La pluie tombe et toi, tu grouilles sur ta chaise d'école. Ton impatience te joue des tours aujourd'hui. Tu n’as jamais bien pigé pourquoi on se résignait à rester assis sur une chaise toute la journée. Et surtout, comment tous les autres y parvenaient. Existe-t-il des cachets pour rester immobile ? Ça se vend où ? Le jour de ton inscription, on t’a sûrement refilé la mauvaise adresse ou des cacheton périmés. Car toi, tu ne tiens pas en place. Tu écrases des fourmis invisibles sous tes pieds, tu exploses tes coudes à trop appuyer ta tête dessus. Tu souffles, te places et replaces. Ta concentration se limite à tenir ton crayon, sans pourtant réussir à écrire quoique ce soit. Tu bulles dans ton coin, insensible aux sons, au cours, au monde. Tu as l’esprit ailleurs. Cette nuit, tu as visité deux rêves, trois cauchemars et une frayeur nocturne. Tu les as subis, l’un après l’autre, sans réussir à t’en sortir. Cet après-midi, ils sont toujours là. Leurs images secouent ta tête et brouillent tes idées. Tu es vanné par tous ces sentiments qui ne sont pas les tiens. Alors tu regardes la pluie et tentes de les chasser un à un. Tant bien que mal, tu essaies de ne pas t’endormir sur ta table, de peur de te faire catapulter dans d’autres chimères.  

Et la cloche sonne. Il reste encore deux heures de cours, mais y aller serait vain. Ta tête est trop loin. Tu demandes à un camarade de prendre des notes et tu t’enfuis comme un voleur, loin des couloirs. Une fois n’est pas coutume, tu revêts ton costume de mauvais élève. Tu joues au rebelle, car c’est sûrement le rôle que tu tiens le mieux. Tu enfiles tes chaussures de gamin et sautes à l’extérieur. Tu ne te fais pas d’illusion. Tu auras beau faire ton intéressant et jouer les insoumis, au bout du compte, tu sais que personne ne sera là pour te coller les baffes que tu mériterais. T’es un adulte et les adultes, ça se casse la gueule seuls.  

Alors tu sors et tu marches. Dehors, il n’y a rien d’autre que la pluie. Tout est affreusement calme et cela te convient. Tu as bien assez de bruits de ta tête. Tu passes ta capuche de sweat sur ta tête, même si elle ne te protègera de rien. Tu finiras trempé, les godasses souillées, la gueule défaite, le sourire satisfait. Tu traverses le campus et laisses tes pieds prendre la relève. Tu profites de la pluie pour faire ruisseler tes pensées sur ta carasse déjà trop fatiguée pour son âge.

Le jardin botanique est à portée de pieds et pourtant, tu t’arrêtes. Au milieu d’une allée, tu reconnais une silhouette. Elle flotte dans les airs. Tu détournes tes pas et t’approches d’elle doucement. Tu reconnais Finn et, sans trop savoir pourquoi, tu lèves le nez vers le ciel, comme il le fait. Tu te dis que s’il dirige son attention par-là, c’est qu’il doit bien avoir quelque chose à observer. Tu veux être naïf, aujourd’hui. Alors, tu regardes. Des gouttes te tombent dans les yeux et tu grognes un peu. Tu te frottes les yeux plusieurs fois, mais tu ne décèles rien. Un peu déçu, tu laisses tomber. Tu jettes de nouveau un regard vers Finn, toujours absorbé par ce spectacle que tu ne vois pas. Tu soupires Finn.ement (lol) et te mords la lèvre. Si tu ne peux pas voir, tu te dis qu’on peut au moins te raconter. Alors, tu vas attendre. Tu t’assieds à côté de lui et attends bien sagement. En tailleur, on voit le monde un peu différemment. Ça mouille les fesses, ça imbibe les chaussettes de boue, mais ça change ta perspective du monde.

Tu attends, des minutes, peut-être même des heures. Tes pensées se ralentissent et peu à peu, tu retrouves la terre ferme. La pluie se calme et tu finis par briser le silence : « Que vois-tu Finn ? ». Tu désignes le ciel du regard et une goutte t’aveugle momentanément. Tu te dis que c’est certainement le prix à payer pour connaître tous les secrets qui se cachent derrière ces nuages.