il allait mieux, c'était un peu grâce à lui ; mais il ne le dirait pas, car il le savait sans doute déjà, et qu'il n'avait plus l'énergie d'avoir l'air suffisant. Il avait souri, et son corps s'était alourdi.
« Bonne nuit » Elior.
* * *
Elyas avait rarement besoin d'un réveil pour s'extirper de son sommeil. Par acquis de conscience, une alarme sonnait tous les jours à sept heures pile, mais il la désactivait avant qu'elle n'ait eu le temps de s'allumer, et ce matin-là il était à peine six heures trente quand il commença à s'agiter. En ouvrant les yeux, il réalisa que la distance qui séparait son corps de celui d'Elior avait drastiquement diminué, et ne commenta cette pensée que d'un maigre rictus, qui s'effaça aussitôt qu'il se sortit des couvertures, assis sur le bord du matelas. Toujours seulement habillé de son pantalon de pyjama, il se dirigea à la fenêtre dont il ne tira qu'un seul des deux rideaux, considérant que Elior n'avait peut-être pas envie de se faire brûler les paupières par la lumière du matin ; et que par conséquent, rien qu'un peu était suffisant pour le réveiller doucement.
« Je vais courir et je prendrai ma douche après si tu veux je te réveille quand je reviens. »
Il n'était pas sûr que Elior s'était réveillé ou avait entendu, mais quand bien-même il s'était dirigé vers ses armoires et enfilait déjà sa tenue de sport, décidément plus matinal que la moyenne.
À tout ça, c'est un léger rire que tu lui réponds suivit d'un Bonne nuit qui se meurt dans un souffle. L'instant de silence s'écoule, tandis que tu le contemples - tant bien que mal - alors qu'il sombre dans les méandres et la douceur des rêves. Papillonnements de paupières avant que tu ne glisses tes prunelles au plafond pour le regarder fixement - tu ne vas pas dormir avant longtemps, Elior, mais au moins tu te dis, qu'à défaut de le rejoindre, tu pourras toujours veiller sur son sommeil.
Il est en sécurité.
* * *
Si tu es du soir, tu n'es clairement pas du matin - et parce que tout bon soldat à droit au repos, tu t'étais finalement endormi. Tu émerges bien malgré toi par l'activité d'Elyas qui lui était clairement du matin - et à l'entente de sa voix tu ne peux que gémir de mécontentement avant d'étouffer ton visage dans l'oreiller pour grommeler des choses incompréhensibles. Ce n'est que parce que tu es bien élevé, que tu fis l'effort de sortir de ta cachette pour finalement glisser ta tête sous la couette - tactique pour éviter tout rayonnement du soleil à l'heure du matin - que tu lui répondis d'une voix ensommeillée et légèrement admirative malgré toi.
— Je pense sérieusement qu'aucun humain n'est conçu comme toi, Elyas...
Et ce n'est pas exactement un compliment.
— Réveille-moi demain... ou après demain... ou jamais tant qu'à faire...
Il s'était assis sur la chaise de son bureau pour faire ses lacets, écoutant sans lever le regard, d'une oreille attentive, un sourire resté coincé au creux d'une de ses joues. Il avait pris sa remarque pour un compliment, car il valait mieux ça qu'autre chose, et un rire se déclara au bord de ses lèvres.
« Je sais que mon lit est confortable, mais si tu y restes pour toujours tu vas pas pouvoir profiter du confort de celui que j'aurai quand je serai major. »
Il en parlait toujours comme s'il faisait des promesses ; du genre de tu verras, j'atteindrai le sommet, et je sortirai d'ici, j'irai les voir. Il ne vivait et se battait que pour cet instant, que pour cet espoir qui flambait toujours au creux de lui, et il poursuivait cette étoile dans la nuit noire comme un dément.
Il avait couru pendant une heure. Le matin était toujours un peu plus intense, il était plus vif, plus obsédé par la victoire qu'il emporterait sur lui-même. Il y avait une forme de rage qui s'exprimait dans ses muscles bandés qui chantait une cadence rythmée par son battant et ses veines. Il y avait dans les yeux de Elyas quelque chose d'invaincu.
En revenant il était transpirant et essoufflé, et voir Elior toujours avachi dans les oreillers lui avait tiré un autre sourire, avait fait s'éteindre un peu les colères qui hurlaient dans ses pupilles. Il s'était dirigé vers la porte qui menait à la salle de bains – c'est qu'en tant que triple il bénéficiait d'une douche privée – sans chercher à le réveiller, et s'était ébouillanté sous les vapeurs et le jet trop fort d'eau qui se fracassait contre sa peau. Il était sorti en caleçon et avait traversé la chambre à grandes enjambées, se dirigeant vers les rideaux qu'il tira entièrement cette fois.
« Allez réveille-toi gros tas sinon on va être en retard. »
Puis se dirigea vers ses armoires d'où il sortit son uniforme.
« Je t'ai laissé une serviette propre à côté du lavabo. »
Le bruit étouffé de la salle de bain eu raison de ton réveil - doucement, ton conscient vint à émerger - et sans pour autant ouvrir les yeux ni faire le moindre mouvement, tu pris un peu plus conscience de ton environnement et de la raison de ta présence ici. Tu n'avais absolument aucune envie d'attaquer la journée, mais malheureusement, ta conscience s'exprima par le biais d'Elyas qui était revenu pour s'assurer de ton levé.
— Suuuuper... grommelas-tu en te faisant violence pour te redresser, tout en maudissant cette académie de merde accompagnée de ses horaires de merde.
Caressant le sol de tes deux pieds, tu risquais un regard impassible vers celui qui accaparait tes pensées, avant de très vite fixer la salle de bain comme un objectif pour espérer t'y noyer.
Il faut que tu arrêtes, Elior.
Toilettes faites et vêtements de la veille sur le dos, c'est un peu plus réveillé que tu te présentais à lui - sans pour autant faire le moindre effort sur la joie qui constellait ton visage. Il était habillé lui aussi - ça suffisait une fois, de le regarder comme ça.
— Faut que j'décalle, chercher mon uniforme aussi... fis-tu sans entrain et même accompagné d'un soupir Tu m'attends au self ? fut ta demande inutile.
Quelques pas vers la porte, la main qui caresse le mur de la chambre et ton visage qui pivote à nouveau vers-lui pour chercher son visage ; tu humidifies tes lèvres.
La voix de Elior l'avait percuté fort, et il était resté là, immobile, le regarde un peu vide. Elyas n'aimait pas tant être remercié, il préférait être un de ces héros dignes ou mystérieux, qui disparaissaient une fois le devoir accompli, et ne bénéficiaient d'aucun retour, car ils n'en attendaient pas.
Il avait hoché la tête un peu vaguement, et avait hissé son sac à son épaule.
« Me remercie pas je suis quelqu'un de trop généreux c'est naturel pour moi. Ça fait partie de mes innombrables qualités. »
Un ricanement s'échappa de lui. Il le ferait taire bien entendu, mais Elior l'avait sauvé un nombre incalculable de fois, et il était clair qu'il n'avait rien à envier. Et puis ; il n'y avait que lui qui avait été autorisé à partager son lit depuis Meredith.
Il baissa les yeux à cette pensée, vraisemblablement pensif, et consterné.
« Ça faisait longtemps, que tu n'avais pas fait de cauchemars, non ? Ou pas qui te terrifient autant.. »
Ils n'en avaient pas parlé la veille - la nuit - et il regrettait d'avoir été trop fatigué que pour l'écouter plus de temps. Il y avait des lueurs d'inquiétude - et pas seulement ça, quelques émotions indescriptibles se battaient au fond des yeux de Elyas. Il s'était planté entre Elior et la porte, d'un seul pas lent, et il s'était tourné pour lui faire face.
Il s'était penché rien qu'un peu, pour cloisonner cet espace, le rendre privé là où ils étaient déjà seuls.
Relevé du menton tandis que tu hausses tes orbes à la hauteur des réflexions des siennes - et à nouveau cette proximité beaucoup trop récurrente à ton goût, celle que tu sembles éviter comme chercher, dans l'inconscient de la déraison ; et le coeur chantonne comme pour te narguer au rythme de sa pulsation erratique.
Et dans cette position, tu déplores qu'il soit plus grand, alors que non seulement il t'emprisonne de son regard, mais aussi de son être tout entier comme une possessivité déplacée.
Et ça ne devrait pas te faire frissonner.
Alors, alors, Elior - comment vas-tu expliquer le fait que ton cauchemar soit en lien avec les émotions que tu présentes actuellement en sa compagnie. Émotions seraient encore du déni, il serait plus juste de parler des sentiments qui obstruent ta poitrine comme un trop plein qui risque de détruire tes artères, tes poumons et ton palpitant, le tout en même temps.
— Je sais pas vraiment… C'est la première fois que je rêve de toi, comme ça… avoues-tu tout bas, l'air de flancher sous son regard avec la facilité déconcertante qu'il avait de toujours t'arracher la vérité.
Parce que tu rêves de lui autrement ?
— Enfin, tu me connais, j'angoisse pour tout et rien, tout le temps. C'est juste mon esprit de détraqué qui s'est emballé hier soir, je pense…
Le silence sembla durer une éternité, son souffle en suspends au bord de ses lèvres entre-ouvertes. Le regard teinté de fièvre qui l'oppressait de la hauteur que sa taille lui permettait, quelques mots se débattirent au creux de lui sans jamais être prononcés, et ainsi dans une asphyxie latente, il ne s'était
rien passé.
« D'accord. »
Et de sous ses cils qui balayaient, lentement, à intervalles régulières, le haut de ses joues, il avait maintenu son emprise invisible, sans jamais le toucher. Chaque mouvement qu'il faisait était appelé vers lui, et bientôt la distance était si moindre que la chaleur naturelle de Elyas avait commencé à mordre la peau de Elior.
« Mais tu ne crois pas que c'est justement pour ça que je devrais m'inquiéter ? »
Il n'aimait pas cette manie que Elior avait de diminuer sa détresse ; "tu me connais, je suis comme ça" ; comme si sa douleur était insolvable. Il le rendait interdit de l'aider. Ce n'était pas tant qu'il déplorait son comportement - car il était un peu pareil, et puis que ça le rendait un peu admiratif de la force avec laquelle il encaissait tout comme si de rien n'était - mais il déplorait de se sentir impuissant.
Il avait mis fin à son agonie en lui adressant un sourire, tout à coup fulgurant, balayant l'atmosphère écrasante qu'il avait instaurée, reculant d'un pas significatif.
« Tu as faim ? »
Et comme toujours, d'une voix qui riait, Elyas, avec nonchalance, brusquement changeait d'attitude, comme si de rien n'était, comme si rien n'avait été.
L'intimité te fait baisser ostensiblement le regard vers ses lèvres qui se mouvent sous l’inquiétude - et tu défailles, alors que l'ambiance si lourde semble écraser tes épaules ; tu te demandes un instant, par quel miracle tes jambes tiennent encore debout face à la force de l'attraction.
Tu aimerais déglutir, mais ta gorge asséchée t'en empêche, tandis que tes lèvres s’entrouvrent comme désespérées de pouvoir respirer - cette proximité qu'il t'imposait couramment depuis quelques années à peine, avait toujours le don de réduire ton esprit à un méli-mélo infâme de pensées plus dérangeantes qu'attrayantes qui réussissaient à bercer tes soirées d'une angoisse démesurée.
Ah - Le mur en acier que tu avais dressé te permettait de ne pouvoir déceler aucune réciprocité de tes sentiments obsédant ; d'un point de vue extérieur, il ne serait pas si surprenant que certains te chuchotent à quel point il se démène pour te faire la cour. Idée à peine effleurée que tu la balayais - quel homme saint d'esprit aurait l'obligeance de te regarder après la compagnie d'une beauté comme Meredith ; parce que s'il y avait réciprocité, cela ne pouvait qu'être physique - tu n'as pas de sentiment pour Elyas.
Des sentiments ?
Des sentiments. La question de tes sentiments ne t'avais même pas traversé l'esprit - il te donnait envie, terriblement envie, bien plus qu'envie - des envies terribles qui te donnaient envie de fondre en larmes pour tomber à ses pieds et s'excuser d'être qui tu es. Parce qu'Elyas donne envie, d'un sourire, d'un regard, d'une parole - le problème n'est pas l'envie qui glisse sur ton corps pour descendre plus bas - le problème, c'est que tu es persuadé que toi, tout particulièrement, ne devrait pas ressentir d'envie pour un autre homme ; comme si, les intentions du paternel, avait été de t'éduquer une orientation sexuelle.
Quelle piètre estime de toi-même, Elior.
Tu vas pour lui répondre, d'une réponse dont tu connais ni les tenants ni les aboutissants ; pourtant, il te coupe l'herbe sous le pied et de cette façon si familière, prend soudainement la conversation à contre pied. Tu détestes quand il fait ça, Elior - tu te sens démunis, déstabilisé et l'anxiété extrême étreins toujours ton cœur comme s'il le possédait dans sa propre main ; alors, tu paniques.
— Je- J'ai pas... Tu dois pas t'inquiéter. C'est... C'est juste. Tu sais. 'Fin... je fais pas souvent de cauchemar et de base, ça va, c'est juste, hier. Et... c'est tout... ça ira. balbuties-tu totalement désemparé, avant de te faire taire pour éviter d'accentuer le ridicule de la situation - alors, à défaut de bien faire, tu prends sa porte de sortie.
— J'ai la dalle, j'vais y aller et, ouais, on se retrouve là-bas. marmonnes-tu en glissant la main sur la poignée pour t'échapper.
Les balbutiements de Elior le prirent de court ; lui serrèrent le cœur si fort que ça lui avait fait mal, à lui pour qui les sentiments semblaient être un milieu hostile et déserté. Il avait papillonné des yeux dans une mine d'incompréhension, et tenta d'intervenir, mais Elior parlait vite, et sembla ne pas l'écouter.
« Elior pourquoi tu- »
Il s'était précipité dans des justifications dont il ne comprenait ni le sens ni la raison, et quelque chose se réveilla un peu en lui.
Est-ce que par hasard ... ? Non, il devait se faire des idées. C'était inconcevable, irrecevable pour son esprit conditionné.
Elior déjà lui glissait entre les doigts.
« Hein ? »
Tout allait trop vite, Elyas avait l'impression d'émerger de sa stupeur.
« Mais attends... ! »
Et voilà que la porte s'était refermée sur lui, et Elyas resta figé. Le silence l'avait perturbé, tourmenté. Sa main vint se serrer sur le tissu de son haut, au niveau de sa poitrine. Qu'est-ce qui faisait si mal ; de l'avoir vu dans cet état-là ? de s'être senti responsable ? Un peu des deux, un peu d'autre chose aussi.
Ses bras étaient retombés le long de son corps, et son regard avait assailli le sol. Et Elyas se sentit comme anéanti par le constat ; Il ne connaissait peut-être pas si bien son ami, pour ne pas savoir ce qui à l'intérieur de lui semblait le déchirer ainsi.
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Sujet: (end) sweet dreams – elyas † elior 
Le coup de grâce asséné par le temps qui passait, Elyas s'était écroulé, son corps abattu, du plomb dans les muscles comme si la gravité était devenue son ennemie. Il avait à peine pris le temps de retirer ses vêtements et enfiler le pantalon de son pyjama. Le sommeil l'avait enlevé à la réalité, l'avait pris dans ses bras et bercé pour qu'il n'en sorte plus. Certaines nuits, il semblait impossible de l'extirper de ce monde où tout avait l'air si heureux ; on pouvait le voir sur ses paupières closes, sur chacun de ses traits détendus - des expressions qu'il n'abordait jamais d'habitude. Et cette nuit-là pourtant, comme appelé, il avait ouvert les yeux, le bras levé avec paresse vers sa table de nuit où une seule vibration avait suffit à le réveiller. Sans se l'expliquer, il avait trouvé la force et la présence, flottant au-dessus de la limite entre la réalité et le rêve, pour répondre au message qui lui avait été envoyé. 
