aujourd’hui était un nouveau jour – pas un jour où elle était garçon non, un jour où les raids changeaient enfin sur pokemon go et
abel se devait d’obtenir heatran
elle était de l’école « plus ils sont laids plus ils sont op »
la fin du dernier cours et abel s’élance de sa chaise, manquant de la renverser et lui murmure un  désolé avant de filer par la porte des ailes sous les pieds
elle l’avait vu, elle le guettait, trépignait depuis plus de cinq minutes maintenant en espérant ne pas le rater

il était des petits bonheurs comme ana lui avait inculqué –
un shiny en faisait clairement partie
alors elle court à travers les couloirs, approchant sa cible quand soudain

le choc, rude, la propulse au sol et elle se demande si ça y est, c’est comme ça qu’elle va finir sans même avoir eu son pokemon sans avoir dit au revoir à tout le monde
geint un maigre   non, mon shiny…
et tape les fesses les premières sur le carrelage, le visage rigide alors que son corps crie de douleur

elle lève les yeux étoilés sur la victime de sa maladresse – souffle un oh zachary bonjour quand elle reconnait la tignasse et l’attitude rebelle
hausse à peine le sourcil
toi aussi ?
et soudain dans ses prunelles, un nouveau monde car elle n’est pas seule dans cette lutte qui se promettait d’être acharnée
car bien que les différences entre eux deux soient plus grandes encore que les barrières de l’académie, qu’elle ne connaisse que de lui les méfaits et zizanies –
un joueur de pokemon go sera toujours un ami
tu ne regardais pas non plus tu sais, mais qu’importe. tu y joues aussi ???
et malgré le stoïcisme de la blonde, zachary peut y discerner un intérêt croissant
elle ne perd pas plus de temps et rive de nouveau ses yeux sur l’écran
se lève sans attendre la main du garçon, connu pour sa brusquerie et non galanterie
elle se dresse à côté de lui et observe sans gêne le contenu de son écran

il est shiny, je le sens.
Le ton monotone alors que ses pieds dansent sur place, elle tend la main au brun l’air de dire
((allez, viens))

les deux filent comme le vent comme des enfants – un souffle de nostalgie dans les poumons d’abel, qui soudain se rappellent les escapades au château
elle reprend sa respiration avec difficulté ; c’est qu’elle avait presque oublié sa santé misérable, qui semble vouloir lui gâcher le moment
mais abel refuse, ne se laissera pas abattre alors tout en poursuivant la course elle dit de sa voix la plus fière
niveau 31 ? mention honorable. j’suis 39. eh ouais.
elle écoute avidement les conseils – son Lagron fétiche prêt au départ, rodée comme toujours, abel était de celles qui « try hard » comme les gens disaient
elle observe par-dessus l’épaule de zach comme si ils le faisaient depuis des années – un geste presque trop naturel pour deux parfaits inconnus
elle rejoint le raid et se laisse glisser contre le mur, tapotant la place à côté d’elle pour désigner au brun de faire la même

quand j’pense que c’est la première fois que j’te vois jouer à ça alors que t’es 31. like, comment on a fait pour jamais se croiser ?

abel a la parole facile malgré la rigidité des gestes et, tout en continuant de massacrer le pokémon légendaire, elle observe zach d’un regard curieux
dans quelques coups, les deux seraient fixés, un nouveau shiny et
((qui sait))
une nouvelle amitié ?

zach qui parle fort en classe et fait aux professeurs des crasses – elle s’en était construite une image sur laquelle s’ajoutaient à présent d’autres nuances, des couleurs pas moins flamboyantes, simplement plus chaudes à son cœur ;
ils ont beau tous être coincés ici depuis des années, le monde d’abel est cloisonné
la statue au fond de la classe
qui attend encore et encore que son heure passe

c’est vrai qu’à la sortie ça a été le feu

elle se rappelle l’enthousiasme et l’afflux dans les couloirs – les « viens viens on va chasser » qui petit à petit, se sont amenuisés
mais qu’importe car abel aime la solitude, arpenter l’académie sans savoir où ses pieds l’emmèneront

j’ai du mal avec les dernières, pas le porte-monnaie pour m’acheter les consoles

désigne son étoile solitaire en haussant les épaules –

mais t’es déjà 31, t’as fait pratiquement tout le chemin

sans ponctuer d’un sourire mais le cœur y est,
le bruit de la victoire retentit sur le téléphone abel tourne la tête vivement

yes, il est shiny

la voix terriblement monotone – elle se redresse d’un coup, les bras en l’air, brandissant son téléphone comme un trophée et tournant une fois sur elle-même
elle regarde ensuite zach, s’abaisse de nouveau comme si de rien n’était et lui dit de sa voix triomphante
((autant dire blasée))

je te l’échange en gage de cette nouvelle camaraderie

elle pouffe imperceptiblement


c’est vrai que t’auras plus vite d’être parti de l’académie et de gagner ta vie, qu’espérer l’avoir en économisant des rabbits.

elle a l’humeur légère avec zachary, il est rafraîchissant spontané
abel rigole avec lui, très doucement, tout dans la mesure – pas volontairement, plus un mécanisme vieux de plusieurs années

oh c’est pas grave tu sais, moi genre un un salamèche ça me rend heureuse. j’en ferai un super dracaufeu

hausse un sourcil toutefois surpris devant le téléphone tendu ; serait-ce une preuve de confiance absolue ?
elle cherche et descend la liste, souriant à certains et choqués par d’autres, choisie le salamèche comme elle avait demandé ;
danse sur ses petits absolument émerveillée, puis tourne lentement la tête vers zach alors qu’il sous-entend –

on refera des raids ensemble ?

semble ravie à l’idée, le petit monde d’abel qui s’agrandit et s’enrichit, des amis en tout genre et toute horizon. réfléchit un bref instant se demande s’il a le droit, puis réalise que la question a quitté ses lèvres avant de pouvoir la retenir :

pourquoi t’aimes pas cet endroit ?

t’as eu le cœur qui palpite à l’aveu de zachary – c’est qu’il n’a pas l’air de ceux qui distribuent facilement de l’affection alors t’es flattée, un peu, heureuse, beaucoup

…

tu vois le sourire crispé et tu te demandes si tu as bourdé
((encore))
puis la réflexion coupe court la joie s’affaisse – les mots du brun font mal, parce que tu les as déjà entendus, parce que certaines personnes ne reviendront jamais de l’hôpital et tu ne sais pas s'ils ont un jour cessé de penser comme ça, jusqu’au dernier souffle, maudire cet endroit
tu essayes de se mettre à sa place, toi, la petite une étoile sans histoires et sans antécédents, comprendre ce besoin de ne pas accepter la situation de réaliser que
((non))
ce n’est pas normal

 je sais pas si c’est « à l’aise » le bon terme, y’know. j’suis… déglutit. venue ici de mon plein gré, plus ou moins. genre j’ai fugué.

tu réalises que tu ne l’avais jamais dit avant, jamais voulu t’y attarder. t’es de celles qui se sont jetés entre les murs, pour –


mon frère avait été emmené, et j’voulais à tout prix le rejoindre. j’crois pas vraiment que j’aime cet endroit, j’veux dire – mon alice est un peu une malédiction mais, il y a des gens cools aussi. j’ai un pote qui m’a dit qu’il y a pas de bonnes ou mauvaises façons d’vivre dans cet endroit, l’plus important, c’est de faire ce qu’on aime donc…  perd le fil de sa pensée un bref instant, se rappelle les mots tristes. j’aime bien qui t’es, et j’pense que toi aussi t’aimes bien qui t’es donc… fais-toi plaisir ?

et tu le regardes droit dans les yeux, le sourire sincère aux lèvres

tu te retiens de dire que tu observes beaucoup les gens – ça paraît bizarre dans ta tête, ça doit être pire à l'oral

tu heurtes un mur soudain, l'air qui vient à manquer mais tu sais, tu sais que zach ne pensait pas à te faire du mal, qu'il demande parce que tes mots sont cryptiques, que tu ne dis pas ouvertement mon alice me tue

du coup tu te dis que c'est le moment d'en parler, de le dire à quelqu'un, de vive voix,
ce que tu te refuses à faire depuis que t'as compris ce qui t'arrivait, la première fois qu'ils te l'ont annoncé;

 bah euh mon alice en soi est un peu débile. genre je change de sexe, en fait. y a des fois j'suis un homme des fois une meuf. c'juste que... inspire. j'suis de type limité, il semblerait et j'suis un peu une brêle pour la contrôler ? imperceptible rire nerveux. du coup c'pas ouf ouf, tu vois ?

tu essayes de dédramatiser, y a pas mort d'hommes wait. tu réalises soudainement que tu ne sais même pas quel est l'alice de zach – aucun souvenir d'avoir vu le brun l'utiliser en classe, ou peut-être n'étais-tu pas là, à ce moment-là

 c'est quoi déjà ton alice ? t'es spé, j'crois bien ?

Les prunelles qui s’illuminent en apprenant l’alice de zachary, tu es toute enthousiaste et crèves d’envie de lui poser des questions – si ce n’est lui demander une démonstration

Toutefois, le brun coupe court à tes pensées et tu l’observes, à peine peinée ;

mon cas nécessite pas un bijou de contrôle, je crois. tu sais, ça m’arrive pas tous les jours et je suis bien suivie à l’hôpital. c’est juste que j’aurais ça toute ma vie, mais y a un peu de chance dans le malheur.

Tu souris presque

c’est que mon alice est super inutile donc quand je vais le maîtriser, j’en aurais peu l’usage !

Même si l’idée t’a traversé l’esprit, pouvoir changer de garde-robe à loisir, être un jour papa un jour maman – prier pour que jamais tes enfants n’héritent de cette nature, qu’ils se transforment en licorne, ce sera bien suffisant –
Tu te dis que ça aurait pu être pire, un alice pour protéger les autres et là
Tu n’aurais jamais hésité.
Au prix de ta santé, pourvu qu’ils soient tous hors de danger, tu aurais fait ce sacrifice volontiers –

je me dis que ton alice est trop bien genre.

Une main sur son épaule, des étoiles qui scintillent au fond des yeux et l’enthousiasme caché derrière la monotonie

tu peux jouer à la balle aux prisonniers.