le froid de l'extérieur. les soucis de l'extérieur. les questions, les doutes et les inquiétudes, tous s'en vont comme rincés loin de là par l'eau chaude de la douche de la piscine. elle ne peut s'empêcher de regarder vers le bas, magnolia, tant la métaphore visuelle l'aide à se concentrer sur son but. tout comme les gouttes, elle regarde ses soucis s'infiltrer dans le drain et disparaître. c'est peut-être parce que c'est l'élément de son signe astrologique, un élément très proche de celui de son pouvoir ou tout simplement par association positive, mais l'eau a ce pouvoir magique sur la jeune femme, celui de la plonger dans un état de bien être quasiment immédiat.

elle réajuste d'une main le maillot de bain une pièce dans lequel elle s'est glissée, pour laisser le lycra noir adhérer à sa peau sans qu'il ne s'y retrouve trop collé par la douche. elle se réajuste et prend une seconde pour dévisager son reflet, dans l'eau du petit, petit bassin pour les pieds, avançant rapidement le long de ce passage obligatoire avant d'accéder à la piscine. que la mélancolie s'y noie si ce n'est tout son être qui s'y embourbe. magnolia évite de penser aux germes lorsqu'elle se glisse dans le bassin, sans oser effectuer de plongeons.

l'eau n'est pas chaude mais elle a l'impression que c'est quelque chose dont elle avait besoin. et puis, rien de la température de l'eau chlorée ne saura dépasser le sentiment qu'elle ressent quand, au loin elle aperçoit

un visage familier

comme une douche froide.

elle n'a point des allures de barrage et ne peut donc que bien peiner à retenir les vagues de souvenirs qui l'assaillent alors car qu'il s'agisse de couloirs ou autres, elle sait bien qu'elle a retenu le visage de la figure auprès de celle dont la cruelle douceur l'avait engloutie. la marée avait monté, houleuse, l'eau salé avait effleuré sa peau avec une terrible douceur et au petit matin, c'est dans les vagues qu'étaient parti le sentiment que magnolia avait laissé échapper. discorde d'intentions, discorde de désirs et de buts. au fond la douce savait qu'il ne s'agissait que d'une erreur, procédé bien bon et réciproque de ce besoin d'affection que l'on a parfois.

et pourtant

et malgré cela et la douce chaleur d'une nouvelle tendresse à ses côtés

elle ne peut s'empêcher de se demander, lasse, ce que la flaque a de plus qu'elle, alors que

le froid, les soucis, les questions, les doutes et les inquiétudes reviennent l'assaillir pour la noyer.

le choc est doux et pourtant il la secoue toute entière, magnolia. sous ses effets, elle se crispe. bientôt dans ses veines, se mettra à pulser un mélange vénéneux d'agacement et de jalousie. des remous de l'eau même, elle tire l'une de ses mains, laquelle vint replacer derrière l'oreille droite une mèche viride pour que sa teinte ne se mêle pas au chlore. magnétisme négatif, il suffit de voir un peu de joie chez toi pour que cela ne s'imprime en elle comme colère. c'est pourtant étrange. il ne devrait pas en être ainsi.

mais pourtant elle cligne les yeux, devant ton sourire et l'allégresse dont tu faisais preuve. remuant les pieds pour rester à flots, la jeune femme ouvre un instant la bouche, avant de bien vite la refermer. ses propres règles contredisent sa passion. soit gentille avec les inconnus magnolia, soit douce, calme comme un lac et chantante comme un ruisseau. ses sourcils se froncent, comme à chaque fois qu'elle peine à savoir quoi dire, comme à chaque fois que dans sa tête le tumulte se déchaîne.

c'est compliqué.

point dénuée de raison, tu sais, elle a conscience qu'il serait idiot et injustifié que tu sois celle qui subisse les fruits de sa frustration. c'est pour ça qu'elle se crispe, oui, qu'elle hésite même. ses yeux se perdent dans les flots et un instant seulement, elle semble aussi y perdre sa conscience. murmure amer. peut-être que c'est l'odeur du chlore qui lui fait perdre la tête.

alors c'est ce qu'elle préfère, gina ? des éclats de brutalité stupide ? huh. quelle découverte...

et les lèvres se scellent aussitôt, comme pétrifiées par le sentiment certain d'avoir dit quelque chose qui échappait à sa raison et à son contrôle. ces mots sont poisons, poisons qu'elle était censée ranger dans les fioles de ses pensées et les y garder bien au chaud. pourtant, pourtant

magnolia pourquoi t'emportes-tu ainsi ? ne vois-tu pas que de tes lèvres

le cyanure s'écoule dans l'eau

et c'est peut-être parce qu'elle a peur de boire la tasse qu'elle en rajoute une couche, détournant le regard pour observer le reste du groupe et laissant un rictus amer déformer ses traits.

tu n'as pas à t'excuser.

soupir las qui d'entre ses lèvres s'échappe et elle semble un instant troublée par son propre comportement alors que, dès que tu répliques, parles, t'indignes et t'exprimes, alexandra, la vague revient l'engloutir. sourire amer quand tu te renfermes sur toi-même, ça lui fait trop plaisir pour que ce soit honnête et il semblerait même qu'elle ait un peu bu la tasse, dans cette vague de poison et de ressentiments. il semblerait bien oui, parce que rien n'est normal mais elle ne parvient pas à haïr sa perte de contrôle.

après tout, juste une fois oui une fois une seule, après tout, pourquoi pas.

tu préfères que je sois entièrement honnête ?

et elle recule, doucement, pour s'asseoir sur le rebord de la piscine. là, alors, elle presse ses jambes encore dans l'eau contre la paroi du bassin, alors que ses ongles tapotent presque nerveusement la surface de l'eau. il faut qu'elle se canalise, canalise magnolia et respire, laisse le mouvement de sa main devenir plus calme et calculé. elle lève ses yeux océan, pour les ancrer dans les pupilles de son interlocutrice. évidemment, le poison ne peut s'empêcher de suinter et elle le laisse se manifester en perles salées qui viennent rapidement rouler sur tes joues.

tu n'as qu'à pleurer. elle va te faire pleurer jusqu'à ce que tes yeux enflent, jusqu'à ce que le chlore lui-même se voit dépassé dans ses propriétés irritantes.

parce que cette fois c'est elle qui est irritée et magnolia oh magnolia ma pauvre enfant

quand ainsi la marée de la colère monte et s'emporte en elle,

elle ne sait pas comment s'arrêter.

tu peux sourire autant que tu veux, toi, évidemment. tu sais quoi ma grande ? tu peux faire ce que tu veux avec elle. absolument tout ce que tu veux. mais tu ne la mérites pas, gina, tu ne la mérites pas et je doute qu'elle mette longtemps avant de s'en rendre compte.

sans savoir à quoi elle devait s'attendre ni à quoi, en réalité, vraiment, elle s'attendait, magnolia peut trouver au fond qu'elle que ce n'était probablement pas ça. de la violence oui, de la brutalité de ta part, parce que tu semblais bien démontrer ne serait-ce que par tes mots que c'était bien ton genre et que, tu sais, elle a le jugement relativement hâtif. et pourtant même en t'ayant ainsi cataloguée, lorsque tu tires sur son bras de façon si soudaine elle ne résiste pas. tout son corps se crispe et tu dois pouvoir sentir que sur tes joues les larmes s'intensifient, mais elle ne résiste pas.

plongée, noyée, comme une poupée de chiffon. l'eau chlorée s'infiltre dans sa bouche et dans ses narines, la laissant prise d'une quinte de toux lorsque tu la relâches. magnolia aujourd'hui aurait dû se douter qu'elle pourrait boire la tasse de façon littérale, mais au fond d'elle, elle ne pensait pas que tu passerais réellement à l'acte. elle reste un peu pétrifiée, face à toi, face à toi qui souris et ris comme s'il n'y avait à votre échange qu'enfantillages et éclaboussures. la jeune femme prend un instant pour replacer en arrière ses cheveux désormais mouillés et lorsqu'elle fixe sa main, réalise et se fige.

c'est les reflets bleutés absolument pas naturels qu'elle voit sur l'eau dans sa paume qui la font vriller. tu avais bien raison après tout. gina, gina n'était maintenue ni par des liens ni par quelques accès de jalousie. elle lui avait échappé de son plein gré. alors magnolia vrille oui elle vrille et se contente de brandir dans sa tête ce prétexte mensonger aux longs cheveux pour trouver en toi une cible parfaite.

peut-être qu'au fond elle avait juste besoin d'être en colère.

t'es complètement tarée !

la voix est plus bruyante que ce à quoi elle s'attendait. magnolia ne crie pas, non, mais c'est un murmure presque rauque qui s'échappe de sa gorge. elle, elle aime les règles et les principes. et elle sait très bien qu'elle ne doit jamais mouiller ses cheveux alors elle empoigne les tiens d'une main et laisse les ongles de la seconde s'enfoncer dans ton épaule droite. ses jambes s'affairent à bloquer les tiennes. elle te décoche juste un sourire, avant de plonger pour t'entraîner sous les flots

et d'en ressortir immédiatement, maintenant ton corps immergé.

un large sourire et des éclats de rire alors qu'elle ne peut s'empêcher de laisser pleurer tes yeux même dans le chlore. elle te relâche rapidement, mais son pied vient pousser ton ventre vers l'arrière et magnolia elle-même recule sous l'impulsion

ce sourire toujours plaqué sur le visage.

1 - 1 ma grande, tu veux continuer ou ça te suffit ?

lentement et un peu malgré elle, magnolia relâche le contrôle, histoire que tu arrêtes enfin de t'écouler en grandes larmes. c'est que ça en deviendrait presque bizarre, cette façon dont tu t'émeus face à elle, ça deviendrait presque bizarre et soudain au milieu du bassin elle s'est rendu compte d'à quel point elle allait attirer l'attention si elle continuait de la sorte. étrangement en ayant touché tes côtes, elle semble avoir aussi regagné un semblant de contact avec la réalité.

pourtant quand tu reprends la parole, au lieu de l'ancrer dans cette réalité des flots sans tumulte qui s'étendait autour de vous, dans cette réalité de chlore et de carrelage blanc, cela la fait sourire. il faut dire qu'au fond tu n'as pas tort et, elle-même, elle se rend compte sans peine du manque de cohérence de son comportement.

peut-être qu'enfin, après toutes ses années, magnolia avait fondu ses derniers fusibles.

peut-être que toutes ses années à se contenir avaient fini par faire exploser tout ce qu'il y avait de censé en elle.

que les flots partent en flammes, il lui en avait fallu si peu pour qu'elle se sente substance hydroréactive aujourd'hui.

et alors que tu te rapproches il y a ta voix, tes ongles, comme un choc électrique dans sa peau. deux visages souriants remplis de rage - à quoi bon, même ? et la sienne, de voix, est devenue si glaciale et calme que ça trahit forcément quelque chose de bizarre dans son crâne.

ne me touche pas. tu voudrais quand même pas qu'on fasse un esclandre ? vu ton comportement, je doute que le blâme me retombe dessus...

ça la pique un peu, tes ongles dans sa peau, mais elle ne se laisse pas abattre. miroir de tes gestes, elle pose ses deux mains sur tes épaules avec un petit sourire qui désormais ne la quitte plus. ses gestes sont doux, tu ne reçois contact ni avec ses ongles ni avec une quelconque force dont elle pourrait user pour abîmer ton corps et pourtant, pourtant son genou s'écrase contre toi, comme un rappel de ce dont elle est capable.

peut-être qu'on est folles toutes les deux ? tout ça parce que gina... c'est vrai que ça fait mal quand elle nous laisse tomber, hein ?

égarée, peut-être folle magnolia, dont les mots et les pensées se reperdent dans la houle. oh la douce enfant...

ce n'est pas qu'elle baissait sa garde ni qu'elle s'apprêtait à attaquer de plus belle mais vois-tu elle se surprend de la façon dont tu la lâches, alexandra, de ta passivité face à son coup, de tes mots surtout. tu n'as pas vraiment tort. en retrouvant un semblant d'accalmie dans les flots, magnolia pouvait identifier sans peine le ridicule de votre situation. pathétique, ça l'était probablement, vous l'étiez probablement, mais elle avait peine à vraiment comprendre pourquoi elle s'était ainsi emportée. pourquoi tu avais riposté.

pourquoi, dans cette mer sans courant, vous aviez élevé quelques nuages de tempête.

un rire amer s'échappe de sa gorge, un rire un peu gêné qui se transforme presque en crise d'hilarité. oh elle a envie de pleurer, un peu, mais elle ne le fera pas parce que magnolia tu sais ne pleure jamais. dès qu'elle sent les larmes monter elle ferme elle-même les valves, s'immobilise et ne les rouvre pas tant qu'elle ne sent pas une terrible boule dans sa gorge, une douleur dans sa tête, qui lui prouvent qu'elle s'est retenue assez longtemps pour pouvoir lâcher du lest sans s'effondrer.

je me demande si pendant qu'on est là gina s'amuse. peut-être que quelqu'un d'autre réchauffe ses draps et s'étale dans une place que l'on connaît... ah.

un drôle de mélange bouillonne dans ses veines, elle n'est plus en colère et pourtant elle peine autant à savoir pourquoi la fureur s'est calmée que pourquoi elle a commencé. lentement la jeune femme se laisse basculer sur le dos, allongée en flottant à la surface de la piscine, fixant les poutres du plafond et les moutons de poussière que le temps a déposé dessus. elle a l'impression de pouvoir sentir que la couleur va s'infiltrer dans l'eau comme s'il s'agissait de sang dont elle se vidait mais très honnêtement dans l'instant présent,

elle se sent trop pathétique pour en avoir quelque chose à faire.

imagine si on mettait toute cette haine dans quelque chose d'autre. piétiner le coeur de celles qui nous l'arrachent et pourtant non on est juste là dans le chlore à attendre que l'autre arrête de respirer.

et elle prend une longue inspiration, avant de fermer les yeux et de laisser à nouveau basculer son corps, pour se retourner sur le ventre, rejoindre le bord. magnolia sait que ça serait bizarre de se contenter d'aller nager comme elle l'avait prévu initialement oui, l'idée ne lui convient plus vraiment. piégée par les tourments de sa propre colère, oh elle n'a plus grand-chose d'autre à faire que de méditer sur les raisons du courroux.

comment le recycler en éclats.

oh il aurait été trop doux et trop rêveur de penser à une accalmie. si le bouillon est monté en magnolia avant de repartir tout aussi vite, il reste en toi et tourbillonne jusqu'à déborder. il semblerait qu'il faille se méfier de l'eau qui dort et son tort a bien été de fermer les yeux parce qu'alexandra, lorsque tu fonds sur magnolia, il n'y a qu'un cri strident qui s'échappe de sa gorge, un cri strident que tu transformes en bulles, un cri strident et pas la moindre résistance.

son corps coule facilement sous ta force et tout va trop vite pour qu'elle puisse réellement comprendre ce qu'il se passe magnolia tout ce qu'elle sent c'est son corps ballotté par tes mains cruelles et bientôt,

une douleur vive dans son épaule,

qui la vrille comme une gerbe d'étincelles.

dans la panique magnolia enfonce ses ongles dans ton dos et dans ta nuque alexandra, elle presse, enfonce et tort pour tenter d'arracher quelque peu de toi et te rendre la douleur mais surtout de t'arracher loin d'elle. ses genoux cognent ton corps lorsqu'elle les replie avant d'envoyer un coup dans ton abdomen à nouveau, un coup qui t'écarte et la renvoie vers le rebord. dès qu'elle a une seconde pour respirer elle laisse à nouveau son alice couler sur toi et sur tes joues mais rapidement l'adrénaline semble s'atténuer et elle s'appuie pour se tirer de l'eau, reculer à tâtons sur le carrelage.

ne courez pas autour de la piscine, lui revient en tête, conseil sage de tant de moniteurs de natation.

elle renifle et presse son épaule sans pouvoir trop regarder les dégâts, pour essayer d'appuyer jusqu'à ce que la douleur disparaisse alors que tout son instinct lui dit de fuir. se mettre à l'abri, aller se cacher, protéger la survie, fuir et pourtant elle continue de te regarder, incapable de faire un pas de plus. sa tête tourne un petit peu, mélange probablement de la douleur et de ces larmes qui coulent trop fort sur tes joues, tout est allé si vite qu'elle a pas l'impression d'avoir compris tout ce qui s'était passé.

magnolia se sent perdue dans l'action et elle se contente de t'adresser quelques mots avant de monter de quelques marches dans les gradins

t'es sérieusement pas bien ma pauvre... !

elle a la tête baissée, magnolia, recroquevillée sur elle-même parce qu'elle essaie de reprendre son calme. chaque inspiration la rapproche un peu du but, chaque expiration lui donne l'impression que la douleur s'intensifie. elle ne sait pas trop quoi faire. il faudrait qu'elle parte, qu'elle se lève, qu'elle prenne une douche, se change et quitte la piscine pour filer à l'infirmerie. l'infirmerie ? non peut-être plutôt sa chambre. ça serait plus discret. et plus stupide, aussi, pourquoi devrait-elle se soucier des conséquences alors qu'ici elle était clairement la plus blessée ?

du moins physiquement, il semblerait.

elle s'apprête à se lever et à sortir lorsqu'elle te remarque venant vers elle. elle s'apprête à se lever et crier, oui, te demander si t'en as pas eu assez. tu viens finir le travail alexandra ? tu viens achever les autres pour que personne ne remarque que le sang sur tes mains vient de tes propres blessures ? mais ça prend pas alex, un jour quelqu'un verra. quelqu'un verra et quelqu'un aura quelque chose à dire sur le sujet. quand ce moment arrivera, alors à cet instant qu'est-ce que tu feras ?

d'un geste sec, magnolia t'arrache la serviette des mains. elle essuie énergiquement ses cheveux, sans se soucier de si tu doives ensuite te débrouiller avec les tâches de teinture, puis elle relaisse tomber ses mèches encore humides devant son visage et plaque la serviette contre son épaule. plus efficace pour presser et essayer t'étouffer la douleur que sa main seule, probablement. elle a toujours pas relevé les yeux vers toi parce qu'elle en a pas envie. elle a pas envie de savoir si tu la regardes avec indifférence, colère ou pitié.

magnolia, à vrai dire, se sent déjà bien assez pathétique comme ça.

un grognement de douleur lui échappe et elle serre un peu les dents. elle a encore des trucs à te dire mais n'empêche, faudrait vraiment qu'elle se soigne avant de prendre le risque que la blessure s'infecte. elle ne sait pas où tu laisses traîner ta bouche après tout.

t'as fini ou c'est moi que tu viens finir ? tu penses pas que t'en as fait assez pour aujourd'hui ?