11h10
Le retard te collant à la peau, tu continues de traîner les pieds au sol sans être particulièrement alarmé par ce manque de ponctualité. La cadence peut-être légèrement accélérée, tu avances sans réelle pression jusqu’au point de rendez-vous sur lequel vous vous étiez accordés.

On continue de marcher d’un air décontracté, avec un sourire indélébile.
Le grand jour est arrivé. Le fameux jour tant attendu.

Les iris finissent par percevoir la silhouette de Sasha au loin, et tu doubles le rythme des pas, comme pour prétendre que l’on avait sprinté jusqu’à lui à cause du retard – vieille et fourbe habitude. Tu te fais accueillir avec une taquinerie, Zach, taquinerie que tu accueilles à ton tour avec large rictus moqueur qui laisse échapper un ricanement.

— Nan mais regardez-moi ce gros mytho ! Petit éclat de rire. Arrête, tu me feras pas croire que toi, t’étais à l’heure.

Le regard malicieux qui le défie d’oser affirmer le contraire.
Vous le savez tous les deux.
Il est désormais majeur toutefois cela ne vous transforme guère en adultes responsables du jour au lendemain – certains traits ne changent pas si aisément. Lèvres étirées, tu écoutes les questions presque indignées de Sasha, une à une, sans la moindre interruption ; tu plisses les yeux d’un air confiant et commences à marcher, déclarant simplement :

— Viens.

On joue un petit peu la carte du mystère, ainsi que celle de la confiance.
Tu lui indiques d'un signe de la main qu’il doit te suivre.

Le faciès ne l’exprime que superficiellement Zach, néanmoins la mention des économies parvient toujours à tiquer ton ego si fragile ; tu es conscient que la somme que l’on t’offre au grenier couplée à ton tempérament dépensier n’auraient jamais pu être à la hauteur de tes attentes ; malgré cela, ta fierté ne peut s’empêcher d’être violemment bousculée à l’idée de réclamer de l’aide – encore plus quand il s’agit celle de ton meilleur ami, qui fête son anniversaire.
Tu as toujours préféré faire les choses par toi-même.
Sauf qu’en ce jour, tu dois assumer ne pas avoir le choix, Zach.

— J’préférais qu’on entre dans le vif du sujet tout de suite, j’aurais eu du mal à te cacher l’plan pendant tout le chemin jusqu’en ville.

Même à présent, on lutte pour ne rien dévoiler.
On craint les lapsus révélateurs.

— Pour l’argent, bah fallait marquer le coup pour tes 18 ans. Un cadeau qui sort du lot quoi. Et bon, vu ce que m’file l’académie, j’allais jamais arriver à payer tout seul. Soupir résigné, voire agacé. Mais j’suis sûr que tu vas adorer de toute façon. On y est presque.

Du moins, tu l’espères, même si on orne son visage d’une présomption inébranlable.
Tu tomberais de haut si ton idée n’obtenait qu’une immense déception en retour.

Puis le regard se faufile d’enseignes en enseignes durant votre marche, à la recherche du magasin désiré ; et lorsque la fameuse vitrine rencontre votre chemin, lorsque la destination est finalement atteinte, tu t’arrêtes brusquement. Tu fais face au verre où l’on pouvait voir, à travers, des petits lapins bondir dans un enclos adapté, ainsi que, dans une autre clôture, des chatons s’agiter innocemment.

Une animalerie.

Croisant les bras d’un air déterminé contre ton large T-shirt, le sourire confiant jusqu’aux oreilles, tu te retournes vers Sasha.

—  Ça t’dit qu’on adopte un chaton ?

Lâché comme une interrogation banale.

—  Ah et, bon anniversaire au passage.

Comme si on faisait semblant d’avoir oublié ce détail.