En voyant ce magnifique soleil commencer à briller à l'horizon, Aline eut probablement la pire idée de toute son existence. Ce samedi matin, elle s'était réveillée particulièrement de bonne humeur. Certes, ça ne changeait pas de d'habitude, mais la blondinette sentait qu'aujourd'hui serait spécial. Cela faisait un moment que la grisaille et le mauvais temps avaient laissé place à un ciel bleu turquoise et un léger vent frais. Le changement de climat permettait d'entrevoir le retour des beaux jours ce qui avait pour effet de booster l'énergie de l'adolescente. Le printemps approchait à grand pas et c'était justement la saison qu'elle préférait. La nuit reculait face à la clarté des journées qui s'allongeaient et doucement les chemins extérieurs devenaient moins glissants et plus agréables à arpenter.

Après une brève grasse matinée, la voilà donc en train de siroter son thé tout en regardant à travers la fenêtre. Il était encore tôt pour la plupart des autres élèves, mais l'activité se faisait graduellement ressentir. On pouvait déjà voir des lycéens se diriger vers l'arrêt de bus en vue d'aller en ville, des professeurs munis de leur thermos profitant eux aussi du week-end ainsi que des joggers aguerris au corps svelte et puissant. C'est d'ailleurs en suivant des yeux l'un d'eux qu'un déclic se fit dans le cerveau d'Aline.

Le souvenir de la fameuse nuit de janvier lui revint malgré elle, et avec lui l'embarrassant moment où la jeune fille s'était retrouvée à terre. Son groupe fuyait des militaires et au lieu de tenir la cadence comme tout le monde, elle avait trébuché, perdant de précieuses secondes. C'est dans de tels insants que l'Anglaise regrettait de ne pas être sportive. Elle ne s'était jamais vraiment intéressée à ce domaine-là à cause de sa maladresse, mais il semblait grand temps de changer... Ne serait-ce que pour obtenir davantage d'endurance. Qui sait, peut-être qu'en s'y mettant sérieusement, elle y prendrait goût ? La course par exemple, deviendrait une seconde nature, et elle pourrait rejoindre tous ces gens chaque matin pour quelques kilomètres ? Elle se voyait déjà pareille une gazelle, sprintant de manière élégante et discutant avec les autres coureurs. Sa silhouette se raffermirait et elle aurait la satisfaction d'avoir un rythme de vie totalement sain !

Au fil des pensées de la maladroite, l'envie de s'adonner au footing grandissait jusqu'à finalement devenir un besoin absolu à assouvir. Quelques réflexions plus tard, sa décision était prise : aujourd'hui elle allait tenter l'athlétisme ! C'est exactement à partir de ce moment précis que tout alla de mal en pis.

Impatiente, la demoiselle enfila sa tenue de sport en vitesse n'oubliant pas de placer son quartz rose dans sa poche arrière, puis fila en direction du grand stade. Un sourire radieux s'épanouissait sur son visage tandis qu'elle circulait dans les couloirs de l'académie. Sur un coup de tête, elle venait de se convaincre d'aller s'exercer dehors. N'ayant jamais fait ça auparavant, la lycéenne ne savait pas vraiment ce qui l'attendait cependant elle le comprit bien assez tôt.

Lorsqu'elle arriva enfin au terrain, Aline sentait son coeur battre d'excitation. Elle n'avait plus qu'une idée en tête : courir. C'est donc sans aucune forme d'échauffement qu'elle s'élança comme une flèche sur les pistes en affichant toujours ce sourire déterminé. En quelques minutes à peine, son visage prit des teintes rouge pivoine et sa queue-de-cheval perdit tout semblant de grâce. Sa respiration devint de plus en plus haletante et sa vitesse se vit réduite de moitié. Luttant pour garder bonne figure, elle finit par s'arrêter et se plier en deux afin de reprendre son souffle. Sa poitrine était en feu et des gouttes de sueurs perlaient au niveau de ses tempes. La blondinette demeura ainsi plusieurs secondes avant de se relever. Il était hors de question d'abandonner.

Son objectif était clair : faire au moins cinq fois le tour du stade. Malgré sa fougue, la maladroite avait bien conscience du danger auquel elle s'exposait. À chaque foulée une chute la menaçait, toutefois elle avait choisi d'en faire fi. La prudence et l'inaction ont trop longtemps été ses compagnes de fortune et cela ne lui convenait plus dorénavant. Il fallait donc persévérer si elle voulait en finir définitivement avec ce mode de vie. Ses efforts pour changer ont été nombreux ces derniers mois, mais quelque chose en elle lui indiquait que le périple ne faisait que commencer. De ce fait, c'est dans cet état d'esprit que l'adolescente passa le quart d'heure suivant. Ponctuant ses élans effrénés de pauses forcées, elle restait résolue à ne pas reculer devant la difficulté de la mission qu'elle s'était fixée.

Aline n'en pouvait plus. Son teint avait viré au rouge cramoisi depuis longtemps et sa respiration n'était plus qu'un râle rauque. Elle avait également égaré son sourire, probablement quelque part vers la moitié du parcours, et courrait maintenant à la vitesse d'un escargot. Ses mouvements lents en devenaient presque ridicules tant ils ne semblaient n'avoir aucun sens. À chaque foulée, la jeune fille levait les coudes comme s'ils étaient le moteur principal de son corps et ses jambes tremblantes peinaient à la soutenir.

L'adolescente ne se leurrait pas. Elle avait bien remarqué que plusieurs élèves l'avaient dépassée à maintes reprises. Tandis qu'elle n'avait pas encore fini son premier tour et ressemblait déjà à un raisin sec, d'autres en avaient déjà fait trois et paraissaient totalement disposés à en rajouter cinq de plus. Ceux-ci s'entraînaient à l'évidence depuis pas mal de temps. Loin d'être découragée en les voyant, Aline tirait d'eux une certaine motivation. Si elle continuait ainsi, elle finirait probablement un jour par se fondre dans cette masse de sportifs accomplis.

Pour le moment, ce jour-là n'était pas encore prêt d'arriver, cependant le dévouement qu'y mettait la blondinette forçait le respect. Derrière les grosses gouttes de sueur sur son visage et les mèches collées sur son front, on pouvait apercevoir dans ses yeux d'émeraude une détermination sans faille. Plus d'un aurait déjà abandonné, dont l'ancienne version d'elle-même. En effet, la maladroite flirtait dangereusement avec sa capacité à chuter et au vu de son état qui empirait à chaque seconde, l'effondrement s'avérait imminent. Il fut un temps où par prudence, jamais elle n'aurait osé se pousser à l'effort à ce point, mais ça, c'était avant. À présent chaque foulée lui permettait de se prouver à elle-même qu'elle évoluait lentement mais sûrement. Les pas qu'elle faisait la rapprochaient peu à peu de l'instant où tel un papillon jaune citron s'env...

Soudainement, tous les élans à la fois poétiques et physiques d'Aline s'arrêtèrent d'un coup. Des étoiles se mirent à danser partout autour d'elle et son champ de vision s'obscurcit. Les voix des autres coureurs près d'elle se turent et laissèrent place à un bourdonnement assourdissant venant de partout. Sentant qu'elle perdait l'équilibre, la blondinette tenta d'avancer et au lieu de ça se fit un croche-pied et s'effondra au sol.

Même allongée, sa tête lui tournait et une nausée épouvantable commença à se faire ressentir. Des points lumineux apparaissaient toujours de parts et d'autres et le noir qui l'englobait gagnait de plus en plus de terrain. Paniquée, la jeune fille voulut crier à l'aider or aucun son ne sortit de sa gorge. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Était-elle victime de l'alice d'une mauvaise personne ? Serait-ce une nouvelle attaque de ces militaires ? N'ayant aucun début de réponse à toutes ses questions, son affolement empira. Elle voulut agripper son quartz rose dans sa poche afin de générer quelques vagues d'apaisement, mais sa main tremblait trop pour qu'elle puisse la diriger vers quoi que ce soit. Finalement à bout de force, elle arrêta de se débattre puis sentit ses paupières s'alourdir. Elle allait bientôt perdre connaissance sans qu'elle ne puisse rien faire...

Est-ce que tout ça est réel ? Toujours le coeur au bord des lèvres, Aline observait le monde à travers un voile obscur éclairé seulement pas des points lumineux imaginaires. Elle n'avait rien mangé pourtant ce matin, pourquoi se sentait-elle si mal ?!

Soudain un visage apparut dans le champ de vision de la blondinette. Comme envoyé par les anges, celui-ci était entouré d'un halo lumineux blanc et se découpait très nettement du ciel bleu azure. Il appartenait à une fille aux longs cheveux noirs et aux iris étonnement rouges. Par ailleurs, son teint était si pâle... On aurait presque dit une poupée en porcelaine. L'expression qu'elle affichait reflétait une nette inquiètude face à ce qu'elle voyait.

Laissant son esprit divaguer, l'adolescente ne comprit pas tout de suite que l'élève penchée devant elle lui parlait. Elle sentit son corps se faire manipuler puis ses jambes se soulever et rester suspendues sur quelque chose. Des éclats de voix lui parvinrent comme étouffés, mais cette fois-ci l'Anglaise pu en distinguer certaines bribes. Toujours ... grand... sucré... Sa sauveuse prenait vraiment les choses en main et ses actions semblaient efficaces. Réalisant qu'elle pouvait respirer normalement, Aline hocha la tête lorsque ses yeux couleurs rubis se posèrent de nouveau sur elle. De plus, quand sa main rassurante vint caresser son front, la panique de la jeune fille fut définitivement chassée.

Peu à peu les étoiles se mirent à disparaître et le monde reprit ses teintes normales. Ne voulant pas encore se relever par peur d'une nouvelle chute, la blondinette resta allongée un moment sous le regard tendu de la brune. Elle voulut lui parler afin de la rassurer, mais les nausées étaient toujours présentes, bloquant toutes paroles. Il allait falloir la remercier à juste titre, car sans elle qui sait ce qui se serait passé...

Doucement, on souleva sa tête et on porta quelque chose à sa bouche. Docile, l'adolescente se laissa faire et s'aperçut qu'il s'agissait d'une boisson très sucrée. On ne détectait d'ailleurs que ce dernier. Cependant au lieu d'être dégoûtée, Aline but de plus en plus goulûment. Chaque gorgée lui faisait l'effet d'une décharge électrique qui ravivait toute son énergie et lorsqu'il n'en resta rien, la jeune fille ne présentait presque plus aucune sensation désagréable.

Une fois prête à se relever, la blondinette se rendit compte avec un embarras grandissant que ses jambes reposaient sur un garçon. D'un geste un peu trop brusque, elle les replia sentant le rouge lui monter aux joues.

« Je.... euh... oh mon dieu je suis tellement désolée, parvint-elle à articuler toujours sur le dos. »

Un peu confuse, elle porta son attention sur la demoiselle qui venait de la secourir. La détaillant, Aline déduisit à partir de son corps ferme et svelte qu'elle avait affaire à une sportive. C'était sûrement pour cette raison que celle-ci avait su si bien gérer la crise qui venait d'arriver. Les yeux brillants de reconnaissance, la blondinette ne put s'empêcher d'éprouver une certaine admiration face à cette fille si bienveillante et réactive.

« Merci beaucoup, commença-t-elle. Je... crois que ça va mieux. »

En prononçant cette phrase, un sentiment de honte s'installa dans le coeur de l'adolescente. La honte d'avoir échoué si rapidement face à son objectif, la honte de s'être donnée en spectacle devant tous les élèves comme à son habitude, et la honte de paraître si faible face à l'athlète qui venait de l'aider. Encore trop tôt pour relativiser et donc s'interdire de se décourager, Aline entoura sa tête de ses bras avec une envie irrépressible de se cacher du monde entier.

« Je suis nulle... finit-elle par lacher dans un souffle. »

Avec timidité, Aline risqua un oeil à travers ses bras. Tout le monde paraissait si gentil autour d'elle. D'ailleurs être le centre d'attention de tant d'élèves la rendait quelque peu nerveuse. Alors qu'elle s'était laissée tomber dans l'apitoiement, les autres se sont chargés très rapidement de lui remettre les idées en place. Tous les sportifs qui l'observaient insinuaient qu'il n'y avait pas de mal de chuter. Est-ce qu'ils étaient passés par là eux aussi ?

En voyant la brune qui s'occupait d'elle s'asseoir en tailleur, la blondinette se décida à faire la même chose. Elle avait dû sembler ridicule à réagir de la sorte, elle s'en rendait compte à présent. Simplement, échouer si facilement était difficile à encaisser. La jeune lycéenne s'attendait à devoir lutter, mais pas à ce point... Penaude autant pas son échec que par sa réaction, elle fixa ses mains posées sur ses genoux.

« Vous avez raison, excusez-moi de vous avoir inquiétés. C'est... c'est la première fois que je fais du sport en dehors des cours en fait, déclara-t-elle comme pour se justifier. »

Soyons honnête, les cours d'éducation physique pour notre maladroite ressemblait plus à un long moment de pause où elle pouvait démontrer sa faculté à créer des catastrophes à tous. Par conséquent, Aline ne s'était jamais vraiment dépassée ni intéressée à un sport quelconque. Elle se contentait d'être présente, de suivre un peu les autres histoire de provoquer deux ou trois accidents, puis de se voir demander de s'asseoir pour observer. Oopsi Merry, sur le banc ! Depuis le collège, cette phrase représentait le running gag favoris de ses camarades.

« Je m'appelle Aline, ajouta-t-elle en direction de cette drôle de fille aux iris vermeil. »

La douceur qu'émanait sa sauveuse était palpable. Même si celle-ci venait de la réprimander, elle donnait l'impression de ne vouloir que du bien à la blondinette. Regrettant déjà de s'être apitoyée de la sorte, elle lui lança un petit sourire gêné. Il faudra qu'elle lui explique pourquoi elle avait réagi de cette manière, mais pas devant autant de personnes. Même si sa réputation la précédait peut-être, il était inutile d'encore plus donner du grain à moudre aux commères.

Doucement, l'adolescente se mit à effectuer quelques exercices de respiration en attendant qu'un adulte les rejoigne. De toute manière ce dernier ne pourrait rien apporter de plus, sa bienfaitrice avait déjà géré la situation. D'ailleurs quel était son prénom ? Elle aurait bien voulu lui demander mais se voyait mal le faire sous les yeux des autres.

On inspire... On expire...

Soudain un bruit déchira le silence. Un son qui fit ouvrir à Aline de grands yeux et lui monter le rouge aux joues. Si elle en avait eu la force, la demoiselle se serait levée immédiatement afin de courir se cacher dans sa chambre et ne plus jamais en sortir. Tout le monde devait probablement avoir entendu, la situation n'aurait donc pas pu être pire... Mortifiée, elle dirigea son regard vers la brune comme pour qu'elle lui vienne une nouvelle fois à sa rescousse.

En effet n'ayant rien mangé au petit-déjeuner, l'estomac de la blondinette avait choisi pile le moment d'une expiration pour se réveiller. Malmené plus tôt par la course, il s'était rapidement remis et commençait à ne pas être content du tout. Ainsi sans aucune grâce, il émit plusieurs grondements tonitruants qui ne laissaient absolument pas place au doute quant à leur origine. Alors qu'en se levant ce matin elle pensait qu'aujourd'hui serait un jour spécial, la jeune fille se rendit compte à cet instant d'à quel point elle se fourvoyait.

L'arrivée de cet homme peu sympathique juste après le concert de son estomac acheva de décomposer Aline. Elle ne pensait pas déjà avoir eu affaire à lui et d'après ses paroles manquant cruellement d'amabilité, n'avait pas vraiment envie cela change dans le futur. Même si la blondinette s'attendait à ce que l'adulte appelé ne leur soit pas d'une grande utilité, elle espérait toutefois quelqu'un de plus... attentionné ? À la place, elle était tombée sur un être de toute évidence acariâtre qui devrait sérieusement envisager de porter une Tourmaline chargée sur lui en permanence.

À l'inverse de sa sauveuse, l'Anglaise resta silencieuse et ne put tenir le regard du nouvel arrivant. Elle était cramoisie et se sentait quelque peu intimidée face à lui. On aurait pu croire qu'elle avait fini par s'habituer aux réprimandes à cause de ses maladresses, mais ce n'est pas du tout le cas. C'est d'ailleurs pour cela que l'adolescente évite plus ou moins toute figure d'autorité capable de lui porter préjudice. Fort heureusement l'intervention de l'adulte fut aussi brève que déplaisante, et il disparut quelques minutes plus tard assez bizarrement. Décidément, l'académie abritait beaucoup d'individus étranges...

Amélie se releva ensuite puis lui tendit sa main. Elle lui avait donné son prénom sans qu'elle n'ait besoin de lui demander ce qui l'arrangeait bien. Se sentant d'attaque, Aline se saisit de la paume présentée et se mit debout. Aucune sensation désagréable ne pointa le bout de son nez et elle parvint même à offrir un sourire reconnaissant à la brune. Ce ne fut qu'à cet instant que son regard se posa sur le badge de la section Nova qu'arborait fièrement son interlocutrice. Au même moment, son sourire se crispa légèrement et elle déglutit. Comme tout le monde, elle savait ce que voulais dire cette insigne et les conséquences qu'elles pourraient avoir. Il allait falloir tenir ses membres à carreau et redoubler d'attention pour ne commettre aucune bêtise involontairement.

« D'accord, je te suis ! Je vais essayer de ne pas tomber dans un coma d'inanition entre temps... tenta la jeune fille en rigolant doucement. C'ÉTAIT NUL, RESTE NATURELLE ENFIN ! pensa-t-elle immédiatement après. »

Sentant que la nervosité gagnait du terrain dans son esprit, l'experte en lithothérapie extirpa le quartz rose de sa poche afin de vite chasser ce sentiment négatif. Elle passa la jolie gemme entre ses doigts tout en marchant et ressentit instantanément les bonnes ondes s'infiltrer en elle. Petit à petit, la blondinette recouvrit son sang-froid et sa capacité à raisonner logiquement. Certes Amélie pouvait la punir pour une étourderie, mais elle avait déjà prouvé sa gentillesse. Ça ne devait sûrement pas être une de ces personnes sans coeur abusant de leur grade.

« Tout à l'heure j'ai peut-être réagi un peu excessivement mais c'est parce qu'en fait je suis incapable de terminer une séance de sport, commença-t-elle. »

Maintenant qu'elles n'étaient plus que deux, la langue d'Aline se déliait enfin. Cependant une pensée l'arrêta avant qu'elle ne termine ce qu'elle avait l'intention de dire. Serait-ce judicieux d'avouer qu'elle était incapable d'aligner deux pas sans provoquer une catastrophe ? La brune pourrait décider de la garder à l'oeil... D'un autre côté, il valait mieux qu'elle soit prévenue non ?

« Je suis un peu maladroite donc ça finit toujours par une chute... ou un coup donné à quelqu'un. Avec ce qu'il s'est passé en janvier, je me suis rendue compte qu'il fallait que je développe quand même un peu plus mon endurance. Du coup j'ai décidé qu'à partir d'aujourd'hui j'allais m'entraîner jusqu'à pouvoir courir un marathon sans trébucher une seule fois ! »

Au final, l'Anglaise avait opté pour un entre deux. Ce n'était pas la peine de dévoiler qu'en fait elle représentait un réel danger pour autrui ou pour elle-même. De plus, au fur et à mesure de ses explications, son énergie et son entrain revenaient, si bien qu'elle termina sa phrase d'un ton déterminé alors qu'elle l'avait entamée à moitié hésitante. Sa pierre, doublée de sa nature à se remettre rapidement y était probablement pour quelque chose.

De la torture ? Aline eut une légère moue en entendant la phrase d'Amélie. Tout en continuant à faire passer sa pierre rose entre ses doigts, elle se remémora les événements qui venaient d'arriver. Peut-être qu'en effet, elle s'était un peu trop emballée et aurait dû plutôt y aller étape par étape. Son impatience avait pris le dessus provoquant son évanouissement et donc une scène devant tout le monde... Une situation plus qu'embarrassante qu'elle préfère refouler au fin fond de sa mémoire.

« Tu as sans doute raison, répondit la blondinette. Le problème c'est que... elle eut un petit moment d'hésitation puis continua en se grattant la tête d'un air gêné, je n'ai aucune idée de comment faire...  »

En pénétrant dans l'académie, un léger malaise s'empara de l'adolescence. Une sorte de réminiscence de sa mésaventure au stade. Cependant puisque ce n'était pas aussi prononcé que tout à l'heure, elle n'y prêta pas vraiment attention. Elle préféra continuer la discussion avec la brune pour se changer les idées.

« Je pratique un peu la danse mais on ne peut pas dire que ce soit très glorieux ni très efficace. »

Toutes les images des coups qu'elle s'amusait à distribuer sans le faire exprès dans le gymnase lui revinrent à l'esprit ce qui fit discrètement rougir Aline. La présence de Moïra l'aidait à ne pas se décourager lors de ces petits incidents, mais il est évident qu'un jour viendrait où elle cognerait la mauvaise personne...

« Depuis quand tu t'entraînes toi ? Tu as l'air plutôt sportive ! lança la maladroite pour chasser ces pensées. »

En effet, maintenant qu'elles étaient toutes les deux debout côte à côte, force était de constater que les membres de la blondinette ressemblaient plus à des bâtonnets en comparaison de ceux d'Amélie. Pourtant on aurait pu croire que la sculpture de pierres lui aurait fait les bras, mais l'exercice ne devait pas être assez bon.

Dans une poussée d'inspiration, la jeune fille imagina ce que pouvait bien être la routine physique de cette recrue de la section Nova. Toutefois la réalité la rattrapa presque immédiatement.

Elles marchaient depuis quelque temps maintenant dans l'école et l'étourdissement que ressentait Aline ne s'était toujours pas estompé. Pis encore, il lui semblait même s'être renforcé. Si la brune lui parlait, elle n'arrivait pas à bien capter le sens de ses paroles. Elle parvenait toujours à avancer plus où moins normalement, et espérait que celle qui se tenait à ses côtés n'ait rien remarqué. Elle ne voulait pas qu'on pense qu'elle était malade ou incapable...

Or les couloirs commençaient dangereusement à tanguer. Une sueur froide coulait sur les tempes de la lycéenne et son souffle se faisait de plus en plus court. Pourquoi ressentait-elle de nouveau cette sensation désagréable ? Elle ne courrait même pas... Fort heureusement, leur destination n'était plus qu'à quelques pas. L'infirmière la soulagerait rapidement et tout finirait par rentrer dans l'ordre.

« Bonjour mademoiselle Bradwyr, eut-elle le temps de lancer en entrant dans l'infirmerie avant que toutes les lumières ne s'éteignent et qu'elle ne perdre connaissance. »

Dans un tintement sonore, le quartz rose que tenait l'Anglaise glissa de ses mains puis rebondit plusieurs fois sur le sol avant de finir sa course près de la chaise en face du bureau principal.

Aline n'avait pas rêvé. C'était comme si on avait tiré un grand rideau noir sous ses yeux, et que plus aucun bruit ne parvenait à l'atteindre. L'obscurité complète l'englobait et elle filtrait toutes sensations et pensées qui essayaient de naître au creux de son esprit. En fait elle semblait plongée dans le néant et ne s'en rendait même pas compte.

Finalement au bout d'un certain temps, un rai de lumière blanche éclot soudainement au milieu de toute cette noirceur, rapidement suivit par des bâtiments de coeur et une odeur familière. Le fin trait commença doucement à s'agrandir, tandis que le bruit ambiant devenait de plus en plus précis - un peu comme quand on sort la tête de l'eau. Après quelques clignements de paupières, Aline finit par ouvrir totalement les yeux et émergea définitivement dans le monde des vivants.

Tout d'abord la blondinette fut surprise de se retrouver allongée dans un des brancards de l'infirmerie puis encore plus étonnée en voyant Amélie assise près d'elle. Elle se souvenait avoir perdu connaissance en entrant dans la pièce, mais ne savait pas combien de temps elle était partie. Elle espérait ne pas avoir trop inquiété la brune, et que celle-ci venait à peine de prendre place à ses côtés. La pauvre devait probablement avoir d'autres plans que de baby-sitter une maladroite pas sportive pour un sou !

« Déso... commença l'Anglaise en tournant la tête vers Amélie. Sa gorge était sèche et elle dut tousser pour continuer à parler. Désolée, je crois que je me suis évanouie. »

Sa phrase lui apparut tellement absurde que la jeune fille ne put se retenir de faire une grimace. Évidemment que tu t'es évanouie ! Tu crois qu'elle n'avait pas remarqué patate ?

« Je suis resté inconsciente longtemps ? J'espère que je ne t'ai pas pris trop de temps... »

Sa gêne était palpable. D'abord au stade, ensuite ici... Quelle image devait avoir Amélie - une patineuse de haut niveau - d'elle à présent ? Celle d'une élève tombant dans les pommes pour la moindre raison ? Elle ne pensait pas ce matin que cette journée serait aussi riche en rebondissements. À la base, elle souhaitait juste essayer d'améliorer son endurance.

« On dirait que la course ne me réussit pas trop trop, lança Aline en souriant. »

Elle voulait tenter de détendre l'atmosphère. Montrer que tout allait bien car en effet, l'adolescente se sentait beaucoup mieux. Elle ne se lèverait peut-être pas tout de suite pour regagner sa chambre ou aller manger un bout, mais ce n'était qu'une question de temps. Ensuite elle adressera ses adieux définitifs à tous sports trop intensifs et reprendrait sa petite vie tranquille de non-sportive.

Malgré elle, le regard de la blondinette fut attiré par les mains d'Amélie et plus particulièrement ce qu'elle tenait. Son quartz rose ! Le coeur de la jeune fille bondit dans sa poitrine mais elle tâcha de se calmer. Cette petite gemme représentait son trésor le cher, sa possession la plus précieuse au monde : le cadeau de sa mère avant son départ pour l'académie. Voir sa pierre entre les doigts d'une autre lui faisait un drôle d'effet, cependant elle n'osa rien dire car après tout la brune s'était montrée plus que bienveillante avec elle. Elle finirait bien par lui rendre son cristal au détour de la conversation.

Par ailleurs... il s'agissait quand même de son galet le plus chargé et le plus puissant puisqu'il ne la quittait jamais. Amélie devait sûrement en recevoir les ondes d'amour et d'apaisement sans même s'en apercevoir.