il faut récapituler.

ce qui est déjà établi ;
elle est dans le même club.
vit dans l’académie. (logique)

ce qui est nouveau ;
elle a le même nom de famille que sullivan,
il vient de le réaliser. faudra lui demander – eh mec, c’est normal ?
(bien sûr, anaël)
surtout, elle est p r i n c e s s e   f l e u r

pas plus tard qu’hier, ou peut-être que oui, c’était au plus tard hier, anaël l’a appris à coup d’insultes endiablées, une vraie danse macabre à la camille saint-saëns (payez votre culture, bande d’eunuques, vous l’avez pas venu venir, avouez), dans les couloirs ? il ne se souvient plus. et il ne se souvient plus de l’origine de leur joute

ah
si peut-être
il a dit un truc sur les princesses fleurs
c’était à une fille random – ne visualise même pas sa tronche – parce qu’elle rêvait en couleur de se faire élire parmi le bouquet fancy du gratin de l’académie.
alors anaël, comme depuis bientôt dix ans, a ouvert sa gueule.
et elle, elle est apparue dans sa vie, pour une seconde fois. de ces apparitions dont anaël peut clairement dire qu’il s’en souvient. d’abord, les mots. ensuite, le visage.

et tout en continuant de se taper d’injures, dans sa tête, un flash. pas agréable du tout. en fait, outre un profond et choqué vjdkcsefesr!??!!, anaël ne pourrait pas décrire ce flash qui va comme suit,

elle et lui (ça pourrait bien débuter un roman d’amour, avouez) quelque part dans l’univers, plus précisément quelque part en irlande, toujours plus précisément quelque part dans une académie, elle et lui s’entrechoquent. c’était par un beau jour de printemps ou peut-être d’automne, ou d’hiver, c’était par un beau jour certes. il faut dire qu’à cette époque – révolue – anaël ne se souciait guère des corps que pour la baston. mais le croisement brutal entre son corps à elle et son corps à lui est venu bouleverser sa jeunesse si bien entamée. notons, comme dans la majorité des cas, que c’était de la faute d’anaël.

sa réaction à elle, sa réaction à lui. félix dirait « FUEGO MEC, FUEGO », mais anaël après la douleur lui rappelant fortement son sexe, préfère – hier comme aujourd’hui – se dire

wtf, j’ai rien compris à ma vie.

…………
…

il faut récapituler.

anaël, paisible, aujourd’hui, qui dort profond parce qu’écouter orange mécanique à deux heures du matin n’est pas du tout sain. il a rêvé qu’il se faisait tabasser par les droogs. il aurait préféré être de leur côté. et puis, brusquement, les droogs sont partis et

anaël se fait tabasser les oreilles par ses cris. ou plutôt non, sa voix dans un mégaphone qui défonce le grenier. yeux qui s’ouvrent, corps électrifié, la couverture qui s’étale, tandis qu’il se redresse, pour

se recoucher séance tenante à « exécution pas de quartier » blablabla. nique tes morts laëstiel. mais non, c’est sa main qui va niquer sa porte si elle continue comme ça. alors anaël assume. soupir.

alright, alright, bitchzilla, ‘m movin.
il roule des yeux à la menace, oh, comme il est terrifié, tandis qu’il prend seulement la peine d’enfiler le premier pantalon à portée. jeans noir aux genoux percés. il a les cheveux en pagaille, ses converses dans une main endormie, se frotte la nuque puis

ouvre la porte. il appuie un bras contre le cadre, hoche la tête tandis qu’elle parle.
baille, laisse tomber ses chaussures. l’air contre son torse, on s’en fout, ça le rafraîchit tien.
et tandis qu’il se penche pour lacer les converses, anaël tranquille lui dit bonjour à sa manière

ouais, ouais, you got it, j’suis frustré, t’es so smart princesse. i’m so grateful you wanna help me pour séduire c’te vieille. t’es awesome laëstiel.

converses enfilées, il se redresse, la dévisage.
puis fronce les sourcils, on sent la réflexion.

first, (il montre trois doigts) only three ? smooth darlin' et second... on, u know, ça, (d'une main, balaie l'air entre eux) c'est le minimum entre nous ? right ?

parce que putain, j'te jure sis'
j'ai rien compris à ma vie.

yeah right, j’ai pas qu’ça à faire aussi darlin’
mais il est poli anaël, alors il se tait. ses yeux qui lorgnent un peu plus loin dans le couloir, quelques secondes. gauche. droite.
certain, on va lui en reparler ce soir, quand il rentrera au grenier. too bad. fuck you all, sulli, lieut’, asmo, fiston… good morning academia.

il reçoit la tape, l’épaule molle, la tête qui balance un peu. anaël hausse un sourcil. il pourrait continuer de résister, mais

à l’entendre,

anaël sourit en coin. vas-y, reste pokerface, qu’il pense. passe une main dans ses cheveux pour les peigner un peu. n’a que le temps de rentrer brièvement dans sa chambre, prendre au bout du lit un t-shirt – l’affiche en grand d’apocalypse now. il sent la poigne de laëstiel, voit les affiches au mur disparaître de sa vue, le couloir, les visages, il en reconnaît quelques-uns qu’il salue tranquille d’un geste bref de la main. allez vous recoucher les veinards. et tandis qu’elle parle davantage, anaël s’étire, fait craquer son cou puis enfile son chandail. les boucles qui retombent sur le visage. secoue la tête, nonchalant.

on est dans la merde ou on l’est pas. alors autant s’y amuser.
autant se dire que c’est cool, se lever à six heures du matin. c’est comme faire une nuit blanche pour se taper toutes les saisons de stranger things. c’est rien du tout, six heures du matin.

vraiment rien du tout.

anaël rit, ça s’annonce bien. leurs pas dans les couloirs. comme des précurseurs du jour. dans le silence des endormis, le bruit semble plus clair, plus pur.

magnolia, c'est une fleur cte truc ? n’ what’s that ? t’veux faire la grande héroïne ; j’me moque de ta tronche so i can’t reach les autres princesses ? such sacrifice, i’m amazed wonder woman.

le froid de novembre le fait taire. anaël plisse les yeux, lève la tête vers le ciel. la clarté qui le fait sourire. il ne souffre pas des baisses de température, qu’une fraîcheur, un renouveau, dans l’hiver blanc. anaël aime le gel, ça le réveille mieux qu’un cadran, ça le libère des rêves.

il fait quelques pas, roule des épaules, tête penchée. apprécie le matin parce que c’est franchement mieux que de se faire tabasser en sommeil par les droogs. il répond à laëstiel comme une évidence.

ou sauvé. maybe c’parce que j’ai enfin rencontré the redemption shit que j’crush hard sur la windsor.

anaël se retourne vers elle, son souffle dans le froid en buée. il rit franc. vraiment, il aime la morsure des vents.

nah, jokin’ princess. magnolia, (ton dramatique) oh sorry. you strike again, jui ravagé par les chickenfuckers qui savent pas apprécier un peu d’joie en classe. straight ass for straight boring mind.

son pied gratte un peu le début de neige, la terre qui gèle. les mains dans les poches.

so now, pour the revenge nous faut un peu d’thrills quand même. j’dis on starte la course avec single ladies de beyoncé.

il smirk.
les yeux tout d’un coup réveillés. les pétards allumés éclatant dans le matin.
anaël regarde laëstiel, en attente du défi. il a hâte.

c’est qu’il s’en passe des choses si tôt le matin. une montagne russe d’émotions. si anaël l’avait su avant, il se serait levé à cinq heures dès le collège. question d’exercer son cerveau aux relations sociales. main qui balaie l’air, roulement de yeux, un ouais, ouais genius brain c’pour le trashy void in my head. c’est tellement important pour ma vie savoir ce que c’est un magno-je-sais-pas-quoi, qu’il ajoute mentalement. anaël lui offre une face ridicule, regard qui louche, nez retroussé, langue tirée, quand elle tapote sur sa tempe.




il excusera le manque d’insultes par la fatigue. elle est chanceuse laëstiel, un peu épargnée. on y croit.

elle est chanceuse faut dire, anaël donne l’impression de l’écouter. ses bras croisés dans le froid de novembre, les yeux qui suivent ses paroles – parfois il hoche la tête – vraiment, il a l’air très concerné par ses révélations. il l’est peut-être un peu, aussi.

anaël ne sait pas pourquoi, mais le mot n o s t a l g i e
ça vient le chercher. plus encore que les discours de motivation académique, plus encore que les grands manifestes révolutionnaires, que le discours d’aragorn devant la porte du mordor.

ça semble tellement grand. nostalgie. alors quand elle ne parle plus, anaël lui répond

oof sis’ c’deep as fuck c’que tu m’shootes là. j’te f’rai un bouquet d’son jardin pour m’faire pardonner.

clin d’œil. avant de la suivre. toujours suivre laëstiel depuis qu’il est levé. il baille grand, zieute le paysage. ils marchent dans la track habituelle, il connaît le chemin après tout. le club, y’a que là qu’il est ponctuel. parce qu’il aime les trainings, plus enrichissant que le derrière assis pendant trois heures. deux heures ? anyway.

il fait une moue exagérée, lèvre inférieure ressortie à la façon des clowns, il a les épaules tellement haussées ; anaël en apprend une bonne. ah oui ? il parle pour les insultes ? c’est qu’il ne le savait pas. vraiment, il s’étonne.

et il est surpris de plus bel par le compliment. ses yeux ne quittent pas laëstiel qui le dépasse, le corps ne cherche pas à prendre sa cadence, anaël rit en arrière.

elle. qui le flatte. c’est qu’il s’en passe des choses si tôt le matin. right.

ah ouais, chicken butt, t’as dit ça quand ?

ton idiot, tandis que le terrain leur apparaît.

et elle ne semble pas davantage apprécier beyoncé. c’est triste. anaël aurait bien aimer chanter whoa, oh, oh, oh, oh-oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh pendant trois tours de piste. mais à l’entendre, ce sera du sérieux. alors anaël s’avance.

aussi près qu’à la porte de sa chambre. éviter tout contact, mais envahir l’espace. parce qu’elle est en train de le mettre au défi. (faut avouer cependant qu'elle a de beaux tibias, parfaits pour la fierté du club, pas de honte) anaël affiche un grand sourire, ses dents blanches dans le froid.

ouhouh. je. suis. terriblement. effrayé.

il reste tout près d’elle quelques secondes encore,
se mord la lèvre inférieure, moqueur
puis se recule pour s’échauffer. un peu d’exercice, le temps de réveiller les muscles.

alright, miss. j’en fais d’puis mes douze ans, ohlala, mais j’vais m’prendre une cuite. craphole. ce s’rait trop facile pour toi trois tours non ? pourquoi pas cinq ? (prend une voix façon magical girl) gonna try my best!

il ne les montre pas, mais lui aussi a de bons tibias. il faut garder la surprise.
à son avantage ou à son désavantage.
ils sont dans le même club, et c'est la première fois qu'ils vont courir ensemble (ou l'un contre l'autre, dépend du point de vue). vraiment, entre eux, tout commence dans l'intensité.