le ciel pleure.
il y a cinq minutes, il était bleu et beau, ils n'avaient pas à craindre les sanglots des anges ; non ils n'existaient qu'en ayant quinze ans presque seize, un joli samedi après-midi. on se soucie davantage du col des chemises que des caprices d'en-haut à cet âge, l'on préfère se regarder dans les yeux qu'imaginer devoir faire demi-tour pour choper un parapluie tout en haut, dans des chambres réservées à l'élite.

pandora et orion en sont terrifiants, de faire partie de cette élite ; ils ont cette aura de personnes qui deviendront grandes et terribles dans quelques années, de ces individus qui mettront toute leur force dans l'idée de trouver où se situera leur propre gloire, leur propre réussite. orion a déjà le major brodé à son cou mais il n'en fait guère des histoires, se dessine paisiblement dans son propre prestige, qui s'avère normal après tant d'efforts. son coeur est pris au devoir, et il n'envisage l'amour que dans un futur lointain, quand son univers sera assez stable à son goût, assez droit pour qu'il trouve vraiment le temps d'accorder des caresses dans les cheveux et des baisers sur les lèvres.
quand il lève les yeux pourtant, l'on devine l'esquisse déjà de la passion et de ses retords, quand il est pris d'un fou-rire car ils ont raté le bus et qu'ils sont même coincés sous l'arrêt de bus, l'on devine les envies de s'en aller loin où l'on ne pourra les retrouver. il ne peut pas être une statue, il se sait pour l'instant icare tremblant qui ne doit pas brûler trop près du soleil car ses ailes ne sont pas assez solides pour un coeur plus lourd d'affection. mais alors tout de même, ses yeux rient gentiment quand les mèches de pandora sont collées à son front et que les siennes aussi. il reprend sa respiration - de toute manière c'est trop tard, le bus est parti sans eux mais ils sont ensemble, voilà là le plus important - et vient plaquer deux mains affectueuses sur le front de sa compère pour lui dégager la peau des cheveux en filaments. son geste est franc à son image, facile car il est plus grand (dans sa mémoire, pandora a toujours été plus petite) ; pas vraiment brusque d'amour mais il est fait car nécessaire - bien qu'il l'aurait laissée le faire si ce n'était pas elle. peut-être qu'il a un peu envie de toucher son visage et c'est pour cela qu'il s'est permis. peut-être que sans la sensation d'être un enfant de la société avant d'être celui de ses parents, il l'aurait même embrassée. t'es quand même plus jolie quand on voit tes yeux.

cette tendresse est immense qu'elle ne pourrait être décrite. si l'on demandait à orion à dix-huit de décrire cette myriade de sentiments ressentis aux côtés de pandora, il ne pourrait pas le dire, pas le souffler. il y a des choses qui ne se sont pas faites pour être verbalisées ou écrites.
c'est beau de se sentir invincibles, c'est beau de crouler sous le poids de l'autre et d'accepter cette pression sur le coeur - ah oui tant qu'il n'éclate pas tout va bien, tant qu'ils ne cadenassent pas cet instant, pour orion tout se déroule sans accrocs. cette intensité, il ne la renie pas mais ne désire pas la nommer ; il la veut existante sans la conscientiser dans son entièreté. il ne faut pas qu'elle dévore la destiné et s'immisce de trop là où il n'y a pas de place.

son souffle est retenu une seconde, puis deux, qu'il aimerait ressenties mille, avant qu'il sente ses poumons se décontracter. son coeur bat à toute allure. il ne peut pas s'empêcher de penser à quel point il chérit ce moment, et se projette encore plus dans le futur quand pandora prend la parole - c'est vrai qu'il est rare de le voir se décrocher à des plans précis. il ne peut pas s'empêcher de sourire en la voyant lire en lui si aisément mais surtout avec tant d'amour, tant d'indulgence. ce n'est pas un reproche, il le sait. il est comme ça et elle a fait le choix d'accepter cette part d'orion qui fait qu'il est toujours absent, car avec une mesure d'avance. t'es d'humeur poétique dis-moi ! il ne rougit pas au contact car cette présence qu'est pandora semble innée, facile. c'est rassurant, un peu. et la sentir dessiner ses traits qui fait de lui un humain, cela le conforte dans sa propre existence.

cela lui rappelle qu'il a le droit d'être aimé, touché, cajolé...

mais j'aime bien tes humeurs poétiques alors tu peux continuer, hastings. il la taquine gentiment en lui autorisant quelque chose dont elle aurait le droit sans même avoir son avis, toujours d'une affection débordante. et même si tu ne continues pas, j'aime toutes tes humeurs. sauf quand tu discutes avec les pigeons. une petite pique joueuse, il ne peut pas s'empêcher de sourire encore plus sous la lumière de pandora.

lui aussi aimerait entendre le chuchotement des oiseaux pour avoir un point commun supplémentaire avec pandora ; mais cette petite manie, cette vague habitude, il ne l'aime que sur elle. il ne l'aime juste que parce que c'est elle et sur autrui, il la trouverait peut-être absurde.

mais pandora est aussi raisonnée qu'absurde. les peaux se frictionnent et orion frissonne. c'est toujours étrange à cet âge-là, de découvrir ce genre de sensations. toutefois, malgré tout, il y a une morale, un interdit créé de lui-même qui l'empêche de se donner totalement à pandora. lui sourire de toutes ses dents en cet instant, la regarder avec toute la tendresse qu'elle méritait. il la laisse faire encore un peu, le coeur toujours vif et au garde-à-vous face à l'amour. front contre front il l'observe, profite de cet instant précieux à deux ; ce trouble-là, il le ressent aussi. moi aussi tu me troubles. c'est un aveu simple en écho, il n'a pas honte de ce dernier tant qu'il ne dépasse pas ces limites-là qu'il ne peut pas oublier, ne pas se détacher.

c'est un drôle de jeu bien sérieux où ils doivent apprendre à se retenir, se détacher et revenir à l'autre, sans jamais se blesser. ainsi l'équilibre persiste et personne ne culpabilise encore. si on nous croise comme ça les gens vont croire que nous sommes en couple. l'image l'amuse et ne lui déplaît pas ; mais ce n'est pas quelque chose qu'il envisage, peu importe à quel point il apprécie pandora. ils sont trop jeunes et lui trop déterminé à d'autres choses. ce qui le maintient à l'adolescence ne sont que sa taille, son corps, son rang et son haleine mentholée saveur chewing-gum qu'il mâchait auparavant car il en apprécie secrètement la saveur trop sucrée, presque écoeurante.

oui ils sont encore jeunes, trop jeunes à ces yeux pour considérer l'amour et pourtant - il ne s'écarte pas. il la fixe dans les yeux.