((cause after all these years))

l'ondulation de ses cheveux blonds accordés à la sensualité de ses pas seul le bruit de ses talons sur le sanctuaire de leur rêve semblait faire tâche.
agnès errait sans destination précise jusqu'à ce que la vibration de son téléphone (un message d'un vieil ami) dans sa poche lui indiqua un lieu précis : les vestiges d'un monde onirique vieux si vieux qu'il fallut un temps à agnès pour qu'elle déchiffre le message.

son palpitant s'agitant pourtant sans aucune raison sohan avait toujours eu cette aura si singulière, grain d'orient implanté dans son décor autrefois forcé, agnès et sohan sohan et agnès dans leur cage qu'elle avait su ensorcelé.
aujourd'hui c'était bizarre comme si rien n'avait été touché et pourtant l'endroit avait pris un coup de vieux;

ou alors c'était eux qui étaient vieux maintenant.

et puis elle posa ses yeux bleus mauves sur sa silhouette svelte, des deux c'était elle la plus changée c'était une évidence et ça l'avait mise un peu mal à l'aise. peut-être serait-il déçu du changement ? c'est vrai agnès n'était plus tout à fait comme avant mais pas tout à fait complètement métamorphosée et elle ne sait plus trop sur quel pied danser.

intimidée elle se contente de son sourire bien à elle, si particulier et rejette ses cheveux pêches derrière elle (sa signature)
un frisson durement refoulé au toucher de sa main un moment d'écoute à la tonalité de sa voix.
sohan aussi avait grandi et elle devait admettre que le changement lui était bénéfique
peut-être que ses yeux d'enfant ne voyait pas l'homme qu'il allait devenir et que ses yeux de femme demandait à en voir un peu trop mais
agnès finit par lui répondre

« ne t'en fais pas, ça me fait vraiment plaisir que tu aies pensé à moi.
elle n'avait rien de prévu, de toute façon
je n'ai jamais vraiment osé t'appeler, tu sais ? je me disais que tu étais trop occupé pour renouer ou je ne sais pas ... »
trop occupé pour elle et ses légèretés sans doute superficielles. et puis agnès avait peur d'avoir l'air frivole et de ruiner ces années d'amitié alors elle avait fini par effacer le sms et à le reporter à demain, puis à demain ...

dans un élan de nostalgie elle enchaîna
« c'est ici que tu as laissé ton vaisseau spatial ? »
serrant un peu plus fort sa main, toujours glissé dans celle de son ami

((cause after all these years))

si près des rires angéliques des fins de journées passées à courir après les papillons regarder les insectes voler les plantes pousser le temps passer.
oh et agnès se demande pourquoi ils l'ont laissé filer, le temps
et pourquoi ils ont grandi si loin l'un de l'autre et pourquoi elle serait toute timide de lui serrer la main alors qu'elle faisait ça si naturellement fut un temps

et pourquoi agnès n'est plus l'ange qu'elle était et pourquoi elle était si sûre d'avoir perdu son auréole ?

son ton moqueur son rire indique autre chose
« comment oublier ta super soucoupe après tout ? »
et sohan, son rire percute le coeur d'agnès comme un vent de chaleur en pleine canicule;
et pourquoi son rire lui faisait comme une sensation bizarre au niveau de sa poitrine ?
ça c'était nouveau

et alors que lacroix reprend contenance elle jette un regard nerveux vers ses talons et faiblement elle murmure « oui j'y penserai.. »
et puis ça la fait sourire de savoir qu'elle aussi elle l'intimide un peu à sohan
ça lui ranime sa fierté de savoir qu'elle aussi brille à sa façon et qu'elle a gardé de sa superbe d'enfance

« on fait un deal : je t'appelle plus souvent et tu m'interpelles quand tu me voies dans les couloirs, ça marche ? »
et agnès tend son petit doigt d'un geste enfantin
elle sourit satisfaite de s'octroyer, juste pour un moment, un retour en enfance
et, juste pour un moment, elle sent son auréole revenir ses yeux briller

mais ils n'étaient plus des gamins

« tu crois qu'un jour on se révoltera et qu'on sortira de là ? »
et puis agnès avait tout flingué comme d'habitude
innocemment avec ses questions maladroites,mais elle avait crevé égorgé et enterré leur enfance et leur candeur

le pire : elle en était elle-même la plus désolée

((cause after all these years))

attentive et songeuse agnès savait bien que la pertinence de sa question, l'étincelle de sa révolte, aussi fugace qu'intense, ne recevrait pas de réponse positive.
elle-même pourtant bien ancrée dans la réalité, elle se laissait croire, quand le ciel virait au noir que la nuit était sans lune, qu'un jour les rebelles se lèveraient contre ce qu'ils appellent l'oppression. et agnès ne savait pas, si ce soir venait à apparaître, quel camp elle soutiendrait mais elle avait bien compris que ça serait bien la nuit précédent une aube nouvelle

et tristement elle renonça à ses rêves de liberté et encore une fois elle se contenta de la liberté qu'on lui offrait, du haut de ses deux étoiles, dans l'enceinte de sa prison contemporaine

elle dégagea son petit doigt quand sohan rapatria sa main près de lui. et d'un sourire mélancolique lointain, forcé par l'habitude, elle baissa le regard tout en considérant les mots du jeune homme. en surface elle ne pouvait qu’acquiescer mais au fond d'elle-même agnès sentait la rage dans ses veines et au fond d'elle même (portant toujours le masque du calme olympien à merveille)

elle savait que sohan aussi.

« oui, tu as raison. c'était déplacé de ma part d'amener le sujet comme ça. surtout avec ta position actuelle, excuse-moi. »

et agnès ne put s'empêcher de s'enfoncer encore, presque hypocrite ; elle qui ne cessait de supplier les trublions d'abandonner le combat se retrouvait presque aujourd'hui à prendre part à leur révolte.
pourtant agnès n'avait rien d'une révolutionnaire et ne souhaitait - aujourd'hui du moins - ne pas en être une
elle attendit quelques secondes et puis légère tout en évitant de croiser le regard de son plus vieil ami agnès reprit

« tu aimerais faire quoi plus tard sohan ? »

((cause after all these years))

mais pourquoi quoi ? pourquoi ici pourquoi maintenant pourquoi aujourd'hui et pourquoi pas avant ? agnès ne possédait aucune réponse à aucune de ces questions. après tout c'était bien sohan qui avait fait le premier pas. après tant de temps à attendre et se raviser, tant de temps à se torturer l'esprit à savoir s'il est passé à autre chose, à savoir si maintenant il en aimait une autre.
une deux, trois, cent fois agnès s'était demandé ce qu'elle serait, ce qu'elle serait si elle avait eu le cœur et le courage de lui dire qu'ils étaient peut-être (surement) plus qu'amis (amants)

et alors agnès le regarde se baisser pendant qu'elle assimile les paroles du garçon. et alors qu'elle cherche quoi répondre il coupe ses pensées en glissant encore une fois ses doigts dans ceux de la jeune fille. agnès hésite et son cœur s'emballe alors qu'il rate déjà quelques battements depuis un moment

prononcé en français comme pour éviter qu'il comprenne alors que c'était à sohan qu'agnès s'adressait elle lui glisse « et peut-être que je veux pas faire comme avant »

elle reprend, dans leur langue cette fois-ci et les lèvres d'agnès ont cessé de trembler et elle n'a même plus la foi d'avoir peur ou de continuer à mentir
ni à sohan ni à elle-même ; non agnès n'était pas passé à autre chose.

« et je te cacherai quoi, dis moi ? parce que vraiment moi je ne sais pas de quoi tu parles, sohan

et puis peut-être que moi je voudrais que tu viennes me sauver »

cette fois-ci agnès elle plonge son regard dans celui de son ami
« tu viendrais au bal avec moi ? »

((cause after all these years))

agnès détestait la manière dont sohan arrivait à l'atteindre si profondément. elle se sentait vulnérable comme à découvert. mais comme l'autre côté d'une pièce elle se sentait comme aimantée. sohan était magnétique et son champ de gravitation semblait l'attirer inexorablement.
il lui était fatal et la faisait subsister

et agnès qui se voulait létale ne trouvait plus aucun moyen de se sauver. alors elle se sentirait suffoquer dans le poison du garçon, lui laissant ce qu'il resterait d'elle

« c'est compliqué de retrouver la complicité qu'on avait. mais moi j'y crois si tu y crois »

silence radio quand son corps vient emprisonner celui d'agnès son front contre celui de la jeune fille elle peut sentir son souffle sur son visage et
ses doigts sur le visage d'agnès il replace la mèche rebelle et avec elle disparaît toute angoisse

« j'aurais pu.. mais c'est avec toi que je voulais y aller. c'est toi que je voulais et aujourd'hui c'est encore toi que je veux.

et c'est toi que je voudrais demain et encore après. »

elle vient glisser sa main dans la sienne sentir sa chaleur et elle espère secrètement que ses mots ont accéléré son pouls parce que celui d'agnès n'a jamais battu aussi fort.