La lassitude avait même gagné le palais restauré d'Agatha. Les couleurs paraissaient moins pétillantes, le goût du thé amer et même les pétales de fleurs disposées sur le tatami tiraient la gueule. Même les blagues douteuses de Juno n'arrivaient qu'à te faire partiellement sourire. Depuis le début de l'après-midi, tu fixais les yeux dans le vide ton téléphone portable en attente de la réponse d'Anaël. Cet idiot incapable de répondre après un classique "On doit parler." qui te tordait les entrailles.

Et pourtant, tu le savais.
Que ça allait encore partir dans des débats interminables. Minables, surtout.
C'est tout ce que tu retiendrais, de cette relation qui se fanait. Quand tu te comparais aux pétales arrachées au sol, d'un coup elles avaient meilleure allure.

Le corps se leva après avoir jeté le téléphone sur le coussin, ordonnant d'un regard impérieux à ta meilleure amie de ne pas y toucher. Tu allais aux toilettes, tu reviendrais. En espérant qu'à ton retour succinct, l'étiquette "nouveau message" soit affichée.

Tu te trainais dans les couloirs silencieux, les parois isolantes interdisant tout rire de l'en-dehors, tout en te demandant comment Miss Windsor avait bien pu faire reconstruire son temple aussi vite et dans un identique aussi parfait.
Tous les détails que tu connaissais depuis des années étaient bien là, comme si rien n'avait brûlé. Les soupires s'évaporaient tristement à chaque pas hâtif, jusqu'à sentir un contact si surprenant qu'il t'arracha un hoquet.

— « Hein ? Juno ? »

Mais ce n'était pas sa silhouette rousse qui se plantait derrière toi, l'air satisfait. C'était un garçon et nul autre que Azrael Tremblay.

— « Az... Mais... Comment... » Tellement choquée par son impertinence qu'il t'en avait arraché les mots. Jusqu'à ce que les syllabes coincées dans la gorge ressortent comment des vocalises. « Mais...? »

C'est qu'après quelques secondes que tu réalisas seulement ce qu'il avait dit.
Pas accompagnée, voulait-il te parler seule à seule ? En temps normal, tu avais bloqué son numéro et Juno faisait barrage. Là, il n'y avait rien qui pouvait le séparer d'une possible explication au silence que tu lui avais imposé. Un comble, pour le roi.
Le roi du silence.

— « MAIS QU'EST CE QUE TU FAIS ICI C'EST INTERDIT AUX GARÇONS AAAAH »

Il y avait quelque chose en lui de démoniaque tant son sourire semblait angélique. Il avait l'air trop gentil pour que ça ne soit réellement drôle. Son innocence s'était égaré sur le chemin pour venir ici, et il ne te duperait pas facilement avec sa jolie bouille. Quoique.

Les cris devinrent muets à la seconde ou ton cri s'éteignit. Sans réellement le vouloir, tu avais alerté quelqu'un (tu espérais juste une princesse fleur et pas la directrice) et cela avait ouvert une porte. Azrael s'était empressé de s'enfuir, t'emportant au passage comme une tornade, bloquant toujours tout son pouvant provenir des entrailles.

Si tu n'étais pas spécialement heureuse d'être coincée là avec lui, tu avais concédé à baisser d'un ton juste pour pouvoir à nouveau élever la voix.

— « Aaaah. Cet alice est beaucoup trop désagréable. J'ai besoin de crier au moins cinq fois par jour pour que ça aille mieux. »

Tu le toisas avec un mépris inquisiteur, appuyant bien d'un haussement de sourcils pour lui faire comprendre que tu désapprouvais tout ce qu'il s'était passé, ce qu'il se passait et tout ce qui allait venir ensuite.
Tu n'étais pas spécialement heureuse de le voir, peut-être rassurée sur des intentions qui ne semblaient pas insidieuses à ton égard.
Mais c'était tout.

— « Qu'est-ce que tu veux ? Pourquoi prendre autant de risque juste pour me voir ? Surtout après que je t'ai bloqué de partout. T'es bizarre Azrael Tremblay. »

Pourquoi, oui pourquoi ?
Tu ne t'attendais à aucune réponse réellement satisfaisante, même si tu espérais secrètement être surprise. Azrael avait-il changé, l'avais-tu diabolisé pour taire des insécurités qui ne te concernaient uniquement ? Toi et ton maudit alice, pas lui et son baiser sincère, arraché pourtant de force par un pouvoir qui venait tout droit des entrailles.

L'air porté sur la reflexion, il semblait hésiter sur ce qu'il allait rétorquer. Tu l'avais jaugé en silence (comme promis), les bras croisés sur la poitrine malgré l'inconfort du kimono. Tu préférais te positionner comme celle qui maitrisait la situation que comme celle qui la subissait. Sans honte et remords, tu subsistais.

— « Inquiet ? Vraiment ..? »

Cela t'étonnait, qu'un garçon comme Azrael puisse lire en toi les tracas que tu pensais pourtant dissimuler à la perfection. Vous n'étiez plus en contact depuis des années, maintenant. L'attention portée à ton égard te toucha, indiscutablement.

— « Et bien.. » Tellement qu'elle t'en coupa le souffle. « Je ne sais pas qui t'a dit ça mais je vais très bien. Arrête de te faire des films et d'imaginer des trucs qui t'arrangent. »

Tu avais quand même envie qu'on te porte de l'attention au final. Même si c'était Azrael Tremblay et que ça en était horriblement gênant. La vérité, c'était que tu avais peur au fond de retourner dans la salle avec les autres, de retrouver ton téléphone et d'en fixer l'écran. Tu ne savais pas ce qui t'agacerait le plus : qu'Anaël te réponde, ou au contraire qu'il continue de t'ignorer.

— « Bon. D'accord. MER-CI d'avoir remarqué que c'était pas la top de la forme. Merci d'être moins nul que moi. Et désolée de t'avoir ghost pendant trois ans. Je me sens à chier d'un coup. »

Il avait brisé trop facilement tes barrières.

Etait-il devenu le roi de l'introspection pendant ce laps de temps de silence mutuel ? Il n'avait plus grand chose à avoir avec le garçon un peu insistant que Juno prenait plaisir dans la rage à faire fuir de ton univers. Il était le seul avec Anaël qui avait gouté à tes lèvres, les ayant scellées pendant des années malgré lui. Il avait été l'instrument qui t'avait condamné à la chasteté. Et désormais dans ses yeux se reflétaient ta curiosité malsaine, celle de vouloir recommencer.
Juste pour voir.
Pour être sûre.

Non Laë, tu délirais. Il n'y avait rien dans cet alice de bon, il n'y avait que vile tentation qui transformait le désir en dégoût, ta propre estime en honte.
Tu oscillas la tête pour le contredire, presque le rassurer.

— « Mais non mais non, t'inquiète pas. Je te prête aucune intention. Je comprends vraiment pas au fond ce que t'es venu chercher. »

Il se fait séducteur et tes épaules se relâchent. C'était vrai qu'avec lui tout était plus simple à l'époque. Il était sérieux, de ton âge, et lui au moins il en avait quelque chose à faire. C'était tout ce dont tu avais besoin sur le moment pour marcher dans ses pas sans réellement le repousser. Un jeu dangereux dont tu te savais l'équilibriste. Un faux mouvement et tout s'écroulerait.

— « Rien. C'est juste le festival sportif qui m'a crevé. Je me suis tapé la honte alors que je m'étais entrainée pendant des semaines. En fait je m'entraine tous les jours depuis neuf ans pour finir Laesticot. Su-per. »

C'était une excuse. En réalité, tu avais bien rigolé après coup, surtout avec tes amis. Ce qui te tracassait, c'était plutôt la situation des parents de Jason. Anaël ne le comprenait pas, obsédé par ses idées et celles de ses amis du grenier. Ta révolution, tu en étais bien loin.
Et la leur était perdue d'avance.

— « Et mon copain me répond plus. Je pense qu'il veut casser avec moi. »

Tu n'as pas pu t'empêcher de rire lorsqu'il estima que ça n'aurait pas été loyal de te laisser courir dans un autre costume. Tu ne te souvenais pas qu'il eut été aussi drôle mais tu devais te rendre à l'évidence, qu'il l'était bel et bien. Il arrivait à faire sécher les larmes de doute au coin des yeux juste avec une ironie bien dosée. Lui, il te valorisait, et ça soignait le peu d'amour propre qui subsistait encore dans les cendres d'un amour délaissé.
L'image de l'asticot encore bien imprimée dans le crâne, tu ne pu t'empêcher de glousser à nouveau.

— « Tu crois que du coup, c'était fait exprès ? Il y a eu une volonté de m'humilier. »

Tu avais énoncé ton affirmation avec un sérieux très solennel, caricatural, avant de te remettre à rire. C'était un peu la pommade avant de repenser avec détresse à cette situation désastreuse avec Anaël. Tu voulais encore y croire, et c'était ce qui était le plus douloureux.
D'être la seule à s'accrocher à une chimère, destinée à retourner loger en Enfer.

— « T'excuse-pas. »

Tu l'avais coupé à la seconde ou il avait dit désolé.
Tu voulais pas qu'il le soit, car malgré tout ce que tu pouvais lui reprocher - ça, il y était pour rien. Au contraire, il demeurait le premier à qui tu l'avais annoncé à voix haute. Ton instinct endommagé, tu n'avais pas évalué le danger potentiel que cela pouvait t'attirer de lui dévoiler tout ça.

— « Il répond presque plus à mes messages, il est distant. Il est toujours occupé quand on doit se voir, je crois qu'il se cherche des excuses parce que ça l'ennuie de devoir s'expliquer. »

Être le copain de Laëstiel O'Cesair devenait une corvée.

— « On est trop différents. » Tu étais en colère, soudainement. C'était lui qui le répétait sans cesse, qui mettait en lumières vos oppositions, refusant de voir que c'était celles-ci qui vous avaient justement rapproché. « Il s'enferme dans son rôle de roturier alors qu'il ne peut pas me voir autrement que comme une princesse. Mes privilèges souillent sa dignité. »

Tu haussas les épaules.

— « Quelque chose comme ça. De toute manière, il ne parle pas. »

Tu soupiras, trop lasse pour continuer de débattre. Tes yeux vinrent chercher les siens, sur la réserve. Tu ne souriais pas, mais tu n'arrivais pas à détourner le regard, l'expression figée sur les détails de son visage. Malgré les sentiments encore subsistants, tu ressentais l'envie soudaine d'être désirée pour quelque chose d'autre qu'un contact.

Azrael ça ressemblait beaucoup à Anael. Un détail que tu remarquas après coup et qui te fit grimacer. Tu t'en voulais de penser à quel point il était gentil plutôt que de te rappeler à quel point ton amoureux l'avait été. Par le passé.

— « De ta faute ? Ne dis pas n'importe quoi. »

Tu l'avais toisé d'en bas (il était plus grand que toi) pour lui signifier qu'il s'accordait d'un coup trop d'importance dans ta vie. Tu avais été traumatisée par votre aventure fugace, qui avait terminé en croisade funèbre, mais le temps avait coulé sous les ponts désormais. Grâce à Anaël, tu arborais l'image de ton alice avec d'avantage de sérénité.

— « Pas mal la comparaison. Si tu nous compares à des chiens par contre.. »

Tu tiras la langue, tentant de reprendre la face. Les pas dans le couloir se rapprochant, vous vous étiez éloigné dans un autre couloir. A force de vous balader, Agatha Windsor allait finir par vous tomber dessus. Tu n'avais pas spécialement envie de perdre ta place de princesse fleur en plus du reste.

— « Je me sens pas coupable je... écoute. Je sais que c'est juste comme ça. Ça me fait juste mal car j'avais enfin trouvé quelqu'un que je pensais fait pour moi. Et au final, même lui me tourne le dos. »

Tu fronças les sourcils, rebooté par l'échange. Tu préférais être énervée que victimisée dans cette histoire.

— « Non seulement ça te regarde pas mais en plus de ça... je ne veux plus en parler. Je suis en colère d'un coup et je pourrais dire ou faire quelque chose je regretterai. Tu n'as rien fait, et pour une fois je n'ai absolument rien à te reprocher. »

Tu oscillas la tête de droite à gauche, pour vérifier que vous étiez bien seuls et qu'il ne risquait rien.

— « Tu vas te faire choper et punir. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? »

Les pas se rapprochèrent, tu décidas d'ouvrir une porte au hasard pour l'y pousser. Tu le suivis pour fermer derrière vous, observant à travers la fente.

Le "pour une fois" t'avait échappé. Azrael avait été pendant longtemps une source de problèmes, surtout dans la bouche de ton amie Juno. Tu l'avais diabolisé pour te cacher de tes propres peurs et insécurités, tu l'avais érigé à ton insu (et à la sienne) comme le protagoniste principal de ton adolescence puis tu l'avais condamné à un silence éternel.

Il avait soulevé un point intéressant, mais qui eut l'effet de te déstabiliser automatiquement. S'il se faisait surprendre, non seulement tu serais dans le pétrin pour ne pas l'avoir dénoncé mais enfin et surtout vous ne pourriez plus continuer votre discussion.
D'une lucidité cruelle, tu te rendis compte que ça t'importait en fait.

— « T'as pas à être le receptacle de ma colère Az. T'as rien fait et c'est pas toi le problème ici. »

Le problème c'était toi.
Ta relation. Ta remise en question.
La solitude et la frustration qui animaient chaque rancoeur, dissimulée à ses lèvres et interdite à ses yeux. Azrael se révélait être le chevalier sur son cheval blanc, celui que tu n'attendais plus car tu avais arrêté de contempler l'horizon.
Cette proximité soulevait des tensions séduisantes que tu n'avais plus eu envie de ressentir depuis longtemps. Ça te stimulait.

— « La solution ce serait surtout d'affronter ma peur et de regarder la vérité en face. »

Tu soupiras, retenant ton souffle en te rendant compte qu'il était aussi proche. L'haleine n'avait pas à être partagée.

— « Euh Azrael... Je sais qu'on doit être discret mais... Garde tes distances. Je dois te rappeler mon alice ou pas ? Non parce que j'en ai un deuxième et celui-ci se déclenche de manière aléatoire. »

D'une main et de paroles creuses, tu l'avais éloigné bien trop rapidement. Finalement, ton alice pouvait bien l'atteindre au fond de lui, quoi qu'il ait pu scander par le passé.
Mais c'était naturel et tu ne lui en voulais pas (plus). N'importe qui aurait pu être décontenancé devant un pouvoir aussi vicieux et intime-idant.

— « Oui, exactement. Un deuxième alice. Comme si ça suffisait pas que mon corps devienne une bombe à retardement à chaque contact, il a fallu qu'il se transforme aussi en aimant maudit destiné à tout provoquer ce malheureux... » Tu articulas grossièrement, à bout. « ... contact. »

Que Dieu te fiche un peu la paix, bon sang !
C'est ce que tu aurais prié si tu croyais en son existence, ce qui n'était pas le cas. Les seules en qui tu plaçais ta foi, c'était tous les autres. Tout tes amis, ceux à qui tu avais juré fidélité et loyauté excessive.
Azrael en fut parti, un jour. Avant qu'il ne soit parti pour de bon de la partie.

— « SI ! Il y a un problème. Le problème c'est qu'il ne m'aime plus et que peut-être que moi encore un peu ! Peut-être que le problème c'est que tu reviens comme une fleur à être aussi gentil alors que je le mérite pas après t'avoir jeté ! LE PROBLEME vois-tu mon cher c'est que j'ai juste envie de pouvoir embrasser qui je veux savoir avoir peur de provoquer une catastrophe !! »

Tu t'étais mise à pleurer, de haine.

— « J'en ai rien à foutre des risques, rien à foutre de Miss Windsor et de son thé. Rien à foutre d'être grossière, rien à foutre. J'en ai marre, je veux faire une bêtise pour la première fois et arrêter d'attendre qu'on m'abandonne pour pleurer. »

Est-ce que tu avais peur Laëstiel ? En le regardant, admirative de combattre la sienne - de peur -, la tienne s'était totalement envolée. Le coeur léger et la respiration haletante, tu l'avais contemplé comme dans l'attente d'un premier pas.
Sans vraiment prendre conscience de ce que tu attendais, espérant pour ta verrue et ta conscience qu'il se rétracte de lui même à la perche que tu lui avais tendu.
Qu'il ne fasse pas le saut dans le vide, alors que tu te positionnais toi-même face à la falaise.

— « Je... Non, je n'ai pas peur. »

Grâce à Anaël, tu avais combattu les craintes de ton alice, tu avais (un petit peu) accepté les conséquences et tu avais cessé de te diaboliser en responsable.
Ce n'était pas toi qui provoquait tout ça, c'était lui.
Si on te désirait, ce n'était pas grâce à lui. Si on allait au bout, peut-être qu'il y participait.

Tout dans votre échange transpirait la "deuxième fois".
Azrael t'affirma que tu méritais mieux.
Tu t'en voulais d'y croire, ça t'avait presque arraché les larmes. La gorge nouée, il t'avait libéré une seconde fois dans un souffle soulagé.
Respiration vite coupée par son étreinte, et ses lèvres qui vinrent se plaquer aux tiennes.

Tout dans votre baiser embrassait la "deuxième fois".
Tu l'avais accepté dans tes bras pour te serrer contre toi, balayant d'un battement de cils toutes les insécurités que tu avais pu ressentir depuis le début de votre échange, depuis la première fois. Ce baiser n'avait rien de similaire à celui dans tes souvenirs, traumatisant par la violence et la rudesse arrachées à votre innocence passée.
Cette fois-ci, tu étais prête et il l'était aussi.

Vos corps basculèrent en arrière, heurtant bruyamment la paroi en washi (manquant même de la traverser) avant de finalement tomber à la renverse sur le tatami.
Sentant les effets de ton alice sur son corps, et malgré le désir qui toi même t'embrasait entièrement, tu avais décidé de plaquer tes mains sur son torse pour le repousser, et ainsi lui offrir de nouveau la lucidité. Il avait sauté le pas, il méritait de retrouver la conscience pour faire son choix.

— « Az.. Az. Est-ce que... ça va ? »

Tes joues chauffaient de par leur rougeur accrue, terriblement gênée par ce dérapage.
Une deuxième fois.
La plus belle de toute.

— « Je... Miss Windsor a pu nous entendre. Ou une autre des filles. Je ne veux pas qu'on nous trouve ainsi. »

Mais tes lèvres tremblaient, secouée par le mensonge que tu te forçais à énoncer par omission. Par sens du raisonnable.
Une dernière fois.

Il avait éteint toute protestation et tu n'avais eu qu'à battre des cils pour t'abandonner totalement à ses bras, à ses lèvres. La culpabilité de la déloyauté dévorée par le désir d'être enfin reconnue pour ce que tu étais, d'être de nouveau désirée alors que l'amour qui battait encore son plein dans ta poitrine agonisait.

Tu le laissas donc faire, répondant chastement à ses baisers et ses caresses. La peur de ton alice avait développé chez toi des comportements divergents, hésitants parfois malgré la brutalité de certains de tes gestes. Tes jambes s'enroulèrent autour de son buste, et les effluves du thé se mélangeaient aux vapeurs aphrodisiaques.


C'est une fois l'étreinte brisée, les bras croisés sur ta poitrine humide que tu te frappes de ton kimono pour le remonter sur tes épaules.
Tu n'étais pas fière de ce que tu avais fait, assumant que partiellement la trahison envers Anaël et la bassesse avec laquelle tu t'étais soumise à ton propre alice.

Tes yeux papillonnèrent vers la silhouette d'Azrael. Allait-il lui aussi te tourner le dos maintenant qu'il avait pu acquérir ce qu'il était venu chercher ? L'angoisse montait alors que tes émotions chaotiques dominaient tes états d'âme.

— « Je... Nous... Nous. »

Tu te redressas lentement, les jambes encore titubantes.
La marche de la honte.

— « Je dois y retourner, les filles vont s'inquiéter. »

Décoiffée, essoufflée, comment assumer devant Juno ce qu'il s'était passé ?
Comment affronter l'éventualité d'une rumeur si Azrael ne tenait pas sa langue ? Tu perdras ta place de princesse fleur, assurément.

— « Je dois y aller. »

Fuir était une réalité, mais être fuyante une fatalité.