J’avais espéré qu’elle lâche l’affaire. Année après année, les refus s’enchainaient et pourtant, Aries était toujours là. L’air innocent auquel je ne croyais plus, toujours à demander mes contacts imaginaires avec créateur de jeux nippons.

Ce jour-là ne faisait pas exception.

Déjà, dès mon réveil, les douleurs s’étaient réveillées dans mon bras, comme tous les lendemains des jours de pluies. La matinée avait été désastreuse, me rendant encore plus sec que d’ordinaire. Le risque était plus grand lorsque les tentacules étaient de sorties. Il me fallait encore plus de hargne.

Je n’attendais que la fin des cours pour agoniser sur mon lit.

Mais je la sentais derrière mon épaule. Peut-être se pensait-elle discrète, mais j’avais appris avec les années à discerner cette menace. Je soupirais, je n’étais pas prêt d’être tranquille.

De toutes les personnes que j’avais à protéger de ma personne, Aries était sans doute la plus compliqué à gérer.

Surtout qu’avec mon état, je ne pouvais pas courir.

J’aurais voulu nous éloigner davantage de la foule, puisque je savais que m’enfuir serait impossible  dans ces circonstances. Ma volonté était de l’emmener au bout du parc, mais pour cela il me fallait traverser le parc. Un risque que je pris, malgré la panique que pouvait me procurer les foules.

Mauvais choix, la méduse m’intercepta au niveau de la fontaine. Le pire endroit que j’aurais pu imaginer. Même si elle ne faisait que me tirer la manche, je ne pus retenir un sursaut et une montée d’adrénaline. Mais je récupérai ma contenance et je me retournais à son appel, complètement désabusé.

« Aries. »

Si elle n’avait pas compris qu’elle était une nuance, mon ton devait faire la faire. Je ne la laissais pas le temps d’articuler le moindre mot que je continuais :

« Je sais pas ce que tu veux, mais je te dis déjà que c’est non pas la peine d’insister. Trouve quelqu’un d’autre à emmerder... »

De toute façon c’était très probablement pour pokémon. Il était hors de question qu’elle sache que j’y jouais très régulièrement et que je collectionnais les shineys. Je devais mourir sans faillir une nouvelle fois, et si elle savait, elle ne me quitterait pas d’une semelle. Avait-elle déjà oublié la dernière fois ce qui s’était passé ? Cette pensée me serrait le cœur.

Même si elle était collante, je n’avais vraiment pas envie de la blesser. Comme pour n’importe qui d’autre.

Elle était encore plus suppliante que d’habitude, ce qui me broyait légèrement la poitrine.

Je pourrais presque croire que c’était pour quelque chose d’important, mais cela faisait bien trop d’années que ses plaintes tournaient sur des sujets superficiels. Ce n’était même pas comme si j’avais envie de l’aider, mais j’avais peur qu’elle s’approche encore plus si je ne laissais pas un peu de lestes. Faisons mine de savoir ce qu’elle voulait même si je m’en doutais.

« Sois plus précise, tu veux quoi ? Un pokémon, ou une main ou un œil en moins ? Je suis sûr que tu voudrais être une pirate… »

Une menace pour la force, même si je pense qu’avec les années, elle avait compris que c’était dans le vent. Plus jamais je ne voulais relire l’effroi dans les prunelles de mes semblables. Je me rappelais  encore la fois où elle s’était effondrée, inerte. Je chassais cette pensée et lâcha, las.

« Je vais te le dire une dernière fois, mais ce n’est pas parce que j’ai un nom japonais que je connais les gens de Game Freak, je ne suis même pas sortie d’Irlande… »

Je savais qu’elle ne m’écouterait pas, mais j’espérais un miracle. Mon bras me faisait souffrir le martyre. J’avais peur qu’à tout moment quelqu’un me bouscule et que tout s’évapore.

Littéralement.

Que cela devait être agréable d’être inconsciente comme l’italienne, où la raison de vie ou de mort n’était qu’une nature rare ou un shiney.

Je connaissais déjà le scénario, l’enrobage était pour la forme. Comme essayant de me débattre de ce regard suppliant, j’essaie de rassembler mes forces pour ne pas faiblir. Depuis que je la connaissais, j’avais réussi à lui dire non. Si je lui tendais la main je lui prendrais le bras. Je m’attendais à beaucoup de choses, mais au final le délai dérisoire de son supplice ne put que me faire esquisser une pointe de déception.

« T’es sérieuse? iI m’a fallu une semaine pour… »

Ce n’était pourtant pas la première fois. Mes conversations avec Aries tournaient principalement autour de pokémon et mon refus de coopération. Je devais être rôdé à force des années, et pourtant. Les yeux écarquillés, je fixais la lycéenne non sans un pas de recul. J’avais dérapé, comme un début dans un bras de fer. Sans doute la douleur y était pour quelque chose. Elle m’avait eu à cause de sa nullité et son manque d’endurance. J’agitais mes mains, comme pour effacer la faute.

« J-Je veux dire que c’est un délai médian que j’avais entendu ! »

C’était trop tard, le mal était fait. L’attention sélective d’Aries ne pourrait ignorer cette information. Oui, j’avais presque tous les chromatique, j’avais aussi pu me rendre sur l’île Mirage. Le pire c’était sans doute que je m’y étais remis parce qu’elle en parlait souvent au collège. Même si je n’approchais pas des miens, la solitude était tel que m’intéressait aux mêmes choses que les vivants trompaient la souffrance. Je repris ma contenance, ajoutant :

« Ca reste un non, même pour garder mon petit-déjeuner entier. »

J'avais les oreilles fines pour ces conditions risibles.De toute manière les nausées matinales m’empêchaient de manger grand-chose, autant que cela serve à quelqu’un d’autre, surtout qu’en tant que sans étoile, elle finirait par crever de faim.

Je la fixais, sans trop comprendre la situation. Je me remémorai la conversation, déroulant petit à petit les scènes, jusqu’à réaliser. Elle parlait de son offre et non du temps. A cette révélation, je riais littéralement de ma propre stupidité. D’un simple ricanement naissait une euphorie pitoyable. Par la douleur, j’avais déformé ses propos, en me jetant dans la gueule de la Lougaroc.

Heureusement que la méduse était encore plus stupide que ma personne.

Un instant, j’avais oublié mon crime, ma sentence, la solitude. Sans doute que cela ressemblait à ça l’adolescence, devoir refuser de donner un pokémon chromatique et finir par se sauver d’un quiproquo normalement létal. Je repris mon souffle, la douleur ayant raison de l’ironie de la situation et répondit :

« Trois petit-déjeuner et  1.5 dîners et je peux peut-être consentir à te filer le code ami de quelqu’un qui pourrait l’échanger contre un Zygarde chromatique…  »

Je marquais la pause et fuyait son regard. Impossible de lui dire que c’était moi l’ami, Mais si elle était au point de sacrifier son raquette, je pouvais peut-être abandonner ses années de refus. Il était probable que le rire et la douleur m’avait grillé quelques neurones. Le visage fermé, j’ajoutai :

«  Ah et ce n’est pas quelqu’un de Nintendo, avant que tu t’emballes. »

Rapidement, la réalité me frappa. J’avais sans doute vendu le peu de tranquillité qui me restait. Pourquoi j’avais fait ça ? Je m’étais promis depuis mon arrivée que je ne m’approchais plus de quoique ce soit. J’avais enduré ses jérémiades des années durant, sans jamais céder cette solitude qui me hurlait de la faire disparaître. Son imbécilité avait dû me contaminer.

Les regrets pointaient déjà le bout de leur nez.


@Aries C. Amaro

Les regrets s’empilaient petit à petit. La méduse tenta les yeux de chiots, et je résistais pour ne pas de retrouver avec elle dans les basques pour l’éternité. Déjà sans ça, Aries se faisait très présente. Devant sa question naïve, je ne pus retenir un air de compassion, et d’un peu de pitié aussi avouons-le. J’oubliais quelque fois qu’elle n’était pas irlandaise et que quelque fois les mots un peu complexes devaient ressembler à une incantation occulte.

Finalement peut-être que sa stupidité pourrait me sauver.

Les négociations continuaient, et le doute commençait à s’immiscer dans ses prunelles. Il était sûr que l’échange avec un inconnu paraissait bien plus étrange sachant qu’il n’y avait probablement rien à gagner. A mentir j’oubliais presque  d’assurer de mes arrières. Ses doigts s’éloignèrent et je pus enfin soupirer de soulagement. Je morflais toujours mais au moins elle ne risquait presque plus rien. Il était presque amusant de la voir si sceptique. Je grattais mon bras endolorie et dévia le regard.

« Consentir c’est … Céder. Tu devrais le savoir depuis le temps que t’es là.  »

Ce n’était pas vraiment le sens exact, mais je l’utilisais ainsi. Tant d’années à me battre contre elle, pour en finalement en arriver là. Pourquoi, parmi tous les autres jours, avais-je finis par abandonner. Elle m’avait donné une porte de sortie –inconsciemment- mais je ne l’avais pas saisie. Peut-être parce qu’elle m’avait rendu un peu sentimental avec le temps, qu’elle était un peu misérable à quémander des suites de 0 et de 1. Une pensée pour ce bébé que je n’avais pu voir s’y greffa. Peut-être que son attitude enfantine me faisait légèrement pensé à ce qu’aurait pu être ma vie autre part. Je repris, posant mes yeux sur ma camarade avec un sourire amusé :

« T’es vraiment dur en affaire… Viande et entrée. Dernier mot. Et s’il accepte, c’est que cette personne me doit un service. »

Moi qui n’avais pas d’amis, j’imaginais sans doute qu’en créant ce mensonge j’inventerais la vie que je ne mériterais jamais. Le ruissellement de la fontaine me faisait bourdonner les oreilles. En y pensant, je ne souriais presque jamais en temps normal. La souffrance et la fatigue de ce guet-apens avait eu raison de ma personne.

« Maintenant tu peux partir ? J’en ai marre de voir ta tronche. »

J’avais eu du mal à y mettre de l’hostilité. Je réfléchissais déjà à ce que je pourrais lui demandais en tant qu’ami de moi-même. Qu’échangeait-on entre deux dresseurs de Pokémon normalement ?

@Aries C. Amaro

La tension dans mon bras avait diminué, si bien que les tentacules avaient dû commencer à se résorber. Même si les négociations n’étaient pas totalement terminées, j’avais la certitude que bientôt on fera chemin séparé. Adieu piaillerie et bonjour le calme pour souffrir en paix. Le soir elle voulait choisir ? Pourquoi pas, de toute manière ce n’était pas comme si je finissais mes repas en temps général.

Je me rendais compte que j’étais probablement une sorte de distributeur, ce qui m’amusait autant que cela m’attristait. Au moins cela servait pour un vivant, mais je me questionnais sur sa capacité à survivre sans ma présence. Dans un coin de ma tête, je me remémorais le nombre de rabbits qu’elle m’avait emprunté « furtivement » depuis que je la connaissais. Cette connaissance s’emporterait dans ma tombe. J’étais probablement dispensable même si la méduse m’harcelait.

Etrangement cette pensée me rassurait.

« C’est bon pour moi. »

Son rire bien trop puissant détonnait dans l’air, mais je ne bronchai pas. Aries avait cette fâcheuse manie d’aléatoirement de s’éclaffer à cause d’une blague imaginaire. La lycéenne était insondable, presque un sketch, mais j’avais appris à ne plus vraiment réfléchir. Aussi intelligente qu’idiot, elle frima sans retenue. Je la jugeais d’un soupire et d’un air de pitié mauvais. Elle ne méritait même pas que je réagisse à ce stade. De toute manière quoi que je puisse dire, elle n’aurait pas écouté un traitre mot.

Le vent changea, m’offrant la référence à la saveur d’une menace. Sans effet. Qui du monstre ou de la Gorgone devait avoir peur de l’autre ? Je levai le bras mais j’abandonnai rapidement. Elle ne se retournerait pas. Je réagis dans ton égal avant de moi-même rebrousser chemin :

« Je suis un homme de paroles tant qu’on me colle pas trop… »

Tant que la distance était suffisante, peut-être que je pouvais tester ce que ça faisait d’avoir un ami. Je me dirigeai vers ma chambre, culpabilisant de cette faiblesse d’âme. Mais si c’était Aries, alors peut-être que ça irait tant qu’elle ignorait que je serais l’ami. Elle n’avait de toute manière aucune considération pour ma personne, peut-être même que maintenant qu’elle avait ce qu’elle pouvait de moi, elle me laisserait en paix.

Je tentais de me rassurer, mais j’avais simplement failli. Je me sentais sans doute trop seul, je créais ce lien factice pour poursuivre la sentence.

J’attendais quelques minutes, le temps d’arriver aux dortoirs. Je sortis mon portable et de ma main valide je pianotais avec appréhension.

Tant années de guerre et un simple quiproquo avait eu raison de mes convictions. La vie était vraiment vicieuse quand elle voulait.


@Aries C. Amaro e n d