La journée était délicieuse. Assise sur un banc, dans cette forêt bleue mélancolique. Ses longs cheveux se faisaient courtisés par le vent joueur et elle était plongée dans un énième livre. La paix était chose délicate et précieuse, et elle se sentait en paix. Elle voulait juste avoir une respiration loin de ses responsabilité et des pressions qui étaient les siennes. Non pas qu’elle ne les aimait pas. Elle désirait juste du temps pour elle. Elle lisait un vieux livre, qui datait d’une époque si lointaine, qu’elle ne se rappelait même la première lecture.

C’était un vieux chef d’oeuvre de la littérature anglaise. Orgueil et Préjugés. C’était un plaisir sans cesse renouvelé de parcourir les pages frémissantes de ce livre attendrie par les usages, les plis, replis fait par la main enfantine, adolescentes, et bientôt maintenant, adultes. Dieu, comme elle aimait cette sensation. Jane Austen est vraiment une auteur qui peine à trouver une succession au niveau du style et de la construction des phrases. Son coeur s’emballait doucement, frémissant d’appréhension à chaque phrase que son esprit répétait sans cesse. Mr Darcy était familier, comme l’ombre d’un ami qu’on goûtait avec envie. Elizabeth Bennet était riante, comme une mère qu’on a toujours connu.

Eriu ne s’était jamais posée la question de “à qui, elle ressemblait le plus ?”. C’était d’une certaine prétention vaniteuse de se questionner là dessus. Car la réponse parviendra toujours flouer dans l’esprit humain. Nous avons le dons de tordre, contorsionner notre propre monde et la perception de celui-çi pour coller à des idées préconçus et bienheureuses de notre existence. Si elle devait laisser son coeur décidé, eh bien, il resterait muet. Car, elle aime tout le monde.

Cette pensée fut accompagnée par une certaine joie, tandis qu’elle lisait le début de la réplique de Mr Darcy pour demander à Elizabeth sa main, pour la première fois. Le mépris froid et aimant de Darcy lui faisait tirer un léger sourire. Sa main se tendit vers l’endroit où elle avait posée les miettes du brownie acheté en ville, il y a presque une heure. Sa main heurta quelque chose qui n’avait pas la consistance de son brownie attendue. Curieuse, elle leva les yeux vers cette texture surprise. Et c’était un homme. Leurs regards se croisèrent, perdus. Comme deux biches qui venaient de se rendre compte de la présence de l’autre. Il avait légèrement un âge supérieur au sien, les yeux étaient magnétiques et le soleil semblait apprécier jouer étrangement dans ses cheveux blondis par l’existence. Elle eut un faible

“Désolée”

Tandis que sa main s’emparait du brownie tant désiré. Elle se mit à soupirer un peu, elle n’était pas seule. Mais ce n’était pas très grave. Elle se mit à mordre dans le brownie, une onde de bonheur pure traversa son petit corps. Il n’y avait pas de plus simple et saine émotion que celui de manger quelque chose qu’on aime. Et, ce fut encore une fois, l’exemple d’une journée idyllique. Elle poursuivit sa lecture, avala bouchées par bouchées sa pâtisserie, tout en avançant lentement dans sa lecture. Son sac, ennuyé par ce manque d'intérêt flagrant, se mit à tomber sur le côté dans un doux fracas. Horreur, elle se pencha pour le remettre en état, jeta un nouveau coup d’oeil à cet inconnu. Il semblait lire lui aussi. Un sourire désolé se fraya jusqu’à ses lèvres. Elle s’en voulait de déranger ainsi cet inconnu.

Puis, enfin, elle arriva à la partie qui faisait tant battre son âme de romantique peu assumée. La visite de Pemberley, là où Darcy revoyait Elizabeth après la déception cinglante qu’elle lui avait infligée. Ce bonheur si proche, déçu par cette cruche de Lydia. Même si elle ne ressentait pas de déplaisir, elle ne pouvait s’empêcher d’être transporté. Au delà, de l’aspect délicatement romantique, la symbolique fascinait tout particulièrement Eriu. La découverte. Elizabeth découvrait Darcy intimement, dans sa propre maison, dans son propre sein familial. C’était l’ultime étape pour lui, l’éternel étranger.

Comme, elle aimerait que cette après-midi dure l’éternité.
Comme le temps lui semblait pesant et aimant
C’était comme une caresse pour son âme somptueusement endolorie.

La joie avait le goût de paix. La paix avait un goût acidulé et frais.
Vraiment une journée parfaite.

Cependant, si elle pouvait voir son alice, il aurait l’air d’une pieuvre. Enroulant cet homme, qui ne demandait rien, assis à ses côtés.