La face cachée de la lune // Stelian

– The twilight is coming
But why you're just looking at me
When the moon covers the sun
I feel Ilike I'm alone

La journée s'étire aux confins des fenêtres – d'insipides rayons doré glissent laborieusement sur les tables, terme marée. Dans l'air il y a de la poussière qui stagne en halo presque effrayants de fixité. Les cours sont terminés. Les garçons viennent lui parler. Elle dissimule de petits rires emperlés derrière ses paumes affairées. L'un d'eux se propose pour ranger ses affaires – du bout des doigts, elle lui envoie un baiser très poudré. Elle ne pense à rien de particulier.

Mais Stelian arrive – toujours élégant, le visage beau et fermé. son cœur bat plus vite ; et ce n'est pas de la peur, ni même de l'amour. Elle ne lui plus parlé depuis... Depuis. Elle considère qu'il s'agit là d'une fin tout-à-fait acceptable, puisqu'elle l'a choisi seule. Yingyue ne s’embarrasse pas des considérations d'autrui. Elle laisse tout cela à la porte de sa chambre ; aux mauvais payeurs de se débrouiller avec ce qui reste derrière elle. A Stelian, elle a laissé une débâcle à la hauteur de son prestige, mais très discrète, pour ne pas qu'il (qu'ils, qu'on) l'embarasse. Le fruit pourri de leurs rencontres répétées est son secret, et elle craint maintenant que Stelian, l'altier Stelian, le superbe Stelian, pour lequel elle éprouva une bien sinistre intérêt d’hypnotiseuse – ait mis la main sur son trésor putride.

« Excusez-moi les amis, je dois vous laisser, on a rendez-vous au club de danse, c'est très très important, pardoooooon ! On se parle par sms <3 »

Ses mains tremblent – lorsqu'elle agrippe son sac, avec tout juste assez de retenue pour ne pas qu'on devine les lâches tentations qui l'animent – il faut fuir très vite, avant que sa trahison la rattrape.

la face cachée de la lune
yingyue x stelian

— trois semaines et trois jours.
le temps nécessaire pour dissiper toute trace de nervosité sur ses traits habituellement fermés et graves, de connaître la simplicité des émotions quand on les laisse nous submerger avec cette barrière de sécurité qui évitera la déferlante - et ce même temps aussi pour le voir réapparaître hors des salles de cours dès la fin de la sonnerie, le pas pressé les mains raides la respiration anarchique.

Stelian ne pouvait plus éviter les bruits de couloirs dégueulasses qui coulaient autour de lui et dont il se protégeait encore depuis plusieurs jours - elle pouvait pas faire ça.
il se le répète encore en boucle dans sa tête.

il n'est pas furieux
pas dépité
ni déçu
tout ça est mis sous clé jusqu'à ce qu'elle le voit arriver, du bout du couloir, au milieu de sa cour à elle ; ; qu'elle crache cette putain de vérité ou démente, peu importe, mais qu'elle parle par pitié.

il déglutit, sachant pertinemment que la réponse se trouve là, à quelques mètres, entre ses lèvres mutines et sa peau sucrée, à la saveur d'antan comme quand on dit c'était mieux avant.

Elle s'enfuit il l'aperçoit et hésite un instant - il a pas vraiment envie de savoir.
Seulement besoin.

Et tant pis si on s'étonne de le voir presque courir pour la rattraper, les rumeurs courent déjà bien assez sans le moindre fond de vérité - si seulement.
À sa hauteur il agrippe son poignet si frêle si mince et la lâche aussitôt alors pour ne pas la froisser - elle seule peut le libérer de l'idée délirante d'avoir été père pendant quelques jours.
Avant qu'elle foute tout ça en l'air.

Stelian se débrouille pour acculer son ancienne amante contre le mur du couloir et l'empêcher de fuir, se retient de la brusquer, toutes les barrières de l'acceptable effondrées quand il a croisé son regard de poupée.

▬ Dis-moi que c'est faux.

La fureur finalement est revenue au galop ça lui a échappé.
Le contrôle la maniaquerie de le détenir tout ça c'est du passé.

▬ Dis-moi que c'est des conneries, tout ce que j'entends depuis plusieurs jours.

Dis-moi que t'as pas fait ça - le ça est trop dur à verbaliser encore.

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– The twilight is coming
But why you're just looking at me
When the moon covers the sun
I feel Ilike I'm alone

Elle a le cœur serré – car Stelian est trop majestueux, trop infaillible dans toute sa menaçante solennité. Sa beauté tyrannique la ferait presque sourire avec fierté – et elle le sait ; c'est bien cet orgueil, son orgueil insignifiant de poupée, qui l'a perdue ; il était déjà trop tard pour elle, lorsque les mains se Stelian glissaient avec rudesse sur ses courbes, deux grandes ombres indélicates et bienfaitrices. Orgueilleuse yingyue ; le cœur de Stelian à présent l’embarrasse, mais c'est par pur amour propre qu'elle s'y raccroche, acharnée.

Et lorsqu'il la saisit par le poignet, elle a l'impression de ne plus toucher terre – elle ne dit rien, c'est inutile. Bien sûr, il ne s'attarde pas – elle regrette presque la sensation douloureuse de sa colère autour de son poignet, vivace, absolue.

« Je ne vois pas de quoi tu parles » elle le défie ; elle est perdue, il ne lui reste que sa suffisance de marionnette ; et même cela, ce n'est pas grand-chose.

C'est lasse – qu'elle se laisse attraper, devant tout le monde ; il la plaque au mur, trophée disgracieux ; elle ne le regarde pas – non par honte, ni lâcheté – elle veut lui laisser une chance ; celle de la peine primaire, de la rage brute – si il croisait son regard, il n'y verrait rien – rien d'autre que de l'amertume indifférente.

« Ne me dis pas que tu crois toutes les rumeurs débiles qui circulent » elle énonce, platement. Elle sait d'avance que cela ne suffira pas à le calmer – et dans le fond, cela la réjouit un peu – elle, futile, insipide poupée aux yeux morts, assiste à présent à la renaissance de Stelian au-delà de son impitoyable régularité. Dire que ces sentiments si purs, si vivaces – sont de son fait sans intérêt ! Elle soupire.

« Écoute » elle lève enfin les yeux, et son visage la surprend – il est si authentique. Cela lui fait presque peur – n'a-t-elle pas créé un monstre ? « on devait en parler autre part... Y'a trop de monde là... Je dis ça pour toi... »

Elle s'efforce de regarder sans faillir – l'incertitude des émotions humaines.

la face cachée de la lune
yingyue x stelian

Je ne vois pas de quoi tu parles

Et là, pour la première fois de sa vie et sans qu'il s'y attende, Stelian sent son palpitant manquer un rythme, ses muscles se tendre et son corps entier se pétrifier en écho de son esprit qui n'est plus qu'un méandre anarchique de pensées délirantes et putrides.

Son poing se ferme et il en faut de peu pour qu'il ne le redirige pas sur le visage laiteux de Yingyue - dans toute son horreur il ne se permettait pas de lever la main sur une femme - et c'est bien parce qu'il savait sa rage primaire injustifiée pour l'heure qu'il se contente de rester immobile, un pantin figé en attente du bon-vouloir de sa maîtresse.

Il se tord en ressentiment, il n'est plus que fureur hurlante en dedans et s'accroche aux lèvres de Jiang.
Elle ne peut pas.
Elle ne peut pas avoir fait ça - et il est impossible qu'il ait manqué ça.

La voix cristalline s'élève et brise le mutisme accablant son corps, il ne se décrispe pas et se contente de suivre le mouvement du petit corps si frêle qu'il diabolisait depuis
trois semaines et trois jours

▬ Dépêche-toi.

la voix est tranchante une fois une intimité créée
il n'a plus la force ni la patience de réduire au silence les sursauts d'émotions qui revenaient en pleine gueule - lui qui les taisait si bien habituellement
qu'elle parle
quitte à fracasser ses certitudes et remettre son monde à l'endroit

tout s'était cristallisé en deux nano-secondes, du self-control permanent à une avidité de savoir, se délivrer d'un poids qu'il ne voulait pas le sien - et tant pis si c'est un autre qui est impliqué, sa culpabilité sera soulagée, et les traumatismes d'enfant seront remis au placard, dans une boîte, verrouillée avec la clef jetée on ne sait plus trop où.
Et on pourra faire comme avant.

Et puis Yingyue on sait
quelle tendance elle a de se défiler, jeter les problèmes à la plèbe et laisser les tracas à défaire aux innocents - le mieux serait de ne laisser aucun échappatoire, alors.

▬ Est-ce qu'il était de moi ?

Montrer qu'on sait
qu'on sait et qu'on veut l'avouer
Sans que ce soit la fierté qui soit heurtée, simplement un semblant d'humanité réanimée.

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– The twilight is coming
But why you're just looking at me
When the moon covers the sun
I feel Ilike I'm alone

Son poing se referme dans le vide – et c'est terrible, elle ne sent rien. Elle essaye avec ardeur – de se figurer les doigts de Stelian sur sa gorge, le présage sourd de la douleur – rien ; elle doit se contenter de promesses muettes, aussi cruelles que réconfortantes, de châtiments fictionnels. Elle tend la nuque, lui présente sa joue, provocante – Stelian lui réserve d'autres formes de violence, plus terribles, plus implacables.

Ils se sont éloignés, et à présent, elle regrette l'attention sans issue de la foule ; l'audience à laquelle on ne ment pas. Elle regarde à nouveau ses pieds – appréhendant toujours de trouver dans le regard de Stelian – quelque éclats ternis de faiblesse impromptue. Elle attend.

Est-ce qu'il était de moi ?

Elle ricane, perfide, défaite. Si elle était gentille – elle poursuivrait sa mascarade ingénue, pleurerait, supplierait. Mais yingyue n'est pas gentille.

« et bien comme tu le sais tu n'es pas le seul le seul garçon avec qui je passe du temps.... » c'est une provocation. Elle ménage son cataclysme. « mais c'est très probable, oui. » Elle ose le toiser. Si seulement il pouvait se mettre en colère, la blesser – tout serait plus facile alors « excuse-moi Stelian » elle se confesse, mielleuse « mais ce n'est pas très grave, si ? » Elle joue avec une mèche de ses cheveux, feignant une indifférence penaude – désirant sa haine.

» te promettre la lune (aries)
» [FOOTER] PENSIONNAT DE LA LUNE ROUSSE
» et nos pas malhabiles vers la lune ▬ xan&dante
» cette nuit n'a ni lune ni étoiles ∞ sirius
» Lorenzo Del Duca | Celui qui cherche à décrocher la lune.