Eulalie est née dans une famille croyante au milieu des moutons et de la verdure chatoyante. Son village natale était réputé dans la région pour son commerce de laine. Les habitants vivaient en grande majorité dans des anciennes fermes retapées. Pour les amoureux des travaux, cet endroit était un paradis.

Elle a vécu une enfance des plus normales (du moins pour une fille du village). L'école le matin, les jeux avec les copains l'après-midi dans les clairières et les collines, et l'église le dimanche. Une enfant parfaite sans défauts que ses parents répétaient au voisinage, eux même témoins de la bonne volonté d'Eulalie.

Mais derrière son visage d'ange, elle était cette fille un peu perdue entre les apparences qu'elle devait arborer pour se faire apprécier et la véritable Foi qu'on lui enseignait. Mentir, c'est mal. Pourtant Eulalie se rendait compte que mentir était parfois nécessaire pour ne pas blesser ceux qu'elle aimait.


Et un matin, une nouvelle famille s'était installée dans le village. Tout le monde se connaissait dans les environs et les nouvelles têtes étaient rares ces dernières années. Au premier regard, elle sut qu'elle voudrait être son amie.
Elyas était souriant et enclin à se faire des copains dans le village.
En classe elle s'était assise à côté de lui et lui souffla alors qu'elle mâchait un chewing-gum à la fraise, lui tendant le paquet. T'en veux un ?

C'est ainsi que tout commença. Un bonheur dans ce groupe d'amis soudés. A mesure que les mois passaient, son petit coeur battait de plus en plus vite alors qu'elle se trouvait à ses côtés. Elle n'avait que dix ans à peine mais elle savait qu'elle aimait être à ses côtés. Elle remerciait Dieu chaque jour de l'avoir mis sur son chemin, elle dansait autour de ses chats en crabe en priant pour qu'il ne déménage jamais et qu'il lui déclare sa... flamme.


▬ Quelque chose d'impressionnant ? Je te crois pas, c'est Matthias le plus fort en sport.

Tant pis pour Matthias, elle l'avait suivi avec la curiosité brûlante d'une enfant. Il lui avait fait promettre de ne rien dire. Eulalie n'aimait pas mentir mais elle avait juré sur sa tête.
Alors qu'il l'avait fait monter à l'étage à l'abris des parents, il l'avait regardé dans les yeux et le feu s'était mis à crépiter dans le creux de sa main. La fillette s'était demandé s'il lui faisait un tour de magie. Les pupilles de ses prunelles s'étaient dilatées, comme hypnotisées par la danse enflammée de ces braises endiablées. Ce n'était pas normal. Dieu ne pouvait pas avoir créé un être aussi exceptionnel. Alors Eulalie dans sa tête s'était mise à douter.

Et le doute la rongeant, la flamme avait grandie. Incontrôlable et destructrice, elle s'était répandue sur les vieilles charpentes retapées et Eulalie avait crié. L'alerte lancée, elle ne se souvenait pas de grand chose, excepté ses petits bras attrapant Elyas pour le protéger, pour le faire arrêter. Mais ça n'avait fait qu'empirer les choses. Moins de cinq minutes plus tard, elle regardait effondrée la maison brûler et s'effondrer par le feu enragé.

▬ Ce n'est pas sa faute. Murmura t-elle sans savoir si elle mentait encore.
La sentence tomba alors qu'elle l'avait déjà deviné. Son ami qu'elle aimait tant devait partir. Le père d'Elyas la raccompagna alors, la rassurant sur le fait qu'elle n'y était pour rien et qu'elle ne devait raconter ce qui s'était passé à personne. Eulalie n'aimait pas mentir mais elle avait encore juré sur sa tête.


Ils étaient parti dans la nuit et Eulalie était inconsolable. Son gros chat noir dans les bras sous la couette, elle jouait avec le portable de sa mère à des jeux idiots pour se changer les idées.
Quand on frappa à la porte, son coeur se souleva. Et si c'était Elyas et ses parents qui avaient changé d'avis, et qui revenaient au village ?

Elle se précipita alors dans les escaliers pour être témoin de leur retour lorsqu'elle croisa le regard ténébreux de cet homme en costume, accompagné d'une femme au sourire presque rassurant, trop charmant pour l'être vraiment.

▬ Mme et Monsieur Murphy ? Nous aimerions voir votre petite fille. Nous sommes de l'académie Alice et l'on nous a rapporté un incident hier provoqué par un enfant exceptionnel.

Elle ne se souvient pas de grand chose Eulalie. Juste que son papa a pleuré et que sa maman a prié pour que tout aille bien. Elle avait demandé Eulalie, si elle pouvait prendre Moustache avec elle mais les animaux étaient interdits.
Elle irait dans cette école pour délinquants si c'est pour qu'Elyas n'y aille pas.
Dans la voiture on lui expliquait qu'elle était une Alice, une enfant doté d'un don exceptionnel. On lui demandait si elle avait des nouvelles de la famille Crawley, mais Eulalie avait promis, elle ne dirait rien. Alors silencieuse, ils lui expliquèrent que si la maison avait brûlée, c'était de sa faute. Qu'elle était un danger pour les autres Eulalie, et qu'heureusement il n'y avait pas eu de blessés.

Alors que le portail s'est fermé devant elle, comme une prison ou elle purgerait sa peine, elle s'était juré qu'au moment ou elle sortirait, elle leur demanderait à tous pardon.